Muhy dîn Ibn `Arabî 560 H/1165 EC – 638 H/1241 EC
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Muhy dîn Ibn `Arabî 560 H/1165 EC – 638 H/1241 EC
Muhy dîn Ibn ‘Arabî 560 H/1165 EC – 638 H/1241 EC Biographie SLIMANE REZKI Muhy dîn Ibn ‘Arabî 560 H/1165 EC – 638 H/1241 EC Sidî Muhy ad-Dîn Ibn ’Arabî ()محي الدين بن عربي, ou Muhy dîn Abu Bakr Mohammad Ibn Alî Ibn ’Arabî al-Hâtimî, d'origine arabe plus connu sous son seul nom de Ibn ’Arabî il est également appelé « Sheikh al-Akbar » (le plus grand maître). Certains considèrent que son œuvre aurait influencé Dante. Dans le domaine métaphysique, il est le plus grand penseur de la doctrine ésotérique de la "Wahdat al Wujûd" bien qu’il ne l’exprime pas dans ces termes mêmes. Cependant de nombreuses expressions très proches sont disséminées à travers ses nombreux écrits. Il est celui qui développe également le mieux et le plus exhaustivement la notion de la Haqîqah al-Muhammadiyya qui avec celle de l’Unicité de l’être constituent la trame centrale de toute son œuvre. Ces deux notions constituent l’interprétation la plus élevée de la double attestation de foi. Ces approches lui valurent de nombreux ennemis dans le domaine exotérique. Dans l'ésotérisme islamique, il est considéré comme le "sceau de la Sainteté". Originaire d’un yéménite, la famille des Tayy vient se fixer en Espagne dès l’époque de ‘Abd al-Rahmân 1er. Son père est haut fonctionnaire, il aurait atteint la sainteté à la fin de sa vie. Sidî Muhy Dîn naît à Murcie où il réside jusqu’en 568 date à laquelle la famille part s’installer à Séville. Jeune, il apprend le Coran auprès de l’imâm Al-Khayyât qui fut son voisin. Il suit son père et un poste de scribe auprès du gouverneur lui est promis. Invité par un prince en compagnie d’amis, Muhy Dîn mange à satiété et les coupes de vin circulent. Lorsqu’il saisit la coupe, une voix l’interpelle : « Ô 1 Mohammad, ce n’est pas pour cela que tu as été créé ! »1. Il jette la coupe et sort hébété. Il se pare d’habits pauvres et se rend dans un cimetière où il restera en khalwa (retraite spirituelle) pendant quatorze mois selon Sawdakîn et pendant neuf mois selon Jandî. Quoiqu’il en soit, Allah lui octroie le Fath (l’ouverture spirituelle, l’illumination intérieure). Dès lors sa jeunesse prend fin et son orientation s’affirme. Sa conversion il l’opère auprès de son premier maître sidna ‘Issâ (Jésus), il dit : « Il pria pour moi afin que je persiste dans ma religion en ce bas monde et dans l’autre. Il m’appela son bien-aimé et m’ordonna de pratiquer le renoncement (zuhd) et le dépouillement (tajrîd). C’est ainsi que moi-même je me suis dépouillé de tout ce qui m’appartenait ; cependant, à l’époque je n’avais pas de maître (terrestre) à qui confier l’affaire et remettre mes biens ». Pendant les dix huit années qui suivirent, Ibn ‘Arabî fuit les femmes. C’est en comprenant l’importance des femmes de l’entourage du Prophète qu’il consent à se marier et à avoir des enfants. Il dira, dans le mariage réside un grand secret. Tout le reste de sa vie il ne vivra que des dons fait par ses compagnons ou de la générosité de quelques familles princières telles les Seljoukides ou les Ayyoubides. Une autre vision s’impose dans son orientation première ; il voit Moïse, Jésus et Mohammad (sur eux la paix). Moïse lui annonce qu’il obtiendra la science ladunnî2 Jésus l’exhorte à l’ascèse et Mohammad lui recommande de le suivre pas à pas. En 1 Ce rappel de