Les Régimes à pRestations CibLes

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Les Régimes à pRestations CibLes
Les Régimes à
prestations
cibles La « garde
partagée » des
risques de la retraite
par
U
Serge Charbonneau
n peu comme les parents qui s’occupent de leurs enfants,
tout le monde sait bien qu’un régime de retraite implique
certains risques et certaines responsabilités. Chaque
partie peut être portée à se demander parfois « est-ce ma
responsabilité ou la tienne ? ». Or, si l’on répond « c’est notre
responsabilité », cela change la dynamique; comme des parents
qui s’entendent sur une « garde partagée », c’est normalement plus
efficace quand chaque partie fait tout en son possible.
Plutôt que d’avoir un régime strictement à prestations
déterminées (PD), où les risques sont généralement assumés par
l’employeur, ou un régime strictement à cotisations déterminées
Nous sommes sur le point de voir éclore
une nouvelle génération de régimes de
retraite, mais les législateurs doivent
encore se prononcer.
(CD), où les risques sont généralement assumés par les
participants, il serait utile d’envisager une solution médiane,
le régime à prestations cibles (PC), permettant de mieux
partager les risques, grâce à une collaboration et à des compromis
de chaque côté.
Caractéristiques d’un régime à prestations cibles
On entend de plus en plus de suggestions en vue de créer des
régimes PC, qui divergeraient des règles établies. Il s’agit de
régimes qui définissent un niveau de prestation visé en vue de
procurer un revenu de retraite adéquat, mais pas à tout prix.
• Septembre 2012 / 17
Les régimes à prestations cibles
Quand les parties s’entendent sur un
Avec un régime PC, les parties
niveau de rente de retraite souhaitable,
incluant les prestations accessoires désirées,
s’entendent pour fixer les cotisations
un actuaire calcule le coût de cette prestation
« cible », en fonction de la démographie des
payables par l’employeur, en incluant
participants et des hypothèses actuarielles.
Avec un régime PC, les parties s’entendent
une certaine marge en vue de favoriser
alors pour fixer les cotisations payables par
l’atteinte de la cible. Ces cotisations
l’employeur (et possiblement par les
employés), en incluant une certaine marge
préétablies ne sont pas appelées à
(pour écart défavorables) en vue de favoriser
l’atteinte de la cible. Ces cotisations
varier, même si la situation financière
préétablies ne sont pas appelées à varier,
même si la situation financière du régime
du régime venait à changer.
venait à changer (à moins que les parties
décident éventuellement de réviser leurs
cotisations, mais seulement de leur plein gré
et non pas simplement à cause de la situation
Puisque l’expérience future déviera inévitablement des hypothèses
financière du régime).
actuarielles et produira des gains ou des pertes, il importe d’établir
L’employeur ne risquerait donc plus de voir ses coûts augmenter
des moyens autres que les variations de cotisations pour absorber ces
lorsque le régime est en situation de déficit. Par contre, il n’aurait
gains ou ces pertes. C’est comme si l’on savait que la cible bougera
pas non plus la possibilité de bénéficier de congés de cotisations
(ou comme si l’actuaire admettait qu’il n’a qu’une idée vague d’où se
lorsque le régime est en situation de surplus.
trouve la cible), et qu’on s’organisait pour rajuster le tir au fur et à
L’employeur pourrait surtout éviter les problèmes liés aux
mesure qu’on s’approche de la cible.
normes comptables qui s’appliquent aux régimes PD, puisque l’on
s’attend à ce que les régimes PC soient traités comme des
S’ajuster pour partager les risques
régimes CD pour les fins comptables.
Les moyens pour absorber les gains ou les pertes peuvent varier
en fonction de ce qui est convenu entre les parties lors de la
création du régime; ils peuvent même être révisés lors de
discussions ultérieures. Un moyen pratique d’absorber les gains
et les pertes est de faire varier certaines prestations accessoires en
fonction de l’évolution financière du régime.
