tachycardies jonctionnelles par rythme reciproque et syndrome de

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tachycardies jonctionnelles par rythme reciproque et syndrome de
TACHYCARDIES JONCTIONNELLES PAR RYTHME RECIPROQUE ET
SYNDROME DE WOLF PARKINSON WHITE (J.P.NORMAND)
MECANISME DU RYTHME RECIPROQUE
Les tachycardies jonctionnelles par rythme réciproque sont dues à l’existence d’une duplication de
la voie de conduction auriculo-ventriculaire permettant la création d’un circuit de réentrée.
Dans la Maladie de Bouveret, la duplication des voies de conduction se situe au niveau du noeud
de Tawara. Dans le syndrome de Wolf Parkinson White ( WPW) la voie de conduction auriculoventriculaire normale est doublée par une voie accessoire mettant directement en contact le
myocarde auriculaire et ventriculaire
La figure N° 1 indique comment la présence de 2 voies de conduction au niveau du noeud de
Tawara peut être à l'origine d'une tachycardie par rythme réciproque.
les 2 voies (alpha et beta) ont des propriétés fonctionnelles différentes (vitesse de conduction, durée
des périodes réfractaires). La période réfractaire absolue de beta (PRA b) est plus longue que celle
de alpha (PRA a).
a) En rythme sinusal, l'intervalle PP étant supérieur à PRA a et PRA b, chaque onde P est suivie
d'un complexe QRS, avec un espace PR normal,(fig. 1 a).
b) Aprés une extrasystole auriculaire (ESA) dont l'intervalle de couplage est plus plus court que
PRA b et plus long que PRA a, la conduction sera bloquée dans la voie beta (fig. 1 b) La
conduction se fera uniquement par la voie alpha, dans le sens antérograde. Elle se fera ensuite par
la voie beta, dans le sens retrograde. Une extrasystole ventriculaire (ESV) pourra faire de même.
c) Si le temps mis par la conduction pour parcourir la boucle (alpha en anterograde et beta en
rétrograde) est suffisamment long pour que la voie beta ait le temps de sortir de sa période
réfractaire, la conduction pourra se poursuivre vers les oreillettes (activation rétrograde) et
descendre de nouveau dans la voie alpha (activation antérograde), puis remonter encore dans la
voie beta (activation rétrograde) et ainsi de suite. (fig. 1 c) Il en résultera une tachycardie par
rythme réciproque intranodal qui se traduira sur l'ECG par des QRS réguliers suivis d'ondes P
rétrogrades.
MALADIE DE BOUVERET
Définition
On désigne communément sous ce terme les accès de tachycardies jonctionnelles paroxystiques survenant en
dehors du syndrome de Wolf Parkinson White, et liés à l'existence d'un circuit de réentrée intranodal.
Etiologie
Dans la grande majorité des cas la maladie de Bouveret est isolée. Elle apparait le plus souvent chez des sujets
jeunes ayant un coeur sain.
Traduction clinique
Elle se manifeste par des accès de tachycardie paroxystique
- à début brutal (impression de déclic)
- ressentis de façon désagréable : palpitations, angoisse, lassitude, douleur thoracique
- de durée variable: quelques minutes à plusieurs heures. La fin est également brusque, généralement suivie
d'une crise polyurique.
La fréquence des crises est très variable d'un sujet à l'autre. Tous les intermédiaires existent entre une crise
survenant tous les ans, voire moins, et la survenue de crises pluri-quotidiennes avec retentissement psychique
majeur. Généralement la fréquence des crises s'accentue avec l'âge. Les facteurs émotionnels ont une grande
influence.
Aspect électrocardiographique
a)En dehors des accès de tachycardie paroxystiques, l'électrocardiogramme est normal.
b) Pendant les crises, l'ECG montre (fig. 2):
- des complexes QRS réguliers dont la fréquence est le plus souvent comprise entre 180 - 200/mn
- "fins", de durée inférieure à 8/100 de seconde (activation synchrone des deux ventriculesà partir
du tronc du faisceau de His)
- avec une onde P pour un complexe QRS, de type rétrograde (négative en D2 - D3 et VF) située le
plus souvent derrière QRS, parfois dedans.
