oeuvres - Musée Unterlinden
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oeuvres - Musée Unterlinden
fiche de visite LA PEINTURE ABSTRAITE DE L’APRÈS GUERRE EN FRANCE Ce document présente quelques-unes des ressources sur le thème de l’abstraction en peinture. Elles peuvent être adaptées à des classes de primaire et de secondaire. A partir de quelques oeuvres des collections d’art moderne du musée d’Unterlinden, la visite permet de montrer la singularité d’un moment de la création en France et de découvrir un certain nombre d’expériences picturales, comme l’abstraction géométrique ou l’abstraction lyrique (voir définitions dans la fiche Préparation à la visite), forgées autour des années 1950. L’approche des oeuvres se fait en deux temps : à partir de son observation et de sa description dans les salles du musée, mais aussi à partir de la connaissance du contexte qui a précédé sa réalisation (voir les notices d’oeuvres). Une proposition de questionnements peut aider dans la conduite d’une discussion devant les oeuvres (Face à l’oeuvre) et des pistes pédagogiques simples sont proposées comme prolongements de la visite dans le cadre de séquence d’arts plastiques en classe (A l’oeuvre !). Cette liste d’oeuvres est donnée à titre indicatif. L’enseignant choisit librement les oeuvres qui soutiennent sa démonstration. Frantisek Kupka (1871-1957), Plans verticaux et diagonaux I et II, huile sur toile, 1955 Alberto Magnelli (1888-1971), Points d’hostilité n°2, huile sur toile, 1948 Face à l’œuvre Quelle est la couleur dominante dans les œuvres de Kupka ? Quel bleu est plus proche de toi ? Pourquoi ? Comment s’appellent les grandes lignes qui composent le tableau ? Est-ce un espace ouvert ou fermé ? Est-on à l’intérieur ou à l’extérieur ? Que s’est-il passé dans l’œuvre n° II ? Que repères-tu comme différences dans les couleurs, les formes, la composition ? Décris les formes que tu vois dans l’œuvre de Magnelli. Que se passe-t-il lorsqu’elles se rencontrent ? Comment le peintre réussit-il à rendre distinctes chacune des formes ? La composition est-elle statique ou dynamique ? Comment le peintre nous promène-t-il dans son Dès 1912, Kupka aboutit dans ses recherches à la verticalité pure qu’il aborde en tant que concept plastique signifiant. Les plans verticaux, détachés de toute référence à la nature, de toute référence à l’ordre pictural traditionnel, sont désormais suspendus dans un champ spatial indéterminé. Le peintre s’impose alors comme un des premiers peintres abstraits et les oeuvres qu’il envoie au Salon des Indépendants en 1912 et au Salon d’Automne font scandale. Il lit à cette époque Du spirituel dans l’art de Kandinsky et prend ses distances vis-à-vis du cubisme. Il appartient au groupe Abstraction-Création en 1931 et confirme l’orientation de sa peinture dans une inspiration définitivement plus géométrique et abstraite. Dans les Plans verticaux et diagonaux de 1955, il développe une fois de plus le thème de la verticalité, mais avec une inspiration architecturale évidente, comme dans la Série contrastes exécutée entre 1935 et 1954, où il faut peut-être voir l’influence de Théo Van Doesburg. Les compositions montrent une certaine complexité spatiale et une étrange ambiguïté dans le jeu entre surface et profondeur. Après la série des Pierres, à la frontière du réel et de l’abstrait (voir dessins sur ce thème dans le cabinet d’arts graphiques), Alberto Magnelli renoue définitivement avec l’abstraction en 1936. Comme le suggère le titre de cette oeuvre, la composition repose sur des conflits de formes aux contours strictement délimités. En associant étroitement le dessin et la couleur, le peintre crée des oppositions entre les courbes souples et les droites rigoureuses. Afin de rendre le jeu plastique plus complexe, il suscite les emboîtements et les superpositions des plages colorées qui se donnent à lire en transparence. La couleur est entièrement soumise à l’architecture du tableau. On observe une réduction de tons, des tonalités assourdies, où seul un éclat de rouge sur le tracé des contours apparaît. À l’œuvre ! Créé ton espace à partir de formes géométriques. Kupka a utilisé des bleus dans son tableau. Que se passe-t-il si tu choisis une autre gamme de couleurs (orange, rouge, vert…) ? Emboîte des formes géométriques comme Magnelli. Découpe ces formes dans du papier calque coloré. espace ? Raconte ton voyage. Page 1 Maurice Estève (1904-2001), Les arbres et le train de