BRIAN GREGG RORY BLACKWELL HMV Jacques Barsamian

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BRIAN GREGG RORY BLACKWELL HMV Jacques Barsamian
d’amis. Il avait une peur bleue des filles qu’il
n’osait pas aborder. Au bout de quelques mois,
il est devenu populaire parmi nos collègues
grâce à son sens de l’humour. En plus, il aimait
chanter en travaillant. Il s’est acheté une guitare
en vendant sa bicyclette. On s’est mis à répéter
presque tous les soirs chez moi. Un jour, il
m’a dit : Tu sais Brian, je veux gagner ma vie
en chantant. Terence avait une bonne voix en
s’accompagnant à la guitare, et moi je maîtrisais
basse et harmonica, alors nous jouions après le
travail dans le métro. Les gens nous jetaient des
pièces, ce qui était nouveau pour nous ! Cela
rapportait plus que notre boulot. Sa reprise de
« Heartbreak Hotel » était sublime.
Jacques Barsamian revient sur
le parcours de Terry Dene, le
bad boy du rock’n’roll anglais.
Un sale gosse, dont la vie
est fascinante. Sa carrière de
chanteur est divisée en deux
parties, entrecoupées par une
longue période mystique. Que
ce soit avant ou après, il a
donné de très bons concerts
et réalisé quelques
magnifiques enregistrements.
C
hronologiquement deuxième vedette du
rock anglais, Terry Dene n’a inscrit que
trois titres au hit-parade. Mais là n’est
pas le plus important. Contrairement à Tommy
Steele, dont les orchestrations doivent beaucoup aux Comets de Bill Haley, Terry est
profondément inspiré par les disques plus
agressifs d’Elvis Presley. Il fait bien plus figure
de réponse britannique au King que Tommy
Steele. En 1957, il a la voix la plus rock’n’roll qui
soit dans son pays. Certains critiques estiment
que son riche organe vocal est un compromis
heureux entre Elvis Presley et Roy Orbison. Mais
Terry Dene est un enfant terrible du rock pour la
presse à scandale qui se régale à dénigrer ce
rebelle sans cause. Cela contribue à ruiner sa
carrière dans les années 50, à une époque où,
pour les médias, le rock est suspect.
HMV
Terence Williams voit le jour le 20 décembre
1938 dans Lancaster Street, du quartier
londonien d’Elephant & Castle au sud de la
Tamise. Bébé, il s’avère déjà nerveux. La seconde guerre mondiale n’arrange rien avec les
bombes qui tombent sur Londres. Enfant, il vit
dans un modeste deux pièces avec son père et
sa mère. Il est solitaire, introverti, timide, d’une
extrême sensibilité. En classe, hyper nerveux, il
lui arrive souvent de se bagarrer, des camarades
le chambrent, le brutalisent tandis que des filles
ne cessent de le taquiner. A six ans, Louise
Williams, sa maman, doit l’emmener voir un
psychiatre à qui elle confie : Terence n’est pas un
mauvais garçon mais il refoule en permanence
ses sentiments. Un peu comme moi. Pour son
bonheur, il y a la musique. Sa mère chante et se
débrouille convenablement au piano. Terence
apprend à en jouer sur le piano familial, passant
jusqu’à six heures par jour devant son clavier.
Johnnie Ray, Frankie Laine, Dean Martin,
Hank Williams sont ses premières influences.
A quinze ans, il reprend d’oreille les chansons
qu’il entend à la radio et dans un Youth Club
(MJC). Début 1956, Terence devient l’un des
premiers supporters anglais d’Elvis Presley,
dont il écoute avec attention les disques dès
leur sortie, étudie ses poses, ses gestes, ses
rictus. Quand ses parents sont absents, il met
à fond le tourne-disque et, comme bientôt
des millions d’adolescents, imite son chanteur
préféré devant sa glace. Il raconte : Après avoir
quitté l’école, j’ai fait plusieurs petits boulots.
Pour un marchand de cycles, car j’aimais le
vélo, j’ai été coursier ; puis j’ai été engagé au
stock dans le grand magasin HMV, près de
Marble Arch, à Londres, pour emballer les
disques. Tous les matins, on pouvait entendre
les nouveautés. Un jour, j’ai lu sur une étiquette
un étrange nom, Elvis Presley, que j’avais du mal
à prononcer. J’ai écouté « Heartbreak Hotel »,
un véritable détonateur pour moi. Elvis m’a
captivé. Lui, le rock’n’roll des années 50 ont
eu une importance majeure sociologiquement
aux Etats-Unis. Le rock’n’roll a balayé tous ces
préjugés qu’il y avait aux USA contre les gens de
couleur comme Little Richard.
BRIAN GREGG
Terry Dene avec Gene Vincent, Eddie Cochran
et l’imprésario Larry Parnes.
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En avril 1956, chez HMV, Terence Williams fait
la connaissance de Brian Gregg, futur bassiste
de Les Hobeaux, Johnny Kidd & The Pirates,
Vipers, Billy Fury, Tommy Steele, Wee Willie
Harris, Vince Taylor, Georgie Fame, Colin Hicks,
Eden Kane..., qui remplacera Heinz dans les
Tornados. Quand j’ai rencontré Terence, il était
très timide. C’était un solitaire qui avait besoin
Le magasin HMV possède un studio de répétition où sont réalisés des émissions de radio et
des maquettes. Brian Gregg poursuit : C’est là
que Cliff Richard a enregistré pour la première
fois « Lawdy Miss Clawdy » et « Breathless ».
Là également que les Beatles ont fait, en février
1962, des maquettes pour George Martin avant
d’être engagés chez EMI. Bien avant, Terry et
moi, on avait fait des maquettes dans ce studio.
D’abord en octobre 1956, puis trois mois plus
tard, on a gravé « Good Rockin’ Tonight »,
« Mystery Train » et « That’s Alright Mama ».
Les Bennetts de Les Hobeaux et Terry Kennedy,
qui copiait Scotty Moore, étaient à la guitare.
Lors de l’arbre de Noël 1956 chez HMV, Terence
reprend devant ses collègues « Poor Boy »,
« Hound Dog » et « Blue Suede Shoes » d’après
Elvis. Si cela plaît aux plus jeunes employés,
l’un des responsables murmure qu’il faut être
des poor boys (pauvres gars) pour écouter ces
stupidités. Terence retourne à ses emballages
de disques et HMV passe à côté de celui qui est
alors sans conteste le meilleur rocker du pays.
RORY BLACKWELL
Brian Gregg, l’ami fidèle, fait en sorte que
Terence ne soit pas découragé : Je l’ai entraîné
dans un club, le Cat Whiskers, où passaient
Leon Bell & The Bell Cats. J’ai demandé à Leon
Bell si Terence pouvait faire le bœuf avec son
orchestre. Il a pris le micro pour « Blue Suede
Shoes » et a obtenu une véritable ovation.
Margaret Russell, la petite amie de Brian Gregg,
future femme de Gene Vincent, lui présente le
batteur Rory Blackwell, qui l’a vu avec les Bell
Cats. Il l’engage dans son groupe de rock’n’roll,
les Blackjacks, très demandé dans les pubs

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