L'ECG enregistré au début d'un accès de tachycardie montre que celle-ci est initiée par une ESA ou
une ESV (fig 3).
Chapitre VIIC, page 1
Traitement
Traitement de la crise de tachycardie
Pour interrompre un accès de tachycardie persistant, il faut bloquer la conduction dans le noeud de Tawara.
La stimulation vagale par le patient lui-même (manoeuvre de Valsava, réflexes nauséeux, ingestion d'eau froide)
ou par le médecin (compression des globes oculaires, massage du sinus carotidien) est parfois efficace.
Le plus souvent, il faut recourir à l'utilisation de médicaments par voie intraveineuse : Striadyne, Verapamil En
cas d'échec on peut recourir à la Cordarone, en injection intraveineuse lente sur 20 minutes.
Dans tous les cas le patient doit être allongé, car une brève pause ventriculaire peut survenir à l'arrêt de la
tachycardie.
Prévention des crises
La prévention des crises est souvent difficile à obtenir. Elle n'est pas nécessaire si les accès de tachycardie sont
peu fréquents et de brève durée.
Il faut toujours commencer par utiliser des drogues bien tolérées: bétabloquants, Verapamil ou Digoxine.
En cas d'échec, on a pû utiliser divers anti-arythmiques : Quinidine, Dysopyramide, Propafenone, Cibenzoline,
Flecaïnide, et éventuellement Amiodarone.
Dans les formes rebelles, on peut recourir aux méthodes ablatives.La mise en place de sondes endocavitaires
permet d’appliquer un courant de radio-fréquence pour supprimer définitivement et de façon élective l'une des
2 voies de conduction. Cette thérapeutique est actuellement de plus en plus utilisée, et devient une alternative au
traitement pharmacologique.Le risque est d’interrompre les 2 voies de conduction et de créer ainsi un bloc
auriculo-ventriculaire, nécessitant l’implantation d’un stimulateur cardiaque.
SYNDROME DE WOLF PARKINSON WHITE
Définition
Syndrome électrocardiographique caractérisé par l'association des anomalies suivantes : (fig. 4)
- un espace PR court (inférieur à 12/100 de seconde)
- un allongement de la durée de QRS
- un empatement initial de QRS (onde Delta).
Etiologie
Il s'agit d'une anomalie congénitale relativement fréquente, liée à la persistance, au cours du développement
foetal, d'un faisceau de fibres musculaires faisant communiquer directement une oreillette avec le ventricule
correspondant (faisceau de Kent). Cette anomalie est habituellement isolée, sur un coeur sain.
Physiopathologie
Dans le syndrome de WPW les potentiels d'action d'origine auriculaire seront conduits aux
ventricules par deux voies ayant des propriétés fonctionnelles différentes :
- la voie normale, nodo-hissienne
- la voie accessoire, reliant directement oreillette et ventricule correspondant.
La voie nodo-hissienne conduit plus lentement car elle est filtrée par le noeud de Tawara. Sa vitesse
de conduction est fréquence-dépendante, d'autant plus lente que la fréquence de stimulation est
élevée. Au delà d'une certaine fréquence, cette conduction peut se bloquer progressivement
(période de Luciani Wenckebach puis bloc 2/1). Cette propriété de la conduction auriculoventriculaire normale permet d'éviter qu'une accélération extrême de la fréquence des oreillettes (
par exemple dans un flutter ou une fibrillation auriculaire) n'entraîne une augmentation dangereuse
de la fréquence des battements ventriculaires.
