Les métiers du bois

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Les métiers du bois
dossier
Ébénisterie, menuiserie, charpente
Les métiers du bois
e bois est un secteur en
bonne santé économique
et dont l’image est plutôt
positive, parce que c’est un matériau
chaleureux», explique Alain Meylan,
du secrétariat patronal de la Chambre
syndicale genevoise des métiers du
bois. A Genève, 166 jeunes sont
actuellement en formation dans les
professions du bois. Ils se répartissent
grosso modo à raison de 40 % dans
les deux formations (en quatre ans)
d’ébéniste et de menuisier-ère, et de
20% dans celle, en trois ans, de charpentier-ère. A fin 2006, quelque 450
«L
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entreprises occupaient au total près
de 800 professionnel-le-s dans le canton, auxquels il convient d’ajouter une
cinquantaine d’indépendants, pour
mesurer le poids du secteur dans l’économie. Ces chiffres donnent une
image précise de la branche: un grand
nombre de petites sociétés artisanales, qui côtoient quelques entreprises
semi-industrielles.
Formation en entreprise ou
à l’école
Le CFC de charpentier se prépare
exclusivement en système dual avec
T. Porchet
dossier
par Bernard Dumont
Eliane Schneider
Jean-Noël Tallagnon
Dans le pôle des métiers de la construction, la filière
bois rassemble l’ébénisterie, la menuiserie et
la charpente. Ces métiers offrent des perspectives
professionnelles attrayantes, car ils mettent en œuvre
un matériau dont le succès va grandissant en raison
de ses qualités esthétiques, physiques et écologiques.
entre tradition et modernité
partage du temps entre l’entreprise et
l’école professionnelle. Par contre, les
apprenant-e-s ébénistes et menuisier-e-s ont le choix d’effectuer leur
formation en école à plein temps ou
en entreprise, la majorité passant par
l’école. A noter qu’en première année,
un tronc commun réunit tous les
apprenant-e-s de la filière bois.
L’admission à l’école passe par un
concours d’entrée. «Nous avons suffisamment de candidats pour occuper
les 70 places disponibles chaque
année, relève Nicolas Ebiner, doyen
de la filière bois au Centre d’enseignement professionnel technique et
artisanal (CEPTA). Et tous ceux qui
terminent leur formation trouvent du
travail.» Outre cette excellente insertion professionnelle, diverses voies
s’ouvrent aux jeunes professionnel-les après l’obtention de leur Certificat
fédéral de capacité (CFC). Dans les
trois professions, il est possible d’obtenir une maturité professionnelle,
pendant ou après l’obtention du CFC,
donnant accès aux Hautes écoles
spécialisées (HES). Il est également
envisageable de se mettre à son
compte, même si l’opération peut s’avérer un peu plus difficile que dans
d’autres professions artisanales en
raison d’un investissement en machines relativement important. Par contre, comme le signale Nicolas Ebiner,
«il manque passablement de cadres
supérieurs en Suisse romande» et les
perfectionnements sont également
nombreux et variés dans ce domaine: brevet fédéral de contremaître,
diplôme de technicien d’une école
supérieure, maîtrise fédérale, bachelor d’une HES en technique du bois,
en ingénierie ou en architecture.
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B. Dumont
dossier
Un charpentier très diplômé
La voie du perfectionnement professionnel, Gilles Dumont l’a empruntée après
un parcours atypique. Après sa scolarité
effectuée en France, il entreprend d’abord une formation à l’École romande
d’arts graphiques à Lausanne. CFC en
poche, il entreprend des voyages et vit
de petits boulots. Il travaille volontiers sur
les chantiers. Au coup par coup, il participe à la construction de décors de théâtre. «Dans ce milieu, on me demandait si
j’étais menuisier, ce qui m’a amené à
m’intéresser à cette formation.»
«Travailler de manière polyvalente
demande beaucoup de connaissances et de savoir-faire», lance
Claude Fraternali, maître menuisier. L’entreprise familiale qu’il dirige a été fondée à Genève en 1895.
