Réformer Le Juge d`Instruction - Bibliothèque de Sciences Po Lyon

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Réformer Le Juge d`Instruction - Bibliothèque de Sciences Po Lyon
Université de Lyon
Université lumière Lyon 2
Institut d'Études Politiques de Lyon
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique
et Perspectives
Mémoire de Séminaire
Métiers du droit et pratique du droit dans les entreprises et les institutions.
Sous la direction de : VIANES André
MANIGLIER Tristan
Membres du jury: VIANES André
Table des matières
Remerciements. . .
Introduction. . .
Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques. . .
Chapitre 1 : Construction, rôle et statut du juge d’instruction. . .
Section 1 : Historique de la fonction de juge d’instruction. . .
Section 2 : La place du juge d’instruction dans la procédure pénale. . .
Chapitre 2 : Le juge d’instruction face aux critiques et aux volontés réformatrices. . .
Section 1 : Un magistrat critiqué et souvent mis en cause. . .
Section 2 : Des perspectives anciennes de réforme. . .
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne. . .
Chapitre 1 : Ministère public contre juge de l’instruction : panorama européen. . .
Section 1 : L’instruction confiée au ministère public. . .
Section 2 : L’instruction non confiée au parquet. . .
Chapitre 2 : Quelles perspectives de réforme pour la France ? . .
Section 1 : Les propositions actuelles de réforme. . .
Section 2 : Un débat important face au projet de réforme. . .
Conclusion . .
Annexes. . .
Annexe n°1 : Glossaire. . .
Annexe n°2 : Extraits des législations anciennes relatives à l’instruction. . .
Annexe n° 3 : Extraits du Code de procédure pénale. . .
Annexe n°4 : Composition du groupe de travail présidé par Jean-Olivier Viout. . .
Annexe n° 5 : Composition de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau. . .
Annexe n° 6 : Composition de la Commission Delmas-Marty. . .
Annexe n° 7 : Composition de la Commission de réflexion sur la Justice. . .
Annexe n° 8 : Composition de la Commission Léger. . .
Annexe n°9 : Extraits de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale. . .
Bibliographie. . .
Ouvrages . .
Législation française . .
Ancienne législation . .
Code . .
Convention internationale . .
Lois . .
Proposition et projet de loi . .
Législation étrangère . .
En Allemagne . .
En Belgique : . .
En Espagne . .
En Italie . .
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Au Portugal . .
En Suisse . .
Périodiques . .
Rapports parlementaires . .
Rapports de réflexion sur la justice . .
Travaux d’étudiants . .
Entretiens . .
Jurisprudence et résolution européennes . .
Documents audiovisuels . .
Documents Internet . .
Prises de position sur la réforme de la procédure pénale . .
En faveur de la réforme . .
En défaveur de la réforme . .
Autres avis sur la réforme . .
Statistiques . .
Résumé . .
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Remerciements.
Remerciements.
Dans le cadre de la rédaction de ce mémoire je tiens à remercier les magistrats, Anne Wyon, JeanPierre Berthet et Raphaël Vincent, qui ont accepté de me rencontrer et de m’offrir un peu de leur
temps pour me faire part de leur opinion sur la fonction de juge d’instruction et sur le projet de
réforme.
Je tiens particulièrement à remercier Anne Wyon, pour les contacts de professionnels qu’elle
m’a fournis, Patrick Wyon, pour les contacts et les conseils relatifs à la rédaction de ce mémoire,
ainsi que Jean-Pierre Berthet pour avoir accepté de siéger au sein du jury de soutenance.
Pour son accompagnement tout au long de cette année, et les conseils qu’il m’a prodigué, je
remercie mon directeur de mémoire, maître André Vianès.
Pour leur relecture de ce travail et leurs conseils quant à sa rédaction, je tiens à remercier
Pierre-Yves Suteau et Laureline Maniglier.
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Introduction.
« Mi-Salomon, mi-Maigret » selon la qualification que lui a donnée l’ancien garde des
Sceaux, ministre de la Justice, Robert Badinter, à l’occasion du débat sur le projet de
loi relatif à la présomption d’innocence et aux droits des victimes, « le Janus du monde
judiciaire » pour Renaud Van Ruymbeke, ou « l’homme le plus puissant de France » selon la
célèbre formule attribuée à Napoléon Bonaparte ou à Honoré de Balzac, le juge d’instruction
a toujours été un magistrat qui fascine dans le monde judiciaire français, du fait des larges
prérogatives dont il dispose, et de la marge de manœuvre tout aussi importante qui lui est
accordée.
Le symbole de l’arbitrage entre modèle inquisitoire et accusatoire.
Au-delà de l’incarnation de la lutte contre les affaires politico-financières qu’il est
devenu, le magistrat instructeur est avant tout le symbole du débat qui a traversé la justice
pénale de tous les États, entre mise en œuvre du modèle accusatoire, et celle du modèle
inquisitoire.
Le juge d’instruction français est ainsi la principale figure du modèle à dominante
inquisitoire, qui jalonne le paysage judiciaire français depuis le Moyen-âge.
Le modèle accusatoire est cependant le premier à être mis en œuvre.
Un tel système repose sur le principe du non-déclenchement des poursuites au nom
de la société, mais par la victime ou en son nom, rapprochant la procédure pénale de celle
civile. Le juge se limite alors au rôle d’arbitre entre les deux parties, les deux parties devant
souvent assurer le recueil des preuves, dans le cadre d’une procédure contradictoire, orale
et publique.
Il est l’héritage direct des procédures en vigueur dans la Grèce et la Rome antiques.
En France, ce type de procédure pénale n’est en vigueur qu’avant 1226, du fait de
l’héritage de la procédure franque.
Ce modèle était mis en œuvre via le système d’accusation par partie formée, dans
lequel le juge n’avait alors la possibilité d’intervenir que suite à l’expression préalable d’une
accusation. Les deux parties disposaient néanmoins d’une absolue égalité des armes.
L’ensemble de la procédure est orale et publique. En l’absence d’enquête diligentée par la
puissance publique, l’aveu – ou même le silence qui est considéré comme équivalent – du
prévenu est le principal élément de preuve dans la majorité des dossiers.
Ce modèle accusatoire a été marqué par une série de graves dysfonctionnements : le
maintien en prison de l’accusé et de l’accusateur était la règle, l’accusateur pouvait aussi
être amené à subir la peine requise en cas de fausse accusation, et les difficultés à réunir les
preuves pour un accusateur privé. Par conséquent, ces difficultés dissuadaient les victimes
d’engager des actions, instaurant une impunité importante des criminels.
En réaction à l’échec de ce modèle, la France met en œuvre le modèle inquisitoire –
inspiré par les tribunaux ecclésiastiques mis en place pour l’Inquisition – dès la fin du Moyen
Age. Ce modèle inquisitoire est construit en totale opposition à l’accusatoire, puisqu’il pose
le principe du déclenchement de l’action au nom de la société. Le magistrat assure dès lors
la recherche des preuves, au cours d’une procédure à dominante écrite et secrète au cours
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Introduction.
de laquelle les droits de l’accusé sont en retrait par rapport à l’accusateur, dans la mesure
où ce dernier représente et agit au nom de la société.
Le premier système inquisitoire en France apparaît à travers le tribunal de l’Inquisition,
instauré en France par le Pape Grégoire IX le 20 avril 1233. Sa mission principale est la
recherche et la poursuite des hérétiques et des catholiques non fidèles au dogme. Dans
ce but, les juges peuvent déclencher eux-mêmes les poursuites et chercher les coupables,
sans besoin d’une plainte ou dénonciation préalable. Ce modèle de justice, initialement
ecclésiastique, s’étend ensuite à la justice criminelle laïque.
Si à partir de 1226, le modèle accusatoire est sujet à débat, le choix du modèle à
dominante inquisitoire est véritablement consacré par l’ordonnance criminelle de 1670.
Rendu nécessaire par l’installation progressive de la procédure inquisitoire, le magistrat
instructeur apparaît véritablement à partir des ordonnances de 1498 et 1539.
Bien que pierre angulaire du système judiciaire pénal depuis lors, le juge d’instruction
n’est apparu que bien plus récemment dans l’espace médiatique français.
L’apparition des juges d’instruction dans les médias.
Éva Joly, Renaud Van Ruymbeke, Éric Halphen ou Jean-Louis Bruguière sont autant
de noms qui ont placé le juge d’instruction sous le feu des médias.
L’ouverture d’instructions sur des affaires mettant en cause le monde des affaires
et le monde politique dans les années 1980 et 1990 ont en effet conduit certains
juges d’instruction, principalement issus du tribunal de grande instance de Paris, et
particulièrement de son pôle financier, à être mis en avant, en devenant l’incarnation de
dossiers si médiatiques.
La juge Éva Joly s’est ainsi fait connaître en instruisant l’affaire Elf, ou celle dite DumasDeviers-Joncour, qui l’ont conduite à mettre en cause, pour la première affaire, un ancien
PDG d’Elf – Loïk Le Floch-Prigent – et pour le second dossier, Roland Dumas, ancien
ministre et président du Conseil constitutionnel.
La situation est similaire pour Renaud Van Ruymbeke via l’affaire Urba – relative au
financement du parti socialiste, et qui a conduit à la condamnation de plusieurs députés
et cadres de ce parti – ou les frégates de Taïwan – qui soupçonnait le versement de
« rétrocommissions » sur un contrat d’armement mais a abouti à un non-lieu face au refus de
lever le secret défense sur certains documents, décidé par plusieurs ministres successifs.
Il en est de même pour Éric Halphen, dans le cadre de l’instruction des dossiers relatifs
aux HLM de la ville de Paris ou ceux des Hauts-de-Seine. Ce dossier a révélé de fausses
facturations de plusieurs entreprises servant à favoriser l’obtention des marchés publics.
Dans un premier temps, plusieurs proches de l’ancien président Jacques Chirac, à l’époque
où il était maire de Paris, ont été mis en cause, et lui-même est par la suite convoqué en
tant que témoin.
Les affaires de terrorisme ont également permis à des juges d’instruction, notamment
Jean-Louis Bruguière – en particulier pour celles relatives au mouvement Action Directe ou
aux attentats de 1995 – d’apparaître sur la scène publique.
Les scandales liés à la santé publique ont médiatisé, dans une mesure certainement
moindre, des magistrats spécialisés sur cette thématique, en particulier Marie-Odile
Bertella-Geffroy, qui a instruit des dossiers tels que la vache folle, l’affaire du sang contaminé
ou l’amiante.
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Le juge d’instruction apparaît dès lors comme le principal révélateur des dossiers de
corruption ou malversations financières entre le monde politique et le monde financier, mais
aussi des scandales de santé publique, en particulier celui de l’amiante.
Les juges d’instruction ont ainsi commencé à cristalliser l’attention des médias, du
monde politique et du public sur leur action, devenant la profession judiciaire la plus
exposée.
Ce phénomène a été renforcé par l’entrée dans la compétition politique de plusieurs
d’entre eux parmi les plus médiatiques, tels qu’Éva Joly devenue députée européenne en
2009, ou Jean-Louis Bruguière, candidat malheureux aux élections législatives de 2007.
Un juge qui a attiré les critiques.
Mais les juges d’instruction ont également été rapidement rattrapés par les critiques.
En s’intéressant de trop près au monde politique et financier, ils ont amenés les
politiques à étudier leur action, et à s’inquiéter des pouvoirs importants qui leur sont confiés.
En parallèle, des échecs judiciaires retentissants ont fortement entamé sa crédibilité.
Depuis l’affaire Bruay-en-Artois en 1972 – qui sera examinée dans le cadre de
ce travail – le juge d’instruction reste associé à des affaires marquées par de graves
dysfonctionnements.
La dernière en date est l’affaire Filippis en novembre 2008, du nom de l’ancien directeur
de publication du quotidien Libération. Celui-ci a en effet été l’objet d’une arrestation –
qualifiée de brutale – à son domicile à 6h40 du matin dans le cadre d’une affaire de
diffamation mettant en cause son journal. Cette arrestation a fait suite à l’émission d’un
mandat d’amener prise par un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris,
qui a été vivement critiquée, notamment par la presse et certains responsables politiques.
Néanmoins, l’affaire d’Outreau, et le nom de Fabrice Burgaud – premier magistrat
instructeur en charge du dossier – qui y est associé sont la plus grande illustration de l’échec
de l’instruction.
Ainsi, bien qu’exercée par à peine plus de 600 magistrats dans toute la France, la
fonction de juge d’instruction est ainsi devenue la plus controversée du monde judiciaire.
Réformer le juge d’instruction : une problématique récurrente jalonnée d’échecs.
Face à ce constat, réformer le juge d’instruction est devenu, depuis sa création, une
des questions constantes de la justice française.
Cette volonté réformatrice s’est accentuée dans l’immédiat après-guerre, puis à partir
des années 1980 – c'est-à-dire parallèlement à l’action des magistrats dans le domaine
politique et financier – bien qu’elle ait souvent abouti à des échecs. Objet de multiples
commissions de réflexion et de réformes avortées, le juge d’instruction demeure, plus de 200
ans après sa création, un acteur majeur de la phase préparatoire de la procédure pénale.
Le débat contre le juge d’instruction a pourtant repris et atteint son paroxysme avec la
nouvelle proposition de réforme de la procédure. Celle-ci a été initiée par ces mots :
« Le juge d’instruction, en la forme actuelle ne peut être l’arbitre. Comment lui demander
de prendre des mesures coercitives, des mesures touchant à l’intimité de la vie privée alors
qu'il est avant tout guidé par les nécessités de son enquête ?
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Introduction.
Il est donc temps que le juge d’instruction cède la place à un juge de l’instruction, qui
contrôlera le déroulement des enquêtes mais ne les dirigera plus
1
.»
Ces phrases, prononcées par le chef de l’État lors de son allocution à l’audience
solennelle de début d’année de la Cour de cassation le 8 janvier 2009, semblent alors avoir
scellé le sort du magistrat instructeur français, pourtant deux fois centenaire.
Le président a ainsi anticipé le processus, poursuivi par la commission présidée par
Philippe Léger, qui a abouti au projet de réforme de la procédure pénale, et doit mener
à la disparition du juge d’instruction, au profit d’un juge de l’instruction, accompagnant le
ministère public, promu directeur d’enquête.
Face à cette histoire mouvementée, et à un destin encore plus incertain, il convient
de s’interroger sur le processus qui a forgé la fonction de juge d’instruction, sur ce qu’est
le magistrat instructeur actuellement et sur ce que sont ses perspectives d’avenir dans le
cadre de cette nouvelle réforme de la procédure pénale.
En premier lieu, il s’agira donc d’étudier la construction de la fonction de juge
d’instruction, d’examiner son statut et rôle actuel, avant de s’intéresser aux limites
dénoncées et tentatives et propositions anciennes de réforme (Titre 1).
En second lieu, éclairé par un examen des arbitrages entre parquet et juge d’instruction
et des réformes de la phase préparatoire à l’échelle européenne, il s’agira d’étudier plus
précisément l’actuel projet de réformer et le débat qui s’est cristallisé autour de lui (Titre 2)
1
Discours de Nicolas Sarkozy, Audience solennelle de début de l’année de la Cour de Cassation, 7 janvier 2009
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Titre 1 : Le juge d’instruction : un
magistrat instructeur ancien face aux
critiques.
Avant de s’intéresser à la réforme à proprement parler de la fonction de juge d’instruction,
il convient d’en étudier tant la construction, le statut et la fonction actuels (chapitre 1), que
les limites et tentatives de réformes auxquelles le juge d’instruction a déjà été confronté
(chapitre 2).
Chapitre 1 : Construction, rôle et statut du juge
d’instruction.
La fonction de juge d’instruction a subi de profondes modifications dans son histoire (Section
1), avant d’aboutir au rôle qu’occupe actuellement ce magistrat (Section 2).
Section 1 : Historique de la fonction de juge d’instruction.
Le magistrat instructeur a été l’objet de réformes profondes au cours d’une des périodes
les plus troublées de l’Histoire de France, de la fin de la monarchie à celle de la Révolution
(§1), avant de subir des modifications plus à la marge dans l’histoire récente pour aboutir
à ce qu’il est actuellement (§2).
§ 1. De l’ordonnance criminelle de 1670 au code d’instruction criminelle de
1808, l’histoire tourmentée du juge d’instruction.
Suite à l’essor de l’inspiration inquisitoire dans la procédure pénale, le principe de
l’intervention d’un magistrat instructeur est affirmé, avant 1670, à travers deux ordonnances
successives.
La première, datée de 1498 et dite de Blois, formalise la procédure exceptionnelle
fondée sur le modèle inquisitoire, et se différencie donc de la procédure ordinaire, fortement
accusatoire, qui est dès lors réservée aux cas les moins graves.
Dans cette procédure exceptionnelle, le juge est chargé de l’enquête et de réunir
les éléments de preuve. Ce premier embryon d’instruction en France est néanmoins
entaché d’importants dysfonctionnements. L’absence d’impartialité du juge et le recours
systématique aux supplices pour obtenir de l’accusé des aveux – dont la véracité et
l’exactitude peuvent souvent être mis en doute – sont dangereux face à une personne mise
en cause, qui dispose de droits de la défense forts restreints, en l’absence de l’assistance
d’un conseil juridique, et même la non notification des charges qui lui sont reprochées.
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Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
En août 1539, est adoptée, sous l’égide de François Ier et de son chancelier Poyet,
l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui réforme la procédure pénale, et notamment la phase
d’instruction. Elle prévoit ainsi que le juge procède, ou fait procéder par ses collaborateurs
2
3
aux interrogatoires , confrontations de l’accusé et des témoins. Elle ne corrige toutefois
pas les principaux défauts préalablement constatés, dans la mesure où le droit à un
avocat est toujours proscrit, tout comme la récusation par l’accusé d’un témoin. De surcroît,
l’instruction à décharge n’était réalisée par le juge qu’à l’issue de l’instruction préliminaire et
sans que l’accusé ne dispose d’un droit d’information.
Entre 1539 et 1670, seules quelques modifications de l’instruction sont mises en œuvre,
bien souvent à la marge, telles que la reconnaissance de la nécessité de la célérité de
l’enquête et la compétence privilégiée du juge dont dépend le lieu du crime, par l’ordonnance
d’Orléans de 1560.
La fonction de juge de l’instruction a été véritablement formalisée dans le cadre de
l’ordonnance criminelle de 1670, enregistrée par le Parlement de Paris le 26 août, et entrée
er
en vigueur le 1 janvier 1671.
L’ordonnance criminelle de 1670, l’ancrage du modèle inquisitoire en France.
En effet, si l’ordonnance criminelle de 1670 réforme la procédure criminelle, elle ne remet
pas en cause l’héritage du magistrat instructeur.
Cette ordonnance prévoit que le juge soit seul compétent pour mener l’instruction des
procès dont il a la charge, c'est-à-dire sauf pour les individus bénéficiant d’immunités de
juridiction. La poursuite peut être déclenchée soit d’office par le juge, soit à l’initiative d’un
officier royal ou d’une partie.