NOMINATION
Par exemple, les parties pourraient convenir que le régime a
MFS McLean BuddenSM a le plaisir d’annoncer la
comme
cible d’indexer les rentes après la retraite de 2 % par
nomination de Shawn A. Cohen au poste de
année, mais reconnaître qu’en réalité, l’indexation pourrait être
directeur, Gestion des relations.
parfois égale à 1 % ou à 3 %, selon la situation financière qui
évolue. Une telle variation pourrait également s’appliquer avant la
M. Cohen aura la responsabilité de solidifer les
retraite, de sorte que la rente accumulée pourrait ne pas
relations avec les surveillants de produits au
Canada, d’entretenir des liens clés au sein du
augmenter aussi rapidement que la hausse des salaires, ce qui
groupe des régimes de retraite de tierces parties
reviendrait pratiquement à une formule à salaire/carrière dont on
et d’assurer l’accès aux produits MFS et le
peut contrôler les revalorisations.
service. Il travaillera également en étroite collaboration avec l’équipe
Une autre prestation accessoire qui pourrait servir de cible
responsable des placements pour les régimes à cotisations
déterminées de MFS en l’informant des perspectives du marché
variable est l’ajustement des rentes en cas de retraite anticipée.
canadien des régimes à cotisations déterminées.
Par exemple, l’objectif pourrait être de réduire les rentes de 3 %
Avant d’accepter ce poste à Toronto, M. Cohen a travaillé pendant
par année d’anticipation avant 65 ans, mais, selon la situation
13 ans pour la société Aon Hewitt, où il était jusqu’à récemment
financière du régime ou les préférences des parties à un moment
vice-président et chef de pratique national, Régimes à cotisations
donné, le régime pourrait appliquer une réduction de 2 % à 4 %
déterminées. Avant cela, il a occupé pendant huit ans le poste de
conseiller en placement principal et pendant quatre ans celui de
par année à ceux qui se retirent pendant une certaine période. En
conseiller principal au service des affaires juridiques et de la
plus de réviser l’ajustement en cas de retraite anticipée, on
conformité au sein de la même société. M. Cohen possède un
pourrait même envisager de repousser graduellement l’âge
baccalauréat de l’Université York et un diplôme en droit de la
normal de retraite, en adéquation avec les modifications futures
Osgoode Hall Law School de la même université. Il détient
également le titre d’analyste fnancier agréé du CFA Institute.
annoncées à la pension de Sécurité de la vieillesse.
MFS McLean Budden est devenue une fliale en propriété exclusive
Dans certains cas, les parties pourraient même convenir que la
de MFS Investment Management® (MFS®) en novembre 2011 à la
rente accumulée soit ajustée au besoin, pourvu que cette
suite de son transfert à MFS par sa société mère Financière Sun Life,
possibilité soit considérée en dernier recours, ou de façon variable
en regroupant la capacité de gestion de ses actifs au sein de MFS.
(par exemple, en rétrogradant davantage des améliorations
MFS McLean BuddenSM est le nom commercial déposé de McLean Budden Limitée.
récentes, en protégeant davantage certains montants en fonction
de leur niveau ou de l’âge des retraités, etc.).
À la rigueur, les parties pourraient aussi s’entendre en vue de
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changer le niveau des cotisations, mais un tel changement ne
pourrait pas être imposé sans un accord.
18 / Septembre 2012 •
Les régimes à prestations cibles
Comparaison à d’autres types de
régimes
Les régimes PC offrent une
variante des régimes PD
traditionnels, similaire au modèle
des régimes multiemployeurs,
de façon à permettre de se sortir
d’un carcan quand la situation
devient insoutenable.
Si vous trouvez que cela ressemble à
certaines modifications qui ont déjà été
effectuées dans des régimes PD par le passé,
vous n’avez pas tort. Sauf qu’en général, de
telles modifications peuvent être effectuées
seulement pour améliorer des « promesses »
qui avaient déjà été faites. Les règles ne
permettent habituellement pas de réduire les
promesses pour le service à date, même si
l’on s’aperçoit que les coûts ont augmenté
considérablement.
En fait, la situation décrite ici s’apparente
beaucoup plus aux règles des régimes multiemployeurs en vigueur
dans la plupart des juridictions, et pour lesquels les cotisations
sont fixes et les prestations peuvent être ajustées à la baisse si la
situation financière ne permet plus de supporter les montants
prévus auparavant.
Les régimes PC ne sont donc pas si révolutionnaires. Ils
constituent plutôt une adaptation des régimes PD traditionnels vers
le modèle des régimes multiemployeurs, de façon à permettre de se
sortir d’un carcan quand la situation devient insoutenable.
