Stratification du risque dans les arythmies d`origine génétique (<1Mo)

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Stratification du risque dans les arythmies d`origine génétique (<1Mo)
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Stratification du risque dans les arythmies
d'origine génétique
Dr méd. Thomas Wolber
Médecin-chef, clinique de cardiologie de l’Hôpital Universitaire de Zurich
1. Le syndrome congénital du QT long
Deux variantes congénitales du syndrome du QT long existent et si le syndrome de Jervell Lange-Nielsen (JLN) est
associé à une surdité, celui de RomanoWard ne l’est pas. On distingue différentes formes de ce syndrome en fonction de chaque mutation causale. Les
plus fréquentes sont les formes LQT1 et
LQT2 qui sont liées à la mutation d’un
canal potassique ainsi que la forme
LQT3 liée à la mutation d’un canal sodique. Les manifestations cliniques
sont souvent dramatiques. Des enfants
et des adolescents jusqu'alors en bonne
santé sont victimes de syncope, d’arrêt
cardiaque ou de mort subite d'origine
cardiaque. Les syncopes surviennent
dans le cadre de tachycardie ventriculaire avec torsades de pointes qui dégénèrent souvent en fibrillation ventriculaire. Chez des patients porteurs de la
mutation LQT1, les événements se produisent le plus souvent pendant un
effort ou une situation de stress. Par
contre, chez les patients présentant un
syndrome LQT2, les événements sur-
viennent au décours d’un stress émotionnel comme un bruit soudain ou une
sonnerie de téléphone inopinée, notamment au repos.
La prévalence d'un intervalle QT allongé
chez des bébés âgés de 3 semaines est
de 1,4% (QTc : 440-469 ms) ou de 7 pour
mille (QTc > 470 ms).
On peut mettre en évidence une mutation chez tout juste la moitié des enfants qui présentent un QTc supérieur à
470 ms. Au total, la prévalence actuellement admise du syndrome du QT long
est de 1/2500. Il existe aussi des porteurs de mutations phénotypiques silencieuses (QTc < 440 ms).
A l’examen électrocardiographique (ECG)
on enregistre, outre un allongement de
l’intervalle T, différents types d'ondes T.
Des ondes T négatives profondes dans
les dérivations pré-cordiales, des ondes
T biphasiques ou encore des ondes T
caractéristiques présentant un aspect en
double bosse peuvent être observées.
La détermination de la durée de l'intervalle QT se fait à l'aide du QTc corrigé
par la fréquence.
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La formule de Bazett pour la correction
de la fréquence cardiaque est un outil
clinique important en dépit de l’imprécision dans les spectres de fréquence
supérieurs et inférieurs. Les intervalles
QT supérieurs à 440 ms sont considérés
allongés. Chez la femme des valeurs
jusqu’à 460 ms peuvent être normales.
L’allongement de l’intervalle QT chez la
femme est visible dès l’installation de la
puberté et pourrait donc être d’origine
hormonale. Bien que des syncopes
puissent aussi survenir lorsque l’allongement de l’intervalle QT est faible, le
risque augmente généralement avec la
durée de l'allongement de l'intervalle
QT. À partir de 500-550 ms, le risque est
nettement accru. En raison d'une pénétrance plus faible, un syndrome du QT
long peut aussi être génotypiquement
présent chez des sujets ayant un intervalle QT normal sur le plan phénotypique. À cet égard, par exemple un syndrome du QT long chez un membre de la
famille d'un patient atteint ne peut être
exclu sur le seul examen de l'ECG.
Dans les syndromes du QT long, on peut
noter des pauses sinusales de plus de 1,
2 secondes qui ne sont pas provoquées
par une arythmie sinusale.
Ces pauses peuvent déclencher des
arythmies et constituent un signe
d'alarme puissant chez les patients
présentant une forme LQT3.
Le syndrome de Jervell Lange-Nielsen
(JLN) est une variante récessive du syndrome du QT long. On retrouve la plupart du temps des mutations homozygotes des gènes KCNQ1 ou KCNE1. Les
patients présentant un syndrome de
JLN souffrent également d'une surdité
congénitale. Le syndrome de JNL est,
avec les formes très rares du syndrome
du QT long caractérisées par un bloc auriculo-ventriculaire congénital et une
syndactylie, la variante principale la
plus grave du syndrome du QT long.
