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« La Presse au Futur » : un déjeuner des Papiers de Presse pour préparer l’avenir Les Papiers de Presse avaient convié les représentants de cinq grands éditeurs à présenter leurs solutions pour sortir du modèle économique traditionnel des journaux. Comment pérenniser des quotidiens fragilisés par la rupture de leur modèle économique ? Quels relais de croissance, print ou numérique, imaginer pour leur assurer un nouvel équilibre ? Comment arbitrer entre concentration et diversification ? Fin novembre, Les Papiers de Presse ont profité du salon parisien, « La Presse au Futur » pour se pencher sur le sujet à l’occasion du déjeuner conférence qu’ils avaient organisé en marge de cette manifestation. Etaient conviés, leurs partenaires, éditeurs, imprimeurs et annonceurs, Vincent Peyrègne, Directeur Général de Wan-Ifra, et les représentants de cinq grands éditeurs européens, invités à exposer leur stratégie. Le débat était animé par Jean Clément Texier, Président de Ringier France et de la Compagnie financière de Communication. Eric Debry, Président du Directoire du Groupe Les Papiers de Presse. La diffusion et la publicité en danger En ouverture de ce déjeuner, Eric Debry, Président du Directoire du Groupe « Les Papiers de Presse » a souligné que « les principales sources de revenus des journaux (la diffusion et la publicité), sont en danger. » Avant de poursuivre : « Le comportement de nos lecteurs change et l’évolution, peut-être la plus marquante, est l’érosion progressive du rendez-vous périodique que la presse avait su, au fil de années, construire avec ses lecteurs. Sur le print, le phénomène est bien connu : il y a trente ans, six personnes sur dix lisaient chaque jour un journal. Aujourd’hui, à peine trois personnes sur dix ouvrent quotidiennement un journal, soit moins de la moitié ». « Ce phénomène est encore plus vrai chez les lecteurs numériques » a-t-il poursuivi. « Aux Etats-Unis, par exemple, sur dix internautes qui visitent régulièrement des sites de presse, on en compte à peine deux qui effectuent cette visite quotidiennement. Quel que soit le support, donc, nos lecteurs deviennent plus nomades et plus volages et ils attachent, d'ailleurs, de moins en moins de valeur à l'information. » Et d’interroger la salle : « Savez vous combien de livres numériques sont abandonnés au bout de dix minutes de lecture ? Un ? Deux ? Trois ? Eh bien non ! La réponse, aux Etats Unis, est très exactement sept sur dix. C'est un peu comme si nos grands-pères décidaient subitement de se séparer des deux tiers de leurs bibliothèques ! Nous le voyons, nos lecteurs changent profondément et durablement et cela n'est pas sans conséquence sur le modèle économique de nos journaux ». Dans son intervention, Eric Debry est aussi revenu sur un phénomène qui a récemment affecté plusieurs quotidiens français : l’abandon partiel ou définitif de la publication sur papier. « Au delà des nombreuses disparitions de titres de presse que nous connaissons tous - la dernière en date étant le dépôt de bilan du Frankfurter Rundschau - on voit, aux Etats-Unis, un nombre grandissant de journaux abandonner la parution papier, le lundi, le mardi, jours traditionnellement faibles en publicité. Certains titres vont même jusqu'à ne conserver que l'édition dominicale papier, laissant au web l'exclusivité de l'information le reste de la semaine ». Le print ne tient pas ses promesses Autre sujet brûlant abordée par Eric Debry : le déséquilibre entre les recettes générées par le print et les revenus tirés du Web. « Les éditeurs réussiront-ils à gagner la course poursuite engagée entre, d'un côté, la baisse des recettes publicitaires sur le print et, de l'autre, le développement des revenus de la publicité numérique ? Au vu des derniers chiffres disponibles, il est permis de s'interroger. Reprenons l'exemple des EtatsUnis. En 2011, la presse américaine a perdu deux milliards de dollars de revenus publicitaires sur le print. En face, quels revenus publicitaires additionnels a t-elle générée sur le numérique ? 