Le Tour du monde des Initiatives durables de Franck et Joanna

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Le Tour du monde des Initiatives durables de Franck et Joanna
Le Tour du monde des Initiatives durables de Franck et Joanna
Chapitres 2 et 3
Petit rappel : Franck et Joanna se sont rencontrés à Bruxelles alors qu’il travaillait dans une
banque et qu’elle était employée par la Communauté européenne… Aujourd’hui, ils ont la
chance exceptionnelle de courir les cinq continents afin de découvrir ce qui s’y fait de mieux
en faveur du développement durable. Pour qu'ils ne soient pas les seuls à en profiter, ils vous
racontent tout cela dans chaque numéro de Valériane…
Par Franck Marion et Joanna Mastalerek
Trois mois de voyage et un mot : la permaculture. Avant de quitter le continent européen pour
le Canada, nous avons eu la chance de pouvoir suivre une formation de permaculture incluant l’écoconstruction - qui nous a permis de vraiment en savoir plus sur ce qui sera la
toile de fond de cette expérience.
L’apprentissage de la permaculture
Nous avons découvert la permaculture, il y a deux ans déjà, durant nos multiples lectures et
recherches qui nous ont amené à changer radicalement notre vie et à imaginer le projet
Organicvision. En août 2010, nous avons pu participer à un cours de design en permaculture
(CDP) de deux semaines donné par Bernard Alonso, un professeur de permaculture québécois
internationalement reconnu.
Beaucoup de personnes pensent que la permaculture est un système d’agriculture, mais c’est
bien plus ! La permaculture, crée par Bill Mollison et David Holmgren - en Australie -, dans
les années septante, est définie comme étant une philosophie dont le but est la conception et la
réalisation de sociétés humaines écologiquement intégrées, soutenables, socialement
équitables et économiquement viables. La permaculture aborde une multitude de domaines
qui couvrent l’ensemble des besoins fondamentaux des êtres humains et de l’environnement
dans lequel ils vivent - l’alimentation, l’habitat, la médecine, les rapports sociaux, la
botanique, la finance éthique… - que nous aborderons à travers nos explorations.
Mais en pratique, c’est quoi la permaculture ? Le but essentiel, durant cet apprentissage, était
en effet d’appliquer les principes de la permaculture sur plusieurs terrains vierges et d’en faire
émerger des écosystèmes écologiquement et économiquement viables à travers un design.
Pour nous aider dans ce défi complexe, Bernard a utilisé des techniques de créativité pour
améliorer notre observation et notre sensibilité face à notre environnement. Concrètement, un
design en permaculture englobe l’analyse de la terre et de l’eau, la sélection de variétés
convenant aux conditions locales, l'adaptation du terrain en fonction du microclimat avec des
buttes en croissant, par exemple, qui permettent la retenue des eaux d’écoulement. Les
étudiants de l’année précédente ont vu leur design mis en application par la commune proche :
la création d’un éco-parc a permis l’émergence de deux emplois et la naissance d’un nouveau
lieu touristique de premier plan.
Cette période enrichissante - avec trente personnes venues de tous les horizons mais toutes
désireuses d’apporter le changement - nous a maintenant entrouvert de nouvelles portes, nous
donnant l’habilitation à organiser nous-mêmes des initiations à la permaculture. Elle nous a
surtout donner l'envie d’essayer de devenir des permaculteurs expérimentés...
…et de l’éco-construction, à l’Ecocentre du Périgord
Avant d' arriver à l’Ecocentre, au milieu du Périgord Vert, nous n’aurions jamais pu imaginer
quel fantastique environnement nous avions choisi pour suivre notre cours de permaculture et
d’éco-construction. Ce lieu, qui offre un espace pour apprendre et tester les différentes
techniques d’éco-construction, a été offert par l’ancienne agricultrice des lieux à la suite d’une
tempête qui avait tout ravagé. L’association Pégase Périgord a été créée pour supporter ce
projet d’Ecocentre, débutant en 2003 avec un groupe de treize volontaires et un architecte qui
avait plus de trente ans d’expérience dans l’éco-construction, Claude Micmacher. Ce groupe a
construit les cinq premières éco-maisons en utilisant différentes techniques, comme le bois, la
brique, la paille, l’argile, le chanvre… Beaucoup d’entre eux sont devenus, par la suite, des
experts indépendants en éco-construction. L’Ecocentre fut rapidement reconnu pour ces
stages et le nom d'Ecocentre fut enregistré comme un label.
