PIJA Falquet site

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PIJA Falquet site
Les journées d’été
Simon Falquet, 19 ans, Suisse
Au début de l’histoire je suis dans un train, et fatigué ; c’est toujours pareil le
début : un train une fatigue. Elle s’assied en face de moi sans rien dire. J’écoutais
de la musique, peut-être qu’elle m’a parlé et peut-être ne l’ai-je pas entendue ; je ne
l’ai pas vue arriver. Elle m’a surpris. Elle a ses yeux posés sur les miens un éclat,
qui abîme l’atmosphère, le douceâtre d’une fin de journée. Elle me fixe avec une
force : impression d’un cri poussé sous l’eau. Impression de me retrouver nu. Son
regard qui viole. Tête inclinée maternelle. Les lèvres sont fraîches et rouges. Sourire
puis elle articule dans le vide, à mon intention je crois. J’enlève mes écouteurs, me
penche et lui demande de m’excuser mais je n’ai pas compris, vous m’avez parlé ?
Elle me dit je te pardonne. Elle a un temps de vide, elle rit un peu, j’ai l’air con. Tu
sors au prochain arrêt ? Non, trois arrêts plus loin. Elle dit d’accord, et puis se tait.
La journée déroule son film derrière la fenêtre, couleurs délavées. Le vert des
arbres, ciel vide. Entre les deux oreilles mes pensées qui filent : je n’écoute plus de
musique. Plutôt son silence. Son silence qui me grignote comme on grignote un
biscuit qui dormait dans un train, qui ne sait plus où tourner la tête pour éviter son
regard. Elle continue sans pudeur de me voir, je vois dans la vitre du train le reflet,
ses yeux qui me voient. Trois arrêts plus tard, je me lève et lui donne un sourire
d’adieu baisse les yeux. Elle se lève et me suit ; je sens son parfum sur ma nuque.
Jardin d’été sans fleur. Je sors du train, elle sort aussi. Je me retourne : un rayon de
soleil a percé juste pour cet endroit ce moment. Le gras du soleil sur la joue et au
coin de l’œil, entre les cils. Elle sourit toujours mais plisse les yeux. Elle est presque
blanche ; des traces noires sur la peau. Elle me demande si tu veux bien me laisser
dormir une nuit ou deux chez toi ? Je ne suis pas d’ici et je ne connais personne par
ici mais, parmi tous ceux du train tu m’as l’air adorable alors, j’ai pensé, tu me
laisserais. Elle avait un sac à dos, short court et chemise d’homme. Des tatouages
sur les jambes, à l’orée des seins, sur le cou et les bras. Le train s’en va.
Elle chante un truc aux accents slaves sa voix est vieille à ce moment-là, mais
le reste de son visage, tout à fait bandant. Chante tout doucement, mais avec le
ventre sûrement, parce que ça porte. On va le long des rails sur de la mauvaise
herbe jamais débarrassée ; mes pas trébuchent sur des mottes. Sa main pianote les
grillages en losange qui empêchent aux vaches de venir se prendre des trains. On
n’est pas des vaches, on est côté trains. Heureusement peut-être, qu’il y a des
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barrières, pour elles, heureusement. Elle a des jambes trop délicates pour marcher
par ici ; elles sont fines et lumineuses, griffée par les orties aux chevilles. Ses yeux
se promènent du côté du vent. Une éolienne plus loin derrière les grillages, rumine
avec lenteur les poussières. C’est le seul mouvement des environs un travail qui se
contente d’être constant. Une ébauche d’éternité, qui résonne au cœur un instant
malgré tout. Un train arrive et traîne avec lui toute une fanfare. Du vent avec,
conneries de salissures qui viennent coller aux yeux. Elle, elle tourne le dos au vent,
et baisse la tête ses cheveux suivent le train. Le vent s’apaise elle me prend la
main. On s’est arrêté. De près on le voit encore mieux ; elle est toute tatouée. Elle
glisse un doigt le long du cou et plus loin, menton levé, me montre. C’est vrai dit-elle
un doigt coulant le long du sternum je suis toute tatouée. Mais ça ne fait pas mal,
enfin pas autant qu’on veut nous faire croire. C’est des piqûres d’encre et rien de
plus. Mille petites piqûres amoureuses. J’en ai sur tout le corps si tu veux savoir.
C’est toujours du texte, des mots. Ils sont sous ma peau et prêts à y rester parce
qu’ils correspondent à ce que j’ai retenu des choses. Graver les choses qui ne
changeront plus. Des souvenirs, qui sont quelques couleurs, des lieux, des
prénoms, certaines lumières à certains moments de certaines journées particulières,
des histoires à se raconter pour rester soi-même encore, c’est toujours des choses
qui sont en quelque sorte moi ; et toujours des violences. Je crois qu’on est des
animaux, qu’on n’apprend vraiment que par la violence. Mon nom, c’est la seule
chose que je ne grave pas. Parce que ce mot-là, seul, n’a aucun sens, et s’il en
avait, tous les autres ne serviraient à rien. Et il n’y aurait plus grand-chose à vivre,
plus aucun chagrin à consoler. Tu ne crois pas ? Elle m’embrasse un peu contre le
grillage. Et le vent.