200 millions ; 200 millions seulement. On le voit, le décalage est immense entre ce qui est gagné d'un côté et perdu de l'autre. Plus grave, le fossé continue à se creuser. En 2010, la presse américaine avait perdu sur le print sept fois plus que ce qu'elle avait gagné sur le numérique. En 2011, les pertes se sont creusées: Elles étaient, sur le print, dix fois plus importantes que les gains sur le numérique. On voit bien, à la lumière de cet exemple, l'ampleur des défis économiques auxquels nos éditeurs sont et seront confrontés. Le monde financier, d'ailleurs, ne s'y trompe pas. En mai 2011, nous avions tous crû apercevoir une lueur d'espoir et peut être la fin du tunnel en apprenant que Warren Buffet - dont on sait qu'il 5 P A P I E R S D E P R E S S E est un investisseur avisé - venait de racheter pour 142 millions de dollars, soixante-trois journaux américains. Au même moment, paraissait une étude d'un cabinet américain passée relativement inaperçue. Celle-ci analysait à partir d'un échantillon de cessions de titres de presse l'évolution sur dix ans de la valeur des journaux. La conclusion est sans appel : En dix ans la valeur moyenne des journaux américains a été divisée par dix, un des exemples les plus emblématiques étant bien sûr la cession pour un dollar, en 2010, par le Washington Post, de l'hebdomadaire « Newsweek » à un milliardaire californien ». Et Eric Debry de s’interroger : « Faut il désespérer de notre avenir? Non car les exemples d'évolutions positives sont nombreux : Il y a des pays où la presse se porte très bien, comme au Brésil, où, au premier semestre de cette année, la diffusion des journaux a augmenté de 2,3 %. Il y a des titres qui - y compris sur des marchés difficiles gagnent de l'audience. Aux Etats Unis, “The Week”, qui est une compilation hebdomadaire d'information, a quasiment triplé son audience print en sept ans, passant de 180 000 à 520 000 lecteurs. Il y a donc, nous en sommes persuadés, des stratégies gagnantes pour relever les défis de la presse du futur ». la Presse ne saurait être une « nouvelle sidérurgie ». Le Directeur Général de Wan-Ifra a rappelé que, selon les chiffres présentés au dernier congrès de son organisation, le monde comptait 2,5 milliards de lecteurs mais seulement 600 millions d’internautes. Vincent Peyrègne a ensuite évoqué le projet Next Media, conduit en Finlande par le groupe européen de médias Sanoma. Ce programme que la Suède et la Norvège ont rejoint est un programme de recherche, largement doté, sur les solutions à mettre en œuvre pour utiliser les médias numériques, définir de nouveaux concepts et construire de nouveaux modèles économiques. Vincent Peyrègne a aussi conseillé aux groupes de presse de se tourner vers l’Europe pour bénéficier des programmes cadres européens et de financements spécifiques. Enfin, il a prôné une meilleure collaboration entres les éditeurs en matière de recherche et développement. Une collaboration qui leur permettrait de pouvoir mieux répondre aux offres de soutien à l’innovation. Même optimisme chez Vincent Peyrègne qui, au nom de Wan-Ifra, a expliqué que « Il faut savoir regarder ce qui se passe dans les pays étrangers » a observé Jean-Clément Texier avant de passer la parole à Tibère Adler, administrateur du Groupe Tamedia et ancien Président d’Edipresse. Tamédia est né, en 2011, de la fusion de deux groupes de médias suisses à forte culture familiale, Edipresse et Tamedia. Le nouvel ensemble a opté pour une stratégie originale : respecter l’identité de tous ses titres en encourageant une concurrence sévère entre eux. Cette fusion qui a permis de mutualiser les moyens sur le plan indus- Vincent Peyrègne : Directeur Général de WAN-IFRA. Jean-Clément Texier : Président Ringier France. Profiter des programmes d’aide 6 I N F O R M A T I O N S triel, logistique et informatique « sera créatrice de valeur et débouchera sur un succès » a souligné Tibère Adler qui a indiqué qu’avec quelque 920 millions d’euros de chiffre d’affaires et 20 % de marge opérationnelle, Tamédia se classerait, en France, au troisième rang, derrière les groupes Ouest France et Lagardère Active. « La presse suisse se porte bien », a-t-il ajouté et ce « sans subvention de l’Etat ». Tibère Adler a estimé que la consolidation du secteur, un terme qu’il préfère à celui de concentration, était positive, à condition « de proposer des produits leaders sur leur marché ». Cette stratégie se vérifie notamment dans la politique de diversification de Tamédia qui a fortement élargi son offre, soit en éradiquant la concurrence, comme dans les gratuits avec « 20 minutes », soit en payant le prix fort pour acquérir un groupe leader sur les annonces classées