L’instruction est ouverte par la transmission au magistrat des procès-verbaux, et
l’audition des témoins.
A l’image de ce qu’ils sont actuellement, les pouvoirs du magistrat instructeur sont
étendus. Dans le but de réunir les indices permettant d’éclairer les faits, le juge peut
ordonner divers actes d’information, parmi lesquels un transport sur les lieux, une expertise
médicale... Il lui revient ensuite de procéder à l’audition de l’accusé, sous serment et sans la
présence d’un défenseur, dans la mesure où l’ordonnance dispose que « le juge sera tenu
vaquer en personne à l'interrogatoire, qui ne pourra en aucun cas être fait par le greffier, à
4
peine de nullité
». Les témoins auditionnés sont choisis par le juge, ou désignés par le
Procureur ou les parties civiles. La désignation de témoins n’est en revanche pas ouverte
à la personne mise en cause.
Suite à l’audition des témoins, les pièces sont transmises au Procureur du Roi, et,
en cas de besoin, le juge peut procéder à la prise de décrets, parmi les trois types à sa
disposition.
2
Article 37 de l’ordonnance de Villers-Cotterêts « Et néanmoins permettons aux parties de se faire interroger, l’une l’autre,
pendant le procès, et sans retardation d’icelui, par le juge de la cause, ou autre plus prochain des demeurances des parties, qui à ce
sera commis sur faicts et articles pertinens et concernans la cause et matière dont est question entr’elles ».
3
Article 154 de l’ordonnance de Villers-Cotterêts : « Et pour faire la confrontation, comparoistront, tant l’accusé que le tesmoin,
pardevant le juge ».
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Article 2, titre XIV de l’ordonnance criminelle de 1670.
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Les « décret d’assignation à être ouï » et « décret d’ajournement personnel » visent à
ordonner l’assignation d’un témoin à comparaître afin de témoigner. Ils diffèrent par le fait
que le second – qui succède au premier en cas de non comparution
de l’exercice de fonctions publiques.
Le « décret de prise de corps
provisoire.
6
5
– prévoit l’interdiction
» ordonne l’arrestation puis le placement en détention
Suite aux premières constatations et aux auditions, le magistrat instructeur doit choisir
la méthode procédurale qu’il souhaite suivre, en fonction de la gravité de l’affaire, après avoir
entendu les réquisitions du ministère public. En l’absence d’éléments suffisants, l’abandon
des poursuites peut également être ordonné.
Réservée pour les cas mineurs, la voie dite ordinaire est comparable à la matière civile,
le tribunal devant statuer sur la peine et d’éventuelles réparations civiles en fonction de la
volonté des parties. Dans ce type de procédure, le rôle du magistrat est minime, les parties
occupant une plus grande place.
Pour les cas plus graves, le magistrat instructeur optait pour la procédure dite
exceptionnelle. La phase d’instance était ainsi prolongée par la phase d’instruction définitive.
Le magistrat instructeur pouvait procéder au recollement, c'est-à-dire la relecture par
les témoins de leurs dépositions à des fins de confirmation ou de modification, ou la
7
confrontation des témoins avec l’accusé .
Pendant cette phase, les juges pouvaient également décider du recours à la question
préparatoire, c'est-à-dire à la torture, uniquement dans le cas où « il y a preuve considérable
contre l'accusé d'un crime qui mérite peine de mort
8
».
L’instruction était réalisée sous le sceau du secret, les informations n’étant accessibles
qu’au juge et au ministère public.
Au terme de son instruction, le magistrat instructeur transmettait son rapport au tribunal
chargé de statuer.
La procédure telle que définie par l’ordonnance de 1670 a fait l’objet de nombreuses
critiques dans les cahiers de doléances préalables à la réunion des États-Généraux en
1789. Le principal reproche fait à la procédure pénale monarchique est l’absence d’une
codification des atteintes à la loi et des peines correspondantes, ce qui favorisait l’arbitraire
du juge. L’absence de qualification juridique des faits induit nécessairement l’absence de
peines correspondant à la nature de l’atteinte à la loi.
Dès lors, la justice criminelle a été un des premiers domaines de réforme pendant la
Révolution.
La parenthèse révolutionnaire : le déclin relatif du magistrat instructeur.
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12
Article 3, titre X de l’ordonnance criminelle de 1670.
Article 2, titre XX de l’ordonnance criminelle de 1670.
Article 1, titre XV de l’ordonnance criminelle de 1670.
Article 1, titre XIX de l’ordonnance criminelle de 1670.
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Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
L’introduction des nouveaux principes à la justice est ainsi présente dès les premiers mois
de la Révolution, notamment dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du
26 août 1789.
Ces nouveaux principes ont amené l’Assemblée constituante à remettre en cause
le modèle inquisitoire hérité de l’Ancien régime : si le principe en était maintenu, il était
largement tempéré par l’introduction d’un modèle à dominance accusatoire, inspiré par
l’exemple anglais.
Une série de lois et décrets de 1790 et 1791 met en place la nouvelle justice
révolutionnaire. La première modification est l’élection des magistrats, tant ceux du siège
que l’accusateur public.
La différenciation des juridictions compétentes en fonction de la gravité de l’atteinte à
la loi modifie les règles de l’instruction.
Devant les tribunaux de simple police, chargés des affaires les plus légères, la phase
d’instruction distincte est supprimée, puisqu’elle est réalisée publiquement et au cours
de l’audience. La situation est similaire devant les tribunaux de police correctionnelle,
compétents pour des affaires d’une gravité supérieure.
Pour une affaire de la compétence des tribunaux correctionnels – c'est-à-dire les crimes
et délits les plus graves – une phase d’instruction préparatoire réduite est confiée au juge
de paix, ou à des officiers de la gendarmerie nationale, saisis par le dépôt de plainte d’une
victime, ou suite à une dénonciation. L’initiative de la poursuite est dès lors laissée aux
parties privées, suivant l’exemple du modèle accusatoire britannique. Le juge de paix est
un magistrat installé dans chaque canton, cumulant la fonction de magistrat instructeur et
de partie chargée de la poursuite. Suite à cette première phase, un mandat d’amener ou
d’arrêt était pris à l’encontre du prévenu, ouvrant la procédure devant le jury d’accusation.
La réforme révolutionnaire avait en effet retiré aux magistrats la compétence de la
mise en accusation, transférée à un jury populaire, composé de huit citoyens tirés au sort,
réunis sous la présidence d’un juge de district. Au terme d’un débat contradictoire, les jurés
devaient se prononcer sur le renvoi pour jugement devant le tribunal criminel ou non. Si la
juridiction est saisie, un décret de prise de corps est pris, avant son renvoi devant le tribunal.
Bien que la réforme révolutionnaire soit réalisée dans le cadre des nouveaux principes
des droits de l’Homme et en réaction face à l’arbitraire de la procédure monarchique, elle
ne consacre pas pour autant les droits de la défense.
Le prévenu n’est ainsi pas en mesure de contester les faits au cours de l’examen de
son dossier.
9
Suite à l’installation du Directoire en 1795, est adopté le 3 brumaire an IV le Code des
délits et des peines – qui comprend les lois relatives à l’instruction des affaires criminelles
– qui réforme la procédure criminelle.
Il établit la responsabilité du juge de paix, considéré comme un officier de police
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judiciaire, pour la réception des plaintes, le recueil des indices et des preuves . Sa qualité
d’officier de police judiciaire le place sous le contrôle de l’accusateur public, qui lui disposait
pleinement du statut de magistrat.
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Correspondant au 25 octobre 1795.
Article 48 du code des délits et des peines.
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Le juge de paix n’intervient que pour les délits punis « soit d'une amende au dessus
de la valeur de trois journées de travail, soit d'un emprisonnement de plus de trois jours,
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soit d'une peine infamante ou afflictive
». Son intervention peut être déclenchée
par dénonciation officielle, c'est-à-dire émanant « de toute autorité constituée ou de tout
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fonctionnaire
», par dénonciation civique, « par tout citoyen qui a été témoin d'un
attentat, soit contre la liberté, la vie ou la propriété d'un autre, soit contre la sûreté publique
ou individuelle
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», par plainte d’un citoyen lésé, ou même « par une dénonciation ou
plainte, même non-signée, ou abandonnée
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».
Dans le cadre de son enquête, le juge de paix peut être amené à prendre des mandats
d’amener, ou d’ordonner la comparution devant lui d’éventuels témoins.
Au terme de son enquête, le juge de paix a la charge d’identifier les prévenus contre
lesquels il existe de véritables charges, et ceux faussement accusés, en vue de traduire les
premiers devant un jury d’accusation. Les jurys d’accusation sont composés de citoyens
répondant aux critères pour être électeur, désignés par un tirage au sort public.
Aucune phase d’instruction distincte n’est prévue, le Code disposant que « l'instruction
se fait à l'audience ; le prévenu y est interrogé ; les témoins pour et contre entendus en
sa présence ; les reproches et les défenses proposées ; les pièces lues, s'il y en a, et le
15
jugement prononcé de suite, ou, au plus tard, à l'audience suivante
». Au terme de
l’examen des pièces et des auditions, le jury d’accusation se prononce sur le bienfondé de
l’accusation ou non, et donc sur le renvoi devant le jury de jugement.
La justice révolutionnaire, articulée autour des jurys d’accusation, ne survit que
quelques années à la période révolutionnaire.
Le code d’instruction criminelle de 1808 : l’apparition du juge d’instruction
moderne.
Le juge d’instruction réapparaît sous une forme proche de celle qu’il a actuellement, après
l’entrée en vigueur du Code d’instruction criminelle de 1808, et de la loi d’organisation
judiciaire du 20 avril 1810.
Cette loi supprime le directeur de jury, dont les missions sont réparties entre le
Procureur impérial, qui dirige les poursuites, et le juge d’instruction.
Ce nouveau code, rédigé et adopté sous l’Empire napoléonien, rétablit le juge
d’instruction au cœur de la phase préparatoire du procès criminel.
Il installe en effet dans « chaque arrondissement communal un juge d'instruction […]
choisi par Sa Majesté parmi les juges du tribunal civil, pour trois ans
11
12
13
14
15
16
14
Article 48 du code des délits et des peines.
Article 83 du code des délits et des peines.
Article 87 du code des délits et des peines.
Article 100 du code des délits et des peines.
Article 184 du code des délits et des peines.
Article 55 du code d’instruction criminelle de 1808.
MANIGLIER Tristan_2010
16
».
Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
Non détenteur du statut de magistrat, le juge d’instruction est institué en tant qu’officier
supérieur de police judiciaire, sous la surveillance, quant à ses fonctions de police judiciaire,
du Procureur impérial.
Le Procureur impérial est en effet l’acteur central de la phase préparatoire, dans la
17
mesure où il est « chargé de la recherche et de la poursuite de tous les délits
». Toute
autorité constituée qui prendrait connaissance d’un crime ou d’un délit dans l’exercice de
ses fonctions doit porter sa dénonciation devant le Procureur, tout comme tout témoin d’un
attentat contre la sûreté publique, la vie ou la propriété d’un autre.
Hors cas de flagrant délit, pour lesquels il est autorisé à « faire directement et par luimême, tous les actes attribués au procureur impérial
18
»,le juge ne peut être chargé de
l’instruction d’une affaire que dans le cas de la constitution d’une partie civile devant lui
ou suite au transfert d’une plainte par le Procureur impérial
20
19
.
Il ne peut cependant exercer aucun « acte d’instruction et de poursuite qu'il n'ait donné
communication de la procédure au Procureur impérial
pouvoirs propres.
21
», mais dispose néanmoins de
Il est ainsi seul compétent pour assurer l’audition des témoins, ayant connaissance des
faits ou des circonstances, et de toute personne citée par la plainte ou la dénonciation. En
cas de refus de leur part, il pourra contraindre à déposer. Si le témoin ne réside pas dans son
arrondissement, il peut requérir du juge d’instruction territorialement compétent qu’il réalise
l’audition du témoin, et lui transmette les dépositions.
Il peut par ailleurs émettre un mandat d’amener ou de dépôt, sans rapports préalables
du Procureur impérial.
Ce dernier a également le devoir de pourvoir « à l'envoi, à la notification et à l’exécution
des ordonnances qui seront rendues par le juge d'instruction
22
».
Le juge d’instruction ne peut se transporter au domicile du prévenu ou dans d’autres
lieux pour y réaliser des perquisitions qu’en cas d’absence de flagrant délit, le Procureur
impérial disposant de ces pouvoirs s’il y a flagrant délit.
Le juge est également compétent pour tous les types de mandats, d’amener, de
comparution et de dépôt.
Le juge, en tant que membre de la chambre du conseil, composée d’au moins trois
juges, statue, au terme de l’instruction, sur le devenir de l’affaire, qui sera déclarée sans
suite, renvoyée au tribunal de police en cas d’infraction, ou devant le tribunal de police
correctionnelle si elle relève de la matière correctionnelle
17
18
19
20
21
22
23
23
.
Article 22 du code d’instruction criminelle de 1808.
Article 59 du code d’instruction criminelle de 1808.
Article 63 du code d’instruction criminelle de 1808.
Article 64 du code d’instruction criminelle de 1808.
Article 61 du code d’instruction criminelle de 1808.
Article 28 du code d’instruction criminelle de 1808.
Articles 128 à 130 du code d’instruction criminelle de 1808.
MANIGLIER Tristan_2010
15
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Au terme de l’instruction, les juges de la chambre du conseil décident également du
sort des mis en examen, en fonction des suites à donner à l’affaire.
S’ils estiment que les faits ne portent pas atteinte à la loi, ils ordonnent la remise en
liberté du prévenu.
S’ils constituent une contravention, l’affaire est renvoyée devant le tribunal de police, et
le prévenu, s’il est en détention provisoire, sera remis en liberté. Si les faits sont constitutifs
d’un délit, l’affaire sera jugée devant le tribunal de police correctionnelle, et le prévenu ne
sera maintenu en détention provisoire que s’il encourt une peine de détention.
Cette chambre reçoit par ailleurs chaque semaine un compte-rendu de l’avancée des
affaires traitées par le juge, une copie étant adressée aussi au procureur impérial.
Le magistrat instructeur est un acteur ancien de la procédure pénale en France,
en plein essor, depuis sa consécration par l’ordonnance criminelle de 1670, et surtout
par le Code d’instruction criminelle de 1808. Seule l’œuvre judiciaire de la Révolution a
remis temporairement en cause ses prérogatives, sous l’inspiration du modèle accusatoire
anglais.
Si le Code d’instruction criminelle de 1808 a institué la fonction de juge d’instruction
dans une forme très proche de celle moderne, il n’en est pas pour autant demeuré immuable.
Une série de réformes plus ou moins récentes ont aménagé la fonction de juge d’instruction.
§ 2. Des réformes récentes au statut actuel du juge d’instruction.
Des réformes plus modernes du juge d’instruction : des nouveaux pouvoirs
du juge à la création du juge des libertés et de la détention.
Entre 1856 et 2000, le juge d’instruction a fait l’objet de diverses réformes tendant à modifier
tant son statut que ses fonctions.
Une loi du 17 juillet 1856 transfère les pouvoirs auparavant dévolus à la chambre du
conseil au juge d’instruction, notamment en matière de détention préventive, créant ainsi la
dualité de fonction d’enquêteur et de juge.
En 1958, l’adoption du nouveau Code de procédure pénale supprime le lien de
subordination entre le juge et le ministère public, le magistrat instructeur devenant un
véritable magistrat du siège, et donc indépendant et inamovible. Une chambre d’accusation
est créée en vue de surveiller l’activité des juges d’instruction.
24
25
Les lois du 4 janvier
et du 24 août 1993
ont en outre introduit la possibilité pour
les parties – ou leurs avocats – de demander au juge « au cours de l’information, […] à
ce qu’il soit procédé à leur audition ou à leur interrogatoire, à l’audition d’un témoin, à une
confrontation ou à un transport sur les lieux, ou à ce qu’il soit ordonné la production par l’une
26
d’entre elles d’une pièce utile à l’information
». Le refus du juge doit être transmis par
ordonnance motivée dans un délai d’un mois à partir de la réception de la demande, et peut
faire l’objet d’un pourvoi en appel devant la chambre d’accusation, à laquelle a succédé la
chambre de l’instruction.
24
25
Loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, publiée au Journal officiel du 4 janvier 1993, page 215.
Loi n° 93-1013 du 24 août 1993 modifiant la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale, publiée
au Journal officiel du 25 août 1993, page 11991.
26
16
Article 82-1 du Code de procédure pénale, tel que modifié par l’article 27 de la loi du 4 janvier 1993.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
La loi du 15 juin 2000, dite loi renforçant la protection de la présomption d’innocence et
les droits des victimes a modifié les attributions du juge d’instruction.
Par la création du juge des libertés et de la détention, le juge d’instruction est dépossédé
de ses attributions en matière de détention provisoire.
Le juge des libertés et de la détention, magistrat du siège, ayant rang de président ou de
vice-président et désigné par le tribunal de grande instance, est désormais seul compétent
pour ordonner ou prolonger une détention provisoire et pour statuer sur une demande de
27
mise en liberté . Contrairement au juge d’instruction, la fonction de juge des libertés et de
la détention n’est pas exercée à temps plein par un magistrat, tout juge du siège pouvant être
appelé à statuer en tant que juge des libertés et de la détention. En parallèle, ce magistrat
n’assure pas de suivi d’une affaire, il ne statue que ponctuellement sur un point précis du
dossier.
Les attributions du juge d’instruction en matière de détention sont désormais limitées,
dans la mesure où il ne peut plus décider de la mise en détention provisoire, comme il
pouvait le faire avant 2000.
Ces diverses réformes ont engendré la fonction et le statut de juge d’instruction tels
qu’ils sont actuellement en vigueur.
Statut et contrôle du juge d’instruction moderne.
En sa qualité de magistrat du siège, le juge d’instruction est nommé par décret du Président
de la République, sur proposition du Garde des Sceaux, et après avis conforme du Conseil
28
supérieur de la Magistrature
. Le juge d’instruction nommé peut être un magistrat du
siège ou du parquet changeant d’affectation. Les carrières du siège et du parquet n’étant
pas séparées, un membre du ministère public peut en effet, comme les juges du siège,
accéder à la fonction de juge d’instruction. Un élève titularisé à l’issue de sa formation à
l’École Nationale de la Magistrature peut également prétendre à la fonction de magistrat
instructeur. A l’issue de sa scolarité, chaque élève choisit, en fonction de son rang de sortie,
son affectation parmi les postes offerts à sa promotion.
En cas de vacance temporaire, un juge d’instruction issu d’un autre tribunal peut être
délégué par le Premier Président de la Cour d’appel. Le tribunal peut également désigné
l’un de ses membres pour assurer temporairement ces fonctions.
La magistrature étant organisée de manière hiérarchique, les juges d’instruction sont
répartis entre le deuxième grade, et le premier, qui confère le titre de Vice-président chargé
de l’instruction.
