Mécanismes d`endettement : règles et complicités entre

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Mécanismes d`endettement : règles et complicités entre
Mécanismes d’endettement :
règles et complicités entre dette et commerce injuste
Renforcement des capacités des députés de l’Assemblée nationale du Mali – sur les
problèmes de l’endettement et du commerce non équitable.
Thème : « Mécanismes d’endettement : règles et complicités entre dette et commerce
injuste » Je remercie l’O.N.G Jubilée 2000 de la confiance qu’elle vient de me témoigner en
me portant son choix aux côtés de Monsieur Hugo Ruiz Diaz pour vous entretenir du sujet
dont l’intitulé est le suivant : « Mécanismes d’endettement : règles et complicités entre dette
et commerce injuste ».
Vous savez honorables Députés que les problèmes d’endettement des pays dits en voie de
développement ont acquis au cours des dernières années une dimension nouvelle, tant par
l’ampleur des montants en cause que par le nombre croissant de pays impliqués dans les
rouages de l’endettement.
Vous savez il y a deux niveaux d’approche de la question : un niveau théorique et un niveau
pratique.
Je voudrais demander au départ des excuses si je n’aborde pas les grandes théories du
développement en profondeur : qu’il s’agisse des théories socialistes ou des théories
libérales ou néo-libérales. De toutes les façons ces questions aussi mineures soient-elles
apparaîtront quelques parts.
Ici, je devrais vous parler chiffres en main.
Parce que les chiffres très souvent se passent de commentaires et révèlent les problèmes
dans leur acuité.
En cette matière, les chiffres sont dans la plupart des cas placés sous la confidentialité. Et
ceux qui tombent dans le domaine public sont peu fiables.
Notre centre d’intérêt est : « Les Mécanismes d’endettement… »
Il y a un demi-siècle, des penseurs du sous -développement avaient considéré que le
manque de capital était une des causes principales du retard du Tiers-monde. Et que le
recours au crédit et aux investissements extérieurs était considéré comme un élément
normal de politique économique dans les pays du tiers-monde.
Dans cet ordre d’esprit les crédits bilatéraux avec l’ancienne métropole ou les aides des
organismes internationaux ainsi que de la Banque mondiale ou de l’Association
internationale pour le Développement (AID) étaient considérés comme les instruments
privilégiés d’injection du capital dans le tiers-monde.
De l’avis de certains auteurs « il aurait été impensable que ces pays, jusqu’à la fin des
années 1960 deviennent les emprunteurs privilégiés du marché international des capitaux et
que les sommes empruntées atteignent les montants en cause aujourd’hui » 1 .
Cependant l’évolution de l’endettement des dix dernières années amène à se poser
certaines questions.
I.
Compréhension de quelques concepts
La notion de dette publique :
1
J.C. Sanchez Arnau : Dette et Développement – Editions Publi SUD – Paris – 1982.
1
Définition : On entend par endettement l’ensemble des concours demandés par le
Gouvernement auprès des partenaires (bilatéraux, multilatéraux, institutions financières,
marchés financiers, etc) pour financer les actions, de développement qui n’ont pu être pris
en charge par le budget national.
Nous pouvons illustrer la notion de dette publique par le tableau suivant qui montre le
Domaine d’activités et les sources de financement des sociétés et Entreprises d’Etat
jusqu’en 1968.
Aperçu sur les bailleurs de Fonds :
1. Le F.M.I (Fonds monétaire international) : Il finance généralement les déséquilibres de
balance de paiements.
La balance de paiements est un document statistique qui est établi par la BCEAO, mais
validé par le Ministre des Finances et qui retrace ou qui enregistre l’ensemble des
transactions économiques ( commerciales, services, dons, capitaux) entre le Mali et
l’extérieur.
2. La Banque mondiale : Elle s’intéresse aux questions de développement (financement de
route, d’hôpitaux, d’école, d’adduction d’eau potable, etc).
