Plante Verte - Compagnie Glou

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Plante Verte - Compagnie Glou
Plante Verte
Jean-Michel Ribes
Monsieur Mosk, une plante verte à la main, pénètre à vive allure dans une salle de musée et
d’une voix forte interpelle le groupe de visiteurs.
MONSIEUR MOSK. S’il vous plaît ! Votre attention s’il vous plaît ! Mon nom est Michel
Mosk, je suis le conservateur de ce musée. Nous venons encore une fois de trouver une
plante verte abandonnée ou volontairement oubliée dans l’une de nos salles. Je voulais
vous prévenir que désormais toute plante quelle qu’elle soit sera détruite dans un délai
n’excédant pas cinq minutes après sa découverte, si son propriétaire ne vient pas la
récupérer et la jeter lui-même dehors immédiatement ! Je vous remercie. Parce qu’il
faudra un jour ou l’autre que vous soyez conscients que la nature progresse, et que
l’humanité tout entière se bat depuis des millions d’années pour que nous ne retournions
pas dans nos cavernes dont nous avons eu tant de mal à nous échapper pour construire
Venise ! Il y a péril pour nous, nous qui avons rêvé et inventé un monde meilleur pour
nos enfants que celui des tornades, des typhons et de l’humidité qui vient encore de
m’esquinter trois Véronèse ! Vous savez que les musées sont de plus en plus cernés par
des espaces verts où les arbres prolifèrent dans l’indifférence générale, où les oiseaux se
multiplient et conchient nos toitures. Nous ne nous laisserons pas empoisonner par la
nature, et pour ceux qui ne pourraient vraiment pas s’en passer, je signale que nous
avons un étage entier consacré aux paysages et autres marines qui, croyez-moi, ont
donné à la nature le talent qu’elle n’a jamais eu ! Ce sont les artistes qui l’ont rendu
regardable. Est-ce que les arbres étaient beaux avant que Corot les ait peints ? Non,
simplement des protubérances chlorophylliennes tout juste bonnes à faire du feu. Et à
propos de feu, je préfère encore que vous fumiez ici, au moins chaque cigarette brûle un
peu de tabac, quelques hectares de plantes en moins chaque jour, c’est déjà ça ! Voilà, je
vous laisse avec l’artifice, c’est-à-dire l’artificiel qui nous protège du naturel. Ne
l’oublions pas. Je vous remercie.

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