L’avancement est fonction de la qualité de son dossier et de sa disponibilité.
L’appréciation de son travail dépend du Premier Président de la Cour d’appel, qui consulte
le Président du tribunal de grande instance, et ceux de la chambre d’instruction, de la
cour d’assises et de la chambre des appels correctionnels. Néanmoins, seule la direction
des services judiciaires a la possibilité de proposer un magistrat pour un avancement,
l’intervention du Conseil supérieur de la magistrature se limite à un droit de véto, qui ne
27
Article n°137-1 du Code de procédure pénale, institué par la loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la
présomption d'innocence et les droits des victimes.
28
Article 50 du Code de procédure pénale.
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17
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
peut être écarté. La Chancellerie a donc un contrôle quasi total sur la promotion de ces
magistrats, puisqu’elle possède le monopole de l’initiative de la promotion.
En tant que magistrat du siège, il dispose de toutes les caractéristiques inhérentes
à ce statut. Ainsi bénéficie-t-il de l’indépendance, c'est-à-dire qu’il agit librement dans le
traitement des affaires dont il a la charge, sans interférence de la part du parquet ou du
pouvoir exécutif. Pour assurer cette indépendance, le juge d’instruction est inamovible : il
ne peut être muté ni même promu qu’à sa demande ou au minimum avec son accord.
Parmi les devoirs du juge au cours de son instruction, figurent le principe de l’instruction
à charge et à décharge, qui suppose que le magistrat doit s’efforcer d’établir la vérité des
faits pour lesquels il a été saisi, et le secret de l’instruction.
L’article 11 du Code de procédure pénale dispose que « la procédure au cours de
l’enquête et de l’instruction est secrète », dans le but de protéger les personnes mises en
cause, qui bénéficient de la présomption d’innocence, et pour faciliter la réalisation des
investigations. Le secret de l’instruction s’ajoute au secret professionnel auquel le juge est
astreint.
Territorialement, sa compétence s’étend sur toute la zone qui est du ressort du tribunal
auquel il est rattaché.
Le contrôle du juge d’instruction.
Bien qu’indépendant, le juge d’instruction n’en est pas moins soumis à des contrôles dans
l’exercice de ses fonctions.
Le contrôle du juge d’instruction est assuré par le Président de la chambre de
l’instruction, qui a la charge de « s'assure[r] du bon fonctionnement des cabinets d'instruction
29
du ressort de la Cour d'appel
». Dans ce cadre, il doit transmettre au minimum
chaque année des observations sur le fonctionnement des cabinets d’instruction, au Premier
Président de la Cour d’appel, au Procureur général près la Cour d’appel, ainsi qu’au
Président du tribunal et au Procureur concernés. Pour cela, il doit réaliser chaque semestre
un état des lieux des affaires en cours dans chaque cabinet d’instruction, avec mention du
dernier acte réalisé.
Sa surveillance est renforcée concernant les recours à la détention provisoire et aux
commissions rogatoires.
Son contrôle peut aboutir à la demande de dessaisissement du magistrat instructeur,
notamment si aucun acte n’a été effectué depuis quatre mois.
Si un dysfonctionnement devait être constaté, le Premier Président de la Cour d’appel,
ou l’Inspection générale des services judiciaires – qui dépend de la Chancellerie – peuvent
diligenter une enquête administrative et procéder à l’audition du juge.
Si une sanction disciplinaire est envisagée, le Conseil supérieur de la magistrature est
seul compétent pour la prononcer. La dénonciation des faits est réalisée par le ministre de
la Justice ou par les premiers présidents des Cours d’appel et présidents des tribunaux
supérieurs d’appel.
Le Conseil supérieur statue alors dans sa formation du siège, réunie, sous la présidence
du Premier Président de la Cour de Cassation. La loi organique relative au Conseil supérieur
de la magistrature dispose qu’elle comprend :
29
18
Article 220 du Code de procédure pénale.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
« un magistrat du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation, élu par l'assemblée des
magistrats du siège hors hiérarchie de ladite cour, un premier président de cour d'appel élu
par l'assemblée des premiers présidents de cour d'appel, un président de tribunal de grande
instance élu par l'assemblée des présidents de tribunal de grande instance, de première
instance ou de tribunal supérieur d'appel, et deux magistrats du siège et un magistrat du
parquet des cours et tribunaux
30
», élus également.
Le Conseil statue, après l’audition du magistrat concerné, et, si besoin, de la conduite
d’une enquête. Il peut prononcer les sanctions suivantes :
« la réprimande avec inscription au dossier, le déplacement d'office, le retrait de
certaines fonctions, l'interdiction d'être nommé ou désigné dans des fonctions de juge
unique pendant une durée maximum de cinq ans, l'abaissement d'échelon, l'exclusion
temporaire de fonctions pour une durée maximum d'un an, avec privation totale ou partielle
du traitement, la rétrogradation, la mise à la retraite d'office ou l'admission à cesser ses
fonctions lorsque le magistrat n'a pas le droit à une pension de retraite, la révocation avec
ou sans suspension des droits à pension
31
».
Plusieurs siècles auront été nécessaires, entre 1670 et 1958, pour qu’un véritable
magistrat instructeur s’installe dans le paysage judiciaire français.
Partant du magistrat instructeur de la royauté et du juge d’instruction napoléonien,
officier de police judiciaire collaborant avec le Procureur de la République, il a fallu attendre
1958 pour qu’un vrai juge indépendant devienne compétent pour l’instruction.
Cette ancienneté ne l’a pas empêché d’être l’objet de diverses réformes jusqu’aux
années 2000, modifiant son statut et réformant ses prérogatives.
Ce juge, bien qu’issu d’un processus si long, n’en est pas moins devenu l’acteur central
de la phase préparatoire du procès pénal, tant en sa qualité de directeur de l’information
judiciaire que de magistrat chargé du contrôle de l’instruction.
Section 2 : La place du juge d’instruction dans la procédure pénale.
Le juge d’instruction occupe une place de choix au sein de l’information judiciaire, du fait de
la dualité de sa fonction de juge enquêteur (§1) et de juridiction d’instruction (§2).
§1. Saisine et pouvoirs d’investigation du juge d’instruction.
Saisine et dessaisissement du magistrat instructeur.
Le juge d’instruction n’a pas vocation à intervenir dans l’ensemble des affaires. L’instruction
n’est en effet obligatoire que dans le cadre des affaires criminelles, et tend à être de moins
en moins utilisée en matière de délits.
L’auto-saisine n’existant pas, le juge d’instruction ne peut se trouver saisi d’une affaire
que par deux biais, qui sont l’action publique et l’action civile.
30
Article 1, Titre I, de la loi organique n°94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, publiée au Journal
officiel du 8 février 1994, page 2146.
31
Article 45 de l’ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, tel que
modifié par la loi organique n°2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.
MANIGLIER Tristan_2010
19
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
L’action publique est initiée par le parquet, au moyen d’un réquisitoire du Procureur de
la République. Ce réquisitoire, à fin d’informer, précise les faits qui font l’objet de la saisine
du juge. Il peut être pris à l’encontre d’une personne, physique ou morale, dénommée, ou
en l’absence de suspects, contre X.
L’action civile est issue des parties civiles. Elle intervient d’abord en cas de refus
du parquet de lancer une action publique, en matière délictuelle. Dans un délai de trois
mois après le dépôt d’une demande auprès du Procureur, ou après réception d’un avis
de classement sans suite, la victime pourra se constituer partie civile à titre principal, par
simple lettre ou déclaration auprès du juge d’instruction. Afin d’éviter des recours abusifs,
une consignation financière peut être exigée par le juge, afin de s’assurer de la capacité
à s’acquitter de l’amende prévue pour plainte abusive ou dilatoire. La partie civile en est
exemptée si elle bénéficie de l’aide juridictionnelle.
Le mécanisme d’action civile vise à assurer la garantie d’un recours effectif en cas
de refus de poursuite de la part du parquet, dans la mesure où l’action civile déclenche
également l’action publique. L’action civile peut également être déclenchée en parallèle de
l’action publique, la victime se constituant partie civile à titre incident, par simple déclaration
auprès du juge, sans condition de consignation. « Dans le cas où il est établi de façon
manifeste, le cas échéant au vu des investigations qui ont pu être réalisées à la suite du
dépôt de la plainte ou en application du troisième alinéa, que les faits dénoncés par la partie
32
civile n'ont pas été commis
», le ministère public peut prendre un réquisitoire de nonlieu, visant à empêcher le lancement de poursuites. Le juge d’instruction statue sur cette
demande, et devra rendre une ordonnance motivée s’il choisit de ne pas suivre la réquisition
du Procureur.
Si le ministère public ou la partie civile saisissent un juge d’instruction, ils ne peuvent
choisir lequel est saisi de l’affaire si plusieurs magistrats exercent cette fonction au sein
d’un même tribunal. C’est le président de celui-ci qui désignera le ou les juges chargés de
l’instruction, en général via un tableau de roulement des permanences.
La saisine est effectuée in rem, c'est-à-dire que le juge n’est saisi que des faits qui lui
ont été dénoncés. Si au cours de l’instruction, lui apparaissent des faits nouveaux, il devra
demander un réquisitoire supplétif au ministère public, pour instruire ces nouveaux faits. Le
Procureur de la République pourra décider si ces faits feront partie de la même instruction,
ou si une instruction distincte doit être ouverte.
Suite à sa saisine, le magistrat réalise un examen préalable, au cours duquel il s’assure
de sa compétence, tant d’attribution que territoriale. Il peut rendre une ordonnance de
refus d’informer, si les faits dénoncés ne sont pas constitutifs d’une infraction, ou en cas
d’abandon de l’action publique.
Le juge peut également se dessaisir volontairement : si deux juges, appartenant
ou non à un même tribunal ont été saisis des mêmes faits, le ministère public peut
demander à l’un de se dessaisir. Si le magistrat accepte, il rendra une ordonnance de
dessaisissement. S’il refuse, le Procureur pourra obtenir un dessaisissement forcé. Un
mécanisme similaire est prévu pour deux juges saisis d’infractions imputables à un même
individu. Le dessaisissement peut également être imposé par le président du tribunal, en
cas de refus d’un dessaisissement volontaire, ou sur requête motivée du Procureur, procédé
qui demeure néanmoins exceptionnel.
32
20
Article 86 du Code de procédure pénale.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
Pour mener son instruction, le juge dispose de prérogatives importantes, puisqu’il peut
« procéder, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il juge utiles à la
33
manifestation de la vérité
». Du fait de la dualité se sa fonction, il dispose de pouvoirs
tant d’investigation que juridictionnels.
Des pouvoirs d’investigation matérielle du juge.
Pour exercer certaines de ces compétences d’investigation, le juge d’instruction dispose de
l’appui de la police judiciaire, c'est-à-dire des forces issues de la police nationale ou de la
gendarmerie.
Toutefois, pour compléter l’action des officiers de police judiciaire, le juge peut procéder
en personne à des constatations matérielles, en se transportant sur les lieux. Il doit en
34
informer le Procureur de la République, qui pourra, s’il le souhaite, l’accompagner . Si le
transport concerne souvent le lieu où ont été commis les faits, le juge dispose de la faculté
de se transporter en tout lieu du territoire national qui serait nécessaire à son instruction.
La personne mise en cause, ou son défenseur, ne sont présents que si le transport
donne lieu à une reconstitution des faits, et si ce transport a été demandé par une des
parties, suspect ou partie civile, le demandeur peut demander à ce qu’il soit réalisé en
présence de son avocat.
En outre, pour éclairer les faits et faciliter les investigations, le juge d’instruction peut
ordonner de procéder à des saisies ou perquisitions.
Les perquisitions peuvent être réalisées « dans tous les lieux où peuvent se trouver
des objets ou des données informatiques dont la découverte serait utile à la manifestation
35
de la vérité
». Le magistrat instructeur peut y procéder lui-même, avec l’assistance
d’officiers de police judiciaire, ou les confier par commission rogatoire à des officiers de
police judiciaire, ou à un autre juge d’instruction si elles sont réalisées dans le ressort d’un
autre tribunal. En fonction des lieux où elles sont réalisées, les règles les régissant varient.
S’il est procédé aux perquisitions au domicile du mis en examen, il n’est pas possible
que ces perquisitions se déroulent la nuit, hors cas particuliers notamment en matière de
criminalité organisée. Elles devront être réalisées en présence du mis en cause, qui, en
cas d’incapacité ou de refus, pourra désigner un représentant. S’il ne désigne personne,
le juge choisira deux personnes extérieures qui assisteront à la perquisition et signeront le
procès verbal.
Si la perquisition se déroule au domicile d’un tiers, celui-ci devra être présent, ou, à
défaut, être représenté par deux membres de sa famille ou représentants. Si cela s’avère
impossible, deux témoins devront y assister. Elle devra aussi être réalisée dans le respect
des droits de la défense, et du secret professionnel.
Si l’information le requiert, le juge d’instruction peut ordonner qu’il soit procédé à
des saisies, de documents, données informatiques ou tout autre objet appartenant au
mis en examen ou à un tiers. Ces éléments sont listés et conservés sous scellés par la
justice. Au cours de l’instruction, une demande de restitution peut être adressée au juge
33
34
35
Article 81 du Code de procédure pénale.
Article 92 du Code de procédure pénale.
Article 94 du Code de procédure pénale.
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
par toute personne (parties civiles et mis en examen inclus) possédant des droits sur
l’objet concerné, le Procureur pouvant également transmettre un réquisitoire à cette fin. Le
magistrat instructeur statuera sur la demande, après avis du ministère public, en examinant
si la restitution risque de « faire obstacle à la manifestation de la vérité ou à la sauvegarde
36
des droits des parties ou […] présente un danger pour les personnes ou les biens
». Il
peut également ordonner, avec l’accord du ministère public, la restitution d’office d’un objet.
En matière criminelle, et en matière correctionnelle si la peine encourue est d’au
moins deux ans, le juge d’instruction peut de surcroît ordonner des écoutes judiciaires,
ou l’interception de correspondances. Possibles uniquement « lorsque les nécessités de
37
l'information l'exigent
», elles sont réalisées sous la surveillance du magistrat qui
les a ordonnées. Sa décision, qui doit être motivée, n’est susceptible d’aucun recours. Elle
autorise l’interception des correspondances pour une durée maximale de quatre mois, mais
peut être prolongée selon la même procédure. Le juge mandate une personne qualifiée pour
y procéder, qui devra rédiger un procès verbal pour chaque enregistrement, mentionnant les
dates et heures d’enregistrement. Les enregistrements doivent être conservés sous scellés :
ceux utiles à la manifestation de la vérité font l’objet d’une transcription, les autres devant
être détruits, à la diligence du Procureur.
Si de telles mesures peuvent être ordonnées contre tout individu, elles ne peuvent
concerner la correspondance d’un avocat relevant des droits de la défense, et des mesures
particulières existent pour certaines professions : l’interception des correspondances d’un
avocat nécessite l’information préalable du bâtonnier par le juge, celle d’un parlementaire
suppose d’en informer le Président de son assemblée, et pour un magistrat, tant pour son
cabinet que pour son domicile, le Président ou le Procureur général de la juridiction où il
réside doivent en avoir connaissance.
Les investigations sur les personnes : dossier de personnalité et auditions.
Si la majorité de son instruction porte sur les faits, le juge peut décider de s’intéresser aux
personnes liées à l’affaire.
Ainsi réalise-t-il, ou fait-il réaliser une enquête « sur la personnalité des personnes
38
mises en examen
sur leur situation matérielle, familiale ou sociale ». Obligatoires en
matière criminelle, de telles investigations sont facultatives pour les délits. Elles peuvent
être associées à d’éventuels examens médicaux, et médico-psychologiques, ordonnés par
le juge, mais pouvant être demandés par une des parties.
Plus généralement, au cours de la phase préparatoire, le juge d’instruction peut
ordonner toute expertise permettant de résoudre une question d’ordre technique. Si elle
peut être de sa propre initiative, l’expertise peut être consécutive à la demande du ministère
public ou d’une des parties, à laquelle le magistrat est libre d’accéder ou non. L’ordonnance
du juge désigne l’expert mandaté, sélectionné sur la liste agréée par la Cour d’appel, et
précise « la mission […] qui ne peut avoir pour objet que l'examen de questions d'ordre
technique
36
37
38
39
22
39
». L’expertise se déroule sous le contrôle du magistrat, et dans les délais qui
Article 99 du Code de procédure pénale.
Article 100 du Code de procédure pénale.
Article 81 du Code de procédure pénale.
Article 158 du Code de procédure pénale.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
lui sont impartis. Au terme de sa mission, l’expert remet un rapport au juge, qu’il transmet
aux parties, en leur fournissant un délai pour présenter des observations et adresser des
demandes de complément ou de contre-expertise. Le juge accepte leurs demandes, ou
peut les rejeter par ordonnance motivée.
Si les officiers de police judiciaire occupent une place importante dans les pouvoirs
d’investigation du juge, une part de ses actions, notamment liées aux acteurs du dossier,
ne peut être réalisée que par lui seul.
Il est ainsi seul à pouvoir procéder aux auditions et interrogatoires.
C’est le cas de l’interrogatoire de première comparution du mis en examen. Il s’agit
d’un acte d’instruction obligatoire avant sa clôture, hormis en cas de fuite. La personne doit
être convoquée par le juge d’instruction, dans un délai compris entre dix jours et deux mois.
La convocation doit préciser les faits reprochés et leur qualification juridique, et rappeler le
droit au bénéfice de l’aide d’un avocat. Au cours de l’interrogatoire, le juge d’instruction doit
préciser à cette personne qu’elle a le droit de ne pas s’exprimer si cela devait l’amener à
s’accuser, et doit procéder de manière à assurer le respect de la dignité de l’individu et des
droits de la défense.
Le magistrat doit par ailleurs informer le mis en examen qu’il dispose d’un droit de
demander divers actes d’instruction, et de son droit de recours devant la chambre de
l’instruction. Il procède à l’interrogatoire de l’individu concerné, et recueille les éventuelles
observations qui seraient présentées par lui-même ou par son avocat.
Suite à ce premier interrogatoire, le juge d’instruction décidera de prononcer ou non
la mise en examen.
L’audition des témoins est aussi du ressort du juge. Dans le cadre de son instruction, il
40
est en mesure de faire citer « toutes les personnes dont la déposition lui paraît utile
».
Toute personne, dont le témoignage a été sollicité par le juge, doit témoigner, le juge pouvant
l’y contraindre en usant de la force publique. Chaque témoin est entendu séparément par
le juge, après prestation de serment. L’audition, à laquelle le Procureur peut assister s’il le
souhaite, donne lieu à la rédaction d’un procès verbal.
Deux acteurs de la phase préparatoire, les parties civiles et les témoins assistés,
disposent de règles spécifiques pour leurs auditions.
Les parties civiles bénéficient de la présence de leur avocat pour leur audition, à laquelle
elles doivent être convoquées au minimum cinq jours ouvrables avant. La procédure devra
être mise à leur disposition au minimum quatre jours avant leur audition.