Pratiquement 90% des patients souffrent d'événements cardiaques; arrivés
à leur 3e année, 50% des enfants sont
symptomatiques. Les patients qui ont
un risque plus faible sont ceux qui présentent un QTc inférieur à 500 ms et les
patients ayant une survie sans syncope
jusqu'à l'âge de 5 ans. Il est important
d'effectuer une étude génétique étant
donné que la mutation KCNE1 a une
évolution moins grave que la mutation
KCNQ1. Le traitement des patients atteints d’un syndrome de JLN est difficile
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étant donné qu'ils présentent dès leur
très jeune âge une symptomatologie
cardiaque et que les bêtabloquants ont
un effet peu important. L'implantation
d'un défibrillateur cardiaque doit donc
être prise en compte de façon précoce.
Dans le sous-groupe à faible risque
l'implantation peut être différée jusqu'à
l’âge de 8-10 ans.
Il faudrait par principe demander un
diagnostic moléculaire chez tout individu ou famille pour lesquels le diagnostic clinique de syndrome du QT long
a été posé ou suspecté. Un diagnostic
moléculaire positif (taux de succès de
70 à 80% environ) permet de poser le
diagnostic dans des cas cliniquement
limites ou chez des personnes qui semblent indemnes. En raison de la pénétrance variable de la maladie, il est très
important d'effectuer le génotypage du
cas index d'une famille présentant un
syndrome du QT long. Ce génotypage
permet le dépistage de tous les membres de la famille et l'identification de
10 à 35% des porteurs normaux de la
mutation phénotypiquement normaux
à risque accru.
La génétique moléculaire apporte une
contribution importante à la stratification du risque dans le syndrome du QT
long. On a pu montrer par des études de
génétique moléculaire que le taux d'arythmie potentiellement mortelle dans le
LQT1 était plus faible que pour d'autres
génotypes. 37% de tous les patients
ayant un type LQT1 sont porteurs d’une
mutation silencieuse et la grande majorité de tous les patients LQT1 ne souffrent jamais d’un événement cardiaque.
Malgré un tableau clinique impressionnant, près de la moitié de tous les patients LQT2 et LQT3 restent asymptomatiques. On a récemment pu montrer que
le phénotype était influencé non seulement par le gène atteint mais aussi par
la localisation de la mutation. Il est possible dans l'avenir que l’on puisse dans
certains cas effectuer une stratification
du risque non selon le gène mais en
fonction de la mutation en cause.
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Relation avec la mort subite du nourrisson:
En l’absence de contre-indications, les bêta-
La mort subite du nourrisson (MSN; sudden
bloquants sont le traitement de choix des
infant death syndrome ou SIDS) est la cause
patients présentant un syndrome du QT long
de décès la plus fréquente au cours de la pre-
symptomatique. Les bêtabloquants sont par-
mière année dans le monde occidental. Dans
ticulièrement efficaces chez des patients
une étude prospective, on a montré qu’un al-
LQT1. La mortalité annuelle s’établit à 0,5%.
longement de l’intervalle QT supérieur à 440
Chez les patients porteurs d'un LQT1, il est
ms constituait un facteur de risque substantiel
rare que la prise en charge aille au-delà du
de MSN. Actuellement on peut supposer que
traitement antiadrénergique.
11 à 13% de tous les cas de MSN sont dus à un
Les patients LQT2 et LQT3, qui sont plus fré-
syndrome du QT long.
quemment victimes d‘événements cardiaques
Traitement du syndrome du QT long:
potentiellement mortels sous traitement bêta-
Le déclenchement de la plupart des épisodes
bloquant, ont davantage besoin de traite-
d’arythmie potentiellement mortels au cours
ments supplémentaires. De même, les pa-
d’un syndrome du QT long est dû à une aug-
tients qui présentent un syndrome de JLN ne
mentation brutale du tonus sympathique.
sont pas protégés suffisamment par les bêta-
Ainsi, les traitements antiadrénergiques of-
bloquants.
frent la plus grande protection. Certains patients souffrent aussi toutefois de syncopes
La dénervation sympathique cardiaque gauche
pendant leur sommeil, au repos, voire aussi
est un geste chirurgical possible pour un trai-
lors d’un réveil soudain.
tement antiadrénergique durable. Elle consiste
en l'ablation des quatre premiers ganglions
thoraciques par une petite incision sous-claviculaire effectuée en 35 à 45 minutes. Cette
intervention concerne les patients à haut
risque. Par la dénervation sympathique on
obtient un raccourcissement du QTc, une
réduction importante des événements cardiaques et une réduction de la mortalité
pouvant atteindre jusqu'à 90%.