3. Les autres partenaires :
Ils interviennent au Mali dans le cadre de l’aide au développement multiforme et
multisectorielle, au regard de ce qu’on appelle la bonne gouvernance et de la réussite des
réformes politiques et économiques.
Tous les concours font l’objet d’un calendrier de remboursement en fonction des conditions
contractuelles.
Il semble que le Mali est totalement à jour dans le remboursement du service de la dette de
ses bailleurs (cf. tableau ).
Mais à quel prix ? Et quelles sont les conséquences économiques, sociales et politiques
d’être un bon élève du FMI et de la BM ? Quelle influence le paiement des dettes peuvent
avoir sur le développement ?
Le Service de la dette : il s’agit du montant (comprenant le principal et les intérêts) qui est
payé à l’échéance convenue (cf tableau).
Par exemple en 2003. La dette payée par le Mali est de2
Principal :
55.887.000.000 F CFA
Intérêts :
16.114.000.000 F CFA
Allègement obtenu ( ristourne )
Principal :
22.511.000.000 F CFA
Intérêt :
7.627.000.000 F CFA
Montant réellement payé aux bailleurs
Principal :
Intérêts :
33.376.000.000 F CFA
8.487.000.000 F CFA
L’Allégement intervient à travers certaines institutions :
2
site BCEAO.http://www.bceao.int/
2
Le P.P.T.E ( Pays Pauvres Très Endettes )
C’est un mécanisme d’allégement octroyé par les bailleurs (FMI + B.M) pour rendre selon ce
mécanisme, supportable le fardeau de la dette.
Lesdites réductions sont obligatoirement logées dans un compte spécial au trésor pour
financer les secteurs sociaux (Education, Santé, etc).
Le Club de Paris : Il regroupe certains créanciers publics qui "aident" l’Afrique dans le
rééchelonnement de la dette publique extérieure 3.
Le Club de Londres : Il regroupe certains créanciers privés dans les mêmes objectifs du
rééchelonnement que le Club de Paris.
Dans le cas précis du Mali en cas de déficit budgétaire, ce déficit est financé par des dons
octroyés par les Pays-Bas, Union Européenne, la Suède, la Norvège.
Notion de dette rétrocédée : On entend par dette rétrocédée, les montants négociés par le
Gouvernement central auprès de certains bailleurs et qui sont ultérieurement rétrocédés
c’est à dire reversés à des petites entités publiques (E.D.M-S.A, SONATAM, UMPP, etc)
pour financer leur plan d’investissement ou d’agrandissement.
Les échéances convenues entre ledit bailleur et le Gouvernement sont à payer par l’entité
réceptrice via la Direction Générale de la Dette Publique) qui est le service public
représentant l’Etat.
Notion de dette Intérieure :
Il s’agit de sommes dues par le Mali par rapport à des obligations comme sa quote-part dans
l’augmentation des fonds propres de la BCEAO, comme les garanties données à certaines
banques primaires pour financer ou aider une entité ( par exemple la CMDT ).
Il peut s’agir aussi des sommes non encore payées aux travailleurs des ex-sociétés d’Etat ou
aux fournisseurs de celles-ci, de grosses de justice à payer, etc.
3
Le club de Paris comprend : la France (CFD, BNP, Trésor Public, etc), l’Italie (Médiocrédito), les Pays-Bas (Créd. Lyon Bank
Nederland), La Suisse ( S.B.S), Royaume-Uni (Barclays’Bank), les USA (US-AID) ; la Russie.
3
II.