Le statut de témoin assisté est accessible à toute personne visée par un réquisitoire
introductif ou supplétif du ministère public et qui n’aurait pas fait l’objet d’une mise en
examen, ou de tout individu faisant l’objet d’une plainte ou mis en cause par la victime. Le
témoin bénéficie du droit d’être assisté par un avocat pendant l’audition par le juge. Lors
de sa première audition, il est informé par le juge des faits qui lui sont reprochés et des
droits dont il bénéficie. Dispensé de la prestation de serment, il peut demander au magistrat
instructeur d’ordonner une confrontation avec les personnes le mettant en cause.
Les interrogatoires et auditions sont dirigés par le juge d’instruction, qui choisit l’ordre
des interventions et peut mettre un terme à celle d’une personne s’il estime que toutes les
informations ont été données. Le Procureur de la République, s’il a demandé à y assister,
et les avocats des parties ou du témoin assisté, sont autorisés à formuler des « questions
40
Article 101 du Code de procédure pénale.
MANIGLIER Tristan_2010
23
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
41
ou présenter de brèves observations
». Le juge conserve le droit de refuser certaines
questions, qu’il estimerait préjudiciable au déroulement de son information ou à la dignité
humaine.
L’organisation de confrontations est également de la compétence du juge d’instruction.
Elles peuvent faire l’objet d’une demande émanant d’une personne mise en examen ou d’un
témoin assisté qui auraient été mis en cause par plusieurs autres, qui peuvent demander à
être confrontés à chacun de leurs accusateurs individuellement. Le juge dispose d’un délai
d’un mois pour accéder à sa requête, ou rendre une ordonnance motivée de refus.
Du fait de la multiplicité des actes pouvant être exercés par le juge d’instruction, le
Code de procédure pénale dispose que « si le juge d'instruction est dans l'impossibilité
de procéder lui-même à tous les actes d'instruction, il peut donner commission rogatoire
aux officiers de police judiciaire afin de leur faire exécuter tous les actes d'information
42
nécessaires
». Via une commission rogatoire, le juge d’instruction peut confier la
réalisation d’un acte à tout officier de police judiciaire, tout juge de son tribunal ou à tout juge
d’instruction. Le juge fixe le délai dans lequel la commission rogatoire doit être exécutée. À
défaut, ce délai est de huit jours. Si dans le cadre d’une commission rogatoire l’officier de
police judiciaire exerce les pouvoirs habituellement dévolus au juge d’instruction, il ne peut
pas réaliser les interrogatoires et éventuelles confrontations de mis en examen, et ne peut
« procéder à l'audition des parties civiles ou du témoin assisté qu'à la demande de ceux-ci
43
». La commission rogatoire doit nécessairement être rattachée à l’infraction poursuivie :
elle ne peut être générale vis-à-vis de l’infraction, mais peut l’être quant aux investigations
devant être menées.
Les pouvoirs d’enquête représentent une part importante de la fonction de juge
d’instruction, du fait de l’importance des premières constations et des actes d’enquête pour
la manifestation de la vérité, but premier de l’instruction.
Toutefois, en sa qualité de magistrat, le juge d’instruction dispose de pouvoirs
juridictionnels tout aussi conséquents.
§2. Pouvoirs juridictionnels et appel des décisions du juge d’instruction.
Des mandats et de la mise en examen.
Pour s’assurer de la venue du mis en examen, ou d’une personne pouvant l’être, le juge
d’instruction peut émettre des mandats. Le Code de procédure pénale reconnaît quatre
types de mandats.
Le premier, le mandat de recherche, ne peut être pris que concernant «une personne
à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle
44
a commis ou tenté de commettre une infraction
», à l’exception de tout témoin assisté
ou individu mis en examen. Il permet d’ordonner aux forces de l’ordre de rechercher la
personne visée et de la placer en garde à vue.
41
42
43
44
24
Article 120 du Code de procédure pénale.
Article 81 du Code de procédure pénale.
Article 152 du Code de procédure pénale.
Article 122 du Code de procédure pénale.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
Les mandats de comparution, d’amener et d’arrêt, s’ils visent la même catégorie
d’individus que le précédent, peuvent eux également être pris à l’encontre des témoins
assistés et des mis en examen. Celui de comparution se limite à « mettre en demeure la
45
personne à l'encontre de laquelle il est décerné de se présenter devant le juge
»,
c’est à dire que si la personne refuse, aucune mesure de contrainte n’est prévue. Le mandat
d’amener permet, lui, de recourir à la force publique pour contraindre la personne concernée
à comparaître devant le juge.
Le mandat d’arrêt est le plus encadré. Il vise également à requérir le concours de la force
publique pour rechercher l’individu visé et le faire comparaître, mais il peut aussi prévoir
son placement préalable en maison d’arrêt. Il peut par ailleurs être adopté à l’encontre de
quelqu’un en fuite ou domicilié hors du territoire national, après consultation du ministère
public.
Le juge d’instruction prononce également la mise en examen. Il ne peut le faire que
pour des personnes « à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants
rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à
46
la commission des infractions dont il est saisi
». La mise en examen ne peut être
ordonnée avant la première comparution de la personne mise en cause. A l’issue de celuici, le juge utilise le statut de témoin assisté, ou décide de la mise en examen s’il juge que
la première solution n’est pas envisageable.
La personne mise en examen peut demander au juge d’annuler la mise en examen et
de lui accorder le statut de témoin assisté, s’il estime que l’un des critères (indices graves
ou impossibilité de recourir à la procédure de témoin assisté) n’est pas rempli. Un recours
en nullité peut également être déposé dans un délai de six mois devant la chambre de
l’instruction.
A tout moment de la procédure, un témoin assisté peut lui demander de prononcer sa
mise en examen, afin de disposer des droits de la défense inhérents à ce statut. Le mis en
examen dispose en effet de certaines garanties, notamment de n’être auditionné que par
un magistrat et sans prestation de serment, ou de pouvoir adresser des demandes d’actes
d’instruction au juge.
Les mesures attentatoires aux libertés : contrôle judiciaire et mise en
détention provisoire.
Alternative à la détention provisoire, le placement sous contrôle judiciaire peut être ordonné
à l’encontre du mis en examen. Le contrôle judiciaire peut être ordonné par le juge
d’instruction ou le juge des libertés et de la détention, si le mis en examen risque une peine
d’au moins dix ans d’emprisonnement
47
.
Pouvant être décidé à tout moment de l’instruction, il impose une série de contraintes
décidées par le juge, parmi lesquelles peuvent figurer l’obligation de se présenter
périodiquement à des autorités désignées par le juge, demeurer dans des limites territoriales
qu’il aura fixées ou de plus entrer en relation avec des personnes désignées par le juge. Le
magistrat instructeur peut également décider de la levée de ce contrôle, soit de sa propre
45
46
47
Article 122 du Code de procédure pénale.
Article 80-1 du Code de procédure pénale.
Article 138 du Code de procédure pénale.
MANIGLIER Tristan_2010
25
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
initiative, soit sur demande du parquet, soit de la personne, après avoir demandé l’avis
du ministère public. Il dispose d’un délai de cinq jours pour se prononcer. S’il ne s’est pas
prononcé dans ce délai, la personne pourra saisir la chambre d’instruction, qui statuera dans
un délai de 20 jours
48
.
Depuis la loi de 2000 relative à la présomption d’innocence
perdu sa compétence en matière de détention provisoire.
49
, le juge d’instruction a
Si au cours de l’instruction, il apparaît nécessaire de placer l’un des mis en cause en
détention provisoire, le Procureur de la République saisit généralement le juge d’instruction,
qui peut soit rejeter la demande, soit prendre une ordonnance aux fins de placement, et
saisit le juge des libertés et de la détention. Le parquet peut se passer de l’intermédiaire
du juge d’instruction, en matière criminelle, et pour des délits passibles de dix ans
d’emprisonnement.
Un tel placement n’est possible qu’en cas de crimes, délits passibles de plus de trois ans
d’emprisonnement, et pour toute affaire s’il y a eu violation du contrôle judiciaire. Elle doit
également être le seul moyen, dans le cas d’espèce, d’atteindre au moins l’un des objectifs
visés par l’article 144 du Code de procédure pénale, parmi lesquels figurent « empêcher
une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille » ou « garantir le
maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ». Si ces critères
cessent d’être remplis, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention doivent
mettre fin à cette détention.
Le juge des libertés et de la détention, désigné par le président du tribunal, doit avoir
rang de président ou de vice-président, ce qui assure qu’il dispose d’une certaine ancienneté
et donc d’expérience.
La décision de placement est prise au terme d’un débat contradictoire, au cours
duquel sont entendus le ministère public et la personne concernée, ou son avocat. Le
juge d’instruction n’y participe pas, il ne peut énoncer son point de vue qu’au travers de
l’ordonnance de saisine, qui doit être motivée. La saisine du juge est accompagnée d’une
notice personnelle, qui précise les dispositions particulières requises en cas de placement
en détention provisoire, telles qu’un suivi médical, ou une surveillance particulière en cas
de risque de suicide.
Clôture de l’instruction et droit d’appel contre les décisions du juge.
Les différentes parties ont la possibilité au cours de l’information, de demander au juge
« qu'il soit procédé à tous autres actes qui leur paraissent nécessaires à la manifestation de
50
la vérité
». Le magistrat dispose d’un délai d’un mois pour accéder ou non à la requête,
son refus étant susceptible d’appel devant la chambre de l’instruction.
Le juge d’instruction est compétent pour décider de la clôture de la phase d’instruction.
S’il estime que son instruction est terminée, il en informe le ministère public, les parties
et témoins assistés. Ceux-ci disposent d’un délai de trois mois, réduit à un seul mois
en cas de détention provisoire, pour adresser, le premier ses réquisitions, ces derniers
48
49
Article 140 du Code de procédure pénale.
Loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, publiée
au Journal officiel du 16 juin 2000, page 9308.
50
26
Article 82-1 du Code de procédure pénale.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
leurs observations, au magistrat, mais aussi pour demander l’accomplissement d’actes
d’instruction ou pour les demandes de nullité. Au terme de ce délai, les parties disposent
d’un mois – délai réduit à seulement 10 jours en cas de détention provisoire – pour adresser
« des réquisitions ou des observations complémentaires au vu des observations ou des
réquisitions qui leur ont été communiquées
51
».
Au terme de ces délais, le juge d’instruction rend son ordonnance de règlement. S’il
estime que « les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou si l'auteur est resté
inconnu, ou s'il n'existe pas de charges suffisantes contre la personne mise en examen
52
», il rend une ordonnance de non-lieu. Le non-lieu peut également être décidé en cas
d’irresponsabilité pénale. Cette ordonnance met fin à tout détention provisoire ou contrôle
judiciaire qui aurait été décidé. Cette décision peut être partiellement ou intégralement
rendue publique par le juge, soit à la demande de la personne, soit à la demande du
ministère public mais avec son accord.
S’il estime que les faits sont constitutifs d’une contravention, d’un délit ou d’un crime, le
magistrat instructeur rendra une ordonnance de continuation des poursuites. En général, il
s’agit d’une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement compétente, en fonction
du mis en examen (juridiction pour mineur ou non) et de la qualification juridique des faits. En
parallèle, il pourra rendre une autre ordonnance maintenant le mis en examen en détention
provisoire ou sous contrôle judiciaire, s’il était déjà l’objet de telles mesures, ou ordonnant
de telles dispositions s’il n’y avait pas été soumis auparavant.
Au cours de l’information judiciaire, la chambre d’instruction ouvre la possibilité d’appel
des décisions du magistrat instructeur aux différents protagonistes de l’instruction.
La chambre d’instruction est composée de trois juges, son président, nommé par
décret, et normalement uniquement dévolu à cette chambre, et de deux conseillers,
désignés chaque année par l’assemblée générale de la Cour d’appel.
Le ministère public dispose du pouvoir d’appel le plus large : il lui est reconnu la
possibilité d’interjeter appel contre toute ordonnance rendue tant par le juge d’instruction
53
que par celui des libertés et de la détention . Seul un délai de cinq jours après la notification
de la décision limite l’exercice de cette compétence.
Le droit d’appel du mis en examen est plus restreint, dans la mesure où il est limité à
certaines catégories d’ordonnance, notamment l’ordonnance de mise en accusation, celle
lui refusant le statut de témoin assisté, celle acceptant la constitution de partie civile, et
les ordonnances relatives au placement, à la prolongation et au refus de levée du contrôle
54
judiciaire ou de la détention provisoire . Le délai d’appel est de 10 jours, celui-ci pouvant
être réalisé par le mis en examen lui-même ou par l’intermédiaire de son avocat.
Les parties civiles ne peuvent former de recours que contre les ordonnances concluant
à un non-lieu ou à un refus d’informer et celles lui faisant grief, à l’exception de celles
relatives à la détention provisoire et la remise en liberté, dans un délai de 10 jours également.
51
52
53
54
Article 175 du Code de procédure pénale.
Article 177 du Code de procédure pénale.
Article 185 du Code de procédure pénale.
Article 186 du Code de procédure pénale.
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27
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Le mis en examen, comme les parties civiles, peut également former un recours contre
une expertise ou tout autre acte d’instruction qu’il aurait demandé au juge d’instruction. Ce
recours est filtré par le président de la chambre d’instruction qui décide s’il y a lieu de saisir
la chambre ou non.
Ce recours devant la chambre d’instruction a un effet suspensif, mais aussi dévolutif,
c'est-à-dire qu’il a pour conséquence de saisir la chambre d’instruction du dossier. Dès lors,
celle-ci est compétente pour renvoyer le dossier au juge d’instruction, ou pour évoquer le
55
dossier, c'est-à-dire de prendre directement en charge tout ou partie de l’affaire . Elle peut
ainsi ordonner au juge d’instruction de procéder aux actes d’instruction qu’elle juge utile, ou
pour décider du placement en détention provisoire du prévenu ou de la mise en examen
d’autres acteurs de l’affaire.
La procédure devant la chambre d’instruction n’est, en règle générale, pas publique,
bien que la personne en examen puisse demander la publicité des débats, que le président
peut refuser si cela est nécessaire à l’instruction, ou pour une affaire d’atteintes aux
personnes.
Fondée sur le principe du contradictoire, la personne mise en examen et les témoins
peuvent être amenés à comparaître au cours de la procédure devant la chambre
d’instruction..
L’arrêt de la chambre doit être rendu dans les 10 jours s’il est relatif au placement en
détention provisoire, 15 jours pour les autres recours en matière de détention provisoire.
Pour les demandes d’actes et les recours en nullité, ce délai est porté à deux mois. La
décision de la chambre doit ensuite être notifiée dans les trois jours aux avocats et aux
parties
56
.
Le pouvoir du magistrat instructeur est prépondérant dans le déroulement de
l’information judiciaire, du fait de son autorité pour décider des investigations et des
pouvoirs juridictionnels dont il est doté. Son pouvoir n’est pas pour autant absolu, face aux
prérogatives des autres magistrats et du droit d’appel accordé aux parties.
Le juge d’instruction est un acteur ancien de la procédure pénale. Cette ancienneté
et les prérogatives de plus en plus importantes qui lui ont été attribuées au cours de son
histoire ont fait de lui un personnage central du procès pénal.
S’il était considéré par l’un de ses principaux créateurs comme « l’homme le plus
puissant de France », il tend également à être celui le plus critiqué et dénoncé, et a par
conséquent fréquemment été l’objet de tentatives de réforme.
Chapitre 2 : Le juge d’instruction face aux critiques et
aux volontés réformatrices.
Le juge d’instruction est depuis longtemps l’objet de critiques récurrentes et répétées
(Section 1), ce qui explique les multiples réflexions et tentatives de réforme menées à son
encontre (Section 2).
55
56
28
Article 207 du Code de procédure pénale.
Article 217 du Code de procédure pénale.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
Section 1 : Un magistrat critiqué et souvent mis en cause.
Bien que deux fois centenaire, le juge d’instruction est l’objet depuis des années de
nombreuses critiques, notamment du fait de sa mise en cause dans des affaires fortement
médiatisées (§1), avant même le sévère coup porté contre lui par l’affaire d’Outreau (§2).
§1. Des critiques anciennes et récurrentes à l’encontre du juge d’instruction.
L’ambiguïté et les défauts dénoncés de la fonction de juge d’instruction.
Le principal reproche adressé au juge est relatif à l’ambiguïté de sa double fonction. À la
fois enquêteur et juge, cette dualité serait source de plusieurs sévères dysfonctionnements.
Cette dualité porterait en effet atteinte à la nécessaire impartialité du magistrat. Il doit ainsi
instruire à charge et à décharge, alors que les nécessités de l’investigation requièrent de
fonder des théories sur la culpabilité de certains. Cette difficulté est ressentie par certains
magistrats exerçant cette fonction : Renaud Van Ruymbeke, l’un des plus célèbres juges
d’instruction, précise ainsi que « son point faible [au juge d’instruction] est d'être à la fois
enquêteur et juge, joueur et arbitre. Il a une double casquette ambiguë
57
».
Cette double fonction induirait de surcroît une lourdeur excessive de la charge attribuée
au juge, qui serait contraint de renoncer à l’exercice complet de ses fonctions d’investigation
via un recours massif aux commissions rogatoires, donc au détriment de son rôle de
surveillance des investigations, ou de celui de ses tâches juridictionnelles.
Le juge d’instruction est également accusé de favoriser la lenteur des phases
d’instruction. La durée moyenne n’a en effet pas cessé d’augmenter depuis la création du
juge d’instruction. Cet allongement de la durée de la phase préparatoire a pour conséquence
d’accroître la durée des mises en détention provisoire, et de violer le droit à un procès
dans un délai raisonnable, reconnu par la Convention européenne des droits de l’Homme,
qui stipule que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
58
publiquement et dans un délai raisonnable
» et donc conduisant à des sanctions
récurrentes par la Cour de Strasbourg pour ce motif. La durée moyenne d’une instruction est
59
ainsi de 20,2 mois en 2006, contre seulement 17,7 en 2002 . Cette extension de la durée
des instructions s’explique par la multiplication des voies de recours contre les décisions du
juge, qui imposent d’accorder des délais suffisamment amples pour qu’elles puissent être
utilisées, et un formalisme croissant pour éviter l’annulation de ses décisions.
Le recours abusif à l’instruction a également favorisé l’allongement des délais en
surchargeant les magistrats. La saisine du juge d’instruction par constitution de partie civile
auprès du juge a ainsi été largement utilisée pour retarder des procédures initiées au civil
ou au commercial, mais aussi pour faire réaliser des investigations financées par la justice.
Ainsi 60 % des dossiers traités par le pôle financier du tribunal de grande instance de Paris
sont déclenchés par action civile, et 80 % d’entre eux se sont soldé par un non-lieu
57
60
.
In SERVENAY David, Supprimer le juge d’instruction, pourquoi pas ?, rue89.com, 8 mars 2010.