La voie accessoire, de nature musculaire, à une vitesse de conduction plus rapide, indépendante de
la fréquence de stimulation. Au delà d'une fréquence seuil dont la période correspond à la période
réfractaire de cette voie accessoire la conduction s'interromp brusquement et totalement (loi du
"tout ou rien").
L’elargissement de QRS du syndrome de WPW s'explique par l'existence de ces deux voies de
conduction compétitives. La dépolarisation des ventricules (QRS) est due à la fusion de deux fronts
d'activation, l'un venant de la voie nodo hissienne normale, l'autre de la voie accessoire. Si toute
l'activation venait de la voie nodo hissienne, le complexe QRS serait "fin" (inf à 8/100 de seconde).
Si elle venait entièrement de la voie accessoire il serait large (sup à 12/100 de seconde), avec un
aspect de "retard droit" ou de "retard gauche", selon la localisation du faisceau accessoire, entre
oreillette gauche et ventricule gauche, ou entre oreillette droite et ventricule droit. Le plus souvent
la durée de QRS sera intermédiaire, dépendant des vitesses relatives de conduction entre la voie
nodo hissienne et la voie accessoire. Plus elle sera ralentie dans la première, plus l'élargissement de
Chapitre VIIC, page 2
QRS sera accentué (aspect observé par exemple en cas d'accélération de la fréquence des
oreillettes).
L'espace PR est court parce que l'activation ventriculaire initiale dépend da la voie accessoire dont
la vitesse de conduction est plus rapide que celle de la voie nodo hissienne.
L’onde delta, située à la partie initialede QRS, correspond à la dépolarisation de la partie du
myocarde ventriculaire activé précocément par la voie accessoire ( préexcitation).
Le syndrome de WPW peut être à l'origine de troubles du rythme de deux types
- des accès de tachycardies jonctionnelles par rythme réciproque
- des tachycardies auriculaires ectopiques.
a) Les tachycardies jonctionnelles par rythme réciproque
Une extrasystole auriculaire ( ou ventriculaire) dont l'intervalle de couplage est plus long que la
période refractaire de la voie nodo hissienne, et plus court que celle de la voie accessoire, poura
déclencher un rythme réciproque avec conduction antérograde dans la voie nodo hissienne et
rétrograde dans la voie accessoire (le circuit de réentrée est constitué successivement par oreillette,
voie nodo-hissienne, voie accessoire, oreillette)
b) Les tachycardies auriculaires ectopiques
Une fibrillation auriculaire ou un flutter auriculaire peut survenir chez un patient ayant un
syndrome de WPW. Dans cette éventualité, si la période refractaire de la voie accessoire est courte
(ce qui n'est pas toujours le cas), les impulsions auriculaires de fréquence élevée (300 à 400/mn)
peuvent être transmises intégralement aux ventricules (conduction 1/1 antérograde dans la voie
accessoire). Il en résulte une accélération extrême de la fréquence ventriculaire qui peut avoir des
conséquences hémodynamiques graves, pouvant aller jusqu'à la fribrillation ventriculaire.
Traduction clinique
Très souvent le syndrome de WPW est asymptomatique, découvert à l'occasion d 'un ECG
systématique.
La symptomatologie des accès de tachycardie par rythme réciproque est la même que celle de la
maladie de Bouveret (QS).
Les accès de tachycardie auriculaire ectopique pouvent être responsables de syncopes, d'un état de
choc, voire de mort subite lorsque la fréquence cardiaque est très élevée.
Aspect ECG des accès de tachycardie paroxystique du syndrome de WPW.
Tachycardies jonctionnelles par rythme réciproque
L’ aspect ECG est strictement comparable à celui que l'on observe dans la maladie de Bouveret
(fig. 5) :
- les complexes QRS sont réguliers et "fins", sans aspect de pré-excitation (puisque la conduction
dans la voie accessoire se fait uniquement dans le sens rétrograde).
- Les ondes P sont de type rétrograde, situées derrière les complexes QRS.
