Le patron tout-puissant a-t-il fait son temps?
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Le patron tout-puissant a-t-il fait son temps?
Hebdomadaire distribué gracieusement à tous les ménages du Canton de Genève, de l’agglomération de Nyon et de toutes les autres communes de la Zone économique 11 (Triangle GenèveGland-Saint Cergue). 164 982 exemplaires certifiés REMP/FRP. Edité par Plurality Presse S.A. Paraît le lundi Directeur-Rédacteur en chef: Thierry Oppikofer Coordination, Publicité, Gestion des annonces: Patrick Gravante Maquette: Imagic Sàrl Carouge, Daniel Hostettler, Sophie Gravante Flashage et impression: Mittelland Zeitungsdruck AG Distribution: Epsilon SA 18 avril 2016 – No 718 © Plurality Presse S.A., 2016 Rédaction, Administration, Service de publicité: 8, rue Jacques-Grosselin • 1227 Carouge Tél. 022/307 02 27• Fax 022/307 02 22 CCP 17-394483-5 E-mail: [email protected] www.toutemploi.ch Le patron tout-puissant a-t-il fait son temps? Travail «coopératif»… entreprises «collaboratives»… savoir «collectif»… le «co» fait plus que jamais rêver, chez les candidats à l’embauche et même chez les patrons qui n’ont plus que ces termes à la bouche, aux Salons de gestion. Mais si les «coopératives» - qui n’ont jamais eu la loi ni les rois contre elles – ne sont pas devenues dominantes après deux siècles d’économie moderne, il doit y avoir des raisons (malgré jeux-cooperatifs.ch). L es oreilles sont sous le charme de la magie «co» à la mode, mais un coup d’oeil dans le rétro en voit vite les limites. «Archives des mineurs», tel est le titre d’un livre trouvé à une brocante d’une région minière (en fait, c’est un des titres de la «collection archives» par Jacques Borgé et Nicolas Viasnoff). Surprise… on y apprend qu’une «Mine aux Mineurs» a tenté sa chance en France à la Belle Epoque; en cherchant plus loin, on en découvre une bien plus ancienne: près de cinq siècles, dans la Ruhr. A vrai dire, une fois chassé d’Eden par un patron de droit divin, les premiers humains ont souvent «coopéré»: c’est même l’origine de l’Etat et de ses grands travaux, diton. Pourtant, la Mine aux Mineurs a tourné court, et si d’autres coopératives ont prospéré à ce jour, c’est – comme tous les amours, voire les succès – par la grâce des malentendus. de directeurs: les clients ont peu de pouvoir, les caissières, encore moins, et nul actionnaire n’embête la direction. C’est vrai aussi de la plupart des banques coopératives, malgré certains rituels «nostalgie» pour faire «peuple». A noter que les «banquiers privés», qui sont «partenaires» dans leur maison, peuvent aussi se réclamer de la «coopération». Tout comme les bureaux d’architectes, d’avocats, de publicitaires, de consultants… ou certains cabinets médicaux. Ce qui nous met un peu sur la piste: la coopération marche bien dans les métiers de luxe à clientèle captive. Un pas plus loin, et on tombe sur un constat encore plus gênant: «Des coopératives anarchistes de… tueurs», telle fut la formule – doublement paradoxale – d’un historien des «flibustiers». On sait que les pirates étaient plus républicains que royalistes (et même un peu socialistes). Ces ironies de l’histoire en disent long... Chasser en groupe Le client se fait une raison La «Coop» était au départ une coopérative de consommateurs… elle est devenue une coopérative Bref, il doit y avoir une «raison» - et peut-être une bonne rai- son – à la survivance du grand méchant patron et de ses abominables actionnaires… dans une économie ouverte et une politique élective… sans quoi on se serait déjà défait de ces «parasites». Certes, les «guides du peuple» se plaisent à répéter que notre démocratie est illusoire, que les prolétaires sont bernés, que le capital fait de l’intox… mais les faits montrent que de nombreux illettrés ont réussi dans les affaires. Alors, la «raison» doit être «de fond»: sans doute tient-elle à ce malentendu sur le «public» et son «intérêt». Pour les syndiqués, l’intérêt public est celui du salarié… pour les foyers, c’est celui du client, ou plus largement, de l’usager. L’intérêt du planqué et celui du client sont – toute rhétorique «citoyenne» mise à part – en conflit frontal. Le rêve du producteur est de se remplir les poches au moindre effort… celui du consommateur est d’avoir son pesant d’or pour une bouchée de pain. Le marché les met face à face… et la libre concurrence – quand elle est là – permet de trouver le «juste» compromis. Et TOUT L’EMPLOI & FORMATION • NO 718 • 18 AVRIL 2016 c’est là qu’on va voir l’utilité du grand méchant patron. Le capital est-il athée? Pour garder une marge sans perdre le marché, une coopérative cherchera bien sûr à compresser les coûts, mais aura du mal à le faire avec les salaires (qui font souvent deux tiers des coûts). Seul un grand méchant patron et ses abominables actionnaires oseront commettre le geste impie… le péché capital… bref, traiter la masse salariale «comme une autre marchandise». Dans le respect des lois, certes… et avec des employés bien lotis… mais sans l’interdit de biffer des jobs superflus, ni de prendre des candidats moins chers… bref, il peut – mieux que «l’économie sociale» – se plier en quatre pour le client roi. Dans la philosophie syndicale, on est là en plein blasphème: que serait une religion – le Panthéon, ou la Trinité – si on jetait les «surnuméraires» et si on «délocalisait» les tâches? On vous le disait: le patron ne peut se réclamer du droit divin. n Boris Engelson