Communication colloque SHS 12.06.08

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Communication colloque SHS 12.06.08
Colloque International – Sciences Humaines et Cancérologie
Les maux de l’annonce : de la détresse
des patients aux interrogations des
médecins
Potier Amandine – Psychologue clinicienne, Centre de
Coordination en Cancérologie, CHU de Besançon
E-mail : [email protected]
A tous les soignants et patients avec lesquels je travaille, qui m’ont
permis à moi aussi de cheminer et sans qui cette communication n’aurait
pas été possible…
La réflexion que je vous propose aujourd’hui s’inspire
de ma pratique en cancérologie, auprès des soignants mais
aussi auprès des patients que j’ai l’occasion de suivre dans les
temps qui suivent l’annonce du diagnostic. Je travaille pour le
Centre de Coordination en Cancérologie, instance qui émane
du plan Cancer et qui a pour vocation de s’assurer du respect et
de l’application des 70 mesures qui le composent. La mission
qui m’occupe à temps plein ne porte que sur la mesure 40
intitulée « Dispositif d’Annonce ». A ce titre, je travaille avec
une trentaine de services répartis sur le territoire de santé sur la
question de l’annonce du diagnostic, de ses modalités, de ses
enjeux. Mon rôle ne consiste pas à dire si tel ou tel service, si
tel ou tel médecin remplit correctement ses fonctions à cet
égard, mais plutôt à essayer de comprendre comment tel
service, comment tel médecin s’organisent autour de la
question de l’annonce pour en dégager certains axes de travail
susceptibles d’améliorer les conditions de l’annonce à partir
des spécificités de chacun. Les services avec lesquels je
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travaille sont tous volontaires, manifestent bien souvent
d’emblée cette préoccupation d’entourer, d’accompagner les
circonstances de l’annonce. Je n’assiste que rarement aux
consultations d’annonce, sauf exception, il me semble que ma
place se situe plutôt dans un second temps, dans un après-coup,
autant auprès du médecin et des paramédicaux qu’auprès du
patient. Je ne rencontre pas non plus chaque patient « victime »
d’une annonce de cancer, il ne s’agit pas de « rattraper le
coup » comme me le suggérait avec insistance un collègue
médecin qui voyait en la psychologue l’occasion de « réparer »
le mal dont il se considérait comme l’auteur. Non. Les patients
dont je vais vous parler sont des patients que je suis dans le
temps clinique qui m’est imparti, principalement des patients
d’hématologie et plus ponctuellement des patients de
pneumologie ou d’ORL au CHU.
Deux anecdotes
questionnement :
cliniques
pour
illustrer
mon
Une patiente vient me voir en consultation, sept ans
après la greffe, affolée parce qu’elle venait de se souvenir, la
veille, des circonstances de SON annonce diagnostique :
« C’était le médecin de garde. Il est venu le soir tard avec les
résultats de mes examens. Il était planté au bout de mon lit,
l’air gêné. Il m’a dit « vous avez une leucémie ». Il a ajouté
deux ou trois mots que je n’ai pas compris et il est parti.
Pendant sept ans, je n’ai pas voulu entendre. C’était comme si
ça ne s’était jamais passé ».
Un médecin au détour de la salle à café, le soir
relativement tard, toute blouse enlevée : « Quand je rentre chez
moi j’y repense. Je n’arrive jamais à savoir si j’ai bien fait les
choses [il évoque une annonce diagnostique en particulier]. De
toute façon, comment j’aurais pu bien faire ? C’est la partie de
mon travail que je déteste ».
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A partir de là un questionnement, le mien, celui qui
émane de ce que je peux observer au quotidien, peut-être le
vôtre aussi, en tout cas, celui qui à mon sens, interroge encore
aujourd’hui la pratique des équipes en cancérologie,
Comment dire ce que l’on n’a pas envie de dire à
quelqu’un qui n’a pas envie de l’entendre ?