Le dernier souvenir de sa mère, c’est une chambre blanche près des
falaises. Maman couchée sur un lit d’hôpital, des tubes qui perforent le nez et l’os, il
y a de grandes fenêtres derrière elle. Le bruit du monitoring cardiaque : bip, bip, bip,
bip, bip… Maman est un soupir sur le lit et qui ne bouge pas. C'est l'immobilité la
mort. Le temps est vide dans la chambre blanche. Odeurs sans vie. Derrière la
fenêtre, il y a une longue étendue sombre verte puis les falaises. Il y a la mer et
l’horizon noirs ; c’est le soir. Elle se rapproche de la vitre vitre épaisse. De la pluie
picore depuis dehors, on entend très peu. Ficelles d’eau glissent sur le verre. Son
souffle fait de la buée. Les arbres sont courbés par le vent les nuages sont lourds.
Toute une tempête, la mer glisse et mâche la pierre. Le triple vitrage des fenêtres
ne laisse rien passer, le verre est froid mais pas du même froid : il est sec. La
chambre est blanche, il y a un lit, une maman, la jeune fille et les néons qui
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dominent – aveugles. Je ne l’ai pas regardée longtemps maman, parce que ce qui
se passait dehors me rendait folle. Maman aurait dû mourir en sautant du haut des
falaises. Écrasée et noyée et mâchouillée, décortiquée, elle aurait dû, à la furie
d’une tempête, donner tout son pauvre corps. Elle aurait dû maman mourir comme
ça. Et moi je suis partie je n’ai plus rien voulu entendre je suis partie, et je l’imagine
encore en train de sauter. De sauter, tu comprends. Elle saute depuis toutes les
falaises du monde ; la chambre blanche s’est laissé dévorer par la tempête. C’est
comme ça pour moi depuis que j’ai écrit. Je ne l’ai plus jamais revue, même morte.
Je lui en veux d’avoir toujours décidé de ne pas vouloir. Elle s’assied sur sa cheville
pour cacher les mots ; ses doigts grattent la terre.
Allongée sur le lit elle ferme les yeux. La surface de la peau brille d’une sueur.
Un bras le long du corps, sa petite main serre la couverture bleue et rouge froissée.
L’autre bras cache ses yeux. Elle respire doucement mais vite comme un petit
animal. Moi, je suis assis sur le bord du lit dos au mur, mains jointes, souffle lent. Je
la regarde. Tu es belle je lui dis, mais tu seras bientôt toute noire si tu continues à te
tatouer le corps. Elle change de position pour me regarder. Les premiers tatouages,
je les faisais sur les jambes, c’était plus discret. J’étais timide et fragile, pas encore
tout à fait sûre de ce que je me voulais. Elle s’allonge ; déboutonne son short. Sa
petite culotte cachée par sa chemise, rouge. Ses cuisses claires et tachées de noir.
Des lignes d’écriture se croisent et tombent le long de la jambe. Je me gratte les
yeux. Elle pose un pied sur mon épaule et prend ma main. Elle promène ma main
sur sa cuisse et me montre. Ses yeux sont noirs, elle a le regard ingénu. La peau
fraîche : son cou, sa clavicule les courbes sous sa chemise… Ferme et tendue
blanche, constellée de signes et de grains de beauté, les veines visibles sur les
mains et les pieds. Verdeurs sur les genoux petits brins d’herbes qui datent de tout
à l’heure ; c’était dans un champ, au milieu des vaches de l’autre côté du grillage.
Arracher des grappes de verdure avec le poing, les éparpiller. On vit dans une
cuvette entourée de montagnes. Il n’y a pas d’horizon alors on trie nos brins
d’herbe. Elle me raconte maman. Elle a un sourire, triste mais juste parce qu’il faut :
l’air de s’en foutre surtout. Elle se lève et brise tout d’un rire, et s'en va en courant
d'air légère. Comme un défi. Saleté de gamine irresponsable et. Superficielle. J’ai
simplement envie de m’écrouler : le jour rayonne l’air transpire. Elle est mais belle
tout de même ; je saute par-dessus l’enclos des vaches avec le souvenir des
mollets minces et noirs.