Analyse des Mécanismes
Domaine d’activités et sources de financement des sociétés et entreprises d’Etat
Sociétés
Les Sociétés Industrielles
SOCOMA
SEBRIMA
TAMALI
BMAB
COMATEX
SONATAM
SOCIMA
U.L.B
E.D.I.M
SEPOM
SONETRA
UCEMA
OCINAM
SOMACO
Société Mixtes
E.D.M
SMECMA
SOCORAM
ITEMA
SEMA
Transports-Services
AIR-MALI
C.M.N
CMTR
S.H.M
Secteur Commercial
SOMIEX
P.P.M
L.P.M
Domaines d’activités
Sources de financement
Capital
initial en
millions
Concentre tomate-jus de fruit
Briqueterie
Traitement cuir
Scierie-Ameublement
Tissage-Impressions
Cigarette – Allumette
Ciment
Laiterie
Imprimerie
Huile d’arachide-savon
Travaux publics
Céramique
Cinéma
Matériaux de construction
Yougoslavie (restriction)
Public
Chine
Public
Chine
Chine
U.R.S.S
P.A.M.
Public
Allemagne
Public
Coré
-
245,4
50
407
7.348
1.413
6.513
100
334
Electricité – Eau
Matériel agricole
Montage radio
Tissage-Impression
Habitat
Public CCCE
Public-CFAO
CSF-Public
Agache-Villet-Public
CCCE-ODC-Public
100
40
625
20-300
Transport aérien
Transport fluvial
Transport routier
Hôtellerie
Public
Public
Public-Allemagne
Public-Allemagne
50
40
713,1
-
Import – Export
Produits pharmaceutiques
Livre-matériels scolaires et
bureaux
Public
Public
2.500
100
50
SOMAF
SOMAD (UNISCOOP)
Si l’on consulte le tableau le modèle de développement adopté à l’époque est axé sur la
satisfaction des besoins des larges couches populaires qui désirent copier les modèles de
consommation des sociétés industrialisées.
Pour réaliser ces modèles on passe par la modernisation des infrastructures en promouvant
une industrialisation accélérée qui repose généralement sur la substitution des importations.
Le tableau montre que la part de la production nationale est nettement inférieure à celle des
partenaires de l’époque qui étaient des pays socialistes.
Par exemple sur 26 unités de production créées 6 (six) l’ont été sur la base du budget
national et 5 (cinq) de façon paritaire avec les partenaires.
4
C’était dans le cadre de l’aide au développement des pays socialistes en directions des pays
qui ont accédé nouvellement à la souveraineté nationale – Jusqu’à ce jour il n’y a pas la
preuve que ces pays ont exigé le remboursement des capitaux mis à la disposition du Mali
ainsi que la technologie nécessaire à cet effet.
Les temps ont changé, les contextes ne sont plus les mêmes
Aujourd’hui tous les capitaux sont capitalistes.
Par exemple pour construire des routes, l’Etat fait appel aux organismes internationaux pour
obtenir les crédits nécessaires et aux entreprises d’ingénieurs-conseil étrangères qui
apporteront leur collaboration.
L’Etat importera du matériel de travaux publics ou fera appel à d’autres multinationales
spécialisées dans ce domaine à s’installer au pays.
Des offres seront faites aux entreprises locales qui s’occuperont de la fabrication d’un certain
nombre de pièces.
Au finish, cette série d’opérations va entraîner un certain endettement lié aux crédits qui
accompagneront les capitaux étrangers. Le second endettement est lié aux importations des
biens d’équipement nécessaires aux entreprises fabriquant les pièces. Le volume de la dette
ainsi créée peut bien être important et qu’en revanche la construction des routes ne donne
pas lieu à un accroissement de l’activité économique qui va permettre d’augmenter les
exportations d’autres produits.
En principe l’augmentation devrait permettre de subvenir au service de la dette et à
l’augmentation constante des importations de produits semi-finis, etc.
Les difficultés se situent au moment où l’on s’aperçoit que la construction des routes, a
satisfait un certain besoin, mais n’a en aucun cas résolu le problème du transport et n’a eu
surtout aucun effet direct ou indirect sur le montant des exportations. C’est à dire qu’il n’y a
pas eu d’excédent sur lequel on peut compter pour s’acquitter de la dette qui avait permis la
construction des routes.
