Comparaison de 2 portraits

Transcription

Comparaison de 2 portraits
Séquence ③ : Qu’est-ce que l’esprit des lumières ?
Objet d’étude : La question de l’homme dans les genres de l’argumentation du XVI° siècle à nos jours
François BOUCHER, La Marquise de Pompadour
et œuvre anonyme d’après QUENTIN DE LA TOUR, Madame du Châtelet
OBJECTIFS
– Découvrir deux figures importantes de la vie intellectuelle du XVIIIe siècle.
– Lire les implicites au travers de deux représentations codées.
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Deux images différentes de la femme
François Boucher représente une femme élégante, cultivée et sensuelle. La marquise est nonchalamment allongée sur
un sofa, dans une posture qui suggère la rêverie. La ligne dessinée par son corps et sa robe aux plis nombreux forme
dans le tableau une diagonale qui contraste avec les lignes verticales du mobilier à l’arrière-plan. La marquise est en
grande toilette de cour : sa robe ample, au tissu précieux, est brodée de fleurs et ornée de rubans. Elle porte avec
coquetterie une faveur rose autour du cou et des fleurs assorties dans les cheveux. On devine, sous sa jupe, de petits
pieds finement chaussés. De nombreux objets sont immédiatement disposés à côté d’elle : ils évoquent son charme, sa
féminité, comme les roses à ses pieds et le petit chien qui la regarde. Mais d’autres montrent son esprit brillant, attiré par
les arts et la culture : le carnet négligemment ouvert et posé sur ses genoux ; la plume sur le secrétaire entrouvert à
portée de main, le fouillis de gravures posées au sol à côté du chien.
La représentation de Mme du Châtelet est très différente. Certes, la toilette élégante est comparable : amples manches,
tissu précieux, jusqu’au ruban noué autour du cou et à la coiffure qui dégage haut la nuque et le front. Et cependant,
c’est une tout autre femme qui nous est montrée. La marquise est assise à sa table de travail, et non pas alanguie sur
un sofa, et le peintre n’a représenté que son buste. La pose est celle d’une intellectuelle qui réfléchit, la main contre la
joue. De son autre main, elle tient un compas avec lequel elle dessine des figures sur les grands livres ouverts devant
elle. Tout nous rappelle ici la brillante scientifique qu’elle est.
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Deux mises en scène différentes
Le personnage est par ailleurs placé dans un cadre très différent. Tout, autour de Mme de Pompadour, évoque le luxe et
l’élégance. De précieuses tentures tombent en d’élégants drapés à droite et à gauche et dessinent comme un deuxième
cadre au tableau. Elles entourent en fait un miroir précieux, richement encadré, qui forme un magnifique trompe-l’œil,
puisque s’y reflète, outre la nuque gracieuse de la marquise, le mobilier qui orne la pièce. On observe une bibliothèque
bien remplie, et fastueusement rehaussée par une horloge en bronze.
Rien de tel autour de la divine Émilie, pour reprendre le surnom que Voltaire avait donné à Mme du Châtelet. Le peintre
a choisi de gommer complètement le cadre : l’œil ici ne se concentre que sur la figure de la jeune femme qui est
d’ailleurs au centre du tableau : de son visage, de son décolleté, de ses bras blancs émane la lumière, puisqu’elle se
détache sur un fond brun.
L’expression des deux jeunes femmes est d’ailleurs très différente. François Boucher a rendu hommage à tout le charme
mélancolique de la marquise de Pompadour, qui n’entretient plus à ce moment avec le roi qu’une relation platonique :
elle fixe un point au loin d’un air rêveur, peut-être ses souvenirs. Le peintre a choisi de la surprendre dans son intimité
et dans un moment d’abandon.
Au contraire, Mme du Châtelet regarde bien en face d’elle, l’œil vif, l’air réfléchi : ses traits n’ont pas la finesse de ceux
de la favorite du roi, elle a le nez un peu épais, les yeux petits. Le charme de cette brillante scientifique vient clairement
plus de son esprit que de sa physionomie, comme en attestent les jugements parfois cruels de ses contemporains.
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Synthèse
Ces tableaux montrent la coexistence de deux images de la femme au XVIIIe siècle. La courtisane s’oppose à
l’intellectuelle, l’admiratrice des arts à l’esprit scientifique, la femme coquette à la chercheuse. Mais au-delà de toutes
leurs différences, il s’agit bien toujours de femmes de qualité.
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• Un téléfilm français, La Divine Émilie, a été réalisé en 2007 par Arnaud Sélignac et constitue une bonne initiation à la
vie et l’œuvre de la marquise du Châtelet.