58
59
60
Article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Annuaire statistiques de la justice, édition 2008.
er
In JEAN Jean-Paul, Supprimer le juge d’instruction, pourquoi pas ? mais….,[en ligne]. 13 février 2009. [consulté le 1 juillet
2010]. < http://www.tnova.fr/index.php/component/content/article/613.html>
MANIGLIER Tristan_2010
29
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
La saisine préalable obligatoire du parquet avant de pouvoir porter l’affaire devant un juge
d’instruction instaurée en 2007 a permis de réduire ce biais.
Le juge d’instruction, du fait de la durée de son information, et de par la compétence qu’il
exerçait dans ce domaine avant la loi de 2000, était jugé responsable de l’accroissement
du nombre de détentions provisoires ordonnées, et de l’allongement de leur durée.
Le juge d’instruction apparaît en outre comme un magistrat de plus en plus marginalisé.
S’il intervenait dans 40 % des affaires au XIXe siècle, il n’est présent que dans 20 %
61
d’entre-elles en 1960, 8 % en 1989 et 4 % en 2009 . Ce recours de moins en moins
fréquent à l’instruction par le juge, et les progrès scientifiques, qui rendent les premières
constatations réalisées par la police de plus en plus importantes, tendent à marginaliser
le juge, ce qui nourrit les critiques sur la faible valeur ajoutée qu’il est supposé apporter,
au regard des contraintes qu’il impose. Le recours au juge des libertés et de la détention
pour ordonner certains actes coercitifs, notamment pour les écoutes ou les perquisitions,
permet au Procureur, qui se chargera du dossier, d’éviter l’ouverture d’une instruction et la
saisine du juge.
Il convient néanmoins de préciser que si les affaires gérées par le juge d’instruction
sont relativement peu nombreuses, il s’agit des dossiers les plus complexes, dans
lesquels peuvent être opérées plusieurs mises en examen, donc un nombre conséquent
d’interrogatoires et d’auditions, ou dans des domaines par nature plus compliqués, tels les
domaines financiers ou de la santé. A l’inverse, toute affaire – même mineure – ayant eu
des suites pénales est comptabilisée dans ces statistiques, augmentant le nombre de celles
gérées par le parquet.
Un magistrat solitaire et potentiellement inexpérimenté.
La solitude du magistrat instructeur est également souvent dénoncée. La saisine de
plusieurs magistrats étant limitées aux cas les plus complexes, l’instruction par un magistrat
unique est la norme majoritaire. Dès lors, il ne peut bénéficier d’une deuxième lecture du
dossier, ou d’un deuxième avis pouvant lui éviter certaines erreurs.
Cette solitude est renforcée par le fait qu’un juge d’instruction doit être présent dans
chaque tribunal de grande instance : cette répartition géographique d’une profession
exercée par un nombre restreint de magistrats suppose qu’une seule personne ne l’exerce
dans les tribunaux de moindre taille. Ainsi, au-delà du fait d’instruire une affaire seul, le
magistrat peut également être le seul magistrat instructeur de son tribunal. En effet, seuls
609 magistrats exercent la fonction de juge d’instruction en 2006, pour un nombre total
d’affaires terminées de 33 177
62
pour cette même année.
D’autre part, son mode de recrutement est critiqué. Comme pour les autres fonctions
de la justice, il est possible pour un étudiant de l’École nationale de la magistrature
(ENM), d’être titularisé en tant que juge d’instruction dès la fin de sa formation. Il peut
être ainsi reproché un manque certain d’expérience dans l’exercice de fonctions judiciaires.
Cet aspect négatif est renforcé par le fait que la fonction de juge d’instruction confère
d’importantes prérogatives pouvant être exercées, alors qu’elle est par essence solitaire. La
fonction de juge d’instruction a par ailleurs tendance à attirer les élèves. Ainsi, au sein des
61
62
30
Source : Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Avis sur la réforme de la procédure pénale, 10 juin 2010.
Annuaire statistiques de la justice, édition 2008.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
promotions 1984 et 1985 de l’ENM – donc même avant l’apparition des juges d’instruction
médiatiques – 40 % des étudiants souhaitaient devenir juges d’instruction
63
.
Une série d’affaires mettant en cause le juge d’instruction.
Si les juges d’instruction sont devenus l’incarnation des affaires politico-financières instruites
dans les années 1990, ils sont également devenus le symbole de retentissants échecs
judiciaires.
La première affaire, dite de Bruay-en-Artois est lancée en 1972.
Encadré I : Chronologie de l’affaire de Bruay-en-Artois
Le 6 avril 1972, le corps de Brigitte Dewèvre, jeune fille de 16 ans, est découvert dans
un terrain vague de la commune de Bruay-en-Artois (Pas-de-Calais). Le juge d’instruction
Henri Pascal est chargé d’instruire le dossier. Suite aux progrès rapides de l’enquête, un
suspect, le notaire Pierre Leroy est inculpé d’homicide volontaire dès le 13 avril, et placé
en détention provisoire. Les principales preuves réunies contre lui sont la présence de sa
voiture à proximité des lieux à l’heure du crime – qui se trouvaient également proches du
domicile de sa maîtresse – et son incapacité à fournir un alibi.
Les charges retenues contre lui ont été abandonnées peu après.
Moins de trois mois après l’ouverture de l’information, le juge d’instruction est dessaisi
du dossier au profit de l’un de ses collègues parisiens. Son instruction n’aura pas plus de
succès, puisque Pierre Leroy sera relâché, sans que l’auteur des faits ne soit inquiété. En
2005, l’affaire a dû être déclarée prescrite.
Plus que son incapacité à résoudre cette affaire, le juge d’instruction a plutôt été mis
en cause par sa réaction face à l’intervention massive des médias et du public. Ce dossier
a eu en effet un fort retentissement médiatique dans la mesure où il mettait aux prises les
notables, en la personne du principal suspect, un notaire, et le monde ouvrier, incarné par la
victime issue des corons. Outre la presse, les groupes d’extrême-gauche se sont fortement
mobilisés pour soutenir le juge d’instruction au sein du comité « Vérité et Justice », afin
d’éviter que ne soit rendue une justice favorable au notable. Ces fortes pressions ont ainsi
pu perturber et influencer l’instruction du juge, bien seul face à de telles pressions.
Une des affaires les plus médiatiques du passé judiciaire récent a également mis en
cause le magistrat instructeur : l’affaire Grégory Villemin.
Encadré II : Rappel sur l’affaire Grégory Villemin
Le 16 octobre 1984, Grégory Villemin, 4 ans, disparaît du domicile de ses parents, qui
reçoivent une lettre d’un corbeau se félicitant de sa vengeance. Le soir même son corps
est retrouvé. Le dossier est confié au juge d’instruction Jean-Michel Lambert, qui ouvre une
information judiciaire.
Suite à la déposition de Muriel Bolle – sa belle-sœur – et de la réalisation d’expertises
graphologiques, Bernard Laroche, cousin du père de la victime, est inculpé et placé en
détention le 5 novembre. Suite à la rétractation du témoin, et à l’annulation des expertises
pour vice de forme par la chambre d’accusation, Bernard Laroche est remis en liberté le 4
février 1985 – par le juge d’instruction et contre l’avis du parquet – mais demeure inculpé.
Il est abattu le 29 mars par le père de la victime.
63
Sondage ENM, cité dans SOULEZ LARIVIERE Daniel, Justice pour la Justice, Paris, Éditions Seuil, 1990.
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Les enquêteurs et le juge d’instruction commencent à s’intéresser à la mère de la
victime, qui sera inculpée et placée en détention le 5 juillet 1985. Les preuves recueillies
contre elles sont de nouvelles expertises graphologiques qui concluent qu’elle pourrait être
le corbeau, et la découverte de cordelettes identiques à celles retrouvées sur le corps de
la victime. Estimant les charges légères, la chambre d’accusation prononce sa libération
sous contrôle judiciaire.
L’ordonnance de renvoi devant la Cour d’assises, prise par la chambre d’accusation, à
l’encontre de Christine Villemin le 9 décembre 1986, est cassé par la Cour de Cassation, qui
ordonne un complément d’information, qu’elle confie à la chambre d’accusation de Dijon, et
à son président Maurice Simon, puis son successeur Jean-Paul Martin.
Le 3 février 1993, un arrêt de non-lieu est rendu à l’encontre de Christine Villemin.
Le 11 avril 2001, le dossier est refermé par la chambre de l’instruction de Dijon, ce qui
fixe le délai de prescription au 11 avril 2011.
L’échec de trois magistrats instructeurs successifs à résoudre une affaire hautement
médiatique, et l’inculpation rapide de deux suspects, Bernard Laroche – dont l’inculpation
puis la remise en liberté auront conduit à son décès – puis de Christine Villemin – mère de
la victime et enceinte au moment des faits – auront conduit à mettre en doute l’action du
magistrat instructeur.
Trop jeune, trop seul, trop inexpérimenté, trop peu utilisé et responsable de trop de
lenteur et de gardes à vue, le portrait brossé du juge d’instruction est bien souvent peu
flatteur. Le constat de son incapacité à mener des affaires aussi médiatiques que celles
dites de Bruay-en-Artois ou Villemin a renforcé ces critiques.
Néanmoins, si le magistrat instructeur est mis en cause dans la conduite de telles
affaires, sa responsabilité dans le fiasco de l’affaire dite d’Outreau est certainement celle
qui aura eu le plus grand retentissement.
§2. L’affaire d’Outreau et ses conséquences.
L’affaire d’Outreau, par l’échec retentissant sur lequel elle a abouti, constitue le plus grand
raté de l’instruction au cours de ces dernières années.
Encadré III : Rappel sur le déroulement de l’affaire dite d’Outreau
L’affaire d’Outreau est déclenchée le 25 février 2000, par la décision de placement prise
par un juge des enfants de Boulogne-sur-Mer pour les enfants du couple Delay-Badaoui,
sur demande de leur mère.
Suite aux révélations de violences et sévices sexuels perpétrés par leurs parents et
d’autres adultes sur les quatre enfants du couple, la Direction de l’enfance et des familles
demande au parquet l’ouverture d’une enquête le 5 décembre 2000.
Du fait de la multiplication des témoignages des enfants, le Procureur de la République
de Boulogne-sur-Mer confie au commissariat l’ouverture d’une enquête pour agressions
sexuelles.
L’enquête préliminaire menée du 9 janvier au 22 février 2001, aboutit à la mise en
garde à vue des deux parents, et à l’ouverture d’une instruction pour viols, agressions
sexuelles, corruption de mineurs et proxénétisme, confiée d’abord au juge d’instruction
Fabrice Burgaud. L’instruction a conduit à la mise en examen de 18 prévenus, placés en
détention provisoire. L’un d’entre eux décèdera en prison en juin 2002.
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MANIGLIER Tristan_2010
Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
A partir de juin 2002, Cyril Lacombe est nommé juge d’instruction en charge de l’affaire,
en remplacement de Fabrice Burgaud, qui change d’affectation.
Au terme d’une instruction de trois ans, le jugement en première instance s’ouvre à la
cour d’assises de Saint-Omer en mai 2004.
Le 2 juillet 2004, la cour d’assises acquitte sept des dix-sept accusés. Parmi les dix
condamnés, six font appel.
Le jugement en appel s’ouvre aux assisses de Paris en avril 2005. En novembre 2005,
les deux principaux accusateurs, Thierry Delay et Myriam Badaoui se rétractent et déclarent
les accusés innocents. Face à l’effondrement de l’accusation, la cour d’assisses de Paris
er
rend, le 1 décembre 2005, un verdict d’acquittement général.
Dès le rendu du verdict, le garde des Sceaux, Pascal Clément, décide l’ouverture d’une
triple enquête, diligentée par les inspections générales des services judiciaires, policiers et
sociaux.
Les commissions consécutives à l’affaire Outreau : le constat du
dysfonctionnement de l’instruction.
Dès le 3 juillet 2004, c'est-à-dire dès le verdict rendu par la Cour d’assises du Pas-de-Calais
et avant l’examen par celle de Paris, Dominique Perben, garde des Sceaux et ministre de
la Justice a constitué un groupe de travail chargé de « de tirer tous enseignements utiles du
traitement judiciaire de cette procédure et, au vu de ceux-ci, de formuler toute préconisation
64
paraissant opportune
». Cette mission a été confiée à Jean-Olivier Viout, Procureur
général près la Cour d’Appel de Lyon.
Encadré IV : Composition et historique de la commission Viout
Installé dès le 3 juillet 2004, le groupe de travail chargé de tirer les enseignements du
traitement judiciaire de l’affaire dite "d’Outreau" a réuni, sous la présidence de Jean-Olivier
Viout, Procureur général près la Cour d’Appel de Lyon, des praticiens du droit pénal et des
membres de l’administration judiciaire
65
.
Ce comité a procédé à l’étude des pièces figurant au dossier, avant de procéder à une
série d’auditions de personnalités qualifiées en matière judiciaire extérieure à l’affaire.
Il a remis au ministre de la Justice son rapport en février 2005.
Dans son travail relatif aux problèmes liés à l’instruction, ce groupe de travail a écarté
la problématique du choix entre modèle inquisitoire et accusatoire, donc entre maintien
ou suppression du juge d’instruction, dans la mesure où cela ne faisait pas partie de son
mandat.
Les dysfonctionnements du magistrat instructeur mis en exergue sont en fait les griefs
classiques qui lui sont adressés – jeunesse et inexpérience, solitude – ils ont conduit ce
groupe de travail à préconiser une série de mesures.
Pour remédier à la jeunesse et l’inexpérience potentielles des juges d’instruction, il
est proposé de ne nommer les magistrats exerçant pour la première fois cette fonction
qu’auprès de juridictions disposant de plusieurs cabinets d’instruction, afin de leur permettre
64
Extrait de l’introduction du rapport de la commission Viout.
65
Composition du groupe de travail disponible en annexe.
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
de côtoyer des magistrats plus expérimentés, ou de rendre obligatoires les modules de
formation, notamment ceux relatifs aux mineurs, pour être désigné juge d’instruction chargé
des mineurs.
Pour lutter contre la solitude du magistrat instructeur, le rapport prône une amélioration
de la co-saisine, en permettant à la chambre de l’instruction de l’imposer à un magistrat,
ou en assurant l’information permanente du magistrat co-saisi, qui serait amené à cosigner
l’ordonnance de clôture. En parallèle, la chambre de l’instruction interviendrait pour remédier
à la solitude du juge, en choisissant, en son sein « un magistrat référent en charge d’assurer
le suivi de son cabinet et de répondre au besoin de concertation qu’il pourrait ressentir
66
».
Suite à l’acquittement définitif des prévenus de cette affaire par la cour d’assises de
Paris, et face au constat de dysfonctionnements de la justice, l’Assemblée nationale a elle
constitué une commission d’enquête parlementaire.
Encadré V : Composition et historique de la commission d’enquête parlementaire
Déposée le 5 décembre par Jean-Louis Debré, Président de l’Assemblée Nationale, et
Philippe Houillon, Président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation
et de l’administration générale de la République, la proposition de résolution créant une
commission d'enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de
la justice dans l'affaire dite d'Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur
renouvellement a été adoptée le 7 décembre 2005 avec un large consensus.
Présidée par André Vallini, député socialiste de l’Isère, assisté de Philippe Houillon,
député UMP du Val d’Oise, désigné rapporteur, et composée de trente députés, issus de
toutes les tendances politiques, la commission a procédé à 221 auditions entre le 10 janvier
67
et le 12 avril 2006.
Parmi les principaux protagonistes de l’affaire, la commission a
auditionné les treize acquittés, les deux juges d’instruction successifs et le Procureur de la
République.
Elle a ainsi remis à la présidence de l’Assemblée nationale, le 6 juin 2006, son rapport
final.
Le rapport final pointe une série de dysfonctionnements relatifs à l’instruction et au
magistrat instructeur. Il reproche d’abord au juge d’instruction et à la police judiciaire
une mauvaise méthodologie dans les interrogatoires des mineurs, et le trop faible
recours à l’enregistrement, pourtant fréquemment utilisé dans d’autres affaires similaires.
La commission critique également la méthode d’interrogatoire et de confrontation des
témoignages utilisée par le juge, en particulier dans cette affaire qui repose presque
exclusivement sur les mises en cause des enfants et de certains prévenus.
Le recours massif à des confrontations groupées, entre les principaux accusateurs et
chacun des prévenus, aurait favorisé la convergence des accusations vers des indications
vagues, ce que des confrontations entre un accusateur et un des mis en cause aurait
pu éviter. De telles confrontations ont été demandées par les avocats mais ont toujours
été rejetées par les juges d’instruction successifs. En parallèle le recours à des questions
répétées et avec des formulations fortement suggestives ont pu inciter à des accusations,
sans toujours disposer d’éléments constitutifs solides. Les désaccords entre les différents
témoins n’ont d’ailleurs pas empêché la mise en détention de plusieurs prévenus. Les
66
67
34
Extrait du rapport du groupe de travail présidé par Jean-Olivier Viout.
Composition de la Commission disponible en annexe.
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Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
dysfonctionnements de l’instruction ont été renforcés par la communauté de vue entre le
juge et le Procureur de la République.
La solitude du juge d’instruction est un autre dysfonctionnement constaté par la
commission d’enquête, au même titre que l’inexpérience et le manque d’ancienneté des
magistrats instructeurs dans cette affaire. Si ces aspects sont communs à un certain nombre
de juges, d’autres aspects plus personnels ont été évoqués, notamment son empressement
à clôturer l’information, du fait d’un changement d’affectation au cours de l’affaire, et de
sa faible prise en compte des opinions des autres acteurs de l’instruction préparatoire,
notamment les avocats.
Le difficile exercice des droits de la défense, tant dans le cadre de la garde à vue que
pour l’accès au dossier est également mis en avant.
Les préconisations de la commission parlementaire
Face à ces constats, la commission a présenté une série de propositions pour y remédier.
Elle a ainsi été amenée à s’interroger sur le maintien du juge d’instruction, face aux
critiques. Considérant la difficulté de mettre en œuvre un modèle accusatoire, la commission
s’est prononcée en défaveur de la suppression de la fonction de juge d’instruction, mais elle
est toutefois favorable à la disparition du juge unique.
De même, elle propose la suppression de la fonction de juge des libertés et de la
détention, « juge seul, exerçant occasionnellement cette fonction, appelé à se prononcer
en bout de
68
chaîne, tardivement et confirmant plus de 90 % des demandes qui lui sont adressées
», au profit d’un collège de l’instruction pour ses compétences relatives à la détention
provisoire.
La collégialité de l’instruction est en effet la principale préconisation de cette
commission.
Ce nouveau collège de l’instruction, qui serait à la fois juge d’instruction et juge de la
détention, serait présidé par un juge de premier rang, c'est-à-dire ayant au minimum sept
ans d’expérience, afin d’éviter les dysfonctionnements liés à un manque de pratique. Pour
faciliter la mise en place de cette collégialité, ces pôles d’instruction ne seraient pas mis en
place dans le cadre des tribunaux de grande instance, mais à l’échelle des cours d’appel.
