meurtre à l`encre bleue
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meurtre à l`encre bleue
Meurtre à l’encre bleue - Jean-Luc Luciani - “Apprendre à écrire, c’est apprendre à regarder de très près soi-même et le monde.” Chuck Palahniuk 1 Il existe mille façons différentes de se débarrasser d’une personne devenue gênante pour votre bien-être. Un poignard à manche de nacre ayant appartenu depuis cinq générations à votre famille peut vous rendre ce service. Il y a également une longue liste de poisons, assez démodés malgré tout, tel le cyanure ou l’arsenic, lesquels versés dans une tasse de thé ou de café rempliront très bien leur fonction. L’efficacité de l’appareil électrique branché et jeté dans une baignoire remplie d’eau n’est plus à démontrer. Une clé anglaise ou bien encore un extincteur utilisés pour défoncer un crâne, nécessite néanmoins un côté bestial qu’il n’est pas donné à tout le monde de posséder. Si le sang ne vous rebute pas, une lame de rasoir spécialement affûtée pour l’occasion ou la batte de base-ball dédicacée par le joueur vedette de votre équipe favorite fera très bien l’affaire. Les mauvais garçons ont, pour leur part, une préférence établie pour les armes à feu de tous calibres. Cela va du petit 6.35 que l’on camoufle dans la bottine jusqu’au lanceroquettes pour les plus enthousiastes. En matière de crime, il n’existe aucune limite pour l’esprit humain. Aucune barrière infranchissable. 2 Ainsi, un espion assassine un autre espion en lui plantant dans les fesses le bout d’un parapluie truffé de ricine. Une femme émascule son mari infidèle d’un coup de dent bien senti, un violeur en série force l’une de ses victimes à ingurgiter un flacon entier de Destop, une maîtresse délaissée par son amant découpe ce dernier à la tronçonneuse et loge les divers morceaux en vrac dans une valise. On se souvient aussi d’un Japonais qui dévora le cadavre d’une jeune Néerlandaise qu’il gardait au frais dans son frigo. On a même retrouvé des bébés qui reposaient depuis plusieurs années au fond d’un congélateur. Leur mère infanticide les considérait toujours comme ses enfants. Les vieilles dames ont elles, paraît-il, une préférence pour la digitaline, laquelle administrée à haute dose provoque l’arrêt cardiaque. Et ne laisse aucune trace. D’autre part, d’inoffensifs ustensiles de cuisine, de mécanique ou de jardinage, placés à portée de main, peuvent également servir à commettre des meurtres. Ces derniers sont alors, pour la plupart, non prémédités. On parle de crime d’instinct. 3 Dans ces circonstances particulières, les hommes auront plutôt tendance à piocher dans leur caisse à outils, tandis que les femmes attraperont plus facilement le couteau à pain, la casserole ou bien encore la poêle à frire. Lorsque la personne dont il convient de vous débarrasser s’avère être un écrivain, les choses se compliquent singulièrement. En général, les écrivains de profession n’ont pas besoin des autres pour mourir. Ils se débrouillent très bien tout seuls. Les écrivains se pendent à des charpentes d’églises, ils s’ouvrent les veines dans des cafés bondés, avalent des cachets en quantité industrielle ou se provoquent des cirrhoses du foie en buvant de d’alcool frelaté. Parfois, ils plient leur voiture décapotable contre d’inattendus platanes de bords de routes. La maladie est également une cause de mortalité très répandue chez les écrivains. Louis-Ferdinand Céline est mort d’un anévrisme cérébral, Gide d’une infection pulmonaire. Le pire étant bien sûr, dans leur situation, de perdre la vue. Là ils deviennent fous et sont considérés comme morts, intellectuellement parlant, par leur entourage. Ce qui est une erreur bien entendu. La plupart des écrivains ayant déjà perdu la raison avant même de commencer à écrire. 4 Les hommes de plume utilisent rarement des armes à feu, mais cela peut se produire. Ainsi, en 1873, Verlaine tira par deux fois sur Rimbaud. La première balle se logea dans le plancher et la seconde dans le poignet de l’immense poète. Sachez enfin, qu’on peut tuer un écrivain simplement avec un bon mot voire une critique assassine de son dernier roman. Dans ce cas précis, il peut s’agir d’un crime parfait. 5