Malgré le poids de la tradition, le
futur menuisier s’est permis un
temps de réflexion – devenir avocat
? - avant de se lancer dans la formation professionnelle. Son atelier,
qui n’a pas changé de place depuis
plus d’un siècle, s’est développé de
manière moderne. Les travaux
réalisés sont parfois spéciaux et
représentent souvent un challenge,
tel ce récent chantier d’habillage
d’une halle de gymnastique avec
panneaux de correction acoustique. Pour mener à bien un tel
ouvrage, le menuisier a dû collaborer avec d’autres entreprises et
s’ouvrir à d’autres pratiques professionnelles.
Contrairement à d’autres, l’entreprise de Claude Fraternali ne s’est
pas spécialisée dans une activité
particulière (pose de fenêtres ou
de cuisines, par exemple): «Nous
faisons toujours du sur-mesure».
Et ce qu’il apprécie par dessus
tout, c’est fabriquer - avec son
équipe - les objets qu’il propose.
E. Schneider
Savoir-faire artisanal et technologie
«Continuer à fabriquer est essentiel, car cela permet de conserver
le savoir-faire acquis, de le tenir à
jour et de l’améliorer». Une perte
de savoir-faire ferait chuter les
mandats et surtout… le plaisir du
travail quotidien. La fabrication d’un
objet est un processus global qui
nécessite réflexion, proposition au
client, fabrication et pose. «L’image
d’Épinal du menuisier voûté sur
son établi, rabot à la main, n’existe
plus. Le métier est devenu hautement technologique», fait remarquer le maître menuisier. La richesse de la formation proposée après
le certificat fédéral de capacité en
atteste. «Le bois est dans l’air du
temps: renouvelable et écologique», s’enthousiasme Claude
Fraternali. Et ses métiers, rappellet-il, offrent de nombreuses places
de travail à leurs jeunes diplômés.
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dossier
Toutes les étapes du projet
Aujourd’hui, Gilles Dumont est
responsable du département charpente dans une entreprise genevoise
du bois qui emploie une cinquantaine
de personnes, dont environ un tiers
de charpentiers. Et il ne cache pas sa
satisfaction de pratiquer ce qu’il
considère comme «le plus beau
métier du monde». Mais qu’est-ce qui
lui plaît donc tant? «On construit vraiment! On est en haut, sur les toits! Ou
alors, on arrive avec nos bouts de
bois, on lève tout ça, et ça tient!»
En fait, ce qui enthousiasme Gilles
Dumont, c’est de pouvoir construire
toutes sortes d’éléments – terrasses,
façades, ossatures, escaliers, passerelles, etc. – et de participer à toutes
les étapes de ces réalisations. La
conception d’un projet l’intéresse
autant que l’organisation à mettre en
place, pour commander les engins de
levage par exemple. «J’aime qu’il y ait
osmose entre le projet d’architecte, la
conception bois et la réalisation sur le
terrain. Quand tout est réuni, il y a
rendement.» Le contremaître appré10 / mars 2007 / options 65
Le bois, matériau du futur
Pour Thomas Büchi, ingénieur bois après un double
CFC de menuisier et de
charpentier, le bois est le
matériau d’avenir par
excellence: souple, modulable, écologique, renouvelable. Ce jeune patron, qui
emploie une quinzaine de
personnes
dans
ses
bureaux de Genève et de
Paris, considère que c’est
la Halle 7 de Palexpo
(achevée en 1995) qui a
permis au bois de se profiler sur le devant de la
scène en démontrant ses
exceptionnelle
qualités
physiques et techniques.
Sa haute technicité, liée
également à l’amélioration
des collages et des systèmes d’assemblage (l’équivalent d’une soudure pour
le métal) ainsi que les logiciels informatiques, a donné une extraordinaire impulsion à la construction de structures encore impensables quelques années auparavant. Le
Bâtiment des Forces Motrices (BFM), le Palais de l’Équilibre, le Centre
sportif de Sous-Moulin ont ainsi été conçus avec d’importants éléments
en bois. Et beaucoup d’autres projets sont en cours actuellement, dont
deux ponts, l’un sur l’Arve, l’autre reliant la gare de la Praille au Stade de
Genève. «Notre chantier le plus imposant ces prochaines années sera
celui d’un centre sportif, en France voisine, avec une toiture tridimensionnelle», intervient le maître charpentier.