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On a assisté au cours des dernières années à
En particulier chez l'enfant présentant un syn-
une augmentation considérable, et en partie
drome du QT long, il faut poser l’indication de
injustifiée, de l'implantation d’un défibrilla-
l'implantation d'un défibrillateur avec circons-
teur chez des patients présentant un syn-
pection. Il faut toujours instaurer en première
drome du QT long. Un arrêt cardiaque docu-
intention un traitement antiadrénergique.
menté au cours d'un syndrome du QT long
Un problème supplémentaire chez le patient
avec ou sans traitement est une indication ma-
jeune est la nécessité de changer à plusieurs
nifeste de l'implantation immédiate d'un défi-
reprises batteries et électrodes, ce geste étant
brillateur. Il y a toutefois désaccord concer-
accompagné du risque infectieux correspon-
nant l'implantation d'un défibrillateur chez les
dant.
patients qui n'ont pas présenté d'arrêt cardiaque. Les patients atteints d’un syndrome
Les indications généralement acceptées à
du QT long ont souvent des syncopes accom-
l'heure actuelle pour la pose d'un défibrilla-
pagnées d'une résolution spontanée en rai-
teur implantable sont la survie d'une mort su-
son d'une tachycardie ventriculaire auto illimi-
bite, le souhait du patient ainsi que des syn-
tée avec torsades de pointes. Cela peut
copes sous bêtabloquants et la dénervation
déclencher par conséquent chez les patients
sympathique cardiaque gauche.
porteurs d'un défibrillateur plusieurs décharges du dispositif appelées «tempêtes ou
orages électriques». Ces «tempêtes» peuvent
constituer un fardeau psychique extrême pour
les sujets atteints. La fréquence de ces tempêtes électriques chez l'enfant présentant un
syndrome du QT long est supérieure à 10%. Le
fardeau psychique peut amener le patient au
suicide. Angoisses et douleurs peuvent entraîner une excrétion massive de catécholamines
qui favorisent la survenue de nouvelles arythmies et entraîner un cercle vicieux accompagné de plusieurs décharges électriques du défibrillateur chez des patients conscients.
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2. Cardiomyopathie ventriculaire
droite arythmogène
La cardiomyopathie ventriculaire droite
arythmogène (CVDA) ou dysplasie ventriculaire droite arythmogène est une
cardiomyopathie héréditaire caractérisée par des arythmies ventriculaires et
des modifications structurelles du ventricule droit (VD). À ce jour, on a identifié douze variantes génétiques différentes qui concernent principalement
les protéines desmosomales. Au cours
de la maladie on constate un remaniement structurel de la musculature ventriculaire droite qui est remplacée par
du tissu conjonctif et graisseux. Le principal symptôme de CVDA est la tachycardie ventriculaire. Le tableau clinique
s’échelonne d'une découverte électrocardiographique faite par hasard chez un
sujet asymptomatique, à des palpitations et syncopes et jusqu'à une mort subite. La prévalence de la CVDA s'élève à
1/5000 et représenterait jusqu'à 10%
des cas de mort subite chez des sujets
âgés de moins de trente-cinq ans. Les
patients présentant une CVDA sont
symptomatiques le plus souvent entre la
2e et la 5e décennie. Chez près d'un cinquième de ces sujets, la mort subite est
la première manifestation de la maladie.
Le diagnostic est basé sur des critères
établis qui comportent les modifications structurelles et fonctionnelles du
ventricule droit, des modifications électrocardiographiques spécifiques, la survenue d'arythmies ainsi que l'anamnèse familiale. Le diagnostic de base
comporte un électrocardiogramme, un
examen Holter ainsi qu'une échocardiographie. Les modifications structurelles
peuvent être correctement évaluées par
tomodensitométrie ou imagerie cardiaque par résonance magnétique (IRM
cardiaque). En cas de suspicion importante de CVDA, on effectuera des explorations invasives comme par exemple
une angiographie du ventricule droit,
une biopsie du myocarde (endomyocardique) et des examens électrophysiologiques afin de confirmer le diagnostic.
