Désert de Gobi : la ruée vers l`uranium.

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Désert de Gobi : la ruée vers l`uranium.
Désert de Gobi : la ruée vers l'uranium.
Extrait du Grands Reporters
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Série Mongolie (2)
Désert de Gobi : la ruée vers
l'uranium.
- Articles -
Date de mise en ligne : vendredi 30 janvier 2015
Date de parution : 29 janvier 2015
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Désert de Gobi : la ruée vers l'uranium.
Huit cents ans après son âge d'or, la Mongolie revendique sa place en Asie. Elle se cherche un
modèle original où faire cohabiter des concepts aussi éclectiques que la glorieuse épopée
guerrière de Chingis Khan, des cultures religieuses tolérantes, une économie forte basée sur
le commerce et les ressources naturelles, sans les excès de la société de consommation. Son
empire des steppes l'a menée aux confins des mondes turc, coréen, japonais, russe,
chinois&.Ses intellectuels ont côtoyé bouddhistes, confucianistes, musulmans, orthodoxes,
laïcs, féministes... Ce serait comme réinventer la « pax mongolica » qui dans les temps
historiques créa un immense marché économique et culturel ouvert sur l'Europe, la Chine et
lInde. Pour réussir cette gageure, elle dispose de trois atouts majeurs : une spiritualité
tolérante, le pactole minier du désert de Gobi et un féminisme exceptionnel.
Depuis des siècles, le Gobi est lun des no mans land les plus mystérieux de la planète. On savait que les
armées impériales mongoles et chinoises sy étaient affrontées lors de batailles d'anthologie. Que ses tempêtes de
sable pouvaient bousculer les dunes jusqu'à engloutir des caravanes de plusieurs centaines de chameaux, voire des
cités entières. Quon y mourrait de chaleur lété et de froid lhiver, et que des créatures mythiques avaient hanté ses
déserts.
En 1900, Osborn, le célèbre paléontologiste américain, y organise une grande expédition. Il pense découvrir les
restes des premiers hominidés. A la place, il trouve de très nombreux ossements danimaux connus par les rares
nomades locaux sous le nom de dragons. Un véritable filon de dinosaures ! Il répertorie des Protoceratops à corne,
des Hadrosaures à bec de canard, des Ankylosaures, des Segnosaures, des Bronchiosaures...
Les révolutions locales interdisent la zone occupée par les soviétiques jusquen 1991. Quand lURSS se désintègre,
les russes quittent le pays, oubliant dans un bureau gris et sans fenêtres de la place Sukhbaatar des liasses de
rapports et de cartes géologiques. Plus d'un demi-siècle de relevés et de découvertes soigneusement archivées. Le
désert était aussi un véritable coffre-fort avec d'immenses réserves de métaux précieux.
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Désert de Gobi : la ruée vers l'uranium.
Automne 2014. Les deux principaux gisements de cuivre et de charbon d'O.T et T.T sont maintenant en
exploitation dans des mines gigantesques où se côtoie la confrérie des cadres mineurs du monde entier. Jack
l'électricien canadien côtoie des foreurs australiens, des ingénieurs malgaches, des géologues français...sous la
surveillance d'un responsable de sécurité papou et enthousiaste. « On est 53 nationalités différentes pour 15.000
salariés ».
La planète mine a fait de ce bout de désert ingrat son nouvel eldorado. Chaque quinzaine ou mois, selon le contrat,
des groupes essaiment à travers les fuseaux horaires pour retrouver une famille ou se reposer. Lor est exporté vers
la Chine sous forme de poussière de minerai, le cuivre en berlingots et luranium nattend quun paraphe sur un
document pour être extrait.
Ce minerai si controversé, découvert dès 1789, est resté « ordinaire » jusque dans les années 1930 lorsque
des physiciens découvrent ses particularités physiques. En se désagrégeant, un seul atome produit un million de fois
plus dénergie que le même atome de charbon ! La première source de chaleur du manteau terrestre est présente en
quantité dans les Gobis où les géologues traquent son signal radio depuis une quinzaine dannées.
Après avoir prélevé des milliers de carottes du sol, chacune est scrutée, mesurée et soumise au compteur gamma
pour y espérer un signal au dessus de 120, Ils ont dessiné une carte en 3D du sous-sol puis effectué un test de
récupération du minerai selon la méthode de lixiviation déjà utilisée au Kazakhstan, premier producteur mondial. On
injecte un mélange d'eau, d'acide sulfurique et de peroxyde d'hydrogène dans un gisement piégé entre deux
couches imperméables. La solution circule, se charge en uranium avant dêtre pompée puis traitée en surface dans
des filtres où se fixe le minerai. Le liquide est ensuite réinjecté pour un nouveau cycle.
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Désert de Gobi : la ruée vers l'uranium.
Bientôt, lentreprise franco-mongole Cogegobi va démarrer la production industrielle du fameux « yellow
cake », à une centaine de kilomètres de la frontière chinoise. En contrepartie des droits de concession sur 18.000
km2, le groupe investit dans léconomie locale jusqu'alors inexistante. Dans l'éducation, la santé, l'agriculture...Si
certains éleveurs demeurent réticents devant les nuisances attendues, d'autres, comme Dorge, cultivent maintenant
concombres et fruits à l'ombre de saxaouls.
Depuis que la route a remplacé la piste jusqu'à Zumbayan, ville fantôme de l'ex armée rouge, les équipes
minières ont déserté le transsibérien-mongol-Chine. Oublié le charme suranné des wagons de bois se dandinant
dans la steppe, les hôtesses en uniforme strict et bas couture veillant sur les samovars fumant au bout de couloirs
moquettés d'épais tapis, les somptueux couchers et levers de soleil sur l'herbe blonde. Tous rejoignent maintenant la
base-vie de Dulan Uul en quelques heures de route monotone depuis la capitale.
En attendant l'exploitation du gisement, de nombreux locaux scrutent le développement fulgurant des nouvelles
mines. Surtout celle d'Oyu Tolgoi. Un monstre industriel avec ses milliers de salariés, son aéroport et sa route
privée, à 1 million de dollars le kilomètre, qui rejoint directement la Chine. On envie la sécurité matérielle, les salaires
élevés et les bonnes conditions de travail mais on craint la pollution à venir et l'impérialisme dédaigneux de ces
conglomérats internationaux.
Une certaine nostalgie s'installe et d'autres chercheurs de trésors se mettent à rêver de dinosaures (jusqu'à
un million de dollars le spécimen) et du légendaire Khorkoï, le monstrueux ver tueur du Gobi. Aussi gros quune
assiette et rouge comme du sang frais, il guette ses proies sous les sables. Les rares éleveurs l'ayant aperçu
racontent que son poison est aussi fulgurant que sa décharge électrique !
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