Le premier code de déontologie médicale (1947) tentait
d’apporter, sinon la réponse, du moins une réponse possible.
L’article 31 stipulait : « […] un pronostic grave peut
légitimement être dissimulé au malade. Un pronostic fatal ne
doit lui être révéler qu’avec la plus grande circonspection».
Aujourd’hui, cette conception de la médecine paraît obsolète,
ne répondant plus aux exigences et aux besoins formulés par
les patients et par l’éthique médicale. Il faudra attendre la loi
Kouchner du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à
la qualité du système de santé pour obtenir la délivrance d’une
information médicale exhaustive dont le patient a revendiqué le
statut.
Néanmoins, le patient est-il prêt à tout entendre, à tout
moment ? Si les premiers états généraux des patients atteints de
cancer en 1998 ont largement contribué à la réflexion sur
l’annonce diagnostique, le processus demeure complexe. Le
plan Cancer donne bien la forme à travers un cadre, celui du
Dispositif d’Annonce, mais qu’en est-il sur le fond ? Le cadre
n’est-il pas trop rigide, enfermant à nouveau l’annonce dans
une « protocolisation » qui tasse la singularité du sujet ?
Auparavant, on s’assurait de ne rien dire, aujourd’hui on
revendique le « tout dire », traçabilité et check-list à l’appui.
Drôle de position que de convoquer la psychologue à cet
endroit là… comme pour entériner une sorte de légitimité
psychique à déverser en kit tout un flot d’informations,
véritablement exhaustives, et dont on peut dorénavant se
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dédouaner : « J’ai dit tout ce que j’avais à dire ». Peut-on
bricoler une clinique du protocole dans un rapport pour le
moins antinomique ? La dérive peut s’avérer cinglante. Et si,
malgré tout, le psy avait son mot à dire sur la question ? Tout
ne peut pas s’inscrire dans les limites d’un protocole. Qu’en
est-il alors lorsque le cadre, débordé, suinte sur les marges du
subjectif et de la relation à l’autre ?
Au-delà et par delà les limites du cadre, qu’est-ce qui
vient se jouer dans ce qui échappe ?
Du côté des patients, l’annonce voile tout autant qu’elle
dévoile, marquant la rupture indélébile dans le processus de
continuité identitaire. Parole qui informe, parole qui déforme
aussi, lorsque le corps, jusque là silencieux, semble trahir.
Etrangeté d’un soi qui devient autre. L’enveloppe se
rompt, se troue, se déchire. Enveloppe psychique autant que
corporelle. Véritable effraction, la parole entre au-dedans de
l’être jusqu’à le modeler, le déformer. Ecrasant les nuances, les
mots ne tissent plus le lien, ils le brisent .Mots qui se disent,
mots qui se taisent, mots qui se muent en passages à l’acte
lorsque les représentations se substituent au sens. Le sujet
devient malade : il est son cancer. Le mot devient la chose.
Ainsi en témoigne cette patiente : « Il n’y a pas que la maladie
qui tue, les mots tuent aussi. La différence, c’est que la maladie
vous laisse le temps ; les mots, eux, vous achèvent ». Le
traumatisme est d’autant plus grand que le diagnostic est
inattendu. La maladie est d’emblée associée à une série de
pertes dont le processus s’apparente à un véritable travail de
deuil. Il n’est alors pas rare d’entendre certains patients
évoquer un vécu de dépersonnalisation transitoire : « Au début,
quand le médecin m’a annoncé mon cancer, je n’y croyais pas.
Ce n’était pas possible. Ce n’était pas moi. Il parlait de
quelqu’un d’autre. Et puis, au bout d’un certain temps, on était
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deux à cohabiter dans un même corps. Il y avait le moi malade
et le moi tout court. Maintenant je réalise que je suis les deux.