Des modifications ECG typiques surviennent chez plus de 90% des patients
présentant une CVDA. Les signes électrocardiographiques typiques de la maladie sont des ondes T négatives dans
les dérivations précordiales, au moins
jusqu'à V3, des ondes Epsilon en V1-V3
ainsi qu'un bloc pariétal avec un complexe QRS supérieur à 110 ms en V1-V3.
Chez les patients de 20 à 45 ans sans
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cardiopathie avérée, il faut suspecter
une CVDA en l'absence de blocs de
branche droit avec onde T négative en
V2 et V3. Quant à l'onde Epsilon, il
s'agit d'un signal de petite amplitude
présent dans le segment QRST après la
fin du complexe QRS. Ce critère diagnostique primordial est retrouvé chez
un tiers des patients. Un élargissement
du complexe QRS dans les dérivations
précordiales droites est noté chez les
deux tiers des patients. Une analyse
des potentiels tardifs peut avoir une valeur pronostique.
La taille et la fonction du ventricule droit
peuvent être analysées par échocardiographie, IRM et TDM cardiaques. Le critère diagnostique principal est une dilatation importante et/ou une insuffisance fonctionnelle du ventricule droit.
L'échocardiographie possède une valeur élevée comme examen de base de
dépistage non invasif. La structure et la
fonction du ventricule droit peuvent
être bien appréciées par l’IRM cardiaque. En outre, l’IRM permet une différenciation entre la graisse et le muscle, et comporte toutefois, en raison
d’une surinterprétation de petites mo-
difications, le risque d'un diagnostic de
CVDA faussement positif. Le diagnostic
ne doit donc pas être posé uniquement
à partir d'une IRM cardiaque.
Une biopsie myocardique est recommandée chez tous les patients qui présentent une suspicion de CVDA. En raison de la répartition régionale des
zones myocardiques pathologiques, la
biopsie du myocarde ne constitue toutefois un geste diagnostique que chez
un tiers des patients. La présence de
modifications typiques comportant un
remaniement fibro-adipeux associées à
la perte de plus de 55% des myocytes
peut permettre de poser définitivement
le diagnostic. De même, le diagnostic
différentiel avec d'autres maladies en
particulier la sarcoïdose peut se faire
par la biopsie du myocarde.
Le diagnostic différentiel de CVDA est
représenté par la tachycardie ventriculaire idiopathique qui ne comporte pas
de risque accru de mortalité et n'est pas
héréditaire.
La survie après un arrêt cardiaque, la
survenue d'une syncope et une maladie
du ventricule gauche identifient les pa-
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tients à risque élevé. Les patients
jeunes sont particulièrement en danger.
L'implantation d'un défibrillateur est la
méthode efficace afin de prévenir une
mort subite chez les patients qui présentent une CVDA. En prévention primaire ou secondaire, un défibrillateur
devra être implanté chez tous les patients qui remplissent les critères diagnostiques. Le bénéfice d'une exploration électrophysiologique pour évaluer
le risque n'est actuellement pas certain. Les sports de compétition sont absolument contre-indiqués. Pour assurer
un contrôle symptomatologique des
arythmies ventriculaires, il est souvent
nécessaire d'instaurer des médicaments antiarythmiques comme les bêtabloquants, le sotalol ou l’amiodarone.
Une ablation par cathéter des tachycardies ventriculaires réfractaires au traitement au cours d’une CVDA peut être
utile en traitement palliatif; toutefois,
ce geste n'apporte qu'un soulagement
provisoire. Dans de très rares cas une
transplantation cardiaque est nécessaire devant une progression de l'insuffisance cardiaque et une tachycardie
ventriculaire réfractaire au traitement.
3. Le syndrome de Brugada
Le syndrome de Brugada est défini par
des modifications ECG caractéristiques
et la survenue de syncopes ou d’une
mort subite chez des patients présentant un cœur normal sur le plan structurel. L’ECG montre typiquement une susdénivellation de ST dans les dérivations
V1 à V3 (sus-dénivellation du point J),
qui confère au complexe QRS un aspect
de bloc de branche droit. Des syncopes
ou des morts subites sont dues à des
tachycardies ventriculaires ou à des
fibrillations ventriculaires polymorphes
qui surviennent sans signe d’alerte
clinique.
La base génétique du syndrome de Brugada est constituée par des mutations
du gène SCN5A qui code le canal sodique cardiaque.