DR
tion pour adulte à Épinal, en France,
dans un atelier-école qui le mènera
en un an au CAP (Certificat d’aptitude
professionnelle). Son professeur, un
ancien «Meilleur Ouvrier de France»,
lui passe le virus du métier. Le programme de formation consiste à…
bâtir l’atelier, car celui-ci est en cours
de création! Revenu dans la région
genevoise, le jeune charpentier travaille dans une entreprise qui lui permet de suivre les cours nécessaires
pour préparer - et obtenir - un CFC,
grâce au système de la validation des
acquis. Gilles Dumont ne s’arrête pas
en si bon chemin. L’École de la construction à Tolochenaz dispense un
perfectionnement professionnel destiné aux charpentiers pour devenir chef
d’équipe. Et une fois cet objectif
atteint, Gilles Dumont s’attaque au
brevet de contremaître, qu’il obtient
quelques années plus tard!
DR
Gilles Dumont s’inscrit à une forma-
«Je suis immergé dans la philosophie du développement durable dont le
bois est un vecteur essentiel, précise Thomas Büchi. Quant on pense
qu’une structure verre-bois diminue de 80% les besoins en chauffage par
rapport à un bâtiment classique…» L’ingénieur genevois met actuellement en route un projet de maisons énergétiquement autonomes, à Nax
(VS). Plus besoin d’être relié au gaz, ni au mazout, ni même à l’électricité pour autant que des panneaux photovoltaïques soient prévus! «L’un
des défis du développement durable vise la diminution rapide de la charge de CO2 dans l’atmosphère. Ces bâtiments énergétiquement autonomes sont les aspects concrets de cette lutte.» Enfin, l’utilisation du bois produit local - permet de limiter les coûts et contribue à entretenir les
forêts, tout en remplissant les mêmes critères finaux de construction que
d’autres matériaux (métal, par exemple). «Le bois nous permet de voir
loin et d’agir au plus près, dans l’idée de préserver l’environnement et de
soutenir l’économie», conclut l’ingénieur.
Rabot et ordinateur
Gilles Dumont prend un plaisir particulier à travailler un matériau qui, par
ses propriétés, appartient davantage
à une filière artisanale plutôt qu’industrielle. «Du point de vue du développement durable, il n’y a pas mieux
que le bois», ajoute-t-il. «C’est un produit naturel, économique en énergie.»
Et de relever qu’entre l’arbre et l’utilisation finale, «il n’y a que le bûcheron,
le scieur et nous.» Mais Gilles
Dumont ne manque pas de rappeler
également que, si son métier comme les autres professions du bois
- reste très manuel, des machines
toujours plus sophistiquées y occupent une place grandissante.
Aujourd’hui, un bon professionnel du
bois doit être capable de manier avec
autant d’habileté le rabot et le ciseau,
l’ordinateur et les machines à commandes numériques... «Dans la construction, nous sommes dans des
métiers de plus en plus exigeants. Les
phénomènes de chaleur, les problè-
Le féminin
d’ébéniste
«Il faut avoir le caractère mieux fait que
la figure.» Laurence Josseron, maître
ébéniste, résume ainsi l’une des qualités
nécessaires pour se mouvoir dans un
milieu professionnel majoritairement
masculin. C’est sur les conseils d’un professeur de l’École de culture générale
(ECG) qu’elle s’était intéressée aux
métiers du bois. Mais aucune entreprise
n’ayant voulu l’engager comme apprentie, elle s’est inscrite dans la filière
de formation professionnelle à plein temps en école. Après l’obtention de
son Certificat fédéral de capacité (CFC), la jeune ébéniste a voulu continuer sa formation et passer une maîtrise. Parce qu’elle aimait son métier,
mais aussi «parce que je voulais qu’on me lâche, avoue-t-elle. Je ne voulais plus avoir à me justifier de faire ce travail.» Cette époque semble désormais révolue. «L’ambiance est différente, les mentalités ont évolué et la
nouvelle génération est plus ouverte», reconnaît-elle. Laurence Josseron
a tout fait en ébénisterie: du «Louis Caisse» - en jargon d’atelier, un travail répétitif pour produire toujours la même chose - à la restauration, ou
encore du débitage du bois à la pose de meubles finis. Aujourd’hui, elle
partage son temps entre le CEPTA Arts et Métiers, où elle donne des
cours théoriques, et une entreprise où elle fait du dessin assisté par ordinateur (DAO). «Je n’ai plus les mains dans la sciure. Cela me manque
d’ailleurs. Si un jour on m’avait dit que je serais prof...», s’amuse-t-elle.
