« Mon petit plaisir, c`est le poulet du dimanche » 623 000

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« Mon petit plaisir, c`est le poulet du dimanche » 623 000
« Mon petit plaisir, c’est
le poulet du dimanche »
Retraités l En Languedoc-Roussillon, plus de 600 000 personnes perçoivent
une pension. Nombreuses sont celles qui vivent avec moins de 750 €/mois.
S
oixante-huit ans : une vie de labeur, mais une vraie vie de cigale
aussi. À tel point que Françoise
(1), commerçante biterroise à la
retraite, en a “oublié” de cotiser pour
ses vieux jours. À tel point, surtout, que
cette femme est aujourd’hui obligée de
se prostituer pour vivre décemment. Elle ne veut pas parler, elle a honte.
Même si ce cas est extrême, la honte
est, en revanche, un sentiment partagé
aujourd’hui par de nombreuses personnes âgées. Pour saisir l’ampleur de leur
détresse, il suffit de traîner un peu à la
fin des marchés ou de se trouver un matin aux Restos du cœur.
Janine glane deux fois par semaine sur
un marché de Montpellier - « s’il vous
plaît, ne dites pas lequel, que je ne sois
pas embêtée. » En fait, lorsque les commerçants rangent leurs étals et jettent
les fruits et les légumes abîmés, elle fait
les poubelles et récupère ce qui est
consommable. « Je ne pensais pas en
arriver là. Mais il est difficile de joindre les deux bouts avec 742 euros par
mois (NDLR : le minimum vieillesse).
Mon loyer est de 435 euros, sans compter les charges. Alors, j’économise sur
la nourriture. Mon petit plaisir est le
poulet que j’achète le dimanche. Ça me
permet de manger un peu de viande
jusqu’au jeudi... »
« Pour m’habiller, je vais
au Secours catholique »
Janine, veuve et retraitée
Les trois enfants de Janine n’habitent
plus dans la région. Ils ne se doutent de
rien, même s’ils savent que leur mère
ne roule pas sur l’or. « Avec le début
d’hiver très doux, explique encore la
septuagénaire, je ne mettais pas le
chauffage. Maintenant, les couvertures
ne suffisent plus. Et pour m’habiller,
j’ai le plus souvent recours au Secours
catholique. »
Elle n’a jamais travaillé et son mari, décédé il y a six ans, était employé dans
un supermarché. « Entre son salaire et
les allocs, on s’en est toujours sorti. On
allait même en vacances en camping à
Palavas. Maintenant, il ne me reste
presque plus rien. De toute façon, les
■ À la fin des marchés, les glaneurs arrivent pour trier ce qui est comestible.
hommes politiques se fichent des
vieux. Sauf en période d’élection... »
Si Janine s’exprime, c’est une exception. Rares sont en effet les personnes
âgées qui s’épanchent sur leur misère.
Béatrix, bénévole depuis quatre ans
aux Restos du cœur de La Mosson, à
Montpellier, le constate lors de chaque
distribution de repas : « Au début surtout, ces retraités, environ 10 % de nos
visiteurs, sont très gênés. Puis, quand
ils nous connaissent, ils se confient un
petit peu. À la différence d’autres populations qui viennent à nous, les personnes âgées acceptent tout. Elles ne demandent jamais rien. Il en va de leur
dignité. »
Évidemment, et heureusement, tous les
retraités ne sont pas dans le besoin. À
Saint-Georges-d’Orques, aux portes de
Montpellier, ils sont une petite bande à
refaire le monde chaque matin autour
d’un café, quand ils n’enfourchent pas
leurs vélos pour aller se dérouiller les
jambes sur des routes de campagne.
« Même si notre pouvoir d’achat a ten-
ARCHIVES F. VALENTIN
dance à baisser, dit Maurice, nous savons que nous sommes privilégiés. »
Retraité et privilégié, une rime tout de
même de moins en moins riche...
CHRISTIAN VALOIS
[email protected]
◗ (1) Françoise et Janine sont des prénoms
d’emprunt.
CHIFFRES
623 000
C’est le nombre de retraités
en Languedoc-Roussillon.
510 000 ont cotisé au régime général.
572 : en euros, le montant mensuel
moyen versé par le régime général en
région.
Le montant est de 973 € pour une
carrière complète (992 en France).
Ceci hors retraites complémentaires.
1,09 : le nombre de cotisants pour un
retraité en L-R. Il est d’1,44 en France.

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