L`hôpital sud-francilien taille dans les budgets pour financer la

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L`hôpital sud-francilien taille dans les budgets pour financer la
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perdra trois infirmières dès la rentrée, la colère explose
et le service se met en grève. Le docteur Lelièvre
entame une grève de la faim. Trois heures de jeûne
auront suffit pour que le service obtienne le maintien
des infirmières, l’ouverture d’un bloc supplémentaire,
l’ouverture de 8 lits à la rentrée ainsi que l’embauche
de 2 chirurgiens pour novembre. Mais le chirurgien
reste sceptique quant à ces annonces.« Pour ouvrir de
nouveaux lits, il faut avoir prévu assez d’infirmières
ce dont je doute et pour embaucher des chirurgiens,
il faut prévoir des salles sinon ils s’en iront, comme
d’autres avant », affirme-t-il en précisant que depuis
la création du CHSF 9 chirurgiens ont démissionné. «
La plupart sont allés dans le privé », déplore-t-il.
L’engagement du gouvernement pris à la fin du mois
de juillet d’allouer aux hôpitaux publics une partie des
10 milliards d'euros du grand emprunt laissés vacants
par l’ancien gouvernement ne rassure qu’à moitié. Le
montant précis de ce coup de pouce reste à déterminer
mais une chose est sûre, il ne saura endiguer les déficits
des hôpitaux publics qui ne cessent de se creuser. Ils
ont en effet triplé en 10 ans pour dépasser aujourd’hui
les 24 milliards d’euros. L’hôpital public a vu son
nombre de lits passer de 305 000 en 2003 à 270 000
en 2010, selon les données collectées par l’Insee. En
attendant des engagements forts de la part du nouveau
gouvernement, le malaise dans la fonction publique
hospitalière demeure entier.
« Le service orthopédie est le service qui ramère le
plus d’argent à l’hôpital. Il n’y a même pas d’argent
pour les activités qui rapportent de l’argent. La
direction y a pourtant intérêt », déplore Henri Lelièvre
selon qui « les économies faites ont coûté de l’argent ».
L'hôpital sud-francilien taille dans les
budgets pour financer la privatisation
PAR SIMON CASTEL
ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 8 AOÛT 2012
Il n’y a pas que l’industrie automobile et PSA, la
rentrée sociale et la rentrée scolaire, qui animeront le
mois de septembre. Pris dans des coupes budgétaires
toujours plus importantes, le personnel des hôpitaux
public pourrait rejoindre la danse. « Le personnel
hospitalier se trouve dans une situation de tension
importante. Et si les attentes sont déçues, cela
pourrait déboucher sur un mouvement de colère »,
prévient Christophe Prudhomme, médecin urgentiste
CGT santé et porte parole de l’Association des
médecins urgentistes de France (AMUF). « Nous
sommes en train de réfléchir à des moyens d’action
pour la rentrée », confirme de son côté Henri
Lelièvre, chirurgien orthopédiste au Centre hospitalier
sud-francilien (CHSF) et président de l’association
Sauvons notre hôpital public.
Le centre hospitalier sud francilien (CHSF)
Car « si on vous met dans une situation où vous
ne pouvez pas traiter correctement vos patients»
c'est certes pénible pour les malades, mais pour
les praticiens aussi «c’est dur psychologiquement
et les arrêts maladie se multiplient, poursuit le
chirurgien se remémorant l'infarctus de son collègue
chirurgien orthopédique. C’est le même mécanisme
que le harcèlement. Les gens essayent de compenser
le manque de personnel en travaillant plus dur. On
aboutit à une situation de souffrance aigüe au travail.»
En juin 2012, le personnel du service orthopédique du
CHSF avait déjà sonné la sonnette d’alarme. Tandis
que des aides soignantes absentes pour congés ou
arrêt maladie n’avaient pas été remplacées et que
la direction annonçait que le service orthopédique
Loyer de l'hôpital: 51 millions d'euros en
2013
Le cas de l’hôpital sud-francilien, à cheval sur les
communes de Corbeil-Essonne et d’Evry, illustre à lui
seul les conséquences en terme d’offre de soin des
problèmes de financements des hôpitaux publics et
de la « privatisation du service public de santé »,
dénoncé par les syndicats.
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Aujourd’hui, sur les 1000 lits prévus lors de sa
construction en 2011, environ 900 sont ouverts et seuls
8 blocs opératoires sur 20 sont en état de fonctionner.
Des parties entières de cet hôpital démesuré reste
inutilisées alors qu’elles sont déjà équipées. Ainsi,
une partie de ce qui devait accueillir le service
de radiographie, est actuellement occupée par les
permanences syndicales. Selon le docteur Lelièvre,
l’ouverture des lits et blocs restant permettrait de
générer davantage d’activité et donc de renflouer
les caisses de l’hôpital, selon le principe de la T2A
(tarification à l’activité). C’est d’autant plus vrai qu’en
orthopédie, les opérations sont souvent coûteuses.
l’ouverture de l’hôpital au public. Prévu pour l'être au
printemps 2011, le CHSF n’a été opérationnel qu’au
début de l’année 2012. De nouveaux travaux ont entre
temps été effectués, ce qui a engendré un surcoût de
175 millions d'euros répercuté par Eiffage sur le loyer
annuel. Ainsi, en 2011, l’hôpital a dû débourser 38
millions d’euros alors que les locaux du CHSF étaient
encore vides. En 2012, il s’apprête à payer 46 millions
et on parle déjà d’un loyer à 51 millions en 2013.