On ne forme plus qu’un mais je ne veux plus penser que je
pourrais mourir. J’ai choisi de vivre ». Une autre patiente me
dira : « Quand le médecin m’a annoncé la greffe, ça m’a
fait mal de penser qu’on allait me retirer ma moelle pour
m’injecter celle de quelqu’un d’autre. Comment j’arriverai à
savoir que c’est toujours moi après ? ». Vacillement de l’être,
de soi, de l’autre, de l’autre en soi… Inquiétante étrangeté…
Vide sidérant de l’impossible annonce. Corps et âmes floués,
dupés, trompés. Indicible non-sens. Révolte silencieuse d’un
corps qui abandonne : « Je vais rentrer chez moi pour le weekend. C’est fou comme la vie vous semble atrocement normale
quand on vous apprend que vous avez un cancer. Rien ne
change, sauf que pour vous, tout a changé ». Plus difficile
encore d’accepter lorsque le corps ne porte pas la trace
apparente de la maladie : ce qui fait trauma n’arrive pas à
s’inscrire psychiquement, pour le malade, mais aussi et surtout
pour les proches. Ainsi en témoigne ce patient à qui on avait
annoncé une leucémie : « Le plus dur, c’est les autres. Ils ne
me voient pas malade, ils ne se rendent pas compte. Si j’avais
eu un accident de la route, si mon corps avait été marqué,
personne n’aurait mis en doute ma souffrance. Pour tout le
monde, mon corps n’est pas malade, et moi, je ne dois pas me
plaindre. J’aurais voulu être victime d’un accident ». Au cours
d’un entretien ultérieur, ce même patient, voulant me signifier
la difficulté qu’il avait à faire abstraction de la maladie (à
« l’occulter ») me dira : « Je n’arrive pas à ausculter la
maladie ». Ce lapsus viendra signer la douleur de l’absence,
l’absence d’une trace qui n’a pas pu se donner au regard de
l’autre et au sien, signe extérieur de reconnaissance et de
légitimité du trauma.
L’annonce du diagnostic est donc un moment violent (et
violant), redouté par le patient, mais aussi par le médecin. Que
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dire et comment dire ? Jusqu’où aller dans l’information ?
Dans le corps, médical cette fois, le malaise est palpable mais
le désir de faire mieux l’est tout autant.
En guise d’entrée en matière concernant l’interaction
entre un patient et son médecin, j’aimerais vous faire partager
l’expérience d’une consultation pré-greffe à laquelle l’un des
médecins du service m’a demandé de participer.
Sibel a dix ans. Elle vient aux consultations
d’hématologie accompagnée de ses parents, tous deux
d’origine turque. Sibel a deux frères et sœurs, plus jeunes
qu’elle. Tous les trois sont nés en France, peu de temps après
l’arrivée des parents. Sibel a déjà l’expérience de l’hôpital. A
trois ans, les médecins diagnostiquent une leucémie aiguë.
Après des mois de traitements, elle se trouve en rémission.
Nous sommes sept ans après. Sibel rechute. La greffe devient
nécessaire. Un consentement éclairé doit être signé par les
parents après explications du médecin. C’est dans ce cadre là
que la consultation commence. La mère de Sibel pleure
beaucoup. Le père semble lui aussi très touché mais reste plus
effacé. Sibel écoute attentivement sans jamais se manifester.
Lorsque sa mère s’adresse à elle, c’est toujours pour lui répéter,
un peu à la manière d’une lithanie : « tu vois, après tu seras
sauvée ». Mais la pensée magique n’opère pas sur Sibel qui fait
la moue, traduisant ainsi la difficulté qu’elle a à croire les
paroles de sa mère. Les modalités et les explications
s’enchaînent. Le médecin a clairement en tête le schéma des
points qu’il doit impérativement aborder. Et puis, à un moment
donné, le rythme de la consultation bascule. Quelque chose est
venu faire scansion. Quelque chose, qui, a priori paraissait
secondaire pour le médecin, ou en tout cas, ne relevait pas de
l’urgence vitale du moment, à savoir procéder à la greffe. Dans
le listing des effets secondaires du traitement, un « détail »
parmi d’autres : l’infertilité probable de Sibel. Insupportable
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pour cette maman. Plus aucune information ne passe. Le
médecin tente pourtant de poursuivre. En vain. Elle ne
cherchera plus qu’à entendre de la bouche de son interlocuteur
que la médecine pourra faire « quelque chose », plus tard. Dans
la culture de cette maman, ce qui fait de la fillette une future
femme, à savoir la possibilité d’enfanter, est réduit à néant.