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Je t’amène de quoi te doucher. Pas besoin elle répond, je suis propre. Avec
une insolence. Dans la chambre aussi il y a des températures insoutenables. Mais
du renfermé dans les odeurs. Baigner dans son jus. Sa jambe était moite et j’ai
préféré me lever, j’avais la tête qui tournait. J’ouvre la fenêtre et la cale en coinçant
une vieille peluche chaton grise mâchouillée. Dans le ciel on peut voir voler des
oiseaux noirs. Derrière eux le fond du ciel est gris nuageux. Les oiseaux sont peutêtre cent ils tournent, en rythme, et n’ont aucune musique en tête mais ils sont
synchronisés. Les oiseaux annoncent un orage et leur vol est rapide. Chacun pris
séparément est vif et précis, mais le mouvement d’ensemble est comme un voile
lourd qui s’en va. Les nuages s’amoncellent derrière et les oiseaux se déplacent
plus loin. Volètent entre les immeubles sales. Tout le monde peut les voir. Sont
noirs, la journée grise et jaune. D’autres saisons vont arriver ; volètent les oiseaux.
Ceux qui sont plus bas passent devant la fenêtre de la chambre. Ils ont l’air furieux,
ils sont si rapides. Ce sont de petites choses. La lumière dehors est claire et diffuse,
alors il n’y a pas beaucoup d’ombre, les choses semblent irréelles. Le bruit des
voitures est le seul qu’on entende au loin. J’entends le bruit des voitures qui passent
au loin. Retour à la chambre. À ma fille. Elle enlève sa chemise, déjà trop grande
pour elle. Soutien-gorge vert, jamais assorti à sa culotte. On voit ses côtes un peu.
Par-dessus les côtes, et le ventre, sous les seins et le long des flancs et des
hanches, elle a des zébrures qui se croisent ou se séparent. Les phrases sont
écrites en petit. Parfois c’est juste des mots ou des prénoms. Je me rapproche pour
mieux lire ; mais c’est surtout sa chaleur que je retiens. Il n’y a pas que des mots, à
certains endroits la peau est plus rêche, cicatrices de brûlures et traces d’une lame.
Elle a lâché ma main mais moi pas. Elle se laisse faire. Elle me regarde. Elle a
l’odeur d’un jardin d’été sans fleur.
Tu vas trop vite et, de toute façon tu ne sais même pas où aller. Un peu de
vent sous le soleil ; j’ai de la poussière dans les narines, j’éternue. Toi toujours un
peu plus loin devant. Tu promènes ton petit cul comme un appât devant mes yeux.
J’ai soif. Tes pieds sautillent. Journée comme endormie et qui ronfle en silence : il y
a des arbres qui dansent, des poussières s’en détachent il y a une voiture qui
passe, nos pas sur le trottoir, frottement des mains terreuses sur le visage
asséché…
Les
mouvements
donnent
la
sensation
d’une
succession
de
photographies muettes. Blanc du ciel ; sifflement désincarné des oiseaux sur les
arbres à poussières. Ta démarche est comme un hoquet mort et riant qui sort du
tableau. Le vent souffle tes cheveux sable poussière. Tu te tournes vers moi, je me
sens très loin de toi ton regard m’éloigne, toujours. Je suis avec toi dans le village
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que j’habite, pourtant tu m’éloignes, c’est toi qui me guides tu m’apprends tu me
montres d’autres chemins, trottoirs, tu me mets face à toute l’étendue de ma
solitude ; tout un désert vois-tu. L’éclat d’un soleil aveugle, des ombres longues et
vertes, des rues qui s’enfoncent… Tu reviens te rapproches, je plisse les yeux, tu
grandis dans mon champ de vision. Je suis perdu, tu me fais voir des endroits où le
temps s’allonge et le silence étouffe. Combien de temps depuis la sortie du train ;
combien d’après-midi. Tu es si légère tu me rends seul, combien de journées d’été.
Un vieux tourne-disque est posé sur l’étagère. Elle y met un disque et le fait
tourner. Sans l’aiguille le disque tourne un moment dans le vide ; elle laisse aller.
L’aiguille se repose. Dehors les oiseaux sont déjà loin l’on ne voit plus qu’une
obscurité, sans forme qui s’éloigne. Ils ne laissent aucune trace de leur passage,
mais les choses ont changé, pourtant. Sans faire de bruit ils ont eu une présence ils
ont troublé un temps l’équilibre des choses. Un orage va éclater ; les nuages se
sont assombris. L’air est gorgé d’électricité. Elle regarde les oiseaux qui s’en vont.
La cour grise est vide il n’y a que le vent ; qui se lève ; bientôt nuit. Dans la chambre
un disque tourne en silence, inutilement. Elle se met sur le lit et frissonne parce que
la fenêtre est toujours ouverte. Réchauffe-moi j’ai froid. Je me mets contre elle mais
garde les yeux sur le vinyle qui est silencieux. Elle se blottit. Elle me parle, d’un de
ses tatouages et ça me donne froid, à moi aussi : quelques contrecoups de journées
pluvieuses d’autrefois. La chambre s’assombrit. Doucement se rapproche de moi.