notre raison d’être est commun aux grands saints. On se souviendra du cas de sidî ‘Abd al-Qâdir al-Jilânî qui désirant quitter Bagdad dégoûté de la compagnie des hommes, rencontrera une vache lui tenant les mêmes propos et l’obligeant à faire demi-tour. 2 Science intuitive dont le modèle coranique est seyidna al-Khidr dans la sourate al-Kahf. Cette science est un don divin fruit d’aucun effort préalable. En revanche, elle n’échoit que si une préparation ou une disposition particulière est attestée. A défaut, cette science, peut devenir préjudiciable physiquement et mentalement à celui qui en est le récipiendaire. 2 le pressant contre lui, le Prophète lui dit : « Ô mon bien-aimé, accroche-toi à moi, tu seras sauf ». A partir de cet instant, le Sheikh recherche la science du hadith. C’est alors qu’intervient la période de dépouillement propre à la voie. Cette période est un test sur la sincérité de l’attachement. Il est délivré de cette période par une vision où Dieu récite ce verset : « C’est Lui qui envoie les vents annonçant Sa miséricorde » (Cor. 7/57). Ibn ‘Arabî parvient sans délai au terme de la Voie, il brûle les étapes et accomplit d’un bond le parcours de la quête. Pour pouvoir guider les autres il va devoir parcourir de nouveau la Voie sous la guidance de maîtres, affronter les dangers et connaître les adversaires3. En 578, à Séville, alors qu’il a dix huit ans, il apprend les sept lectures du Coran et le hadith auprès du saint Mohammad ibn Khalaf. Ibn Sharrat lui enseigne le hadith et la sirâ d’ibn Hicham. Il étudie aussi auprès de ‘Abd al-Haqq al-Azdî al-ishbilî un disciple d’Abu Madyan. Son premier vrai maître spirituel est le sheikh Abu Ja’far Ahmad al-Uryabî. Bien qu’analphabète, il lui enseigne les écrits d’Ibn ‘Arîf. Il lui transmet le dhikr du 3 Dans les cas de réalisation exceptionnelle comme ce fut le cas du Sheikh al-Akbar, la voie est parcourue selon des modalités intérieures et informelles. Autrement dit, la projection de la science et de la sagesse divines se passe selon des modalités échappant à toute règle quelconque, Allah guide qui Il veut. En revanche, ce type de cheminement échappant aux conditions techniques et dirionsnous matérielles ne permet pas, dans l’immédiat du moins, de guider d’éventuels disciples. Cela permet cependant de délivrer un enseignement intellectuel qui pourra toujours servir de préparation à une guidance ultérieure. Pour la grande majorité des aspirants à l’initiation, la quête commence par le corps et nécessite donc des directives de cet ordre. Par exemple, le Prophète dans un hadith enseigne que : « La science est de deux sortes, la science des corps et ensuite celle des voies spirituelles ». Nous voyons que le terme « ensuite » (thumma), indique une hiérarchie qu’il peut être préjudiciable de négliger. La nourriture est à l’origine des bonnes dispositions corporelles permettant d’espérer le Fath (l’illumination) mais est en outre une condition nécessaire à pouvoir supporter la réception de la lumière divine. 