Réforme précise de la fiscalité immobilière
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Réforme précise de la fiscalité immobilière
40 / Immobilier Réforme précise de la fiscalité immobilière L’impôt sur les gains immobiliers pourrait déployer ses effets dès cet année à Genève. Alors que la nouvelle méthode d’évaluation fiscale des immeubles devrait être appliquée plus tard. Philippe Meyer de Stadelhofen Responsable Financements immobiliers, Hyposwiss Private Bank Genève L e ministre genevois des finances a lancé un vaste chantier de réforme de la fiscalité cantonale, notamment immobilière. En effet, deux modifications majeures de l’imposition des immeubles sont proposées, l’une concernant une nouvelle méthode d’évaluation fiscale des immeubles et l’autre une modification de l’impôt sur les gains immobiliers. Pour être conformes avec le droit fédéral, les cantons doivent depuis 2001 estimer les immeubles non locatifs à leur valeur vénale. La proposition du Conseil d’Etat vise donc à mettre en conformité le droit cantonal tout en procédant à une hausse d’impôts, au moins à court terme. Révision. Actuellement à Genève, les valeurs des immeubles autres que locatifs doivent être revues tous les dix ans par des commissions d’experts. La dernière expertise générale date de près de cinquante ans et depuis, le Grand Conseil a prorogé les valeurs fiscales moyennant une majoration linéaire de 20% pour la période décennale suivante. La dernière prorogation a échu le 31.12.2012, le département des finances devant élaborer une nouvelle méthode d’évaluation jusqu’à cette date. En août 2012, le Conseil d’état a proposé de proroger pour quatre ans supplémentaires les valeurs fiscales actuelles majorées de 20%. En septembre 2012, le Conseil d’état a mis en consultation un projet de loi qui prévoit un changement fondamental d’avec la pratique actuelle: les immeubles seraient estimés par l’administration et non plus par les propriétaires eux-mêmes. Ainsi, l’état deviendrait juge et partie, puisqu’il cumulerait la compétence d’attribuer leurs valeurs aux immeubles et celle de les taxer sur la base de son évaluation. La méthode retenue dans ce projet de loi est la méthode dite «hédoniste». Il s’agit d’une méthode statistique portant sur un grand nombre de transactions immobiliè- res effectuées de gré à gré. Il s’agit donc d’une valeur à un moment précis, dans un environnement économique particulier, sans relation avec une valeur à long terme. Ceci pose un problème du fait de la volatilité d’une telle valeur, qui, par ailleurs, ne correspond pas à l’esprit de la loi sur la prévoyance professionnelle. En effet, cette dernière considère que le logement familial détenu en propriété est un élément de la prévoyance vieillesse. Sous cet angle, on peut se demander s’il ne conviendrait pas d’appliquer une fiscalité adaptée, tenant compte de ce caractère particulier du logement familial détenu par ses occupants. Le principe d’équité par rapport aux personnes qui choisissent d’autres formes de prévoyances professionnelles, qui font l’objet d’une fiscalité allégée, devrait être respecté. Par ailleurs, le programme informatique et la base de données sur lesquels reposerait cette méthode sont développés par une entreprise extérieure, constituant une sorte de boîte noire, qui pourrait se révéler fort onéreuse sur le long terme et dont l’état n’aura pas le contrôle. Rappelons toutefois qu’une réévaluation de la valeur d’un bien immobilier est effectuée à chaque changement de propriétaire, le fisc estimant que la valeur de transaction est la nouvelle valeur fiscale. Faute d’un consensus sur la méthode, le Grand Conseil, sur proposition de sa Commission fiscale, a voté au début décembre 2012 la prorogation des valeurs fiscales actuelles, sans majoration, pour deux ans, soit jusqu’au 31.12.2014. Gageons que d’ici-là la méthode choisie tiendra mieux compte de ces différentes critiques. Augmentation. L’autre volet de la modification de la fiscalité immobilière proposée par le Département des finances est constitué par une forte augmentation de l’impôt sur les plus-values immobilières. Le barème proposé doublerait voire triplerait l’imposition actuelle et main- Agefi Magazine | Business Mobility | février 2013 tiendrait une fiscalité indéfinie à un taux de 21,6%, alors qu’aujourd’hui l’impôt sur les gains immobiliers est nul lors de la revente de biens détenus pendant 25 ans et plus. A noter que serait assimilée à une aliénation immobilière la vente d’actions de sociétés immobilières, même si cellesci ne représentent qu’une part minoritaire de la société, ce qui serait un changement notable par rapport à la pratique actuelle, qui considère les actions de sociétés immobilières comme partie de la fortune mobilière. En contrepartie, les droits de mutation et d’enregistrement seraient totalement abrogés. Si la simplification des droits d’enregistrement est bienvenue, on ne peut que regretter la forte augmentation de l’impôt sur les gains immobiliers, qui, là aussi, risque de décourager les candidats à l’accession à la propriété. De plus, ses effets ne sont pas du tout compensés par la disparition des droits de mutation, puisque le nouvel impôt ne toucherait pas les mêmes contribuables que ceux bénéficiant de cette exonération. Avec ce paquet de mesures proposées par son ministre des finances, Genève verrait son taux d’imposition globale augmenter, ce qui la conforterait dans sa place d’un des cantons suisses les moins intéressants fiscalement. Avec le risque, à terme, de décourager la venue de nouveaux contribuables aisés et le départ de certains de ceux-ci. Avec moins de 20% de la population propriétaire de son propre logement, Genève détient le taux le plus bas de Suisse, qui est déjà le pays avec la plus petite proportion de propriétaire d’Europe. Les changements envisagés dans la fiscalité, avec leur impact sur l’impôt sur les revenus que la modification de la valeur fiscale du bien induit, combinés avec la limitation de l’usage du deuxième pilier pour l’acquisition de son logement, décourageront plus encore les candidats potentiels à l’accession à la propriété. A ce jour, ces différents projets sont en cours de consultation et rien ne dit que le Grand Conseil les approuvera. ///