Je ferme les yeux, parce que j'ai cru qu'elle voulait m'embrasser. Mais j’ai senti sa
petite main glisser comme indifférente et masser mon pantalon. Je n’ouvre plus les
yeux, j’ai dans la tête une dissonance. La fermeture-éclair fait un bruit et elle défait
le bouton du jeans. Une main pianote sous ma chemise et plus bas. Tu veux que je
te suce. Le vinyle tourne dans le vide. Pas un bruit, moi j’ouvre les yeux sur son
visage d’été. Elle se redresse puis ramène ses cheveux d’un côté et se penche, sur
le tissu qui recouvre encore mon sexe. Dehors le bruit du vent, la lumière est encore
plus légère.
Le petit chat orange et blanc j’ai tatoué son nom, sur mon pubis. Elle a le
pubis rasé et les mots en noir ont fait comme une nouvelle petite toison noire. Il est
venu avec le soleil, un été. Il était libre comme tout, il venait dans la maison pour
chercher à manger. La porte était ouverte, il faisait chaud. Je lui donnais toujours à
manger, je le laissais monter sur le canapé alors que mes parents n’aimaient pas
ça. Il était léger, égoïste et raffiné, propre à sa manière. Ma chambre avait un petit
balconnet à un mètre du sol. Il pouvait monter et la porte vitrée était ouverte, il
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rentrait comme n’importe quel courant d’air qui porte des poussières et des guêpes.
Il se roulait sur mon lit. Petit chat. Il pouvait dormir des journées entières. J’étais
jeune. Je le serrais contre mon corps, je me déshabillais. À l’époque, j’avais peu de
poitrine et juste un mince petit gazon sous le nombril. Plus fraîche encore
qu’aujourd’hui. On était deux animaux sur un matelas, on siestait tout l’été en
écoutant de la musique. On nous laissait tranquilles. Quand j’ai commencé à me
toucher, c’était un jour comme ceux-là : ciel très bas, tangible, du vent, mais chaud.
J’étais propre et chaude ; trop peu pudique devant lui, petit chat. Je mouillais mes
doigts en le regardant, il me voyait ; paresseux. J’avais l’impression qu’il
m’enseignait. Il se couche sur le dos et demande des caresses. Le ventre blanc, les
yeux orange, la queue molle. Je lui gratte le ventre et la base du cou. Il approche
son petit nez et lèche les traces de mon intimité sur mes doigts. C’est salé, sa
langue râpe le bout de mes doigts. Je m’allonge et j’ouvre les jambes ; je lui
demande de me regarder pendant que je caresse ma chatte. Je regarde le plafond.
Le chat me regarde. J’ai des frissons et des élans depuis le cœur. Je lui parle. Je lui
dis qu’il est mon premier amour. Il baille et fait sa toilette. La bouche entrouverte, les
yeux noirs et gros. J'ai la lèvre qui sanglote. Avec une autre énergie je me lève et
m’étire ; je vais nue tout près de l’ouverture sur le balcon. Dehors il y a des vergers,
des pommiers, des montagnes. Un sentier de terre battue. Le soleil assomme et j’ai
de la sueur aux aisselles et aux tempes, dans le coin du genou, entre les jambes.
Petit coin de campagne entre des villes. J’ai vécu ici, et c’est peut-être une grâce,
j’ai eu des étés sans homme et sans règles. J’ai fleuri toute seule au milieu des
vergers et, c’est peut-être une grâce, je suis restée sotte et j’ai joué. Le chat se
faufile entre mes jambes et s’en va glissant entre les barreaux du balcon. Sa queue
remue, les pattes ont l’air de sautiller. Je baille. Les journées d’été.
L’air est plus froid il pleut ce soir, la chambre baigne dans une moiteur. Mon
sexe entre ses dents : elle joue. Je n’ose pas bouger, elle me fait trembler ; avec sa
langue ; impudique à genoux au pied du lit. Pendant qu’elle me suce, elle fait
tomber les habits qui restent. Je vois d’autres tatouages et ses seins. J’ai froid tout
de même, je n’ose pas me lever pour fermer la fenêtre. Elle a des frissons mais ne
se plaint pas. Le tourne-disque. Elle a l’air amoureuse. Je me souviens de ce qu’elle
m’a dit cet après-midi. On marchait le long d’un torrent entre des graviers, des
herbes et des arbres. Elle disait qu’elle était une PUTE. Enfin je crois, j’en ai
l’impression, mais c’est toujours à nuancer ; je ne veux pas dire que je ferais tout
pour de l’argent, non. J’ai ma dignité mais, je suis pute en ce que j’aime cultiver mes
plaisirs. Je ne vends rien, je ne suis pas soumise, je sais mordre, je suis libre. Je
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hais la pureté, la virginité. Pour vivre au plus près du soleil, il faut se mouiller, se
salir, se frotter, s’oublier, se meurtrir, jouir, avaler, suer, blesser et dominer.
