la danse de mort

Transcription

la danse de mort
Michel Karpinski
DANSE DE MORT
I.
Ne plus pouvoir jeter un œil sur la réalité et les œuvres qui la
transfigurent mais avoir le cristallin torsadé, le nerf optique
essoré par...
« Ne me touche pas »
Etre victime d'une obstruction à perpétuité
Autant demander à un porc de commenter la courbe du couteau
qui l'éventre...
Voilà que la photo s'englue dans les images qui raclent ma
conscience, qu'elle s'imprègne dans le roulis de cent totems
d'affre, des miasmes de la FAUTE, qu'elle figure la Muse
dévastatrice que j'avais accoutumée au goût du choléra
celle qui empoisonnée par des giclées de sperme noir
m'écorchera vivant
car je la re-suscite sur le flou d'une photo avec laquelle elle
n'avait rien à voir
et elle retrousse infiniment sa lèvre supérieure, en me montrant
les dents, et c'est déjà au revers du spasme, de la souffrance, la
révélation par le plaisir de celui qu'elle va déchiqueter
comme si tapies dans les volutes où je déchiffre le supplice, de
nouvelles bacchantes s'apprêtaient à couper l'imposteur en
morceaux.
Mais de grâce qu'on fasse tout de suite la différence entre la
redondance de l'impuissance et celle du malheur.
II.
Car c'est la mort qui fonde la Loi et la LOI m'intime
d'affronter l'épouvante de ce dimanche
« Clara, Clara, Clara »
Le peintre croit inventer des atrocités à l'instant même où le
criminel en décide. Ainsi la femme, enrobée de flammèches,
s'enfonce dans la fable mouvante qu'un démon a tendue
elle va boire sa crasse
même si elle donne l'impression de flotter, de faire la Blanche,
d'être à côté de son destin, au-dessus da la nasse de sperme noir
« Je te salue Ophélie
pleine de masques
la douleur est avec nous
et tu es folie d'entre toutes les femmes »
Enfin bref ─ mes yeux sont aussi faux que ceux d'un terroriste.
L'objectif a fixé leur jeu, le plus obscène : quand la raison portée
à incandescence, se retourne comme un gland et que dardée vers
le dedans elle crache son pus. Je lis partout ce que ma faim de
rédemption veut lire
Désastre ocelé des créatures que mon venin a générées la
Langue m'a enculé jusqu'au myocarde. De ce contact
catastrophique, je suis le seul à porter le souvenir. La souffrance
s'ébroue comme elle peut. Pour continuer à vivre j'ai pris le droit
d'éclabousser tous les objets qu'elle touche. Le procédé est
infâmant, il dénonce aussitôt le droit auquel j'aspirais, il me
dénie tout espoir de maîtrise: trouver la rédemption dans la
solitude de la transe n'est même plus possible. Il faudrait exsuder
à jamais, être fourré vivant dans les entrailles de mon chien,
m'abîmer dans sa tête.
C'est cela le châtiment de la Langue. Je ne peux m'arracher à
elle, sans elle. Lui échapper c'est la pénétrer encore plus
profondément, revenir m'exposer sous le feu de ses draps. JE LA
HAIS, je la hais d'un amour féroce.
III.
C'est peut-être un flamenco dansé à la lisière du monde
La Muse transe
a des trépignements rageurs
elle résiste à la membrane où le coup l'a plaquée
Le bas du corps se moque en KHA-danse des fulgurances de la
balle. Je suis toujours le seul à savoir à quoi ses élancements de
lumière font écho mais mon savoir vient trop tard, il fait partie
intégrante du châtiment.
Avant
nous "vivions", l'un et l'autre
c'est cette évidence que nos déchirements mettaient en jeu. Son
corps se déployait souvent en un frémissement que mes
"poisons" allaient figer. On ne se berce pas IMPUNEMENT de
métaphores: elles étaient comme le liséré imprononçable de la
Faute que j'allais commettre. Avec cette irréversibilité
répugnante qui a incrusté dans ma tête le buste d'une femme,
secouée de spasmes, ses suffocations rauques, le sang ; la merde.
Un matin j'ai posé une urne sur mes genoux et personne ne
pourra jamais imaginer l'horreur de ces cendres.
IV.
Toute la terre envoûta Karabine
et les nuages, surtout les nuages dont aucun météorologue ne
décèlera l'essence noire, ne comprendra l'espèce de folle
décision à quoi ils peuvent acculer ceux qui ont cessé de croire
Karabine était chargée jusqu'à la gueule de leur étoupe
autant que de mes miasmes
et non comme christ ─
mais comme étant, elle
la créature unique.
où ma folie venait crever et se dissoudre
Karabine était au bout du rouleau qui avait torché la hargne de
mes démons et il n'y avait pas un centimètre carré qu'elle pût
appliquer sur sa propre blessure, pas un soupçon d'espace où elle
pût tituber, plus une seconde où perdre haleine
Alors elle a fait un trou dans son palais pour l'irruption de je ne
sais quel sauveur. Est-il possible que son cerveau ait été traversé
par autre chose qu'une balle de neuf millimètres ? Est-ce
possible ?
C'est ainsi. On a souffert, on a senti la mort glouglouter dans sa
chair et au sortir de la Mère Noire, on fait le beau, on se drape
dans des aphorismes, on trimballe une sagesse tardive, on
s'aveugle sur des signes extérieurs de détresse, sur ce qui fut
notre dedans, le champ de douleurs intenables :
Karabine me frôle. Il faudrait non seulement que je me retourne
mais aussi que ses neurones saignent, que son mal d'être vienne
couler sur son visage.
C'est fini. Elle est prise dans mon stalag, on lui a rasé le crâne et
une machinerie immonde me fait croire qu'elle respire encore.
Est-ce cette illusion insupportable qui me pousse à écrire comme
avant, dans le style de la Terreur ?
pour déporter d'autres âmes innocentes
les faire entrer dans la Danse de mort ?

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