Le ministère de la Culture et les amateurs : retour sur 10 ans d
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Le ministère de la Culture et les amateurs : retour sur 10 ans d
Le ministère de la Culture et les amateurs : retour sur 10 ans d’accompagnement Décembre 2008 À l’occasion du colloque de Rennes sur l’accompagnement des pratiques amateurs, la FNCTA a souhaité interroger Anne Minot, chef du Bureau de l’éducation et des pratiques artistiques et culturelles au ministère de la Culture depuis sa création…. et fidèle interlocutrice de notre fédération. En 1998, le ministère de la Culture a mis en place un bureau dédié aux pratiques amateurs. D’où venait-il et quelles politiques a-t-il développées depuis dix ans ? Depuis sa création, le ministère de la Culture a eu le souci des pratiques amateurs dans le domaine de la musique. Elles ont été intégrées aux mesures d’aménagement du territoire par la création du réseau des conservatoires, de celui des associations départementales et régionales de développement musical, celui des centres d’art polyphonique… Enfin, la création de la Fête de la musique a donné un fort encouragement à la pratique amateur dans tous les styles musicaux (de Faites de la Musique à la Fête de la Musique). La danse a suivi de très loin mais elle a un peu profité de ces aménagements, alors que le théâtre amateur, lui, a été confié à la Jeunesse et aux Sports dès la création du ministère de la Culture par André Malraux en 1959. Ceci a entraîné une séparation préjudiciable entre le secteur professionnel et le secteur amateur. En 1998, Catherine Trautmann, alors ministre de la Culture, a réaffirmé la responsabilité du ministère vis-à-vis de la démocratisation culturelle et s’est attachée au rapprochement de la culture et des gens pour tous les domaines du spectacle vivant. À ce moment-là, on a beaucoup parlé de démocratisation culturelle et Catherine Trautmann a réaffirmé la responsabilité territoriale et sociale des artistes et des structures culturelles. Au sein d’une nouvelle direction qui regroupait la direction du théâtre et la direction de la musique et de la danse - l’actuelle DMDTS1 -, elle a créé un bureau des pratiques amateurs. Une circulaire envoyée aux DRAC2 précisait les axes d’action du ministère pour garantir aux artistes amateurs les services nécessaires à leur développement : une information sur les lieux de pratique, des offres de formation adaptées, des lieux d’accueil et de répétition, des projets et rencontres avec les artistes, la possibilité de renouveler leur répertoire… Le premier travail a consisté à demander aux DRAC de réaliser dans leur région des états des lieux des pratiques et des ressources dans les trois domaines de la musique, de la danse et du théâtre. Puis on s’est appuyé sur les associations départementales de danse et de musique (ADDM) qui se sont ouvertes au théâtre pour certaines d’entre elles, sur les fédérations nationales d’amateurs et sur les structures culturelles de diffusion et de formation. Depuis 10 ans, les missions du Bureau se sont progressivement élargies puisqu’avec les publics spécifiques ou publics « empêchés » (scolaires, prisons, handicapés, hôpitaux, exclus…), nous ne nous intéressons plus seulement aux pratiques des amateurs, mais nous avançons dans une démarche globale d’accès à la culture pour tous. 1 2 Direction de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des Spectacles. Les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC) sont des services du ministère, déconcentrés à l’échelle régionale. Comment les fédérations telles que la FNCTA ont-elles été associées à votre démarche ? Dès les débuts, nous avons renforcé notre collaboration avec les fédérations nationales des amateurs et signé avec elles des conventions d’objectifs pluriannuelles qui précisaient les axes prioritaires d’actions communes. Nous avons ainsi construit une sorte de compagnonnage, bénéfique, je pense, pour les uns comme pour les autres. Nous avons également incité des rapprochements entre fédérations et entre les fédérations et les structures professionnelles, afin de mutualiser la réflexion et les ressources. C’est ainsi que dans le domaine du théâtre, un groupe de travail a rassemblé plusieurs fédérations regroupant en leur sein des troupes de théâtre amateur, mais aussi des structures professionnelles comme le Centre national du théâtre (CNT), la Chartreuse de Villeneuvelez-Avignon et Aux nouvelles écritures théâtrales (ANETH). Ce travail collectif a permis l’organisation d’une journée de réflexion sur le répertoire des amateurs à l’attention des bibliothèques et l’édition d’un guide3 à l’attention des troupes qui cherchent à renouveler leur répertoire. De son côté, la FNCTA établissait des contacts avec les EAT4 et la SACD5. Une des réussites du tout récent colloque de Rennes a été pour moi d’être arrivée à ce que la Fédération Nationale des Foyers Ruraux (FNFR) et la FNCTA travaillent ensemble. Je pense, en effet, que les associations ont intérêt à se regrouper pour être plus fortes et plus représentatives dans les temps difficiles qui s’annoncent. Les troupes elles-mêmes l’ont compris, qui s’affilient à plusieurs fédérations pour bénéficier des points forts de chacun. La presse s’est fait l’écho cet été d’un projet de loi sur les amateurs. D’où venait ce projet et comment expliquez-vous la polémique de cet été ? Depuis 1995, le ministère de la Culture est sollicité par les syndicats professionnels d’une part, et par les structures qui accompagnent les amateurs de l’autre, pour