3 Nom suprême « Allah »4 et lui conseille « Ferme ta porte, romps les liens, tiens compagnie au Généreux, Il te parlera sans voile ». Il lui recommandait également la servitude pure (al-‘ubudiyya). Ibn ‘Arabî dit que son état est alors celui de la pierre qui tombe là où on la jette. Il étudie les œuvres d’Ibn ‘Arîf auprès du maître tunisien ‘Abd el ‘Azîz alMahdawî, l’un des héritiers du Sheiklh Abû Madyan. Il étudie celle d’Ibn Barrajân, la maître d’Ibn ‘Arîf. Cette école d’Alméria en Andalousie est la continuation de l’école d’Ibn Masarra qui introduit les œuvres de Sahl al-Tustarî5 en Andalousie. Ibn ‘Arabî considère Ibn Masarra comme l’un des plus grand maîtres et tire profit de son livre sur la science des lettres. De l’autre coté de la méditerranée un autre mouvement prend naissance avec Abû Ya’zâ, Ibn Harazem et Abu Madyan disciple de ces deux maîtres. Il aura pour maître également Ya’qûb al-Kûmî qui fut le compagnon d’Abu Madyan 6 pendant dix-huit ans. C’est par ce maître qu’il découvre les écrits soufis dont la Risalah al-Quchayriya qui sera son livre de prédilection. Ibn ‘Arabî reçoit la khirqa Khadiriya à Séville en 592 et à Mossoul en 601. Il suit le sheikh al-Mîrtûlî dont la méthode est la mortification de l’âme. Quand Uryabî lui demande de s’attacher à Allah et Mirtûlî de surveiller son âme, Uryabî lui dit je t’ai indiqué le compagnon de la voie, Mirtûlî t’a indiqué le chemin. Il suivra la voie de la 4 Cette transmission s’effectue le plus souvent au cours d’une Khalwa (retraite spirituelle et sous la bienveillance d’un maître spirituel. Ces conditions permettent au maître de vérifier si le disciple est réellement prêt et disposer à recevoir le Nom suprême et s’en servir ultérieurement selon les règles définies par le Prophète. 5 Ce maître est l’une des plus grandes figures du soufisme khorassanien et Bagdadien. Ibn ‘Arabî le cite abondamment dans ses Futûhat al-Makkiyya. 6 Rappelons qu’Ibn ‘Arabî voue un attachement sans limite à Abû Madyan qu’il qualifie régulièrement de Sheikhu ash-Shuyûkh ou Maître des maîtres. 4 muhassaba7 (surveillance de l’âme) sous la direction d’Ibn Qassûm pendant dix-sept ans. Dates importantes : 586 H à Cordoue une première vision majeure ; il voit tous les prophètes et les Envoyés réunis. Au cours de cette vision le prophète Houd lui adressera la parole et lui dit que tous étaient venus visiter le Sheikh Mohammad Makhlûf al-Qabâïlî qui était sur le point de mourir. Dans une autre vision, à Cordoue toujours, il voit tous les prophètes et les Envoyés réunis ainsi que tous les croyants, ceux qui ont été et ceux qui seront jusqu’au Jour de la résurrection. 589 H probablement à Algésiras où le Sheikh al-Akbar quitte l’Andalousie. Il dit à cette occasion : « Lorsque j’arrivai devant la mer Méditerranée – dit-il à son disciple Qunyawî – je résolus de ne pas m’embarquer avant qu’il me soit donné de contempler tous les états intérieurs et extérieurs que Dieu m’avait destiné jusqu’à ma mort. Je me tournai donc vers Dieu avec une concentration totale, une contemplation et une vigilance parfaites. Dieu me fit alors voir tous mes états intérieurs et extérieurs à venir jusqu’à la fin de mes jours. Je vis même que ton père et toi seriez mes disciples. Je connus tes états, tes sciences, tes stations et tes dévoilements et les théophanies ainsi que tout ce dont Dieu te gratifierait ». Il débarque à Ceuta (Sebta) où il prend le temps de suivre l’enseignement de plusieurs maîtres dont Ibn Quzam duquel Ibn ‘Arabî dit qu’il avait atteint le degré du « Souffre rouge ». Son intention est alors d’aller à Tunis rencontrer le sheikh al-Mahdawî auprès de qui il reste un an en 590. L’accueil est froid car Ibn ‘Arabî arrive en disant « Je suis le Coran et les sept redoublés » propos jugé blasphématoire. C’est lors de ce séjour qu’il parvient à « La Terre de la Réalité » et réalise la pure servitude. Il est 7 Méthode qui fut l’objet de l’œuvre et de la vie du Sheikh al-Muhassibî. 