dans l’immobilier et l’emploi. Dans ce cas, Tamédia a su s’allier avec son concurrent, le groupe Ringier, pour « mettre sur le marché l’offre la plus puissante » et s’assurer ainsi des marges plus importantes. S’allier pour résister et innover Patrice Le Hodey, Vice-Président du groupe belge IPM (éditeur de « La Libre Belgique » et « La Dernière heure ») a confirmé tout l’intérêt de cette collaboration entre concurrents. Son groupe s’est associé avec un autre groupe belge, Rossel, pour développer un produit commercial commun et, il y a six Tibère Adler : Administrateur du Groupe Tamedia – ancien Président d’’Edipresse. ans, s’opposer aux pratiques de Google. IPM ne s’est pas arrêté là. Il a choisi de collaborer avec des groupes internationaux et signé des accords de joint venture pour éditer de nouveaux titres. Ainsi, IPM publie t-il désormais « Paris Match Belgique » et « Courrier International Belgique ». Patrice Le Hodey, dont le groupe a notamment misé sur les paris sportifs, a insisté sur le fait que les éditeurs doivent être ouverts à l’innovation : « J’ai l’impression que certains éditeurs sont comme des compagnies qui affrétaient des paquebots pour faire Paris-New York et qui n’avaient pas compris que les gens allaient préférer prendre l’avion. Les paquebots existent toujours pour faire des croisières car les gens ont envie d’y aller. La presse doit donner l’envie d’être achetée ». Le vice-président d’IPM a aussi conseillé aux éditeurs de diversifier leur recrutement. Pour Philippe Montjolin, senior VicePrésident opérations du Groupe New York Times-International Herald Tribune, la diversification à l’international passe par le rapprochement des deux titres. (Le Groupe New York Times a racheté l’International Herald Tribune (IHT) en 2003). « Ces deux titres sont très différents » a expliqué Philippe Montjolin « et nous avons fait en sorte qu’avec leur rapprochement, on obtienne l’équation 1 + 1 = 3 ». Contrairement au « New York Times » (NYT), l’IHT, édité à Paris depuis 125 ans et lu dans 170 pays, a un lectorat très diplômé, masculin à 76 % et composé à 61 % de dirigeants. Le revenu annuel moyen d’un lecteur est de 400 000 dol- Patrice Le Hodey : Vice-Président du Groupe Belge IPM. lars. A l’inverse, le « New York Times » est lu à 55 % par des femmes. Son lectorat est plus simple. Il ne compte que 11 % de managers et le revenu moyen par lecteur est de 100 000 dollars. Ces différences ont conduit le groupe à mener des « stratégies numériques » radicalement différentes pour les deux titres. « Nous avons beaucoup investi sur la gestion des contenus via des outils de CRM (Customer Relationship Management) et, avec la mise en place du paywall sur le site Web, nous avons fait migrer les lecteurs papiers du NYT vers le Net alors que pour les lecteurs de l’IHT, le papier reste primordial ». Pour résumer, pour le NYT, le Web passe avant le papier ; pour l’IHT, le papier prime, suivi par les mobiles et les tablettes. A terme, ces outils numériques devraient générer 10 % du chiffre d’affaires de l’IHT, l’objectif étant d’atteindre entre 600 000 et 700 000 acheteurs sur plateforme numérique. En Espagne, le groupe El Mundo (« El Mundo », « Marca » et « Expansion ») a, comme l’a souligné Ignacio Gil Vasquez, Directeur Général délégué, créé un kiosque numérique, Orbyt, qui regroupe soixante-dix publications et fonctionne comme « un club d’élite ». Mais Orbyt offre aussi des services complémentaires : fourniture de places pour assister à un match du Real Madrid ou à une représentation à l’Opéra, promotion de produits. Ignacio Gil Vasquez : Directeur Général Délégué du Groupe El Mundo. actif dans le Sud de la France), dans l’imprimerie (avec Occitane Imprimerie qui est ouvert à d’autres titres comme « Le Monde »), gestion de parcs d’exposition ou d’événements (avec Dépêche Events). Le groupe toulousain a aussi décliné la marque Midi Olympique avec Ovalie Communication (activité de marketing événementiel) et les Brasseries Midol (ouverture d’un réseau franchisé de brasseries). En France, enfin, Bernard Maffre, VicePrésident de La Dépêche du Midi, a montré comment ce groupe de presse régionale avait diversifié son activité : dans la logistique (Dépêche Logistique Philippe Monjolin : Senior Vice-Président opérations du Groupe New-York-Times-International Herald Tribune. Bernard Maffre : Vice-Président du Groupe La Dépêche. 7