clarifier le statut de la présence des amateurs sur scène, accusée parfois de cacher du travail au noir ou de faire une concurrence déloyale aux professionnels. Au départ, nous avons proposé de rédiger une charte de bonne conduite, mais les syndicats n’y voyaient pas une garantie suffisante. Un décret qui date de 1953 ne correspond plus à la réalité des pratiques d’aujourd’hui et mériterait d’être modifié. Après diverses études et une première série de concertations, notre direction a entrepris en 2000 la rédaction d’un projet de loi dont le pilotage a été confié à notre bureau. Ce projet de loi a été largement concerté avec les fédérations nationales des amateurs et les acteurs intéressés (syndicats, représentants de collectivités, autres ministères...) On a tenu compte des remarques, on a fait certaines modifications. Ce projet semblait faire l’unanimité, lorsqu’il a été présenté en 2007, puis on n’en a plus parlé pendant un an. Cependant certains secteurs n’avaient pas été sollicités dans la consultation parce qu’ils n’avaient pas de représentants au niveau national (les bagadous en particulier), et quand la première proposition de décret d’application a été présentée, certains milieux ont découvert le projet et ont cru qu’ils étaient mis devant le fait accompli. C’était la période des festivals et il y a eu une espèce de peur panique. Les députés (et les journalistes) ont été alertés par des informations erronées qu’ils ont écoutées sans s’enquérir de la véracité des dires et il y a eu de nombreux articles dans les journaux et des lettres d’alerte à la ministre. 3 Choisir et jouer les textes dramatiques, Editions théâtrales / Centre National du Théâtre, 2003. Ecrivains Associés du Théâtre. 5 Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques. 4 Pour calmer le jeu, la ministre a retiré le projet de loi et affirmé qu’aucune décision ne serait prise sans l’accord de tous les acteurs. Une réunion du bureau du Conseil national des professions du spectacle a été consacrée à cette question au cours de laquelle le directeur de la DMDTS a indiqué que le ministère allait relancer une consultation et une réflexion commune sur ce sujet. Je sais par ailleurs qu’il commence y avoir des discussions entre la COFAC6 et les syndicats. C’est peut-être la solution. S’il y a une entente négociée directement entre professionnels et amateurs, pourquoi pas ? Nous sommes donc revenus au point de départ : le décret de 1953 s’applique. Cette situation n’est pas problématique pour bon nombre de troupes qui diffusent peu et ont des petits budgets. Elle le devient pour celles qui participent à des projets avec des artistes professionnels ou celles qui ont une diffusion importante*7. La situation actuelle n’est donc pas satisfaisante au regard de l’évolution de l’exigence et des ambitions de l’activité des amateurs aujourd’hui. Quelles sont aujourd’hui les perspectives du bureau ? La « réforme générale des politiques publiques » (RGPP) mise en œuvre depuis deux ans par le gouvernement prévoit une réorganisation importante des services de l’Etat. Au ministère de la Culture, une direction générale de la création et de la diffusion regroupera notre direction du spectacle vivant (la DMDTS) et la Direction des Arts Plastiques. Au sein de cette réorganisation, notre bureau devrait voir ses missions confirmées dans une préoccupation plus globale de l’ensemble des publics. Mais nous savons tous que les perspectives budgétaires sont limitées et la réforme en cours n’a pas encore donné de réponse claire sur les ambitions de l’Etat face à l’accompagnement des pratiques artistiques et culturelles des amateurs et vis-à-vis du développement culturel de proximité. En revanche, je pense que les structures culturelles que nous subventionnons (scènes nationales, centres dramatiques nationaux…) vont avoir des missions réaffirmées de responsabilité territoriale et sociale et devraient être incitées plus nettement à travailler avec leurs différents publics. De notre côté, nous défendons l’idée que le maintien de l’accompagnement de fédérations nationales constitue un des outils d’une politique de la culture qui permet à chacun de donner ce qu’il a à donner, à la place qu’il occupe, tout en garantissant une certaine homogénéité nationale. Aurons-nous gain de cause ? Je ne suis pas en mesure de le dire. Propos recueillis par la FNCTA le 11 décembre 2008. Des extraits sont parus dans le numéro 132 de Théâtre & Animation (janvier 2009). 6 La Coordination des Fédérations et Associations de Culture et de Communication (COFAC) est composée de 19 fédérations nationales, regroupant elles-mêmes 25 400 associations de culture et de communication. 7 NDLR : Le décret n° 53-1253 du 19 décembre 1953 relatif à l'organisation de spectacles amateurs et leurs rapports avec les entreprises de spectacles professionnelles indique en effet : « les associations ne sauraient présenter de spectacles que dans les académies où elles sont fixées. Elles pourront produire trois spectacles par an ; chacun de ces spectacles comportera un maximum de dix représentations pour l’année. Cette dernière ne s’applique qu’à l’ensemble des représentations données dans les agglomérations fréquentées par les groupements professionnels. » Ce décret est obsolète car il ne répond plus aux conditions de la pratique actuelle du théâtre amateur. Ce texte prévoyait une commission chargée de donner des agréments et de « régler les litiges » qui n’a jamais été mise en place. Cependant, ce décret reste juridiquement toujours en vigueur.