5 également informé qu’il est l’Héritier de la science muhammadienne (diwan p. 332). De là il revient en Espagne par Tarifa et peu après perd son père. Sa famille l’incite à reprendre la vie sociale afin de pourvoir au besoin de ses sœurs, ce qu’il refuse. 594 H La menace chrétienne de reconquista écartée, en 593, Ibn ‘Arabî repart au Maghreb. Il rencontre à Fès Muhammad al-Fâsî grand muhaddith qui lui transmettra sa khirqa. C’est en 592 que le Sheikh reçoit sa première khirqa du maître Taqi al-Dîn al-Tawzarî al-Qastallânî originaire du sud tunisien. Le Sheikh al-Akbar nous informe qu’il transmet sa khirqa à quinze personnes dont quatorze sont des femmes. Fès occupe une place privilégiée dans le parcours d’Ibn ‘Arabî. Il y part en 593 et semble y rester jusqu’en 595. En 593 il nous informe qu’il réalise la station de la « Face sans nuque » dans la mosquée al-Azhar de Fès lors de la prière al-‘Asr. « Sache écrit-il dans le chapître 69 des Futûhât Makkiyah, que le Prophète est tout entier visage sans nuque ; il a en effet déclaré : « Je vous vois derrière mon dos.. ». Lorsque j’ai hérité de lui cette station, mon essence tout entière devint un seul œil ; je voyais par tous mes cotés tout comme je voyais la qibla8. Nul n’échappait à mon regard, pas plus celui qui entrait que celui qui sortait, pas même ceux qui accomplissaient la prière derrière moi ». Il dira dans le chapitre 206 : « le statut de la direction « derrière » cessa pour moi, je n’avais plus ni dos ni nuque. J’étais comme une sphère ». Grand voyageur, de Tunis à la Mecque, de Jérusalem à Bagdad, de Konya à Damas, le Sheikh se déplace beaucoup. Mais son plus grand voyage s’effectue en 594 à Fès ; c’est un voyage vertical, céleste et non plus terrestre, spirituel et non plus corporel. Il effectue le Mi’râj qui le conduit jusqu’à la Présence divine jusqu’à « la distance de deux arcs ou plus près ». Il dit dans les Futûhât tome III p. 514 : « J’ai su ce qui concerne le Sceau de la sainteté muhammadienne à Fès en 594 ». Cet évènement constitue le second acte de cette divine comédie dont la première s’était 8 La qibla est la niche ou le renfoncement situé dans la mosquée, cette niche marque la direction de la Mecque vers laquelle doit s’orienter l’orant. 6 jouée en 586 en Andalousie quand il rencontra l’ensemble des Prophètes et des Envoyés. Ce Sceau n’est autre que lui-même comme il le dit dans son Diwân : « Et lorsqu’une nuit Dieu vint m’annoncer que j’étais le Sceau de cela, au commencement du mois. Il dit à ceux qui à cet instant étaient présents dans le Plérôme suprême et le monde du Commandement : Regardez en lui car Mon signe de sa fonction de Sceau se trouve dans son dos9 ». Plus loin dans le même Diwân, il dit : « Je suis le Sceau des saints de Muhammad ». Entre 589 et 597 il fait de nombreux allers retours entre l’Andalousie et le Maghreb, il séjourne notamment à Tlemcen et à Bougie en Algérie où il compose un chapitre, celui du cœur, de son livre Mawaqi’ an-Nujûm. Toujours en 597, il quitte son maître al-Kumî en lui adressant un poème. Entre Salé et Marrakech dans le village d’Anjâl l’actuel Guisser, il accède au maqâm al- Qurba, la station de la proximité. Il n’y voit personne d’autre que lui et ressent la solitude. Lors d’une vision en cette station il voit sidi ‘Abd al-Rahmân Sulamî qui lui aussi avait réalisé cette