L’analyse de cette situation non pas en fonction d’un secteur industriel déterminé mais d’un
ensemble macro-économique fondé sur ce type de développement, révèle à l’origine de son
endettement l’existence de plusieurs facteurs qui se traduisent dans la balance des
paiements comme suit :
?? une augmentation des importations de biens d’équipement qui ne sont pas financées
par des investissements étrangers ;
?? une augmentation des importations de produits semi-finis ;
?? une augmentation des paiements et des envois de fonds effectués par les entreprises
étrangères ;
?? les recettes constituées par le flux des investissements étrangers ne suffisent plus à
compenser les dépenses entraînées par ces investissements étrangers (
rapatriement d’une partie du capital « royalties » pour les brevets et les marques et
surplus d’importations ) ;
?? A cela il faut ajouter les pratiques de double facturation dans les transactions internes
à l’entreprise ;
?? Une bonne partie des profits réalisés par les multinationales se font aux dépens de
l’usage du crédit local ou du crédit dont jouit la garantie officielle et des avantages
fiscaux offerts pour attirer les investisseurs (cas des mines d’or notamment à
Sadiola).
5
Ces mécanismes montrent les répercussions négatives de ce genre d’investissements sur la
balance des paiements.
UN ASPECT A ANALYSER AVEC ATTENTION
Il n’y a aucun doute que l’extrême liquidité du système monétaire International entraîne une
continuelle fluctuation des taux de change à savoir le coût financier de l’endettement
extérieur consécutif au développement des travaux publics.
En pratique le coût réel des prêts accordés par certains organismes internationaux est de
beaucoup supérieur à la moyenne du taux fixé parce qu’il est soumis aux mêmes variations
que les devises dans lesquelles se traduisent les prêts.
Par exemple, la Banque Mondiale qui obtient la majeure partie de son financement sur les
marchés nationaux du capital Japonais, Suisse, ou Allemand, transfère la totalité du risque
de change à ses débiteurs. Ces derniers supportent pour la dette qu’ils ont contractée avec
la B.M un surcroît de coût qui dépasse de plusieurs points le taux nominal d’intérêt.
L’exemple illustratif de cela est donné par une revue éditée en Colombie 4 par un ex-ministre
de l’économie qui dit que « la Colombie devait payer en dollars pour la dette exprimée en
francs suisses un taux d’intérêts voisin de 18% et pour la part de la dette exprimée en
deutschemark, un taux de 15% »..
Selon l’ex-ministre ces taux étaient comparés à ceux qui étaient pratiqués par les prêts en
eurodollars pour le même mois de Décembre 1977 et qui s’élevaient à 7,6%.
En guise de conclusion :
-
Le service de la dette devient un obstacle au développement.
-
Par conséquent pour maintenir leur capacité d’importation et leurs réserves à un
niveau adéquat les pays endettés ont de plus en plus tendance à avoir recours à des
prêts bancaires5.
-
D’où la logique d’intervention du FMI dans les secteurs variés du financement
externe et les résultats de sa politique portent atteinte aux intérêts des pays endettés
sans résoudre le problème de l’endettement, mais en réduisant leur marge de
manœuvre et leur autonomie. Dans ces conditions, comment ouvrir une réflexion plus
approfondie sur l’élaboration d’autres initiatives pratiques dans le domaine des
problèmes de développement des pays endettés.
Est ce avec l’exécutif ou le législatif ?
En régime démocratique à qui appartient la souveraineté ? A l’exécutif ou au
législatif ?
Qui en est plus jaloux ? Et qui en répond devant l’histoire ?
Je vous remercie.
Bamako, les 24 et 25 Avril 2004
AN-Salle Awa KEÏTA
4
Estratégia economica y financiera, Bogota, mars 1978 – in Dette et Developpement précité
5
cf tableau.
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Maître A.T DIARRA
Chargé de Cours à la FSJE
Tél/fax 224-01-92 P672-37-10
e-mail : [email protected]
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