Beaucoup de mecs m’ont vue dans les pires états, mais j’ai toujours dominé. Je les
mange et ils se taisent. On marche sur des cailloux pour traverser le torrent.
Éclaboussures sur les baskets. Un vieux pneu s’est coincé entre deux cailloux.
L’eau fait le bruit d’une main qui frotte la peau. Je ne suis pas nymphomane. J’ai
surtout soif de soleil et de musique tu comprends. Le sexe je peux m’en passer
pendant plusieurs semaines ; parce que d’autres choses sont plus importantes à
certaines périodes. Je me cultive. Oui. Tu fais partie de mes voyages, toi et ton
pays. Je veux être en mouvement, toujours et tourner chacun de mes gestes vers la
vie : et la vie est sale, et pute. Tu ne trouves pas ? Je veux, pour être fidèle à moimême, pouvoir toujours me prouver que je sais pleurer, crier, jouir, courir, ramper,
sauter, frapper… Me prouver que je suis à la hauteur de chacun des mecs que je
décide de baiser ; des mecs comme toi. Je suis un mec, une pute de mec. Elle avait
un regard carnassier, j’avais une belle érection. Salope. Je suis à vos pieds où fautil signer. Elle a de petites plaintes quand elle m’enfonce dans sa gorge. Elle est
rapide et, parfois, s’arrête, je sens la pointe de sa langue exciter mon frein. Suçote,
souffle, mordille, baise, branle, pompe de nouveau. Les yeux fermés de volupté
comme des yeux de chatte dont on gratte le haut de la tête. Elle serre la base de
mon sexe d’une main lèche mes testicules les prend dans l’autre main et de
nouveau, salive sur mon sexe. Elle s’enfonce plus profond et plus vite, me fait
haleter. Elle n’a aucune fatigue, aucune faiblesse l’air d’un animal, elle fait des bruits
qui l’humilient, elle est grotesque écœurante, elle n’a plus qu’un geste, elle me fait
monter, elle est sale, petite pute insolente salope, me griffe la peau, n’en peux plus,
des spasmes et je crache, tout mon foutre sur son palais, dans ses joues sa chatte
de bouche, sa langue agouante elle calme le jeu et ouvre les yeux, tendresse
maternelle, au fond du sourire amusé jusqu’au coin des lèvres, luisante de sperme.
Elle nettoie et avale. Elle rit d’un rire les yeux figés. Je ferme les yeux. J’ai la bouche
sèche ; respire. Dans les veines encore un temps du plomb fondu. Elle dit voilà.
En silence elle court toute seule dans la nuit. Il y a beaucoup de neige il en
tombe encore. Son manteau noir est plein de flocons ses cheveux aussi sont noirs.
Ses cheveux pleins de flocons. Elle traverse une étendue de neige encore vierge.
Elle fait des traces dans la neige ; son allure est légère. Dans la nuit les lampadaires
autour font d’elle une ombre souple et longue, il y a du silence et seulement le bruit
des pas. Elle arrive à la hauteur de quatre bancs recouverts de neige. Saute et sur
le banc fait quelques pas sur le bois mouillé. Sur le sommet du banc les bras à
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l’envol jambe pliée elle tourne sur place, fait face aux traces de son passage. Sous
un lampadaire qui n’a pas bougé. Elle a un sursaut entre deux respirations, plie la
jambe et s’accroupit sur le banc, bras sur les genoux, la tête baissée. Ses
mouvements ont soufflé de la neige du banc. Elle ferme les yeux un peu et sa
bouche est dans le pli du coude. Elle sent frotter sur sa bouche les textiles bruts du
manteau sa chaleur, humide, reste emprisonnée dans les plis du manteau quand
elle souffle. Le bout du nez et les joues rosis d’hiver. Elle attend un moment ;
flocons parsèment un à un ses cheveux son manteau noir. Elle a son ombre à côté
mélangée à l’ombre des bancs. Lumière orangée du lampadaire. Il vibre. Elle ouvre
les yeux. Ces yeux. Voient la lune et les millions de flocons qui ne sont pas encore
au sol. Avec le temps, les choses seront recouvertes, les traces de pas. Et le
souvenir de moi. Je me relève je fais du chaos dans la neige avec mes pieds. Un
GRAND
feu, il faudrait, pour en finir, avec ce blanc trop dangereux froid, immobile,
indifférent. Elle se relève et face au banc taché de traces elle sort un briquet de sa
poche et des clopes. Ouvre le feu le porte à sa bouche. Un petit peu de chaleur le
rougeoiement, au bout de la cigarette. Elle tire les yeux fermés la première bouchée
de fumée. Nauséeuse elle regarde par terre ; de la fumée sort par ses narines, un
moment, les choses, sont calmes ainsi. Le bruit d’un moteur au loin elle lève la tête,
comme surprise, et tend l’oreille. Comme surprise elle lève la tête vers le
lampadaire et l’interroge du regard. Il ne répond pas il y a une lumière, orangée
artificielle. La fumée danse sous la lumière orangée, se disperse. Pas loin passe
une voiture. On voit des phares. La neige tombe tout doucement partout, il y a une
lumière orangée, les ombres sont allongées, la nuit c’est tout autour. La fumée
monte et se disperse. La jeune fille interroge un lampadaire anonyme puis, elle lui
envoie de la fumée au visage, elle rit brièvement mais mon rire a brisé la nuit et le
silence des flocons qui ne sont jamais tombés qu’avec douceur sur la terre.