station. Il lui dit : « Je vois que toi aussi tu es dans ce maqâm », Sulamî lui répond : « C’est en elle que la mort m’a saisi et jamais je ne cesserai d’y être ». Ibn ‘Arabî se plaint de l’isolement : l’exilé se sent toujours seul ! Après que la providence divine t’eut fait accéder à cette station, loue Dieu, car à qui donc mon frère cela a-t-il été donné ? N’es-tu pas satisfait que Khadir soit ton compagnon en ce maqâm ? De là Ibn ‘Arabî part pour l’Orient, il traverse l’Afrique du nord pour se rendre en Egypte. Il fait halte encore à Tlemcen, Bougie et Tunis où il reste neuf mois auprès de celui qu’il nomme mon maître sidi ‘Abd el-‘Azîz al-Mahdawî10. Combattu en Egypte pour des propos incompris, Ibn ‘Arabî va vers la Palestine avant d’aller à la Mecque. Il se rend tout d’abord à Hébron sur le mausolée de sidna Ibrahim puis à 9 Il possédait une grosseur dans le dos à l’image du Prophète (qu’Allah lui accorde Sa grâce unitive et la force de la supporter et la transmettre). Celle du Prophète était sphérique et convexe alors que celle du Sheikh al-Akbar était concave. 10 C’est à lui qui offrira la première composition de ses Futûhât al-Makkiyyah. La seconde composée vers la fin de sa vie sera offerte à son beau-fils et disciple, Sadr ad-Dîn al-Qunyawî. 7 Jérusalem où il prit dans la mosquée al-Aqsâ. Il poursuit jusqu’à Médine où il s’arrête auprès du Prophète et arrive enfin à la Mecque. 598 H Au cœur de « La Mère des cités » se produit le troisième évènement de son investiture ; Il se voit assisté du Sceau de la sainteté universelle (Jésus) consacré solennellement par le Sceau des Prophètes comme Sceau et plus parfait Héritier de la sainteté mohammadienne11. Les Prophètes et les anges se tenaient autour du Prophète, à sa droite se trouvait le Véridique Abu Bakr, à sa gauche ‘Omar al Farouq, Jésus était accroupi devant lui et l’entretenait de l’histoire de la femme, ‘Ali interprétait les paroles du Sceau dans sa langue et le possesseur des deux lumières Uthmân se tenait devant lui revêtu du manteau de la pudeur. Il me fit signe et me dit : Muhammad monte en chaire et célèbre la louange de Celui qui m’a envoyé et la mienne car il y a en toi une parcelle de moi qui ne peut plus supporter d’être loin de moi et c’est elle qui gouverne ta réalité intime ». Sur le fronton de la chaire était inscrit en lumière bleue : « Ceci est la station muhammadienne la plus pure ! Celui qui y monte est son Héritier ; celui-là, Dieu l’a envoyé pour préserver la Loi sacrée ». Cet évènement représente l’accomplissement définitif et solennel de la promesse divine et la reconnaissance de l’ensemble des Envoyés représentants toutes les communautés antérieures de l’universalité de la fonction du Sheikh al-Akbar Ibn ‘Arabî. Ibn ‘Arabî aperçoit une lucarne fermée ; je voulus y frapper mais on me dit : inutile de frapper ! Elle ne s’ouvrira pas. Pourquoi est-elle donc là répliquais-je ? On me répondit : C’est la lucarne propre aux Prophètes et aux Envoyés ; quand la Religion fut parfaite, elle fut verrouillée. C’est par cette porte que l’on remettait aux prophètes les robes d’Honneur des Lois ». Les Futûhât Al-Mekkiyah : 11 Evènement narré dans la Préface des Futûhât et traduit par Michel Vâlsan sous le titre L’investiture du Cheikh al-Akbar au Centre suprême. Michel Vâlsan, L’Islam et la fonction de René Guénon, p. 177 aux éditions de l’œuvre, Paris. 