Après l’entretien, elle me demandera des précisions : « le
médecin a parlé d’une tumeur à la tête en plus ? C’est ça ? Je
ne sais plus ce qu’il a dit à la fin ». Evidemment il n’a jamais
été question de tumeur « à la tête » chez cette petite fille. La
mère a elle-même effectué le déplacement de la sphère sexuée
à la sphère cognitive. Tu-meur à la tête. Si tu ne peux plus
enfanter, « tu-meurs [en tant que femme], tu-meurs [à la tête],
je meurs moi aussi dans ma tête de maman, la transmission
s’arrête ». Par la suite, cette maman aura bien du mal à venir
voir sa fille en hospitalisation. De « maltraitée » dans ses
projections, elle deviendra maltraitante vis-à-vis de Sibel. Ses
rares apparitions à l’hôpital deviendront le théâtre
d’incompréhensions et de jugements de part et d’autre :
«Regardez docteur [en montrant sa fille du doigt]… Ma fille
est un monstre, on dirait un singe avec tous ces poils [dus à la
radiothérapie]. Ma fille restera toujours un monstre docteur ? ».
Cette situation, difficile, met en exergue la
problématique des annonces en cascade, à vif. Il n’y a pas une
annonce mais des annonces, toutes aussi douloureuses les unes
que les autres. Des annonces qui ne peuvent pas attendre et qui
laisse peu de place au temps d’élaboration psychique. Les
priorités, de l’un, médecin, et de l’autre, patient, ont du mal à
se rejoindre, dans une confusion de langue aussi délétère que
motrice de l’engagement thérapeutique. Il s’agit en fait d’une
promesse, celle de l’alliance à venir entre un médecin et son
patient.
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S’il y a bien une certitude en matière d’annonce, c’est
que le médecin se retrouve véritablement Seul. Il y a bien
l’équipe… Infirmiers, aides-soignants, psychologues… Et
malgré cela le médecin est pris dans une position solitaire dont
lui seul fait l’expérience. Le médecin est vecteur de nouvelles,
parfois bonnes, initialement mauvaises, avec tout le poids que
cette responsabilité peut induire. Souffrance du médecin qui ne
s’autorise pas ou peu à parler, si ce n’est ponctuellement avec
ses pairs. L’expression de cette souffrance, si ténue soit-elle,
est importante à prendre en compte lorsqu’elle émerge.
Véritable étayage en pointillés. A ce sujet, je vous propose une
phrase d’André Comte-Sponville (philosophe), qui, je trouve,
vient faire écho à ce que vivent les médecins au quotidien, pas
seulement en cancérologie d’ailleurs : « Les médecins sont
soumis à trois confrontations. La première est ce que j’appelle
la confrontation au pire, qui fait de la médecine un métier
tragique. Le médecin travaille sur la ligne de front, au plus
près de l’horreur. La deuxième est la confrontation à l’autre
qui fait de la médecine un métier éthique. Le médecin travaille
sur l’humain, son objet est un sujet. La troisième confrontation,
la confrontation à soi qui fait de la médecine un métier
solitaire. Solitude à entendre ici non comme le fait d’être isolé,
mais le fait d’être dans une situation que personne ne peut
assumer à votre place ».