Avec 230 millions euros de budget, l’hôpital, malgré
la suppression en cours de route de certains services,
comme la radiographie, reste en déficit. Il s’éleverait
à environ 20 millions cette année.
Par ailleurs, le contrat prévoit que ce soit Eiffage qui
prenne en charge les travaux et réparations à réaliser
dans l’hôpital, sans appel d’offre. Résultat : des prix
prohibitifs sont pratiqués et viennent alourdir le loyer
en fin d’année. Ainsi, au rez-de-chaussée, les deux
fenêtres installées pour donner de la lumière à un
bureau de secrétaires ont chacune été facturées 26 000
euros. « Eiffage a déjà la rente sur les autoroutes
et maintenant sur les hôpitaux avec des marges
honteuses, sur le dos de la sécurité sociale », s’indigne
Christophe Prudhomme de la CGT. « Le problème du
PPP, est que c’est à la fois un produit construit mais
aussi un produit financier qu’il s’agit de rentabiliser
», ajoute Claude Combrisson, représentant des usagers
au sein de l’association Sauvons notre hôpital public.
Mais le fiasco de son démarrage est à l'image du
gigantisme du projet.
Une salle de réveil du CHSF, équipée mais pourtant inutilisée
Flambant neufs, les 110 000 m2 du CHSF se dressent
à côté du Génopole d’Evry et couvrent un territoire
de santé de 600 000 personnes. Né pour accueillir
la fusion des hôpitaux d'Évry-Courcouronnes et de
Corbeil-Essonnes, la construction du CHSF s'est fait
dans le cadre du plus gros partenariat public-privé
(PPP) dans le milieu hospitalier. Signé en 2006 par
le ministre de la santé de l’époque Xavier Bertrand,
le contrat qui lie l’hôpital au constructeur, une filiale
d'Eiffage, prend la forme d'un bail emphytéotique, ce
type de baux immobiliers de très longue durée qui
confère au preneur, un droit réel sur la chose donnée
à bail: Ainsi dans le cas de cet hôpital, le contrat
d'origine prévoit que l’hôpital verse, sur son budget
de fonctionnement, 30 millions d’euros par an pour le
loyer et la maintenance des locaux. Au bout de 30 ans,
l’Etat devient propriétaire des lieux.
Sauf qu’à la livraison en janvier 2011, entre la
légionelle retrouvée dans l'eau et les gainages
des tuyaux de gaz qui n'avaient pas été séparés,
8000 malfaçons ont été relevées, rendant impossible
La cour régionale des comptes estime, dans un rapport
de septembre 2010, que le PPP coûtera au final 1,188
milliard d’euros, pour un coût de construction de 344
millions.
Interimaires remerciés, salles fermées
Le docteur Henri Lelièvre explique que la situation
financière du CHSF pousse la direction de l’hôpital
à « faire des économies de bout de chandelle ». La
direction a en effet mené une politique de réduction
des dépenses et a ainsi économisé 14 millions d'euros
en 2010, 20 en 2011 et 29 en 2012, selon les chiffres de
la cour régionale des comptes. Cela s'est traduit par la
suppression de 160 postes ces trois dernières années.
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Les économies touchent notamment le service
d’orthopédie. A l’heure actuelle, deux chirurgiens se
partagent deux blocs opératoires pour 28 lits ouverts
(sur 44 prévus lors de la construction) et trois équipes
de trois infirmières se relaient en 3x8.
« Quand il y a eu la fusion des hôpitaux de Corbeil
et d’Evry, il devait y avoir trois salles pour opérer,
raconte-t-il. C’est ce que l’Agence régionale de
santé avait calculé selon l’activité des deux services
fusionnés. Il y avait une salle d’opération pour chaque
service et nous devions partager une autre salle pour
la traumatologie et les urgences. Par la suite, on nous
a dit que nous faisions moins d’activité que prévu –
forcément avec une salle en moins–, donc la salle n’a
pas été ouverte. »
péritonite, on se débrouille pour vous trouver une
place mais si vous avez une opération considérée
comme moins importante, comme une fracture de la
jambe, vous n’avez pas de salle », explique Henri
Lelièvre.
Résultats pour les patients, les délais pour se faire
opérer s’allongent. « Si on ne peut pas vous
donner de rendez-vous au bout de deux jours, la
réaction normale c’est d’aller voir les cliniques
privées, nombreuses autour du CHSF, affirme
Claude Combrisson, le représentant des usagers de
l’association Sauvons notre hôpital public. Mais
la majorité des gens qui vont à l’hôpital public
ne peuvent pas faire autrement pour des raisons
financières. Un gouvernement de gauche se doit de
faire quelque chose.»
L’activité de l’orthopédie a subi une autre coup de
frein avec la suppression des postes d’intérimaires
qui travaillaient dans les blocs opératoires. « Donc
à présent, si vous avez une urgence, comme une
Les 10 milliards
suffisants ?
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