8 C’est lors d’une tournée rituelle que le Sheikh voit un jouvenceau qui lui dit : « Regarde les détails de ma constitution et l’ordonnance de ma forme ! Tu trouveras ce que tu demandes inscrit en moi car je ne parle ni ne converse ». De ce dialogue muet va naître le livre des Futûhât. Il lui dit encore : « Ce que tu constates en moi, mets-le dans ton livre et prêche-le à tous tes amis ». Il dit à de nombreuses reprises que les Futûhât (dont III p. 456) ont été écrites sous dictée divine, projection seigneuriale ou souffle spirituel dans le tréfonds de mon être. Il en est ainsi bien que je ne sois ni d’entre les Envoyés légiférant, ni d’entre les Prophètes commandeurs » Un jour la Ka’ba l’apostrophe et lui demande de faire les tournées rituelles autour d’elle alors que Zemzem lui demande de venir boire de son eau. Il refuse ce considérant plus noble que la Ka’ba. Celle-ci se renfrogne et le bloque dans un coin en lui interdisant de faire les tournées. Apeuré, il s’excuse et comprend la leçon divine. Il compose alors un poème en l’honneur de la Ka’ba qui l’accueille alors. Découragé, il lui est arrivé de tout quitter pour ne s’occuper que de lui-même. Il dit : « Lorsque je constatai que rares sont ceux qui entrent (effectivement) dans la Voie, je perdis courage et résolus de me consacrer désormais à moi-même et d’abandonner les hommes à leur sort », « Je me tenais devant mon Seigneur, tête baissée, craignant qu’il ne me châtie pour ma négligence mais Il me dit : Ô Mon serviteur, ne crains rien ! Tout ce que Je te demande, c’est de conseiller Mes serviteurs ». Il redouble d’activités et voyage de nouveau jusqu’en Anatolie, en Palestine, en Irak puis en Syrie où il s’installera de manière définitive. Il dit encore : J’ai vu entre veille et sommeil un ange venir à moi avec une parcelle de lumière blanche ; on eut dit une parcelle de lumière du soleil. Qu’est-ce donc cela demandaije ? On me répondit, c’est la sourate al-Chu’ara. Je sentis alors comme un poil (cha’r)12 qui remontait de ma poitrine à ma gorge, puis à ma bouche. C’était un 12 Terme de la même racine que le nom de la sourate citée (Ach-Chu’ara). 9 animal avec une tête, une langue, des yeux et des lèvres. Il s’étendit ensuite jusqu’à ce que sa tête atteigne les deux horizons, celui d’Orient et celui d’Occident. Après quoi, il se contracta et revint dans ma poitrine. Je sus alors que ma parole atteindrait l’Orient et l’Occident »13. Son œuvre est en effet traduite en quasiment toutes les langues et étudiée dans tous les pays et à toutes les époques. Cependant vu sa teneur, son accès reste réservé et dépend le plus souvent de l’autorisation d’un maître. Disons qu’il n’est pas conseillé de la mettre entre les mains de débutants ou de gens sans maître. Ses compagnons : les plus attachés : Badr al-Habashi, Isma’il ibn Sawdakîn, Qunawî,Ibn Sab’in, ibn Hûd, al-Harralî. Il rencontre plusieurs fois ‘Afif al-Dîn alTilimçanî. Il forme un cercle fermé de disciples mais participe à d’autres séances plus ouverte à certains moments précis. Sa voie : Le dhikr du Nom Allah, la muhassaba et il déconseillait le sama’ voire l’interdisait notamment aux débutants. Sa doctrine centrale : La Wahdat al-Wujûd, et la Haqîqah al-Muhammadiyyah. 13 Pour plus de renseignements ou de détails concernant la vie et l’œuvre du Sheikh al-Akbar, nous conseillons de lire le travail magistral de Mme Claude Addas, Ibn ‘Arabî ou la quête du Soufre Rouge, Bibliothèque des Sciences humaines aux Editions Gallimard, Paris. 10