J. - N. Tallagnon
cie que tout ait été prévu: «Ce n’est
pas sur le chantier qu’il faut commencer à réfléchir.»
J. - N. Tallagnon
T. Porchet
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dossier
Un tronc commun,
des activités variées
Les ébénistes construisent et restaurent des meubles (chaises, buffets,
armoires, tables, bibliothèques...) en bois massif (sapin, mélèze, chêne,
noyer, ébène...) ou dérivés (panneaux contre-plaqués, agglomérés, stratifiés). Ils fabriquent des aménagements d’intérieur (cuisines sur mesure,
parois murales, plafonds) et réalisent des agencements de bureaux, magasins, restaurants, selon les plans conçus par les architectes ou les dessinateurs d’intérieurs. Ils/elles peuvent être engagés dans des fabriques de
meubles, des magasins de meubles, des ateliers d’agencement d’intérieurs
ou des ébénisteries. Ils et elles peuvent également s’installer à leur compte.
Toutefois, il est actuellement extrêmement difficile de vivre de la seule
confection - ou réparation - de meubles.
Les menuisiers et menuisières réalisent des portes, des éléments d’armoires, de cuisines, des fenêtres, des volets, des parois de séparation,
des tablettes de fenêtres. Les éléments de construction qu’ils fabriquent,
assemblent et posent dans des bâtiments neufs ou en restauration, sont
en bois massif (sapin, mélèze, etc.) ou dérivé (contre-plaqué, aggloméré, stratifié, etc.), parfois aussi en matières synthétiques (fenêtres PVC,
par exemple). Ils/elles exercent leur activité soit dans la production industrielle orientée vers la fabrication en série, soit dans la production artisanale centrée sur l’aménagement ou la transformation de bâtiments,
demandant un travail sur mesure et l’exécution de pièces uniques ou de
petites séries.
Les charpentiers et charpentières préparent, façonnent et assemblent
des pièces en bois pour l’ossature des bâtiments et des ouvrages particuliers, tels que chalets, salles de sports, piscines, patinoires, ponts, halles,
églises, etc. Spécialistes du toit et du bois dans la construction, ils peuvent
réaliser une partie de l’armature d’un bâtiment (toits, planchers, etc.) ou la
fabriquer intégralement (chalets).
Ils/elles peuvent exercer leurs activités au sein d’entreprises artisapublicité
nales ou industrielles. Après
quelques années d’expérience et
en fonction de leurs capacités, ils
peuvent accéder à certains postes
à responsabilités et fonctionner
comme chef-fe d’équipe, d’atelier
ou d’entreprise ou encore comme
contremaître.
Source: www.orientation.ch
Renseignements sur les formations dispensées à
Genève: www.geneve.ch/cepta
mes d’isolation, les échanges thermiques comptent de plus en plus. Un
bâtiment n’est pas qu’une structure,
c’est quelque chose d’évolutif. Et je
suis fier de faire ce que je fais»,
conclut Gilles Dumont. En savoir plus
OFPC
Centre principal de Plainpalais
(de 8h30 à 17h, du lundi au
vendredi)
Tél. 022 388 44 00
Conseiller en formation OFPC
en charge des métiers du bois:
M. Gilbert Ledermann
Stages en entreprise:
Contact-Entreprise
Information et documentation:
CIEP - Centre d’information sur
les études et professions
www.geneve.ch/ofpc
Internet
Lignum, Communauté suisse de
travail du bois: www.lignum.ch
Fédération romande des
entreprises de menuiserieébénisterie-charpente (FRM):
www.frm-bois-romand.ch
Associations professionnelles
à Genève
Association genevoise des
entrepreneurs de charpente,
menuiserie et parqueterie
Rue de la Rôtisserie 8
1204 Genève
Tél. 022 310 82 78
Chambre syndicale genevoise
des métiers du bois
Rue de Saint-Jean 98
Case postale 5278,
1211 Genève 11
Té. 022 715 32 11
[email protected]
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