Les acteurs de la vie politique et les relations majorité/opposition

Transcription

Les acteurs de la vie politique et les relations majorité/opposition
Les acteurs de la vie politique
et les relations majorité/opposition
(au sein du Parlement et en dehors
du Parlement, quelles garanties pour l’opposition ?)
Cas de la République Centrafricaine
Charles Armel DOUBANE
Député
La constitution de la RCA du 4 janvier 1995 énonce, en son article 19 : « Les partis ou groupements politiques
concourent à l’expression du suffrage, à l’animation de la vie politique, économique et sociale. Ils se forment et
exercent librement leurs activités. Ils sont tenus de respecter le principe de la démocratie, de l’unité et de la souveraineté nationale, de l’unité et de la souveraineté nationale, des droits de l’Homme et la forme républicaine de
l’État, conformément aux lois et règlements. Une loi détermine les conditions de formation de leur fonctionnement, de leur financement et leur dissolution. »
C’est sur ce fondement qu’une loi organique n° 91/004 du 4 juillet 1991 sur les partis politiques avait été votée
par le Parlement (1ère législature). Son antériorité à la constitution s’explique par le fait qu’elle avait été élaborée
sous la pression des revendications démocratiques du début des années 1990, appuyée par le vent d’Est et le discours de La Baule.
Nous développerons ce thème en utilisant le canevas suivant : dans un premier temps, nous ferons un constat
de la situation ; dans un second, nous nous appesantirons sur les relations majorité/opposition suivies de quelques
recommandations.
I.– CONSTAT DE LA SITUATION
Depuis juillet 1991, année de la restauration du multipartisme intégral, 34 partis politiques ont été enregistrés
au ministère de l’Intérieur et de l’Administration du territoire. Leurs projets de société (s’il y en a) et leurs idéologies diffèrent très peu les uns des autres. Leur représentativité au plan national et leurs moyens dépendent du
charisme de leurs dirigeants.
Si le pays compte autant de partis, cela ne veut pas dire que tous participent réellement à l’expression du suffrage. C’est ainsi que plus d’une vingtaine ne dispose d’aucun député à l’Assemblée nationale.
Pour éviter une atomisation certaine, la plupart d’entre eux ont choisi d’entrer dans le groupe des partis dits de
la majorité, c’est à dire ceux qui soutiennent le président de la République et l’action du Gouvernement.
Quatre à cinq ont préféré militer dans l’opposition et très récemment dans l’Union des Forces Acquises à la
Paix et au Développement (UFAP) qui est un regroupement de partis politiques et associations de l’opposition.
Tous ces partis, sinon la plupart, connaissent des difficultés de tous ordres dont l‘absence de ressources nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Toutefois, ces difficultés n’ont pas empêché un certain nombres d’entre
eux de remporter quelques sièges à l’Assemblée nationale lors des dernières consultations législatives de novembre
et décembre 1998.
II.– LES RELATIONS MAJORITÉ-OPPOSITION
Ce n’est plus un secret pour personne que les élections législatives en Centrafrique avaient été remportées par l’opposition, et que c’est suite au retournement par le camp présidentiel d’un député du PSD, M. Koudoufara, que le
Gouvernement actuel dispose d’un support politique au Parlement.
Une dizaine de partis politiques est représentée à l’Assemblée nationale qui en compte 109. La plupart appar-
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Symposium international de Bamako
tiennent au MLPC (49) et au RDC (20). Ces députés sont répartis en 6 groupes parlementaires : MLPC-PLD et
Indépendants qui forment le groupe de la majorité parlementaire (58). RDC (20), MDD (8) FPP (8), ADP-FODEMUPR (8), PUNFC Indépendants (5), PSD (2) appartiennent à l’opposition.
La crise née du débauchage du Député Koudoufara par le camp du pouvoir dure pratiquement jusqu’aujourd’hui. Ce qui est à l’origine des rapports quasi-conflictuels permanents et une méfiance généralisée entre les représentants du peuple. La 1ère session extraordinaire avait été boycottée par l’opposition. Profitant de cette période
trouble, le groupe parlementaire MLPC et assimilés a constitué seul aussi bien le bureau de l’Assemblée que ceux
des 7 commissions permanentes, alors que la Communauté internationale, dont la Francophonie, avait souhaité une
cogestion fondée sur le consensus. Une nouvelle initiative pour faire croire que le consensus existe a été prise avec
la création d’une 8ème commission confiée à un député de l’opposition.
En somme, voilà comment se présente la réalité dans le Parlement centrafricain au moment où se tiennent nos
assises :
Sur 11 membres du Bureau de l’Assemblée nationale, 8 sont issus du MLPC et assimilés et 3 postes confiés à
des députés « débauchés ». Sur 8 Commissions permanentes, 7 sont toutes présidées par le parti au pouvoir sauf la
dernière. Cette illustration est le reflet du type de relation prévalant à l’Assemblée nationale de Centrafrique.
La méfiance entre les deux groupes entraîne le rejet systématique des propositions émanant de l’opposition,
ce qu’elle rend bien au camp du pouvoir . Seulement comme le vote mécanique (à cause de sa supériorité numérique) est l’arme redoutable souvent utilisée par ce camp, le débat houleux qui le précède, apparaît pour la plupart
des observateurs comme inutile, car créant un climat malsain.
Toutefois, plusieurs textes de lois dont les conséquences sont immédiates sur l‘ensemble de la vie de la Nation,
sont généralement votées par quelques députés de l’opposition : c’est le cas des lois de finances.
III.– QUELQUES RECOMMANDATIONS
Pour éviter l’enlisement, nous formulerons les recommandations suivantes :
– La majorité même si elle gère, parce qu’elle a «gagné» les élections, doit permettre à la minorité de s’exprimer, d’exercer librement ses activités dans le cadre des textes en vigueur contrairement aux entraves de tous
ordres qui lui sont faites quotidiennement.
– L’État soutenu par la majorité, doit, comme l’exige la constitution, mettre en place un mécanisme de financement
des partis politiques représentés à l’Assemblée, dont ceux de l’opposition, ce qui favoriserait une animation saine
de la vie politique nationale et éviterait les immoralités créées par les débauchages des militants ou l’achat des votes
de certains députés.
– Enfin, pour éviter les injustices et les frustrations inutiles, il faudra élaborer et faire voter une loi portant statut de l’opposition. L’avantage d’une telle loi est qu’elle contribuera à sécuriser l’opposition comme force
d’alternance et de propositions constructives dans l’intérêt supérieur du pays. En le faisant, la majorité au
pouvoir préparerait également une sortie dans de meilleures conditions.
À ce sujet, le groupe parlementaire du FPP avait soumis au Gouvernement une proposition de loi qui, malheureusement, n’a pas été retenue, retardant à nouveau ce que souhaite un grand nombre de parlementaires et
diverses institutions internationales en charge des questions de la démocratie et des droits de l’Homme.