Cette nouvelle organisation aurait pour conséquence de supprimer la présence d’au moins
un juge d’instruction auprès de chaque tribunal de grande instance, supprimant ainsi la
présence d’un juge unique dans 25 % de ces tribunaux.
Si ces collèges de l’instruction intervenaient dans des conditions similaires à celles du
juge, de nouvelles garanties pour la défense seraient introduites dans l’instruction.
La commission s’est ainsi déclarée favorable à l’obligation de la présence d’un avocat
pour toute confrontation ou interrogatoire, ainsi que leur enregistrement.
Pour les décisions relatives à la détention provisoire, qui seraient prises collégialement,
la commission propose la mise en place d’un véritable débat contradictoire, en présence
du Procureur et d’un avocat, pouvant être public sur demande de la défense. Au lieu d’être
limité aux « critères de détention », le débat porterait sur « le fond de l’affaire », et donnerait
lieu à la remise d’un mémoire en défense.
68
Extrait du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau.
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Tous les trois mois, un réexamen automatique de la détention provisoire aurait lieu dans
des conditions similaires, et en présence du prévenu.
Les réformes issues de l’affaire d’Outreau
Suite au constat de sévères dysfonctionnements de l’autorité judiciaire dans l’affaire
d’Outreau, et s’appuyant sur les propositions de réforme de la commission d’enquête
parlementaire, plusieurs textes de loi ont été adoptés pour y remédier.
La première loi, dite loi tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, publiée le
69
5 mars 2007 , a été initiée par le projet de loi du garde de Sceaux déposé à l’Assemblée
Nationale le 24 octobre 2006.
Cette loi portant modification du Code de procédure pénale introduit la collégialité
de l’instruction, en disposant que « le président du tribunal […] désigne, pour chaque
information, une formation collégiale de trois juges d'instruction, dont un magistrat du
70
premier grade exerçant les fonctions de juge coordonnateur
». Ce collège de l’instruction
exerce les prérogatives habituellement dévolues au juge d’instruction. Ces dispositions ne
devaient entrée en vigueur qu’au début de la troisième année après publication de la loi,
c'est-à-dire en 2010.
La loi dispose en outre que « dans certains tribunaux de grande instance, les juges
d'instruction sont regroupés au sein d'un pôle de l'instruction », « seuls compétents pour
connaître des informations en matière de crime » et « lorsque la gravité ou la complexité
de l'affaire le justifie
71
».
Elle réaffirme également le caractère exceptionnel de la détention provisoire, en
affirmant qu’elle « ne peut être ordonnée ou prolongée que s'il est démontré, au regard
des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique
moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs suivants et que ceux-ci ne sauraient
être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire », parmi lesquels « empêcher une
concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices
ou protéger la personne mise en examen
72
».
Parmi ses dispositions directement relatives au caractère contradictoire de la
procédure, la loi prévoit le renforcement de l’enregistrement audiovisuel pendant les gardes
à vue.
La seconde loi, dite loi organique relative au recrutement, à la formation et à la
responsabilité des magistrats, du 5 mars 2007, est issue d’un projet de loi déposé par le
ministre de la Justice, Pascal Clément, au nom du Premier ministre, le 24 octobre 2006
69
73
.
Loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, publiée au Journal officiel du 6
mars 2007, page 4206.
70
er
Article 1 de la loi.
71
72
73
Article 7 de la loi.
Article 9 de la loi.
Projet de loi organique n°3391, relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats, présenté au nom de Dominique
de Villepin, par Pascal Clément, enregistré à la présidence de l’Assemblée Nationale le 24 octobre 2006.
36
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Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
Elle est directement issue du constat de la commission d’Outreau, sur la nécessité d’adapter
74
le statut des magistrats « à l’exigence accrue de responsabilité
».
Son volet formation et recrutement instaure ainsi « pendant la scolarité à l’École
nationale de la magistrature, un stage d’une durée minimale de six mois auprès d’un barreau
ou comme collaborateur d’un avocat inscrit au barreau
75
». En parallèle, un jury est
institué pour « se prononcer sur son aptitude à exercer les fonctions judiciaires
76
».
Le chapitre dédié à la discipline renforce les sanctions pouvant être prononcées en
cas de faute d’un magistrat, en ajoutant « l’interdiction d’être nommé ou désigné dans des
fonctions de juge unique pendant une durée maximum de cinq ans
77
».
Juge schizophrène, solitaire et inexpérimenté, jugé responsable des principaux
dysfonctionnements de la justice pénale, et mis en cause dans des affaires à très fort
retentissement médiatique et public, le juge d’instruction est l’objet de violentes diatribes.
Face à ces multiples mises en cause et critiques, réformer l’instruction a d’ores et déjà
souvent été évoqué.
Ainsi, bien avant l’affaire d’Outreau et les réformes qui y ont fait suite, une telle
perception du magistrat instructeur a déjà été à l’origine du processus répété de réforme de
cette fonction, qui jalonne la politique judiciaire depuis plus de 20 ans.
Section 2 : Des perspectives anciennes de réforme.
Bien avant la remise de la commission d’enquête parlementaire relative à l’affaire dite
d’Outreau ou la réforme actuellement en cours, la phase d’instruction de la procédure pénale
avait régulièrement fait l’objet de mission de réflexion par des commissions spéciales (§1)
ou de projets – plus ou moins appliqués – de réforme (§2).
§1. La multiplication des commissions de réflexion sur le juge d’instruction.
De 1949 à l’entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale : des
réflexions sur la phase préparatoire.
En effet, dès l’immédiat après-guerre, la question apparaît dans le champ politique, et se
traduit en 1949 par la commission présidée par Henri Donnedieu de Vabres.
Le rapport remis par l’universitaire préconisait d’attribuer au ministère public les
fonctions tant de poursuite que d’enquête afin de « mettre le droit en accord avec le fait
78
en consacrant sa dépendance à l’égard du pouvoir exécutif
», dans la mesure où le
juge d’instruction ne disposait pas encore d’un statut de magistrat indépendant formellement
74
75
Extrait de l’exposé des motifs du projet de loi.
Article 3 de la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des
magistrats.
76
77
78
Article 6 de la loi.
Article 15 de la loi.
Henri DONNEDIEU DE VABRES, La réforme de l’instruction préparatoire, cité dans ETRILLARD Claire, Le temps dans
l’investigation pénale, Paris, Éditions L’Harmattan, 2005.
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
reconnu, et donc dépendait du parquet, dont il validait les résultats d’enquête. Le
ministère public devenait compétent pour réaliser la grande majorité des actes d’instruction,
tant courants (expertises, auditions de témoins) que ceux portant atteinte aux libertés
individuelles (saisies, perquisitions…).
La fonction de juge d’instruction disparaissait au profit du juge de l’instruction, doté de
pouvoirs juridictionnels restreints, se bornant à la clôture de l’information, ou à l’examen des
demandes de mise en liberté, mais à qui était octroyé un rang égal à celui du Procureur.
Face aux critiques dénonçant une restriction de l’indépendance de l’instruction, du fait du
lien étroit entre le parquet et la Chancellerie, la proposition d’Henri Donnedieu de Vabres
n’a jamais été mise en application.
Suite à l’échec des préconisations de la commission Donnedieu de Vabres, un nouveau
comité de réflexion est installé dès 1953.
Réuni sous la présidence d’Antonin Besson, Procureur général près la Cour
de Cassation, ce comité prône une modification du magistrat instructeur. Parmi ses
propositions, figure le transfert du contrôle du juge d’instruction exercé par le ministère public
au Président de la chambre d’accusation, c'est-à-dire l’actuelle chambre d’instruction, avant
la modification de sa dénomination par la loi de 2000 sur la présomption d’innocence. Le juge
devait ainsi mener directement un plus grand nombre d’actes d’instruction, et réservant les
commissions rogatoires à des cas plus exceptionnels, et sous le contrôle strict du Président
de la chambre d’accusation. En parallèle, le Procureur de la République était doté du pouvoir
de contrôler et diriger l’enquête préliminaire. Le travail de cette commission a partiellement
abouti à l’adoption du nouveau Code de procédure pénale.
De 1988 à 1997 : d’intenses réflexions sur le juge d’instruction.
Si après l’entrée en application du nouveau Code de procédure pénale en 1958, la question
de l’instruction des procès pénaux était devenue moins présente, elle réapparait dès la fin
des années 1980. En moins de dix ans, pas moins de trois réflexions ont été menées, sous
la conduite d’universitaires de renom ou de hauts magistrats, sur cette question.
En 1988, le Garde des Sceaux, Pierre Arpaillange, a institué la Commission « Justice
pénale et Droits de l’Homme ». Présidée par l’universitaire Mireille Delmas-Marty, elle était
chargée de mener une réflexion sur la mise en état des affaires pénales.
Encadré V I : Composition et historique de la Commission Delmas-Marty
79
Institué par arrêté ministériel du 19 août 1988 , cette commission était chargée « de
mener une réflexion sur les réformes à entreprendre dans le domaine de la justice pénale
et des droits de l’homme
80
».
Outre sa présidente, elle réunissait des représentants de différentes professions de la
justice (magistrats, avocats), représentants de l’administration et universitaires.
81
Après la remise de plusieurs rapports et communications intermédiaires, son rapport
final a été restitué au Garde des Sceaux en juin 1990.
79
Arrêté du 19 août 1988, instituant une commission Justice pénale et droit de l’Homme au ministère de la Justice, publié au
Journal officiel du 27 août 1988, page 10905.
80
81
38
Extrait de la lettre de mission adressée à la Commission.
Composition complète de la Commission disponible en annexe.
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Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
Outre ses préconisations relatives aux droits et garanties fondamentaux de la
procédure pénale, la Commission propose plusieurs axes de réforme de l’instruction.
Le premier est de confier la direction de l’enquête, pour toutes les affaires pénales,
tant avec que sans phase d’instruction, au ministère public. Il serait ainsi compétent pour
l’émission des mandats, d’arrêt ou de comparution, l’audition de l’accusé et des témoins, et
la décision de mise en accusation, l’intervention du magistrat instructeur se limitant « aux
actes portant atteintes aux libertés individuelles ».
En contrepartie de l’extension du pouvoir de parquet, plusieurs préconisations tendent
à renforcer ses garanties d’indépendance. Si la commission rejette l’indépendance du
ministère public au nom du maintien d’une politique pénale nationale, elle propose d’autres
moyens de réformer son statut.
Le premier est de « maintenir l’opportunité des poursuites en précisant les conditions
82
de son appréciation
». Il s’agirait de fonder l’opportunité de décider de poursuivre
ou de déclarer sans suite un dossier, sur la base de critères généraux uniquement, en lien
avec la politique pénale, l’opportunité ou des pressions politiques ne devant plus être une
composante de la décision. Pour s’en assurer, une instance de recours, pouvant être le
Procureur général près la Cour de Cassation, pourrait être saisie par le ministère public
ou par elle-même, « lorsque l’abstention d’exercer l’action publique est perçue comme une
carence de la justice ».
Le deuxième est de « redéfinir la notion de politique pénale ». Il s’agit de renforcer la
distinction entre les directives générales et celles relatives à une affaire particulière émanant
de la Chancellerie. Le ministère public pourrait ainsi être autorisé à refuser des directives
qu’il désapprouve, le ministre conservant la possibilité de s’exprimer devant la juridiction de
jugement par écrit ou par l’intermédiaire d’un avocat.
Le troisième est « d’assurer et préciser les garanties d’indépendance du ministère
83
public
». Pour cela, des dispositions majeures, telles que le devoir d’obéissance ou la
liberté de conscience doivent être clairement définis par la loi.
Si le nouveau ministère public préconisé par la commission devient l’acteur central de
l’instruction, son action n’en demeure pas moins sous le contrôle d’un juge. Il est le seul
compétent pour ordonner les actes attentatoires aux libertés, tels que la mise en détention
provisoire, les perquisitions ou les mises sur écoute. Il surveille la légalité de l’enquête, en
statuant sur un recours contre un refus d’acte du ministère public, ou saisissant la chambre
d’accusation, pour demander le dessaisissement du parquet en cas d’inaction de celui-ci.
Il prend les décisions juridictionnelles relatives aux différents stades de la procédure,
en se prononçant sur la constitution de partie civile ou en ordonnant le renvoi pour jugement
ou le non-lieu.
Pour accompagner l’action du juge, le rapport prévoit l’extension des compétences
de la chambre d’accusation. Elle jugerait les recours en appel contre les décisions
du juge, notamment en matière de refus d’autorisation d’investigation ou le refus de
prolongation de la durée de l’enquête. Sur saisine du juge, elle pourrait en outre prononcer
le dessaisissement du ministère public, si celui-ci fait preuve d’inaction ou entrave l’enquête.
82
83
Extrait du rapport de la Commission présidée par Mireille Delmas-Marty.
Extraits du rapport de la Commission présidée par Mireille Delmas-Marty.
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
En 1995, le Garde des Sceaux, Jacques Toubon, a confié Michèle-Laure Rassat,
professeur à l’université Paris XII, le soin de réaliser une réflexion sur le Code de procédure
pénale. Si l’universitaire ne remet pas en cause le principe du juge d’instruction, elle propose
une série d’aménagements de la phase d’instruction.
La proposition rend ainsi obligatoire l’instruction par le juge pour les « délits contre les
mœurs dont les victimes sont des enfants ».
Le rapport supprime la nécessité de prévenir le Procureur et sa capacité à accompagner
le juge pour les recherches matérielles sur les lieux, dans la mesure où il s’agit « d’une phase
de procédure non-contradictoire à laquelle les parties n'ont pas normalement accès
84
».
Afin de rationaliser la procédure, la limitation des mandats à ceux d’amener et
d’arrêt est proposée : le premier n’autorisant plus que la présentation au juge de la
personne concernée, et non plus les 24 heures de détention, le second étant limité à une
personne « soit déjà mise en examen soit à la charge de qui existent des indices sérieux
et concordants laissant penser qu'elle a participé comme auteur ou complice à un crime ou
un délit punissable d'emprisonnement
85
».
La mise en examen prononcée par le juge ne pourrait avoir lieu qu’après l’audition du
prévenu, et serait susceptible d’un appel immédiat.
Une réforme du régime de détention provisoire est également prônée, en distinguant
deux régimes distincts. Le premier, qualifié de « détention avant jugement utile à la
manifestation de la vérité », pourrait être décidée par le juge d’instruction pour tout type
d’affaire, mais uniquement lorsqu’il « démontre que la liberté nuirait à l'efficacité de son
instruction », par « non pas des considérations générales mais d'éléments se référant
uniquement à la cause
pour cette détention.
86
». Une durée maximale de six mois, non extensible, est proposée
En parallèle, serait instituée une détention « avant jugement pour garantir la sécurité
publique », qui échapperait au magistrat instructeur. Demandée par le ministère public,
elle serait ordonnée par le Président du tribunal de grande instance ou par un magistrat
ayant reçu délégation. Réservée aux infractions les plus graves, elle pourrait durer jusqu’à
la comparution devant la juridiction de jugement.
La chambre du contrôle de l’instruction bénéficie d’une extension de ses prérogatives,
puisque le projet prévoit qu’ « à l'exception de l'ordonnance de renvoi, les parties peuvent
87
faire appel de toutes les ordonnances du juge d'instruction qui leur font grief
». Le
président de la chambre assure le filtrage de ces requêtes, en décidant si la chambre doit
en être immédiatement saisie, ou après le prononcé de la fin de l’instruction.
En 1997, le Président de la République a confié à Pierre Truche, Premier Président de
la Cour de cassation, la présidence d’une commission de réflexion sur la justice.
Encadré VII : Composition et historique de la commission de réflexion sur la
justice
84
85
86
87
40
Extrait du rapport remis par le Professeur Rassat.
Article 234 tel que rédigé dans le rapport remis par le Professeur Rassat.
Extraits du rapport du rapport remis par le Professeur Rassat.
Article 293 tel que rédigé dans le rapport remis par le Professeur Rassat.
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Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
Installée le 21 janvier 1997 par Jacques Chirac, la commission de réflexion sur la justice
réunissait, sous la présidence de Pierre Truche, des magistrats, avocats, parquetiers et
juges, de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif, des universitaires et des personnes
qualifiées.
88
Constatant que « le système judiciaire français n’est pas toujours perçu par l’opinion
publique comme remplissant parfaitement ses missions », la lettre de mission adressée à la
commission la charge de « rechercher, de la manière la plus large et la plus libre, toutes les
implications des nouveaux choix fondamentaux qui pourraient être faits par la France afin
de rendre à sa justice le caractère exemplaire qui doit être le sien ». Il s’agit ainsi de mener
une réflexion sur deux aspects plus spécifiques, que sont la présomption d’innocence et
l’influence éventuelle du Gouvernement sur la justice.
Vis-à-vis de la procédure pénale, et en particulier la phase d’instruction, cette
commission devait être amenée à s’interroger « sur le fondement des fonctions de juger et
de requérir au nom de la société, sur les sources de leur légitimité ainsi que sur les conditions
dans lesquelles les personnes investies de ces pouvoirs, agissant en pleine indépendance,
89
engageraient leur responsabilité dans l’accomplissement de leur mission
», mais aussi
sur l’éventualité de rendre le ministère public indépendant du pouvoir exécutif.
Après plusieurs mois d’auditions et de réflexion, la commission a remis, au chef de
l’État et au Gouvernement son rapport final en juillet 1997.
La commission ne renonce pas non plus à la fonction de juge d’instruction. Elle s’est
d’abord intéressée à la réforme du statut d’indépendance des magistrats autour de trois
axes, que le rapport décrit comme
la « définition d’une politique d’action publique dans laquelle est encadrée l’opportunité
des poursuites et qui est assortie d’une possibilité de recours contre les décisions de
classement sans suite », « l’affirmation de la qualité de magistrat des membres du ministère
public accompagnée d’une réflexion sur la différenciation des fonctions respectives du
siège et du parquet », et le « maintien du lien entre le parquet et l’exécutif, mais dans la
concertation et sous condition d’un renforcement de l’indépendance statutaire du parquet
assorti d’un Conseil supérieur de la magistrature rénové, d’une maîtrise accrue du parquet
sur la police judiciaire et d’une interdiction des instructions du garde des Sceaux dans les
affaires individuelles
90
».
Par ailleurs, le rapport recommande que soit « désormais interdite toute possibilité pour
le garde des Sceaux de donner aux magistrats des instructions, de toute nature, dans les
dossiers particuliers ».
La fonction de juge d’instruction serait remaniée, en lui ôtant sa compétence de mise
en détention provisoire, qui serait confiée à un collège de magistrats auquel le magistrat
instructeur ne pourrait participer. Un collège de magistrats est également proposé, pour
statuer sur les recours contre les refus d’actes, la mise en cause de la régularité des
procédures, ou le placement en détention provisoire et sa prolongation.