ceinture, huile sur toile, 1947 S’inscrivant pleinement au sein de la « Nouvelle Ecole de Paris » qui se réclame de la « grande tradition française », Estève part de l’observation du réel dans ses abstractions décoratives exaltant les couleurs vives et la lumière vibrante qui insufflent la vie à sa peinture. Face à l’œuvre Qu’est-ce que le peintre a voulu représenter ? Que vois-tu ? Ressens-tu le mouvement, la vibration ? En 1947, Pierre Francastel met en évidence dans son oeuvre « le passage d’une stylisation formaliste au départ vers une poétique des formes et des lumières. » Estève n’a aucune idée préalable avant de poser sa première touche sur une toile. C’est à partir de cette première tache colorée, forme spontanée, que la toile va trouver sa vie. Dans ses oeuvres éloignées de la figuration, les titres sont allusifs, choisis une fois le tableau achevé. Le réseau complexe des articulations linéaires, des ouvertures entrecroisées parvient à rendre la vision du mouvement, les sensations simultanées que l’on éprouve dans un train en marche quand défile le paysage. La verdure des arbres et les trouées jaunes de la lumière pénètrent dynamiquement les fortes structures rouges de la composition. E l v i re Jan (1904-1996), Mozart, huile sur toile, 1952-1954 À partir de 1949, après une période d’inspiration postimpressionniste et une figuration allusive, la peintre bulgare Elvire Jan s’oriente vers l’abstraction pure. A un premier groupe d’oeuvres aux tons légers répartis sur la surface picturale dans un réseau linéaire, jusqu’en 1955, succèdent des peintures aux tonalités plus sombres et d’une matière plus empâtée. Au cours des années 1960, Elvire Jan revient à des couleurs plus vives et à une touche plus fluide. Déjà dans cette composition, les couleurs vives sont éclatées dans de petites formes rectangulaires créant un ensemble kaléidoscopique. Face à l’œuvre Qu’est-ce qui te fait penser à la musique ? Si les couleurs étaient des sons, serait-ce une musique triste ou gaie ? Avec ta voix, trouve le son du bleu, du jaune et du rouge. L’œil suit le rythme des touches de couleurs dans des déclinaisons de jaune, rouge et bleu qui contrastent avec le fond blanc de la toile. L’effet évoque le scintillement de la lumière dans les feuillages ou encore la vibration des reflets sur l’eau. Le titre de l’oeuvre, qui pourrait avoir été donné rétrospectivement, suggère la fusion entre une impression visuelle et une sensation musicale. De telles correspondances ont donné lieu à des recherches picturales des plus remarquables dans l’art abstrait, dès son origine, comme l’attestent les oeuvres de Kandinsky, Kupka et Klee. A l f red Manessier (1911-1993), Composition bleue, huile sur toile, 1946 L’œuvre a été peinte pendant la Seconde Guerre mondiale, période essentielle dans l’art d’Alfred Manessier, moment crucial dans l’affermissement de sa vocation de peintre abstrait. Après un séjour, au début du conflit, passé auprès de Roger Bissière dans le Lot, le peintre est rappelé par Jean Bazaine à Paris en 1941 qui tente de réunir une équipe pour travailler au sein de l’organisation Jeune France. En 1943, sa retraite à la Trappe de Soligny le marque profondément. Il ne tarde pas à éprouver les limites du langage figuratif. Composition bleue marque à ce titre un jalon essentiel de la marche du peintre vers la non-figuration. Face à l’œuvre Que montre Manessier ? Il donne l’impression de cerner des éléments. Qu’encadre-t-il ? À l’œuvre ! Donne des formes et des couleurs à ta musique préférée. Page 2 Jean Degottex (1918-1988), Suite rose noir, 1964, huile sur toile Familier du bouddhisme zen, ce peintre abstrait est reconnu comme héritier autodidacte de Kandinsky et promoteur d’une abstraction lyrique gestuelle. Toute sa vie il énonce l’importance de la pensée zen dans sa peinture, son intérêt et sa compréhension de la calligraphie chinoise. Breton salue son écriture automatique en 1955. Face à l’œuvre Le peintre aspire de plus en plus à une peinture qui ne serait plus qu’une mince pellicule recueillant la fulgurance du geste longtemps retenu. Il expérimente tout au long de son oeuvre et passe entre 1960 et 1970 du signe (Métasigne) à la calligraphie, puis à la ligne comme principal élément d’activation de la surface pictural. Il travaille ensuite différents supports et techniques et les interventions se diversifient sur la toile. Il incise, colle, décolle, déchire, brûle, plie, coupe, etc. Expérimentant les limites