La présence du syndrome de WPW ne peut être affirmée que sur l'aspect de l'électrocardiogramme
enregistré après retour en en rythme sinusal ( ou sur un tracé antérieur).
Tachycardies auriculaires ectopiques (fig. 6)
- Les ondes P sont absentes, (fibrillation ou flutter auriculaire).
- Les complexes QRS ont une fréquence élevée (supérieure à 300/mn). Ils sont irréguliers le plus
souvent (fibrillation auriculaire), parfois réguliers (flutter auriculaire). Ils sont larges, avec un
aspect de pré-excitation majeure (conduction antérograde dans la voie accessoire).
Explorations complémentaires
L'épreuve d'effort permet d'avoir une estimation de la durée de la période réfractaire de la voie
accessoire et de la gravité potentielle de la pré-excitation (on détermine la fréquence cardiaque au
delà de laquelle les complexes QRS deviennent fins). Compte tenu des modifications de la
repolarisation liées au syndrome de WPW, cette épreuve d'effort n'a aucune valeur pour prédire
l'existence d'une ischémie myocardique ( du fait de la préexcitation ventriculaire, les ondes T sont
négatives dans les dérivations où QRS a un prédominance de positivité).
Lorsqu'un syndrome de WPW est à l'origine de manifestations cliniques suggestives d'un trouble du
rythme mal toléré, il est indiqué de faire des explorations électrophysiologiques.
L'examen consiste à placer des sondes dans les cavités cardiaques pour recueillir des potentiels
endocavitaires et à faire des stimulations programmées. On peut déterminer ainsi la localisation du
faisceau accessoire et ses propriétés fonctionnelles. Une durée de période réfractaire courte (inf à
220 msec) caractérise les WPW à risque de troubles du rythme graves.
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Une analyse précise de l'électrocardiogramme de surface, comportant la détermination de l'axe de
l'onde delta, permet également de localiser la voie accessoire.
Traitement
Traitement des accès de tachycardie paroxystique
Le traitement des accès de tachycardies par rythme réciproque du syndrome de WPW est le même
que pour ceux qui surviennent dans le cadre de la maladie de Bouveret (QS).
Le traitement des accès de tachycardies auriculaires paroxystiques est différent :
- si la tachycardie est très rapide et mal tolérée, le mieux est de faire un choc électrique externe
- sinon on peut utiliser des anti-arythmiques par voie intraveineuse pour allonger la durée de la
période réfractaire de la voie accessoire, voire interrompre la conduction dans cette voie:
(Amiodarone, Cibenzoline, Flecaïne, Propafénone).
Les digitaliques sont formellement contre-indiqués car il diminuent la durée de la période
refractaire de la voie accessoire. Le Verapamil est également à proscrire.
Traitement préventif des crises de tachycardie
Les notions exposées dans le chapitre concernant le traitement préventif de la maladie de Bouveret
sont transposables aux accès de tachycardie par rythme réciproque du syndrome de WPW (QS).
POUR prévenir les récidives de tachycardies auriculaires ectopiques, on utilisera volontiers les
antiarythmiques les plus puissants, compte tenu des risques potentiels de ces troubles du rythme :
Amiodarone, Flecaïne, Propafenone, Cibenzoline, et parfois des associations, Amiodarone et
Quinidine ou bétabloquants. Les digitaliques et le Verapamil ne sont pas indiqués en raison de leurs
effets sur la période refractaire de la voie accessoire.
Dans les formes graves (accès de tachycardie par rythme réciproque fréquents et mal tolérés, ou
tachycardies auriculaires ectopiques très rapides) le traitement consiste à interrompre la voie
accessoire. Les méthodes ablatives ont remplacé la chirurgie. Elles consistent à repérer la voie
accessoire par des sondes endocavitaires et à la détruire par l’application d’un courant de radiofréquence.
Une guérison totale peut ainsi être obtenue. Après la section de la voie accessoire,
l'ectrocardiogramme reprend un aspect strictement normal.
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