En 2007, à une période où l’éco-construction commençait à devenir populaire, l’idée est
venue à Jocelyne et Claude de construire un Ecocentre 2 : un bâtiment réalisé avec les
derniers éco-matériaux et éco-techniques où l'on peut trouver stages et conférences, ainsi
qu'une bibliothèque dédiée à l’éco-construction. Supporté par la Région et par l’Union
Européenne, le financement de la construction fut rapidement trouvé avec pour objectif de
recevoir le visiteur au début de l’année 2011. Et ceci n’est juste qu’une des nombreuses
success stories que l’Ecocentre a engendrées…
A côté de ce lieu, une nouvelle idée a germé : la création d’un Eco-hameau, un projet d’écohabitation intergénérationnel, permettant de loger vingt personnes qui partageront la terre, un
grand jardin, des bâtiments communautaires et des voitures. Et, comme si cela n’était pas
suffisant, l’Ecocentre a lancé en 2004 un Eco-Festival rassemblant des conférenciers de haut
niveau avec de nombreux éco-citoyens et des professionnels du secteur. Depuis, tous les deux
ans, le festival est "le" lieu pour l’éco-communauté dont certains participants viennent même
de Nouvelle-Zélande !
L’éco-expérience canadienne à Montréal
Arrivés à Montréal à la mi-septembre, nous avons été surpris de la gentillesse des Québécois.
Chaque fois que nous cherchions notre chemin dans cette grande métropole, il y avait toujours
quelqu’un pour nous demander si nous avions besoin d’aide. C’est ainsi qu’en visitant le
campus de la fameuse Université McGill, une employée de l’université nous a spontanément
proposé de nous guider sur le campus ! Sans elle, nous n'aurions pas découvert le « projet de
paysage comestible de McGill », lancé en 2007 par des étudiants et des professeurs, en
partenariat avec l’association Santropol Roulant, avec la création d’un jardin de production
fruitière et légumière dans cent vingt-trois contenants. La nourriture ainsi récoltée permet de
fournir nonante repas par jour pour les sans-abris de Montréal. Nous avons pu reconnaître
dans ce projet des techniques agricole de permaculture apprises lors de notre stage en France :
buttes autofertiles, spirales d’herbes aromatiques, terrasses créant des microclimats… Et un
hamburger au chanvre dans le restaurant végétarien Lola Rosa : un autre souvenir de
l’Ecocentre du Périgord où, quelques semaines auparavant, nous construisions des murs avec
ce même matériau naturel ! Même notre hébergement du vieux Montréal, l’Auberge
Alternative, était entièrement réalisé avec des matériaux recyclés !
Comme si nous ne devions pas être assez convaincus que Montréal est le centre de l’écoinnovation, nous sommes arrivés au commencement de la semaine « en ville sans ma
voiture », avec des conférences sur les transports alternatifs, le changement climatique et de
nombreux exemples d’éco-quartiers… Tel que le fameux quartier Vauban de Fribourg, que
nous avion visité lors de notre passage en Allemagne. Nous avons ainsi découvert la
Fondation David Suzuki - une ONG écologique canadienne -, le Quartier 21 Peter Mc Gill une organisation de quartier qui fait la promotion de l’éco-civisme afin de préserver
l’environnement local - et un éco-quartier de Montréal. Le concept de l’éco-quartier fait partie
du programme d’action environnemental de la ville de Montréal, avec une antenne dans
chaque quartier où sont supportées des initiatives et des organisations engagées dans la
préservation de l’environnement à travers les citoyens. La ville est aussi parsemée de nonantesept jardins communautaires où les citoyens font pousser leurs nourritures en pleine ville. Et,
d’après nos sources, la liste d’attente pour rejoindre ces jardins est très longue !
Les prochaines étapes du projet : quatre projets québécois
Dans notre prochain article dédié au Québec, nous visiterons un projet de ferme-incubateur,
une auto-construction en matériaux recyclés, une ferme maraîchère biologique fonctionnant à
travers l’« Agriculture Supporté par la Communauté » (ASC) et une ferme
intergénérationnelle autosuffisante. Nous irons à la rencontre d’acteurs de l’agriculture
biologique québécoise et vous inviterons dans la ville de Québec pour aborder le sujet des
villes en transition…
Si vous avez des projets à nous proposer - à court terme en Amérique latine -, des idées ou
toutes autres suggestions, un seul chemin : rejoignez-nous sur notre site Internet
www.organicvision.org ou par e- mail : [email protected]. Vous aussi, vous pouvez
passer à l’action ! Faites germer le changement dans ce monde !