Elle jette sa clope et se retire. Je reviendrai, sur ce cimetière je construirai un palais,
je labourerai. La terre sera gorgée d’asticots, ils détruiront mon palais, ce sera l’été
j’ai hâte. Elle emporte avec elle toute la chaleur du corps qui transpire sous son
manteau.
J’ai beaucoup voyagé. J’ai fait comme avec toi : je m’assois et je demande
sans m’excuser, avec un joli sourire. Ça marche et je rentre dans mes frais. En ce
sens aussi je suis pute. Mais pute gentille parce que les gens, ils ne se plaignent
pas de moi. Ils sont rarement gentils. Souvent ils me bousculent parce qu’ils
pensent que. Je suis celle des films qu’ils n’ont jamais pu vivre. Ils pensent qu’ils ont
du pouvoir parce qu’ils m’hébergent, parce que je les désire, parce qu’ils sont forts.
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Ils ont trop à prouver, ils veulent tout, ils veulent voir leur nom sur ma peau. Ils ont
peur peut-être : je suis trop réelle. Agressifs et colériques mais pas violents. Ils sont
des enfants à qui ce regard a manqué, celui qui console et encourage ; ils sont
habitués et tout les a déjà usés. J’ai la chance d’être déshabituée, et incivilisée mais
cultivée. J’ai tatoué le nom de ceux qui m’ont fait souffrir : Axel, Jimmy, Marie,
Detlev mon frère, et d’autres. Ceux-là c’était autre chose, plus vraiment une
question de crachats ou de poings. Tu fais partie des plus gentils. Tu parles peu et
tu laisses aller ; tu es inoffensif. Et ce pays me calme. Le soleil n’est pas le même
partout. Elle sèche ces larmes. La terre est poisseuse on s’enfonce. Le torrent a le
bruit des parasites radio. Les arbrisseaux maigres et secs sont ici plus denses. On
revient sur nos pas.
Elle me réveille en jouant avec mon sexe tout mou. Il est très tard c’est même
bientôt l’aube. La fenêtre est fermée. Le tourne-disque éteint. Dans la pénombre je
ne suis pas vraiment conscient, j’ai toujours un rêve qui s’accroche. Elle me réveille.
En jouant avec mon sexe, elle a fini par le réveiller lui aussi. Sous la couverture.
Bruits de respirations. Fatigues dans les yeux. Elle pétille. Espèce de folle. J’ai la
bouche pâteuse et les yeux secs. Sa respiration est moite sur mon visage. Elle
m’embrasse avec une insistance qui me bouscule. Insistante. Tout à fait chaude et
prête à repartir. Je veux te donner un ordre. Fais-moi jouir elle dit, avec ta langue. À
ces mots je me sens saliver bêtement. Elle voit ma gêne et prend ma tête entre ses
mains et m’entraîne. Quand elle comprend que je ne suis pas doué, elle ferme les
jambes et se retourne. Elle se redresse et, me tournant le dos, m’embrasse pardessus l’épaule. Lèche son sel sur mes lèvres. J’ai la tête qui tourne. Elle masse
ses seins avec mes mains. Elle prend mon sexe et le dirige vers son cul. Je prends
sa bite et la place juste à l’entrée. J’y mets ma salive avec deux doigts. Je
l’encourage, il est mignon. Je suis à quatre pattes comme un petit animal, j’ai la
paroi boisée devant les yeux. Je n’ai jamais eu sommeil. Mon petit cul de pute, oui
tu le veux. Il est doux, il s’engage. Ça me pousse vers l’avant, je touche la paroi
boisée. Grimace de volupté. Tu vois, il y a un H sur la fesse gauche et un E sur la
fesse droite je lui dis, entre deux souffles. Il va lentement, il est attentionné, n’a
sûrement jamais fait ça jusqu’ici. Trop de filles pudiques ; tant mieux peut-être. H et
E ce n’est pas des initiales. Quand ta bite aura bien ouvert mon cul, ça donnera
HOE. Tu comprends ce que ça veut dire ? C’est comique, non ? Ce n’est pas moi
qui l’ai écrit, c’est les types qui m’ont violée, j’étais à la gare il faisait nuit comme ce
matin. J’ai été enlevée vers un coin plus sombre, rouée de coups, forcée. Au début
pour se faire sucer mais moi, je criais, comme un petit cochon soulevé, alors ils ne
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pouvaient pas me laisser ouvrir la bouche ; pour mieux m’humilier, ils voulaient
aussi marquer ces deux lettres sur mes joues pour que ça fasse une charade avec
ma bouche. Ils prenaient ça très au sérieux, ils se disputaient. Ils étaient minables
mais cognaient fort. Avec la peur et la fureur, il y a alors eu le rire. Un rire
improbable et tenace : je les ai surpris, je me suis surprise, ils ont eu comme peur.