De plus en plus, les soignants s’interrogent, bousculés
dans leur pratique par l’intensité des demandes, formulées ou
implicites, auxquelles ils doivent répondre. Parole de médecin :
« Je ne sais jamais comment faire. Je sens bien que je ne peux
pas attendre trop longtemps avant de dire les choses parce que
je vois bien que le patient angoisse. D’un autre côté, si je dis
tout de suite que c’est un cancer, j’ai l’impression que c’est
moi qui les tue ». Un autre médecin me confiera dans le
couloir, après une annonce difficile : « Quand je vois un patient
pour l’annonce diagnostique, j’essaie de ne pas froncer les
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sourcils, je fais attention à ne pas fuir le regard. Je m’oblige à
être simple, à être là. Mais je me sens épié. Je sais que le
moindre geste, le moindre mot sera interprété. Ca me met mal à
l’aise. Ce que j’ai à dire, c’est pas facile ; ce qu’ils ont à
entendre, c’est encore pire ». Il s’agit de dire, par-delà la
violence des mots. Ne pas cacher, mais ne pas imposer non
plus. Réalité complexe que celle de l’annonce. Il ne suffit pas
de parler pour bien faire, ni même de se taire pour ne pas faire
mal. L’annonce pose problème, l’absence d’annonce en pose
tout autant. En deçà d’une vérité scientifique, ce qui se joue
dans l’annonce se situe dans un ailleurs, l’ailleurs d’une
rencontre singulière qui ne se maîtrise pas.
Dans les situations d’annonce au pronostic létal, la
culpabilité et le sentiment d’impuissance du médecin peuvent
être tels qu’il se positionne d’emblée en tant que mauvais
objet : « Moi j’ai le rôle du méchant. J’annonce toujours les
mauvaises nouvelles. Viens avec moi, tu feras le gentil ». Un
autre médecin : « Je vais pouvoir lui annoncer qu’il va mourir,
non pas à cause de sa maladie mais à cause des traitements
qu’on lui a fait subir. Je suis sûr qu’il va se sentir soulagé ! ».
Le mot cancer continue à faire peur, même au médecin qui
l’évite encore souvent, y substituant des termes plus techniques
ou laissant parfois au patient le soin de le prononcer en premier
(ou pas). Les raisons de cette attitude sont multiples, avec
souvent le souci de protéger l’autre, et pourquoi pas… peutêtre… celui de se protéger un peu aussi.
Et puis il y a les situations qui débordent, celles où le
médecin se voit submerger par son impuissance et par sa
propre confrontation à la mort. Une patiente raconte : « En
juin, il [le médecin] m’a envoyé un courrier gentil dans lequel
il disait qu’il n’y avait pas lieu de traiter, que ça n’était pas
grave. Quand je l’ai rencontré en octobre, il m’a dit que c’était
très grave, que de toute façon ça allait récidiver, et que quand
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ça arriverait, la maladie exploserait et qu’elle m’emporterait. Je
me suis jurée de le faire mentir ».
Les médecins le disent eux-mêmes, la gestion des
émotions et la relation à l’autre ne font pas d’emblée partie de
leur formation ou très peu. Les représentations collectives sont
persistantes : aujourd’hui encore, un bon médecin est avant tout
un bon technicien. Il ne se sent pas le droit de douter ou de ne
pas savoir, alors que justement, c’est dans cette brèche que la
confiance du patient peut s’établir.
Si parfois le langage scientifique des médicaux peut
venir faire écran, d’autres paroles, plus contenantes, viendront
inscrire le temps de l’annonce dans l’ébauche d’une alliance
thérapeutique à venir. Un patient raconte : « Je n’oublierai
jamais. Il [le médecin] m’a dit que la tumeur était toujours là.
Et puis, juste avant de partir, sur le pas de la porte, il m’a dit :
« occupez-vous de guérir, je m’occupe de vous soigner » ».
Diagnostic signifie littéralement « capable de
discerner ». Georges Canguilhem avançait à ce propos : « Mon
médecin, c’est celui qui accepte de moi que je vois en lui un
éxégète avant de l’accepter comme réparateur ». C’est peutêtre en acceptant de passer par là que nous pourrons, avec nos
patients, regarder la mort sans mourir.
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