---Plus de quatre mois sont passés depuis notre départ ! Nous nous sentons pourtant comme si
venions juste de partir. Depuis la mi-septembre, nous avons été à la rencontre de projets de la
Province de Québec. Voici ceux qui nous ont le plus marqués : une ferme-incubateur pour
jeunes agriculteurs urbains, une jeune famille d’agriculteurs certifiés "organiques",
fonctionnant à travers le système de l’"Agriculture Supportée par la Communauté" (ASC) et,
enfin, un couple d’Américains seniors vivant sur leur ferme en homesteading.
Une ferme-incubateur pour jeunes agriculteurs urbain
Pour notre première expérience de Wwoofing (1), sur l’île Bizard dans ce qui est encore la
ville de Montréal, nous sommes allés à la rencontre de la Ferme au Bord du Lac, une fermeincubateur pour jeunes agriculteurs urbain.
Incubateur car elle a pour fonction d’aider les jeunes éco-fermiers à démarrer leur activité en
fournissant les terres et équipements que la plupart ne peuvent pas s’offrir en débutant. Avec
des appuis politiques et administratifs, un incubateur est un outil qui peut favoriser des
modèles agricoles innovateurs, tout en apportant du sens aux jeunes qui la porteront demain :
promouvoir de saines habitudes de vie dans une perspective de développement durable et de
préservation du territoire agricole. L’agriculture urbaine a pour vocation de développer une
interaction dynamique entre l’urbain et l’agricole, permettant un premier pas vers une
agriculture à forte valeur ajoutée, ayant un rôle supplémentaire de participation à
l’aménagement du paysage et au développement de l’agrotourisme.
Danyelle et Benoit, les fondateurs, ont eu la chance de pouvoir louer seize hectares de terre
fertile d’une ancienne ferme, inoccupée depuis dix ans et rachetés par un homme d’affaires
indien enthousiaste à l’idée de l’agriculture urbaine. Ils ont réussi à obtenir des fonds publics
pour financer le projet et ont invité la population locale à les rejoindre. Ainsi, même si le
projet est à son démarrage, il attire beaucoup l’intérêt des médias et du gouvernement. Juste
au moment de notre présence sur la ferme, Radio Canada est venue interviewer les bénévoles
présents - comme nous ! - et, quelques jours plus tard, des représentants du Ministère de
l’Agriculture ont visité la ferme afin de discuter d’une aide financière pour le projet.
Le temps où la vie urbaine et l’agriculture s'excluaient mutuellement comme deux réalités
opposées est maintenant terminé. Désormais, la vision d’une agriculture cohabitant avec la
ville, dans le cadre d’une planification adéquate, devrait ajouter une nouvelle couleur au
développement économique, social et culturel des citoyens.
Une agriculture supportée par la communauté
Nous avons ensuite rejoint deux jeunes agriculteurs bio passionnés : Catherine et Dave, un
couple de trente-cinq ans environ, qui vivent avec leurs deux petites filles sur une grande
ferme éco-certifiée de trente hectares à une heure au nord de la ville de Québec.
Depuis trois ans, ils cultivent près de nonante variétés de légumes et font partie de
l'«agriculture soutenue par la communauté» (ASC). Ils fournissent hebdomadairement des
paniers d'aliments biologiques à soixante-cinq familles. Pour vingt dollars par panier, chaque
famille reçoit des légumes biologiques fraîchement récoltés ainsi que des œufs, avec un
bulletin contenant des recettes et des nouvelles de la ferme. L'idée qui sous-tend ce concept
est que les clients s'engagent pour un an et payent leurs produits à l'avance, ce qui donne aux
agriculteurs la garantie de vendre tous les fruits et légumes qu'ils produisent, évitant ainsi la
surproduction et assurant une bonne trésorerie.
Quand ils étaient encore à la recherche de clients, nos amis trouvaient qu'il était difficile de
convaincre des gens de payer davantage pour des aliments plus sains… Mais ceux qui ont
aujourd'hui rencontré Catherine et Dave comprennent la nécessité de les soutenir car nos
agriculteurs aiment vraiment ce qu'ils font, bien qu’ils travaillent dur et gagnent terriblement
peu en retour. Pendant la haute saison - qui va d'avril à octobre au Canada, leur journée de
travail normale commence à 8h30 et se termine au coucher du soleil. Pas de week-end, pas de
vacances… De plus, pendant la saison d'hiver, ils doivent absolument trouver un emploi
intérimaire car il faut continuer à gagner sa vie !