du visible, il finit par intervenir de moins en moins sur la toile, laissant la peinture se faire presque sans lui. La chronologie du geste : Raconte les différentes étapes de création de Suite rose noir. Suite rose noir porte en elle la mémoire des différentes actions du peintre qui ont permis son existence. Le fond est travaillé en gestes amples couvrant partiellement la toile de bandes larges blanches et roses. Un ultime geste souple vient inscrire un élément noir central qui donne une profondeur à la toile. Puis le geste qui dessine trace une calligraphie illisible sur la toile dévoilant plus ou Loubchansky, moins la blancheur de la Bazaine, Variation II Bethsabée, 1956. bleue, 1983. surface initiale. On lit l’amplitude du geste comme la rapidité de son exécution. Sa peinture est effectuée sans dessins préparatoires, elle est précédée par une suite de contrôles physiques, mentaux et spirituels. Il réalise là un signe instantané. Entre transparence et opacité. Que vois-tu ? Décris la grande trace noire. Compare avec Marcelle Loubchansky, Bethsabée, huile sur toile, 1956. Est-ce une peinture légère ? Qu’est-ce que tu vois ? On retrouve les mêmes couleurs que chez Degottex : le rose et le noir te donnent-ils les mêmes impressions ? Compare les gestes avec Bazaine, Variation II bleue, 1983 : geste qui monte ou qui descend ? Qu’est-ce qui fait bouger le tableau ? Les couleurs ? Est-ce une peinture silencieuse ? À l’œuvre ! Trempe ton pinceau dans de la gouache noire diluée et inscris sur ta feuille le geste d’un instant : une respiration r é g u l i è r e, s a c c a d é e, tourmentée… Dans la peinture encore fraîche, avec le bout du pinceau, inscris un nouveau geste, un nouveau signe, une nouvelle écriture. Humidifie le papier, prépare des jus colorés, fais se rencontrer les couleurs sur la feuille, par dilution, transparence. Maria Helena Vi e i ra Da Silva (1908-1992), Le théâtre de Gérard Philipe, huile sur toile, 1975 Abandonnant une première formation de sculpteur, Vieira Da Silva suit l’enseignement de Fiesz, de Léger et de Bissière. Sa peinture, d’inspiration abstraite, évolue vers des compositions extrêmement élaborées, où le pinceau, léger ou insistant, sillonne la toile. Des lignes discontinues esquissent des directions multiples et la couleur suggère cette même atmosphère d’élans brisés indéfiniment recommencés. La composition ici donne l’impression d’espaces multiples à l’intérieur d’une même toile où se déploie l’affrontement perspective-plan. Même si la distinction surface-profondeur se lit immédiatement, l’artiste brouille les pistes et donnent à voir deux zones qui s’interpénètrent. La perspective s’impose parfois sur le plan tandis qu’un écran graphique vertical, sur la droite, recouvre la profondeur. Il existe, comme dans nombreux de ses tableaux, une tension entre le visible et l’invisible, le mouvement et l’immobilité, le bruit et le silence. Et l’impression que dans le tableau terminé, il n’y a plus de début ni de fin. Vieira Da Silva définit ses tableaux comme étant avant tout une organisation soumise aux recherches de structure et de profondeur. Elle réintroduit la perspective à une époque où tous les peintres l’abandonnent. Elle inscrit, dans une vision frontale, des réseaux de lignes enchevêtrées qui évoquent des lieux où l’œil se perd. Son ambition entend ouvrir le regard vers d’autres versants du réel. Mais si elle est considérée comme un des plus importants artistes abstraits d’après-guerre, ses œuvres ressemblent souvent à des villes labyrinthiques, à des rayonnages de bibliothèque ou même à des façades clignotant de mille lumières. Face à l’œuvre Réfléchir autour du labyrinthe, des transparences, du dynamisme, du rythme des verticales et des horizontales, du mouvement, de la calligraphe sans répit, des mailles, des fils, des traces, des sillages. De la palette de couleurs restreintes. L’ œ u v re est à l’opposé de l’art gestuel : on ressent la lente genèse d’une vision éclatée en multiples facettes. Qu’est-ce qui peut te fa i re penser à un théâtre ? Parviens-tu à entrer dans la toile ? Décris les gestes du peintre, les lignes.Quelles sont les couleurs utilisées ? Comment fait le peintre pour créer un espace uniquement à partir de blancs et de bleus ? À l’œuvre ! Dessine l’espace de ta classe au crayon de papier sans lever la pointe, en appuyant plus ou moins pour signaler les objets, les coins, les figures… Apporte de la couleur à certaines surfaces. Page 3