La prévalence de l'affection est variable
sur le plan régional, et ce dans le monde
entier. Dans de nombreuses régions, les
hommes sont plus souvent atteints que
les femmes. Des études réalisées au
Japon et en France ont montré des modifications typiques à l'ECG chez environ 1 sujet pour mille dans la population
normale.
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La mortalité annuelle est évaluée de
0,005 à 1 pour mille. Le syndrome de
Brugada pourrait être responsable de 4
à 12 % de tous les cas de mort subite et
jusqu’à 50% des morts subites chez les
patients présentant un cœur structurellement normal. Le syndrome de Brugada se manifeste le plus souvent entre
30 et 40 ans mais peut survenir à tout
âge. La plus jeune victime d’un syndrome de Brugada accompagné de
mort subite connue à ce jour était âgée
de 6 mois et la plus âgée de 74 ans.
Le spectre clinique de la maladie varie:
patients asymptomatiques présentant
des modifications ECG, syncopes survenant dans un contexte de tachycardie
ventriculaire auto-résolutive, voire tachycardies ventriculaires soutenues et
polymorphes, fibrillation ventriculaire
et mort subite. La symptomatologie clinique n'est pas inévitablement corrélée
à la morphologie des modifications
ECG. L'ECG apporte néanmoins des indications pronostiques. On différencie
les types 2 et 3 présentant des modifications moins importantes de ST de la
forme électrocardiographique typique
de type 1 décrite ci-dessus. Les modifications électrocardiographiques d'un
patient peuvent varier en fonction du
temps, voire disparaître complètement
de façon temporaire. Les modifications
électrocardiographiques peuvent être
démasquées ou accentuées avec l'administration d'antiarythmiques de classe
1c ou en cas de variations du système
nerveux autonome au cours d'une fièvre ou d'une fibrillation auriculaire. Un
ECG de type I est un indicateur d'un
risque accru de mortalité, qu'il soit
spontané ou survienne après administration d'un antiarythmique de classe 1c
et ceci indépendamment de la symptomatologie clinique. Jusqu'à 40% des
cas de nouveaux diagnostics électrocardiographiques d'un syndrome de
Brugada présentent des tachycardies
ventriculaires polymorphes ou une
mort subite dans un délai de 2 à 3 ans.
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Les patients asymptomatiques chez lesquels un électrocardiogramme pathologique est observé uniquement après
une épreuve de charge pharmacologique ont un risque comparativement
plus faible. Dans la maladie de Steinert
(dite encore de Curshmann-Steinert ou
dystrophie myotonique), de thorax en
entonnoir (pectus excavatum) ou encore de tumeurs médiastinales, on peut
observer des modifications électrocardiographiques identiques. C'est la raison pour laquelle il faut éliminer ces
troubles avant de porter un diagnostic
définitif de syndrome de Brugada.
Non traité, le syndrome de Brugada à
un pronostic défavorable. Un tiers de
l'ensemble des patients après une syncope ou un arrêt cardiaque souffre
d'une tachycardie ventriculaire polymorphe à nouveau dans un délai de 2
ans. Le pronostic des patients asymptomatiques présentant un électrocardiogramme typique de type 1 n’est pas
essentiellement différent. Les bêtabloquants et les autres antiarythmiques,
comme l’amiodarone, n'offrent pas de
protection fiable. Le seul traitement
efficace est l'implantation d'un défibrillateur.
Chez les patients symptomatiques, il
faut implanter un défibrillateur. Les
données de suivi allant jusqu'à 10 ans
ont montré une mortalité nulle (0%)
après mise en place d'un défibrillateur.
Le bénéfice clinique d'une exploration
électrophysiologique est discuté. Beaucoup de centres utilisent l'exploration
électrophysiologique associée à des
paramètres cliniques et électrocardiographiques pour la stratification du
risque. Un défibrillateur implantable est
indiqué chez les patients asymptomatiques présentant spontanément un
électrocardiogramme anormal et une
arythmie ventriculaire inductible. Les
patients dont l’électrocardiogramme
est spontanément normal et chez lesquels on observe uniquement après
provocation pharmacologique un syndrome typique de Brugada à l'électrocardiogramme sans déclenchement d'une
arythmie à l'exploration électrophysiologique ont à l'heure actuelle souvent
une indication en faveur d’une absence
d'implantation de défibrillateur. Toutefois ces patients doivent avoir un suivi
régulier et soigneux.
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