Ils n’arrivaient même plus à me faire obéir ou me forcer, parce que j’y crachais toute
une hilarité. Le rêve pour une gamine, c’est d’avoir affaire à un mec qui l’humilie par
son pouvoir, pas par son ridicule. Les ecchymoses c’était insuffisant la vue du sang,
ça ne sert à rien dans le vide d’un fou rire. Je les voyais : la bite pendante et
désemparés. Tu ralentis, ne t’arrête pas, s’il te plaît, continue et plus violent si tu
veux, je veux me sentir possédée pour de vrai. Tu t’endors ! Je crois que tu t’en
voudrais… tu n’en croises pas souvent des filles comme moi, je n’ai pas raison ?
Oui, comme ça… Continue. Tu me trouves mignonne ? Je lui dis qu’elle l’est,
mignonne. Elle me raconte qu’on m’a finalement assommée pour s’occuper de mon
cul. Ils ont été brutaux, mais ça n’a pas bandé dur pour tout le monde, au vu des
maigres traces de sperme séché au réveil. Je crois que mon rire a fait effet de tuel’amour. Sur mes fesses, j’ai constaté leur poésie au feutre indélébile, j’y ai vu
comme une tumeur. J’étais gosse et pas aussi forte qu’aujourd’hui. Un temps j’ai
voulu quitter mon corps. Elle parle tout en se laissant aller au rythme des
secousses. Je ne vois pas son visage quand elle parle. Elle se cambre beau corps
clair et frais. Regard dans le vide, j’ai l’impression d’être un porc. Mais le plaisir, je
ne peux pas l’ignorer. Je m’agrippe à ses hanches, elle est irrésistible. J’ai toute la
tristesse du monde dans mon cœur, mais mon cœur envoie du sang pour son petit
cul. Ne t’en fais pas pour ton cœur elle me dit j’écris une histoire dans laquelle ce
moment est un jeu d’amour, et tu apportes tes mots. Tu n’es pas coupable non, tu
es doux et tu fais ça bien, on est au chaud, c’est moi qui t’ai réveillé. Je t’ai tenu par
les couilles, c’est toi la victime, c’est moi qui te viole. C’est toi qui va finir par
m’aimer et souffrir quand je t’abandonnerai demain ou plus tard. Bourre-moi bien
pour l’instant. Elle me regarde par-dessus son épaule, je jouis dans son enfer.
Fais-moi jouir avec ta langue. Je retrouve son corps sous la couverture et une
chaleur, d’amour fermenté. Je passe sur ses seins et ses côtes, son nombril, son
pubis. Des odeurs d’épices et un goût salé, j’ai le ventre serré par l’excitation. Ouvre
les cuisses je pose des baisers sur ses lèvres. Humides déjà. Je caresse le reste du
corps et vais sur les seins les jambes. À la pointe du poil elle est électrique mes
baisers s’allongent et se rapprochent. Goût du sel sur la langue, chaleur molle des
lèvres entrouvertes. Brunâtres, rosies et juteuses, laides ; mais charmantes. Salive,
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tout son corps tendu vers un petit point de rencontre ; je ferme les yeux et je fais ce
que je peux. Elle me rend fou avec ses manières. J’ai des frissons qui partent
depuis la langue, mon sexe pointe et tout le corps suit. Je rougis. Je caresse le
rugueux de son pubis, légèrement enflé, j’agrippe ses fesses, légèrement molles.