Les réflexions sur la réforme de l’instruction se sont multipliées depuis l’après-guerre,
et en particulier depuis la fin des années 1980. Préconisant des modifications plus ou mois
88
89
90
Composition de la Commission disponible en annexe.
Extraits de la lettre de mission adressée à Pierre Truche et à sa commission.
Extrait du rapport remis par la commission présidée par Pierre Truche.
MANIGLIER Tristan_2010
41
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
importantes – allant de simples ajustements à la suppression du juge d’instruction – ces
rapports sont bien souvent restés largement lettre morte. Outre ces rapports de réflexion
sur la justice, qui ont donc plus ou moins été concrétisés, le juge d’instruction a fait l’objet
de plusieurs réformes avortées dans les années 1980 et 1990.
§2. De multiples tentatives de réforme du juge d’instruction.
De 1985 à 1993 : quatre tentatives successives de réforme.
Parallèlement à ces réflexions, le juge d’instruction a été concerné par quatre réformes
successives en huit ans, modifiant notamment ses compétences en matière de détention
provisoire.
91
Par une loi de 1985 , sont instituées les chambres d’instruction. Placée auprès de
chaque tribunal de grande instance, la chambre d’instruction est composée de trois juges
titulaires, dont deux au moins sont juges d’instruction, et de deux juges suppléants. Les
affectations sont décidées par le Président du tribunal, après avis de l’assemblée générale.
Elle décide de l’ouverture de l’information – bien qu’elle ne soit saisie que par réquisitoire
introductif du ministère public – et de sa clôture.
Ses principales attributions au cours de l’instruction sont la surveillance du bon
déroulement de l’information, la désignation en son sein du magistrat chargé de la conduire.
Elle est par ailleurs compétente pour ordonner les mesures privatives de liberté
92
.
Pour des raisons principalement budgétaires, du fait de l’augmentation du nombre de
magistrats instructeurs que sa mise en œuvre nécessiterait, cette réforme ne sera jamais
véritablement appliquée, et sera modifiée dès 1987.
93
La loi de 1987
portant modification du Code de procédure pénale réforme la
procédure de mise en détention. La chambre des demandes de mise en détention provisoire
est reconnue compétente pour ordonner le placement en détention ou le placement sous
contrôle judiciaire.
Elle est composée de trois magistrats, désignés par le Président du tribunal pour l’année
judiciaire, après avis de l’assemblée générale. Le juge d’instruction en charge de l’affaire et
tout magistrat instructeur qui aurait eu connaissance du dossier en sont exclus. La chambre
est saisie par le juge d’instruction, lorsqu’il estime que le placement en détention provisoire
est requis. Le placement sous contrôle judiciaire est décidé par une ordonnance du juge
d’instruction, ou de la chambre.
91
Loi n°85-1303 du 10 décembre 1985 portant réforme de la procédure d’instruction en matière pénale, publiée au Journal
officiel du 11 décembre 1985, page 14391.
92
93
Article 50-1 du Code de procédure pénale, tel que modifié par l’article 3 de la loi.
Loi n°87-1062 du 30 décembre 1987 relative aux garanties individuelles en matière de placement en détention provisoire
ou sous contrôle judiciaire et portant modification du code de procédure pénale, publiée au Journal officiel du 31 décembre 1987,
page 15547.
42
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
94
Cette réforme, comme la précédente, sera de courte durée. Par une loi de 1989
la
décision de placement en détention provisoire devient de nouveau une compétence du juge
d’instruction, comme la possibilité de prolonger le placement.
Une dernière tentative de réforme sera menée en 1993, dans le cadre de la réforme du
Code de procédure pénale. La compétence de la mise en détention provisoire était retirée
au juge d’instruction. Mais suite à la censure du Conseil constitutionnel, cette compétence
lui a été réattribuée.
Bien que concerné par quatre réformes successives entre 1985 et 1993, les attributions
du juge d’instruction demeurent largement inchangées.
Si la période des années 1990 constitue une relative accalmie pour les réformes, le
début des années 2000, marqué par la création du juge des libertés et de la détention, et par
l’affaire d’Outreau, est l’occasion d’une dernière tentative de réforme visant la suppression
pure et simple du juge d’instruction.
2005 : une dernière tentative avortée de réforme.
En 2005, la réflexion autour de la fonction de juge d’instruction se poursuit au sein de
l’Assemblée nationale. Le député Georges Fenech, membre de la commission d’enquête
parlementaire d’Outreau et juge d’instruction entre 1984 et 1994, associé à plusieurs de ses
collègues, a en effet déposé le 9 décembre 2005 une proposition de loi visant à supprimer le
95
juge d’instruction et à instituer un juge de l’enquête . Considérant les limites préalablement
évoquées de la fonction de juge d’instruction, le député propose de lui substituer le juge de
l’enquête, largement inspiré de celui des libertés et de la détention.
Désigné parmi les magistrats ayant rang de vice-président ou de président par le
Président du tribunal de grande instance, le juge de l’enquête statuerait à l’issue d’un
débat contradictoire, et ne pourrait participer au jugement d’une affaire dont il aurait eu
connaissance.
Une phase d’enquête contradictoire est intégrée à la procédure pénale. Elle est ouverte,
en matière de délit ou de crime, à l’issue de l’enquête policière. L’ouverture se fait par
notification du Procureur de la République à la personne concernée, en précisant les faits
et leurs qualifications juridiques, les textes applicables et les pièces soutenant l’accusation.
Le Procureur lui rappelle par ailleurs son droit d’être assisté par un avocat, et informe la
victime qu’elle peut se constituer partie civile.
La procédure de l’enquête contradictoire est similaire à celle de l’enquête préliminaire,
à quelques exceptions. Le Procureur de la République procède à la majorité des actes,
notamment l’interrogatoire de l’accusé ou la demande d’expertise.
Les parties peuvent présenter au ministère public une requête tendant à faire réaliser
tout acte nécessaire à la manifestation de la vérité. En cas de refus, elles disposent d’un
droit de recours.
La capacité d’intervention du juge de l’enquête est assez restreinte. Il statue sur les
recours des parties consécutifs au refus d’actes du ministère public, ou des requêtes en
94
Loi n°89-481 du 6 juillet 1989 modifiant le code de procédure pénale et relative à la détention provisoire, publiée au Journal
officiel du 8 juillet 1989, page 8538.
95
Proposition de loi n°2659, déposée par Georges Fenech, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2005.
MANIGLIER Tristan_2010
43
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
nullité d’actes. Il est également compétent pour la contestation de la recevabilité de la
constitution d’une partie civile.
Il est en outre saisi, par le Procureur de la République, pour le placement sous contrôle
judiciaire ou en détention provisoire. Il statue par une ordonnance motivée, après avoir
entendu le Procureur, l’intéressé, et éventuellement son avocat. Le débat est contradictoire,
et public, sauf si une des parties demande le secret. Le contrôle judiciaire et la détention
provisoire ne peuvent être ordonnés que si les preuves sont importantes et concordantes,
et que si ces mesures sont nécessaires à l’enquête ou à la sûreté publique. Si la peine
encourue est inférieure à trois ans, la détention provisoire ne peut être ordonnée, et
lorsqu’elle est décidée, elle est limitée à quatre mois.
Avant cette échéance, le juge de l’enquête peut être saisi par le ministère public pour
prolonger la détention, qui ne pourra dépasser « six mois en matière correctionnelle lorsque
la peine encourue est inférieure à cinq ans d’emprisonnement, un an lorsque la peine
encourue est égale ou supérieure à cinq ans d’emprisonnement, deux ans en matière
96
criminelle
». Le magistrat peut être saisi à tout moment de la procédure par l’intéressé
qui demanderait la levée de ces mesures.
Après la clôture de l’enquête contradictoire par le ministère public, le juge de l’enquête
prononce la levée du contrôle judiciaire ou de la détention provisoire en cas de classement
du dossier.
Si le renvoi devant une juridiction est décidée par le Procureur, « le juge de l’enquête
statue sans débat sur le renvoi du ou des accusés devant la juridiction de jugement et
se prononce, le cas échéant, sur leur maintien sous contrôle judiciaire ou en détention
provisoire jusqu’à leur comparution devant cette juridiction
97
».
La chambre de l’instruction est également remplacée par la chambre de l’enquête,
chargée de l’appel des décisions du juge. Si sa composition demeure inchangée, la
principale innovation est que la publicité des audiences devient la norme, le secret ne
pouvant être ordonné qu’à la demande des parties, ou au nom du déroulement de l’enquête
ou de la préservation de la dignité humaine.
Les parties et le Procureur disposent d’un droit d’appel, dans un délai de cinq jours
après notification, des décisions du juge en matière de requête en nullité des actes de
procédure, et de contestation de la recevabilité d’une partie civile.
Ses ordonnances en matière de contrôle judiciaire et de détention provisoire ne peuvent
être contestées que par le Procureur et l’accusé, dans ce même délai de cinq jours. Le droit
des parties civiles est limité à la transmission d’observations à l’attention du juge.
Déposée deux jours après le vote de la proposition de résolution instituant la
commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau, cette proposition de loi sera
abandonnée, au profit des réformes issues de cette commission, qui modifient mais ne
remettent pas en cause la fonction de juge d’instruction.
Maintes fois critiqué et dénoncé, le juge d’instruction a fait l’objet de réflexions et
tentatives de réforme répétées tout au long des années 1980 et 1990.
96
97
44
Article 93 du Code de procédure pénale, tel que modifié par l’article 3 de la proposition de loi.
Article 96 du Code de procédure pénale, tel que modifié par l’article 3 de la proposition de loi.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 1 : Le juge d’instruction : un magistrat instructeur ancien face aux critiques.
Si la réforme unanimement adoptée après l’affaire d’Outreau, et principalement la
collégialité qu’elle devait instaurer semblait avoir mis un terme, au minimum, temporaire à
ce questionnement, il n’en est rien.
Avant même l’entière application de ces réformes, le juge d’instruction est à nouveau
l’objet d’une tentative de réforme, visant cette fois sa complète disparition au profit du juge
de l’instruction.
La France est ainsi entrée dans la controverse relative au maintien ou à la suppression
du juge d’instruction, qui s’est, par le passé, déjà développée dans un certain nombre de
pays européens.
MANIGLIER Tristan_2010
45
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat
instructeur : un débat à l’échelle
européenne.
Ainsi depuis plusieurs décennies, modifier l’instruction pénale est devenue une
problématique récurrente des réformes de la justice.
Une telle question s’est d’abord posée dans plusieurs pays d’Europe (Chapitre 1),
avant de réapparaître en France au travers du projet de réforme de 2009-2010, issu des
propositions de la Commission Léger (Chapitre 2).
Chapitre 1 : Ministère public contre juge de
l’instruction : panorama européen.
Si le débat relatif à la phase préparatoire de la procédure pénale est particulièrement vif en
France depuis l’annonce au début de l’année 2009 de la suppression du juge d’instruction,
cette controverse n’est pas propre à la France.
Plusieurs autres pays européens ont également entamé une réflexion sur leur système
pénal, et notamment sur la phase préparatoire.
Un certain nombre d’États européens se sont engagés, au cours des dernières
décennies dans la même perspective de réforme que la France, à savoir l’abandon d’un
magistrat instructeur au profit d’un parquet directeur d’enquête (Section 1), alors que
d’autres sont restés fidèles au juge d’instruction ou à d’autres systèmes plus atypiques
(Section 2).
Il s’agit donc, dans le but d’éclairer le débat français, d’étudier les principaux systèmes
d’instruction pénale mis en œuvre dans d’autres pays européens, selon que l’instruction est
confiée au ministère public ou non.
Section 1 : L’instruction confiée au ministère public.
Le modèle du ministère public directeur d’enquête s’est largement développé en Europe, à
l’occasion de réformes de la procédure pénale menées dans plusieurs pays européens.
Néanmoins, parmi les pays ayant mis en place une instruction conduite par le ministère
public, il convient de distinguer deux sous-catégories, en fonction principalement du statut
d’indépendance accordé aux procureurs (§1) ou du maintien de leur dépendance vis-à-vis
du pouvoir exécutif (§2).
§1. Un ministère public doté d’une indépendance statutaire.
46
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.
Tout d’abord, deux pays parmi les plus proches de la France – l’Italie et le Portugal – illustrent
la conduite de la phase d’instruction par un ministère public indépendant.
L’Italie après 1989 : ministère public instructeur et juge des investigations
préliminaires.
Suite à l’adoption d’un nouveau Code de procédure pénale en 1989, cet État a renoncé à
une instruction menée par le juge d’instruction au profit d’une procédure à forte dominance
accusatoire.
La phase d’instruction et le juge d’instruction ont ainsi été supprimés au profit d’une
phase d’investigations préliminaires et du juge des investigations préliminaires.
Le ministère public est chargé, avec le concours de la police judiciaire, qui lui est
subordonnée, de l’enquête préliminaire, qu’il doit réaliser à charge et à décharge. Il dispose
du monopole de l’initiative de poursuites, dans la mesure où la constitution d’une partie civile
est possible, mais ne permet pas de déclencher des poursuites.
Le Procureur dispose d’un délai de six mois pour procéder à l’enquête préliminaire, bien
que ce délai puisse être prolongé par le juge, par supplément de six mois, sans toutefois
excéder un plafond fixé à 18 mois ou deux ans, en fonction de la gravité de l’infraction.
Cette phase est placée sous la surveillance du juge des investigations préliminaires, qui
est garant du principe de légalité. Dans ce cadre, il doit autoriser les mesures attentatoires
aux libertés individuelles, ou les valide si elles ont été mises en œuvre par le ministère public
en cas d’urgence, notamment dans le cadre du placement en détention provisoire ou du
placement sur écoute téléphonique.
Il est également seul compétent pour la mise en œuvre, sur demande du prévenu ou
du ministère public, de la procédure dite d’incident probatoire, qui permet de récolter des
éléments de preuve au cours de la phase d’enquête préliminaire et non pendant celle du
jugement.
A l’occasion de l’audience préliminaire, un magistrat statue sur la clôture de l’enquête,
en appréciant la requête de classement ou de renvoi devant la juridiction de jugement
présentée par le ministère public. Si le Procureur propose le classement de l’affaire du fait
de l’impossibilité d’exercer l’action publique, le juge peut accéder à sa requête, ou en cas
de désaccord, il peut demander au ministère public de poursuivre l’enquête dans le délai
qu’il lui fixe, ou de prononcer dans les dix jours la mise en accusation.
Si le Procureur demande le renvoi devant une juridiction, un débat contradictoire entre
lui et la défense est organisé devant le juge de l’audience préliminaire, qui est un magistrat
différent du juge de l’enquête préliminaire, sauf si ce dernier s’est limité à des actes de
procédure au cours de l’enquête préliminaire, et non des actes directement liés à l’enquête
(placement en détention provisoire ou écoutes téléphoniques notamment). A l’issue du
débat, le juge décide du non-lieu ou du renvoi pour jugement.
Du fait de l’article 107 de la Constitution italienne, le ministère public jouit « des
garanties établies à son égard par les règles relatives à l’ordre judiciaire », c'est-à-dire que
98
« la magistrature constitue un corps autonome et indépendant de tout autre pouvoir
»,
principe réaffirmé par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle italienne. De ce fait, le
ministère de la Justice ne dispose pas d’autorité sur lui.
98
Article 104 de la Constitution italienne.
MANIGLIER Tristan_2010
47
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
La Constitution établit également la compétence du Conseil supérieur de la
magistrature sur les « nominations, les affectations et les mutations, les promotions et les
mesures disciplinaires
99
», et limite celle du ministre de la Justice à « l’organisation et
au fonctionnement des services relatifs à la justice
100
».
Si le contrôle du pouvoir exécutif sur le ministère public est réduit, le contrôle
hiérarchique l’est tout autant, puisque la jurisprudence du Conseil supérieur de la
magistrature a eu tendance à remettre en cause les pouvoirs formels des responsables
hiérarchiques. Le Procureur ne peut pas par exemple obliger un substitut à accomplir un
acte donné.
En parallèle, l’article 112 de la Constitution, en affirmant le principe de la légalité des
poursuites, empêche que des injonctions de sa hiérarchie puissent empêcher l’ouverture
de poursuites.
Le cas portugais : création en 1987 du juge de l’instruction.
La réforme du Code de procédure pénale entrée en vigueur en juin 1987 a transféré la phase
d’enquête au ministère public, qui auparavant n’était compétent que pour les infractions
passibles d’une peine de prison inférieure à trois ans. Toutefois la Constitution dispose
que « toute l’instruction relève de la compétence d’un juge, qui peut, conformément à la
loi, déléguer à d’autres autorités la réalisation des actes de l’instruction qui ne portent pas
directement sur les droits fondamentaux
101
».
Le juge de l’instruction reste donc un acteur majeur de la phase d’instruction : le Code de
procédure pénale réserve à ce magistrat certaines actions, telles que la conduite du premier
interrogatoire, ou soumet à son autorisation préalable les mesures les plus attentatoires aux
libertés individuelles demandées par le ministère public, comme la détention provisoire ou
les perquisitions.
Le juge contrôle également la décision de clôture de l’enquête prise par le Procureur, sur
demande du mis en examen en cas de mise en accusation ou de la victime en cas d’abandon
des poursuites. S’ouvre alors une procédure en deux temps. Le premier, facultatif, est une
instruction, conduite par le juge en collaboration avec la police, au cours de laquelle le juge
peut procéder aux actes qu’il juge nécessaires – même si le ministère public les a déjà
réalisés – dans un délai de quatre mois, réduit à deux si une mise en détention provisoire a
été ordonnée. Dans un deuxième temps, un débat contradictoire, obligatoire, est organisé,
entre le ministère public, la victime, le mis en examen et leurs représentants respectifs, en
vue de vérifier les éléments réunis au cours de l’enquête. A son issue, le juge rend une
ordonnance de mise en accusation ou ordonne un non-lieu.
Depuis la réforme de 1992, la Constitution portugaise dispose « [qu’] aux termes de
102
la loi, le Ministère public jouit d’un statut propre et est autonome
». Le parquet est
organisé de manière hiérarchique, et est placé sous la direction du Procureur général. Ce
magistrat est nommé pour six ans par le Président de la République, sur proposition du
99
100
101
Article 110 de la Constitution italienne.
Article 32 de la Constitution portugaise.
102
48
Article 105 de la Constitution italienne.
Article 219-2 de la Constitution portugaise.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.
Gouvernement. Aux termes de la Constitution, « la nomination, l’affectation, le déplacement
et l’avancement des représentants du Ministère public et l’exercice de l’action disciplinaire
103
appartiennent au Parquet général de la République
». Cet organe comprend, outre
son président, le Procureur général, le Conseil supérieur du ministère public, composé de
membres élus par l’Assemblée de la République, et d’autres désignés par leurs pairs.
Le ministère public ne peut recevoir d’instructions émanant du pouvoir exécutif ou du
pouvoir judiciaire, seule leur hiérarchie peut leur transmettre des directives.
§2. Un parquet sans indépendance.