Nous sommes arrivés à la fin de la saison et nous les avons aidés à ramasser les derniers fruits
et légumes dans le jardin. Il était également temps de planter l'ail : un travail répétitif et
épuisant ! Nous comprenons maintenant pourquoi les aliments biologiques méritent vraiment
leur prix ! Par ailleurs, nous trouvons qu'il est ridicule que des agriculteurs biologiques
doivent payer près de mille dollars par année pour devenir une ferme éco-certifiée. Ce serait
formidable si, comme en Californie, on mettait au point un système d’éco-certification local
post-biologique ne coûtant presque rien…
L'année prochaine, Catherine et Dave espèrent élargir leur production à une centaine de
paniers et faire avancer certains de leurs autres rêves, comme l'aménagement d'un terrain de
camping et quelques projets d’agroforesterie. Nous leur souhaitons le meilleur et le plus
important : beaucoup de jours ensoleillés et de nombreux Wwoofers qui les supportent.
Homesteading, le mouvement du retour à la terre
Tonie et George vivent en homesteading, heureux ! Ce terme signifie essentiellement qu'ils
ont trouvé le moyen de vivre de la terre, au moins dans une certaine mesure, de couvrir leurs
besoins par une production maison, essentiellement alimentaire… Un style de vie simple,
agraire et autosuffisant. Et que cela signifie beaucoup de travail !
Toute l'année, Tonie et George sont occupés à jardiner, à planter, à désherber et enfin à
récolter et à transformer leurs récoltes. De leurs pommes, par exemple, ils produisent leur
propre cidre et font des tartes aux pommes. Ils se chargent aussi de moudre la farine, font leur
propre pain… et leur propre glace à la crème. Ils ont même fabriqué leur propre vin - à partir
de carottes ! - qui est à peu près comparable à un vin de glace sucré ! Ils sont également les
seuls au Québec à élever des beefalos, un croisement entre bisons et vaches domestiques, dont
l’avantage est de produire de la bonne viande en ayant un niveau naturel élevé de résistance
face aux maladies, en plus d’être capables, de rester à l’extérieur durant le rigoureux hiver
canadien. Finalement, en plus de toutes ces activités, Tonie et George vendent des chiens
golden retrievers et proposent des vacances à la ferme. Nos hôtes sont, pour ainsi dire,
autosuffisants en ce qui concerne leur énergie car ils utilisent une combinaison de chauffage
au bois et de géothermie, avec une eau d'alimentation qui coule par gravité à travers la
tuyauterie dans le sol afin de la réchauffer en hiver et la rafraîchir en été. La température
minimale de l'eau qui sort de leurs étangs est d'environ 1 à 5°C en hiver. Ils peuvent ainsi
garder leurs bâtiments à cette température, même si la température extérieure avoisine les
moins 30 ou moins 40°C.
George a changé de vie à trente ans quand, jeune chimiste dans une grande entreprise, il a
ressenti une insécurité croissante, se sentant à la merci de son patron et de la bonne santé de
l’entreprise. Ayant besoin de son propre espace, il prit avec sa femme la décision importante
de tout quitter pour vivre par eux-mêmes : commencer simple mais solide, construire une
maison puis une grange, réparer les machines, et finalement construire un avion Aeronca
Champ qui vole encore aujourd’hui !
"Une source d'eau est la clé du homesteading", dit-il. Avec cette large palette d'expériences,
George a beaucoup de sagesse à partager ; il nous a montré quelques-uns de ses livres sur un
mode de vie durable, comme "The Encyclopedia of Country Living" de Carla Emery ou "The
good life" de Helen et Scott Nearings. Car, en plus de lire beaucoup, notre hôte recommande
d'investir dans du bon matériel, avant de commencer le homesteading : des congélateurs pour
garder un stock de nourriture… et un robot de cuisine pour faire des aliments en conserve !
Nous avons apprécié le côté diversifié de ce style de vie ; le homesteading procure beaucoup
de plaisir même si la charge de travail semble sans fin… Ce n'est pas non plus un moyen de
devenir riche, mais certainement de jouir d'un mode de vie plus sain et plus durable.
Les prochaines étapes du projet
Nous sommes au Costa Rica depuis la mi-novembre ! Nous allons à la rencontre de
remarquables éco-projets, comme un éco-lodge et une ferme de café organique. Avec un peu
de retard, nous vous présentons nos meilleurs vœux pour l’année 2011 ! Rejoignez-nous, pour
en savoir plus, sur notre site Internet www.organicvision.org ou par email :
[email protected]
(1) Wwoof signifie Willing Workers on Organic Farms. Mais wooffer, comment ça marche ?
Un agriculteur bio vous accueille gratuitement chez lui durant quelques jours ou plusieurs
mois. De votre côté, vous avez la possibilité de donner de votre temps et participer aux
différentes tâches sur la propriété, exploitation : jardin, potager, verger, fleurs, animaux... Un
réseau mondial existe : http://www.wwoof.org. Voir aussi l'article sur le Wwoof paru dans
Valériane n°67.

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