Sur le matelas, il y a de sa cyprine. L’odeur restera un instant, le dernier souvenir
peut-être au final, c’est déjà ça. Pour aujourd’hui, je veux pour toujours être près de
tout ça. Je me vois sur le même matelas et regardant par la fenêtre la forêt sur les
montagnes d’en face. Je la vois partie depuis quelques heures et j’entends sonner
du vide. Tout un orchestre de vide autour de ma tête. J’ai des larmes ou le visage
trop sec. Séché par le sel de son sexe sur mon visage. Des velléités plein
l’épiderme et plus rien de sensé à en sortir. De la nicotine dans les poumons. Des
tremblements, les yeux dans les nœuds de la paroi boisée de la chambre. Ma bite
encore en fête, triste. La bouche qui salive. Dehors j’ai des rayons de soleil sur la
nuque. À la gare les choses sont suspendues. Je me masse le visage constate mes
cernes, du bout des doigts. Tu es loin les trains ne passent plus. Il y a une lumière
grasse et le soleil prend tout le ciel. J’essaie de le regarder. J’ai des larmes. Elle m’a
montré ce qui est beau sous la lumière du jour. Effectivement elle était belle, c’était
facile de la croire, petite fleur. La gare est une terre grise. Il y a TOUJOURS la
tentation des rails. Je marche sur une terre sans fleur. Bel été l’oubli serait si doux,
le néant serait si doux le rien. Son histoire à elle continue puisqu’elle a choisi de
partir. La mienne a sa place à la gare aujourd’hui, c’est-à-dire aux limbes. Elle brise
des cœurs. Je vais finir par la comprendre, ça m’angoisse. Devenir fou. On finit fou.
C’est une maladie. La vie. Elle prend ma tête pour la ramener à sa chatte. J’ai eu un
moment d’absence, je patauge. Elle crispe les doigts dans mes cheveux, elle
caresse ma joue. Caresse mes cheveux : je sens son regard. Quand elle comprend
que je ne suis pas doué, elle ferme les jambes et se retourne.
On a passé quelques journées ensemble, elle m’a montré d’autres choses.
Ensuite elle est partie, à vrai dire comme une fugitive. Son parfum était celui d’un
jardin sans fleur aux journées d’été. Elle me montre d’autres étés. Je n’ai pas trouvé
de fleurs parce qu’elle est partie trop tôt. Mon nom ne sera pas gravé je connais son
nom, et il me sera impossible de l’oublier mais elle, n’a même pas demandé le mien.
Peut-être que c’est bien je l’aide, à devenir toute noire moins vite. À la fin je serai
toute noire elle m’a dit. Ce sera sûrement le moment de s’arrêter et de se taire. Ça
finira par un rire, parce que les mots n’auront plus aucun sens. Ça avait commencé
par un rire, et des hommes. C’est à cet âge que j’ai voulu devenir moi pour
contredire ceux qui m’ont niée moi, ma beauté et ma liberté. Je ne pouvais pas les
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oublier et me construire en les écartant du tableau comme une simple anecdote. Ils
ont été trop importants. Ils m’ont enseigné le rire. Rien n’enseigne mieux que la
douleur on est des animaux. Je suis passée à l’aiguille par-dessus les lettres qu’ils
ont faites pour garder leur éclat originel ; leur bel éclat. H et E. Il faut commencer
par se salir se noyer pour se rendre compte. Combien de fois on se noie et sans
mourir. Ça m’a aidée à haïr la pureté, j’ai tellement souffert tu comprends se sentir
nulle, usagée et jetée. Elle renifle et se frotte les yeux avec la main qui s’appuyait au
mur. J’étais si bas. Ça me rendait comique et je n’arrêtais pas de pleurer. Tu sais,
poser des lettres sur mes fesses, c’était le moyen de m’anéantir, il le faut, parce qu’il
n’y a pas moyen si l’on se persuade qu’il reste un espoir. Il vaut mieux penser qu’on
s’assied d’abord sur du désespoir. Je me souviens quand je suis arrivée à la gare
cette nuit-là, il y avait une vieille qui chantait dans le passage sous-voie. Sa voix
avait l’air d’avoir déjà été enterrée plusieurs fois, tout ce qu’il en restait était
mécanique et grinçant. Elle avait le regard absorbé quand elle chantait, elle se
balançait d’une jambe à l’autre. Le chant, c’était une autre langue, ça sonnait
comme une plainte séculaire aux accents slaves, fragile qui tremblote. Elle m’a vue
me faire emporter, je l’ai appelée. Elle a continué de chanter mais elle a chanté plus
fort… Je lui en ai voulu longtemps ; maintenant je me persuade qu’elle ne l’a pas fait
pour oublier ma voix ou la cacher. Non. Elle a voulu porter plus loin la sienne pour
que je l’entende tout de même où qu’on puisse m’emmener. C’est le chant d’une
douleur qui est tout sauf une plaie ouverte ; elle chante pour ce qui s’est asséché,
pour son propre sexe triste comme une terre grise. Bien plus qu’à la mort, elle
pense à ce qu’on a oublié d’elle, à ce qu’on ne regarde plus chez elle. À moi elle
envoie une douleur d’exister, pleurée de fille à fille comme un secret intime. Mais,
d’une plainte, elle me communique tous les espoirs de la mélodie. C’est une
maladie la vie ; mais plus encore les mots. Ce qui sauve c’est tout le reste. Mais le
reste ne peut pas se passer de mots. Elle dit ça entre deux souffles sur mon
matelas. Nue et malsaine. Elle a une noblesse quand elle gémit.
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