Mais est-ce qu’une telle approche serait trop idéaliste et
impraticable en réalité ? Il faut bien admettre que ce n’est pas
évident pour les parties de réduire les prestations si cela s’avère
nécessaire. La clé réside dans une communication claire dès le
départ, une reconnaissance des risques, un suivi rigoureux et
transparent de la situation financière et une gouvernance bien
définie qui implique toutes les parties concernées. Ce qu’il faut
éviter en autant que possible, c’est d’avoir de trop grandes
surprises, ce qui ne signifie pas cependant qu’il n’y aura jamais
d’imprévus. Les problèmes financiers des dernières années
représentent justement un scénario qui aurait été considéré
extrêmement peu probable a priori.
Changements aux règles applicables
Même si un tel régime est attrayant d’un point de vue théorique
et même s’il peut être souhaité par certains employeurs et les
participants de leurs régimes, il faut d’abord que les législateurs
modifient les règles actuelles si l’on veut implanter un tel régime.
C’est justement ce que vient de faire le gouvernement du
Nouveau-Brunswick, avec ce qu’il appelle des « régimes à risques
partagés ». Ces régimes ont été développés par un groupe de
travail avec la collaboration de représentants syndicaux. Pour le
moment, ils visent seulement quatre groupes du secteur public et
un groupe du secteur privé, mais la loi permettrait à d’autres
groupes d’instaurer de tels régimes.
La grande nouveauté de ces règles du Nouveau-Brunswick est
qu’elles permettent de réviser certaines caractéristiques des
prestations pour le service à date, comme l’indexation avant et
après la retraite, permettant ainsi d’améliorer immédiatement la
situation financière du régime. De plus, ces modifications ne
réduisent pas les rentes actuellement payables. Les répercussions
sur les participants ne se feront donc sentir concrètement que de
façon graduelle, et d’une manière qui dépendra de la situation
financière future du régime.
Des discussions sont également en cours depuis un certain
temps au Québec en vue de modifier la loi pour permettre des
régimes PC, plus particulièrement en vue d’accommoder deux
régimes qui ont déjà été négociés entre une grande entreprise du
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secteur des pâtes et papiers et deux syndicats. Ces nouvelles
règles seront utiles pour le service futur des employés visés par de
telles ententes, mais à ce que l’on sache, l’intention de ces règles
ne serait pas de permettre des modifications aux prestations
accumulées à date.
Ce serait dommage d’implanter une telle réforme seulement
pour le service futur, car cela ne permettrait que d’en profiter
d’une façon très graduelle et ne servirait pas à résoudre les
problèmes accumulés jusqu’à ce jour. Or, ce sont justement ces
problèmes majeurs qui ont le plus besoin d’être réglés
actuellement... En fait, ce ne serait qu’une demi-mesure qui
aurait un effet mitigé similaire aux nombreux cas récents de mise
sur pied d’un régime CD pour le service futur, mesure qui n’a pas
réglé le problème de plus en plus insupportable du financement
des prestations déterminées déjà accumulées.
D’autres provinces se préparent également à mettre en place de
nouvelles règles pour créer des régimes PC, notamment
l’Ontario, la Colombie-Britannique et l’Alberta. Toutefois,
beaucoup de détails restent à venir avant de pouvoir évaluer si ces
règles amélioreront la situation actuelle de façon significative.
Espérons qu’elles prévoiront des modalités particulières en vue de
permettre une conversion des prestations pour le service passé.
Il a été suggéré que l’implantation de tels régimes soit
conditionnelle à la représentation des participants par un
syndicat. Cependant, même s’il est vrai qu’un syndicat peut aider
à la mise sur pied et à la saine gestion d’un tel régime, on pourrait
concevoir des mécanismes qui permettraient également
d’implanter de tels régimes avec succès pour des participants non
syndiqués. Comme les participants (actifs et retraités) seraient
assujettis à certains risques, il serait très utile, voire même
essentiel, qu’ils participent activement au processus administratif,
en étant représentés au sein d’un comité de retraite qui agirait à
titre d’administrateur.
Nous sommes sur le point de voir éclore une nouvelle
génération de régimes de retraite. Mais comme les législateurs
doivent d’abord définir de nouvelles règles, il est toutefois trop
tôt pour dire si les principes décrits ici comme une « garde
partagée » parviendront vraiment à s’implanter, de sorte que la
cible réelle, c’est-à-dire la sécurité financière de la prochaine
génération de retraités, soit atteint sans que le fardeau soit légué à
leurs enfants.
Serge Charbonneau
est associé chez Morneau-Shepell.

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