Deux autres États – Pays-Bas et Allemagne – ont confié la phase d’instruction au ministère
public, mais sans lui octroyer un véritable statut d’indépendance.
Les Pays-Bas : un magistrat instructeur depuis 1926.
Le Code de procédure pénale adopté en 1926 assure la prépondérance du ministère public
dans la phase préparatoire de la procédure pénale. Il dispose d’abord du monopole de
l’ouverture des poursuites, qu’il exerce librement.
Ayant autorité sur la police, il est le principal conducteur de la phase d’enquête
préliminaire. Son intervention reste néanmoins limitée aux infractions les plus graves, la
police assurant avec une large indépendance les enquêtes pour les infractions les moins
importantes. Bien qu’il dispose de la capacité de réaliser certains actes coercitifs, pour
ceux les plus attentatoires aux libertés individuelles, l’intervention du juge est requise. Ce
magistrat doit, par exemple, autoriser les écoutes téléphoniques et les fouilles corporelles,
ou est compétent en cas de perquisition d’un lieu de travail d’un professionnel soumis au
secret professionnel ou d’opposition de l’occupant à la perquisition.
La procédure dite d’instruction préliminaire peut également être réalisée par le juge,
mais uniquement à la demande du ministère public. Dans ce cas, un juge mène une enquête
parallèle à celle du ministère public. Cette procédure est initiée si l’enquête nécessite de
mobiliser les moyens d’investigation du juge, qui sont plus importants que ceux du parquet :
ainsi, si un témoin peut refuser de collaborer avec le ministère public, il ne peut refuser la
comparution devant le magistrat instructeur.
En tant que composante du pouvoir judiciaire, le ministère public est placé sous
l’autorité directe du ministre de la Justice. Le parquet est hiérarchiquement dirigé par le
collège des Procureurs généraux, composé de trois à cinq des plus hauts procureurs du
pays, parmi lesquels le président, nommé pour trois ans par le souverain. Cette instance
est compétente pour donner des directives au ministère public, tant générales que relatives
à des affaires individuelles.
La loi relative à l’organisation judiciaire reconnaît également au ministre de la Justice
le droit de transmettre des directives générales et individuelles, mais dans des conditions
strictement définies, le collège des Procureurs généraux devant être consulté par une
demande motivée, et le Parlement informé en cas de demande d’abandon des poursuites.
Dénonçant le caractère vague des fonctions de chaque acteur de la phase d’enquête
préliminaire, et en particulier celle du juge de l’instruction, un grand nombre de juristes
appelle à réformer le Code de procédure pénale. Une réforme visant à abolir l’instruction
judiciaire, et à accroître la place du juge a été soumise à consultation fin 2008.
103
Article 219-5 de la Constitution portugaise.
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49
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
L’Allemagne et la réforme Vogel : la disparition du juge d’instruction.
Le Code pénal adopté en 1877 avait créé la fonction de juge d’instruction. Toutefois, la
réforme menée en 1974 par le ministre Hans-Jochen Vogel a conduit à sa disparition.
Animée par la volonté d’améliorer la durée des enquêtes et leur efficacité, cette réforme
a accordé au ministère public, et à la police judiciaire qui lui est soumise, l’ensemble des
pouvoirs d’enquête et d’accusation.
Le parquet est ainsi seul compétent pour instruire, à charge et à décharge, avec l’aide
de la police, et pour décider de la mise en accusation ou non des personnes mises en cause
dans le dossier. Si le ministère public décide seul de l’ouverture d’une enquête, le Code de
procédure pénale allemand dispose que « le ministère public doit poursuivre toute infraction
104
susceptible d’être poursuivie, dès lors qu’il existe des indices matériels suffisants
».
Toutefois, en dépit du principe de la légalité des poursuites, le ministère public peut renoncer
à poursuivre des infractions de faible importance, si elles ne troublent que peu l’ordre public,
et uniquement avec l’accord du tribunal qui aurait dû être compétent.
La police occupe une place importante, dans la mesure où elle enquête de manière
autonome sur des affaires de faible gravité, avec un contrôle minimal du ministère public.
Ce dernier décide de la clôture de l’enquête, en ordonnant le classement ou demandant
l’engagement de poursuites. Dans ce deuxième cas, il saisit alors la juridiction de jugement,
à laquelle le dossier d’instruction est transmis. C’est elle qui décidera, en fonction des
éléments, de l’ouverture de la phase de jugement.
Du fait de l’organisation fédérale du pays, un ministère public fédéral et un spécifique
à chaque Land coexistent. Si le parquet fédéral est spécialisé dans les infractions les plus
graves mettant en cause la Fédération, il n’existe aucun lien hiérarchique entre eux.
Le premier est composé du Procureur général fédéral et des Procureurs fédéraux,
nommés par le Président de la République, sur proposition du ministre fédéral, et après
accord du Bundesrat, chambre haute du Parlement. Des règles analogues sont applicables
à chaque ministère public des Länder.
Organisé de manière hiérarchique, il est placé sous l’autorité du ministre fédéral de la
Justice. De ce fait, de par la loi, et du fait du statut de fonctionnaire de ses membres, il peut
recevoir des directives, tant générales que relatives à une affaire particulière, de la part de
sa hiérarchie et du ministre, bien que ce dernier s’abstienne généralement d’intervenir dans
des affaires précises.
Si le nouveau Code de procédure pénale a maintenu la fonction de juge de l’instruction,
ses pouvoirs sont limités. Il ne peut intervenir que sur demande du ministère public, pour les
actes mettant en cause les libertés individuelles, tels que les saisies ou la mise en détention
provisoire.
Le ministère public peut néanmoins décider de telles mesures si l’urgence l’exige.
Celles-ci devront être validées a posteriori par le juge, et la détention provisoire ne peut
faire l’objet de ce type de procédure. Le Procureur dispose de pouvoirs importants, puisqu’il
détient des compétences autrefois dévolues au juge, telles que contraindre un témoin ou
un expert à comparaître.
La suppression du juge d’instruction au profit du ministère public instructeur et d’un juge
de l’instruction superviseur est un processus commun à bon nombre de pays européens.
104
50
Article 152 du code de procédure pénale allemand.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.
Les nouvelles procédures entrées en vigueur divergent néanmoins sur l’indépendance ou
la subordination des procureurs vis-à-vis des ministères de la Justice.
Le parquet n’en est pour autant pas devenu un acteur hégémonique dans toute
l’Europe, d’autres États ayant conservé des modèles centrés sur le juge, ou d’autres plus
atypiques.
Section 2 : L’instruction non confiée au parquet.
Si confier la phase d’instruction au ministère public est en essor dans un nombre conséquent
de pays européens, le juge d’instruction n’en demeure pas moins un acteur incontournable
dans plusieurs Etats (§1), tandis que d’autres ont opté pour des modèles plus atypiques (§2).
§1. Le maintien du juge d’instruction.
Le juge d’instruction est principalement présent dans les pays ayant subi l’influence de la
France – la Belgique, influencée par la France napoléonienne ou les pays du Maghreb, qui
étaient sous domination française – mais pas uniquement.
Le cas espagnol : un juge d’instruction tout puissant.
L’Espagne a ainsi confié la phase préparatoire à un juge d’instruction depuis 1882. Proche
de son homologue français, il disposait néanmoins d’une particularité, à savoir la possibilité
de juger sur le fond une affaire dont il avait été chargé de l’instruction, si l’infraction n’était
pas susceptible d’une peine supérieure à six mois d’emprisonnement. Il a été mis fin à cette
exception au nom du principe de la séparation de la fonction d’instruction et de jugement
en 1988.
Chargé d’instruire à charge et à décharge, le juge d’instruction, pour son enquête,
bénéficie de la collaboration de la police judiciaire qui lui est constitutionnellement
subordonnée.
Bien que le Code de procédure pénale dispose que « les juges d'instruction procéderont
aux instructions des délits publics sous le contrôle direct du ministère public du tribunal
compétent
105
», le juge dispose d’une grande autonomie dans les faits.
L’instruction est déclenchée par l’action populaire, consécutive au dépôt d’une plainte
auprès du juge, ou par auto-saisine du juge.
Pour permettre une bonne instruction de l’affaire, le juge dispose d’un large champ de
compétence.
Le Code de procédure pénale reconnaît sa compétence pour la majorité des actes
d’accusation, tant courants, tels que l’audition de la personne prévenue – « Le juge […]
fera déposer les personnes inculpées autant de fois qu'il le considère comme utile à
106
l'établissement des faits
» – ou la demande d’expertise – « le juge ordonnera l'expertise
lorsque, pour connaître ou apprécier un fait ou une circonstance qui ont une importance pour
l'instruction, des connaissances sont nécessaires ou utiles sur les arts ou sur les sciences
105
106
Article 306 du code de procédure pénale espagnol.
Article 385 du code de procédure pénale espagnol.
MANIGLIER Tristan_2010
51
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
107
» – que pour des actes plus attentatoires aux libertés individuelles, relatifs à la détention
provisoire – « Tant que l'affaire se trouve soumise à l'instruction, la détention préventive ne
108
pourra être ordonnée que par le juge d'instruction
» – ou aux perquisitions – « Le juge
[…] pourra ordonner l'entrée et la perquisition, de jour et de nuit, dans tous les édifices et
lieux publics, quel que soit le territoire où ils sont situés
109
».
Au-delà des actes prévus par le Code de procédure pénale, le juge peut ordonner tout
acte qu’il estime utile pour l’instruction, dans le respect du principe de proportionnalité visà-vis de l’infraction. Par ailleurs, si le droit prévoit que l’instruction est limitée à une durée
d’un mois, le juge pourra la prolonger s’il l’estime nécessaire.
En parallèle, le magistrat est obligé de réaliser les actes qui font l’objet d’une demande
du ministère public ou de la défense. S’il refuse, les parties peuvent former un recours, ainsi
que le Code de procédure pénale le dispose :
« Le juge qui procède à l'instruction effectuera les actes que proposent le ministère
public ou l'une des parties qui comparaissent, s'il ne les considère pas comme inutiles ou
préjudiciables.
Contre la décision n'admettant pas les actes demandés, pourra être exercé le recours
d'appel, qui sera admissible avec un seul effet devant l'Audience ou le tribunal compétent
110
».
Le ministère public est dirigé par le Procureur général de l’État, nommé pour quatre
ans par le souverain, sur proposition du Gouvernement, et après avis du Conseil général
du pouvoir judiciaire et de la commission concernée de la chambre des députés.
Chaque Procureur agissant par délégation du Procureur général de l’État, celui-ci,
comme les autres membres de la hiérarchie du ministère public peuvent transmettre des
directives à leurs subordonnés. Néanmoins, le chef du parquet se limite généralement à
des orientations de politique pénale.
Le Gouvernement peut également demander au ministère public d’agir devant une
juridiction. Si le ministre de la Justice sert d’interface entre le Gouvernement et le ministère
public, le Premier ministre a légalement le pouvoir de saisir directement le Procureur général
de l’État.
La nomination et promotion des membres du ministère public est de la compétence
du pouvoir réglementaire, après consultation du Conseil du parquet, organe indépendant,
présidé par le Procureur général de l’État, et qui comprend le Vice-procureur du Tribunal
suprême, du Procureur responsable des services d’inspection, et de neuf procureurs
désignés pour quatre ans par leurs pairs.
Depuis plusieurs années, d’importants dysfonctionnements ont été constatés dans
la phase d’instruction, tels que des longueurs excessives, la multiplication des mesures
attentatoires aux libertés individuelles, ou la faible effectivité des voies de recours
disponibles.
107
108
109
110
52
Article 456 du code de procédure pénale espagnol.
Article 502 du code de procédure pénale espagnol.
Article 546 du code de procédure pénale espagnol.
Article 311 du code de procédure pénale espagnol.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.
Une première tentative de réforme présentée en 1988, visant à confier la phase
d’instruction au ministère public, avait rapidement été mise en échec au Parlement.
Pour remédier à la toute puissance supposée du juge d’instruction, un mouvement
se développe en faveur d’une réforme confiant au ministère public, assisté par la police
judiciaire, la direction de l’instruction, et instituant un magistrat de l’instruction, chargé
d’autoriser les actes mettant en cause les libertés individuelles.
La Belgique et l’influence du modèle napoléonien.
La Belgique a également placé le juge d’instruction au centre de sa procédure pénale. Celleci est régie par le Code d’instruction de 1808, largement inspiré du modèle napoléonien.
Il attribue au juge de l’instruction la charge d’instruire à charge et à décharge, et dispose
qu’il « décide de la nécessité d'utiliser la contrainte ou de porter atteinte aux libertés et aux
111
droits individuels
». Comme son homologue français, il est saisi de faits précis, et en
cas de découverte « des faits susceptibles de constituer un crime ou un délit dont il n'est
112
pas saisi, il en informe immédiatement le procureur du Roi
». Cette saisie s’opère par
requête du ministère public, ou par la constitution d’une partie civile auprès du juge.
Hors des cas de flagrant délit, pour lesquels le juge d’instruction « peut se saisir des
113
faits et poser directement les actes relevant de la compétence du procureur du Roi
»,
il « ne fera aucun acte d'instruction et de poursuite qu'il n'ait donné communication de la
procédure au [procureur du Roi]
114
».
Le code lui confie la réalisation des principaux actes courants de la phase d’instruction :
115
116
l’inculpation
, l’audition des témoins
. En parallèle, tous les actes attentatoires aux
libertés individuelles ne peuvent être autorisés que par lui, tant en matière d’écoutes des
communications
117
, que la réalisation de test ADN
118
.
Seule la décision du placement en détention provisoire n’est pas de son ressort. C’est
« la chambre du conseil, sur le rapport du juge d'instruction, le procureur du Roi, l'inculpé
et son conseil entendus, [qui] décide s'il y a lieu de maintenir la détention préventive », et
statue tous les trois mois sur la prolongation de cette détention
119
.
Le Code judiciaire place les différentes composantes du ministère public sous l’autorité
du ministre de la Justice, qui « arrête les directives de politique criminelle, y compris en
111
112
113
114
115
116
117
118
119
Article 56 du code d’instruction criminelle belge.
Ibid.
Article 59 du code d’instruction criminelle belge.
Article 61 du code d’instruction criminelle belge.
Article 61bis du code d’instruction criminelle belge.
Article 71 du code d’instruction criminelle belge.
Article 90ter du code d’instruction criminelle belge.
Article 90undecies du code d’instruction criminelle belge.
Article 21 et 22 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.
MANIGLIER Tristan_2010
53
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
120
matière de politique de recherche et de poursuite
», contraignantes pour les procureurs.
Il est dirigé par les Procureurs généraux près les Cours d’appel, réunis en collège des
Procureurs généraux, placé lui aussi sous l’autorité du ministre. Il est chargé de la « mise en
œuvre cohérente et de la coordination de la politique criminelle et du bon fonctionnement
général et de la coordination du ministère public
121
».
La phase d’instruction est placée sous le contrôle de la chambre des mises en
accusation. Elle peut « demander des rapports sur l'état des affaires et peut prendre
connaissance des dossiers », mais aussi contrôler « d'office la régularité de la procédure
et qu'il peut exister une cause de nullité, d'irrecevabilité ou d'extinction de l'action publique
122
».
Le juge d’instruction, bien qu’il ait été souvent remplacé par le ministère public en tant
que directeur d’enquête, n’en demeure pas moins un acteur central dans certains systèmes
pénaux étrangers.
Si l’instruction confiée à un magistrat instructeur devient marginale, deux États se sont
extraits de cette dichotomie entre le juge de l’instruction et le ministère public.
§2. Des modèles atypiques, les cas britannique et suisse.
Le Royaume-Uni : un modèle à dominante accusatoire centré sur la police.
Le Royaume-Uni, a mis en place un modèle original. Le premier aspect est l’absence de
code de procédure pénale : celle-ci n’est encadrée que par des lois et des codes de conduite.
Dès lors, face à l’absence de règles véritablement formalisées, le juge dispose d’un véritable
pouvoir de création du droit.
Le second est la large place accordée à la police.
Celle-ci a pour mission d’enquêter à charge et à décharge, et dispose d’une large
autonomie vis-à-vis du ministère public. Du fait de son organisation décentralisée, elle n’est
pas sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, chaque chef local de police peut ainsi mettre
en œuvre une politique pénale particulière, les autorités centrales étant limitées à des
orientations d’ordre général.
Jusqu’à la réforme de 2003, elle décidait également de la mise en accusation du
prévenu, et des charges retenues contre lui.
Depuis, ces deux attributions ont été transmises au Crown Prosecution Service. Qualifié
de « service national chargé de poursuivre les infractions pénales », il a été institué par la
loi en 1985. A partir des dossiers constitués par la police, et en fonction de leur contenu,
il décide de la continuation du dossier ou l’abandon des poursuites. Il décide également
de la suite à donner à des poursuites initiées par des particuliers, bien que celles-ci soient
largement résiduelles. Si le CPS doit collaborer avec la police au cours de l’enquête, il n’a
pas d’autorité sur elle.
Le CPS est organisé de manière décentralisée, en unités régionales et locales, dirigées
par des Procureurs en chef, responsables des poursuites menées par leurs subordonnés
120
121
122
54
Article 143quarter du code judiciaire belge.
Article 143 du code judiciaire belge.
Article 136 et 235bis du code d’instruction criminelle belge.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.
devant la direction nationale. Ses membres font partie de la fonction publique, bien qu’ils
puissent alterner entre fonctions au barreau et au CPS.
Au niveau national, il est dirigé par le Director of Public Prosecution, qui jouit d’une
large autonomie vis-à-vis du pouvoir politique. Ses instructions déterminent le régime des
poursuites, qui ne sont lancées qu’en fonction du critère de l’intérêt général et de la
probabilité de la réussite des poursuites.
Bien que placé sous l’autorité de l’Attorney General, membre du Gouvernement
et responsable devant le Parlement, qui est l’autorité nommant le Director of Public
Prosecution, et qui assure la fonction de Procureur en chef, le CPS ne lui est principalement
soumis que pour certains types d’infraction, en particulier celles relatives à la sécurité de
l’État (terrorisme,…). Même si les directives de l’Attorney General s’imposent au CPS en
cas de désaccord, il doit s’abstenir d’intervenir dans des affaires particulières.
Si la loi de 1984 sur la police et les preuves en matière pénale accorde de larges
possibilités d’action pour les autorités policières en matière de détention, d’interrogatoire et
de perquisitions, leur liberté d’action n’est pas absolue.
Pour les mesures jugées les plus attentatoires aux libertés individuelles, la police doit
demander l’autorisation d’un juge. Pour exercer ces fonctions, il existe deux catégories de
juges. Les plus nombreux sont des magistrats non professionnels, des citoyens exerçant
bénévolement cette fonction à temps partiel, et siégeant à trois. S’ils ne sont pas en nombre
suffisant, des juges professionnels sont nommés, parmi les avocats avec au minimum 5
ans d’ancienneté. Ces magistrats ordonnent les saisies ou les prolongations de garde de
vue. Le magistrat se prononce également sur la qualification juridique des faits, et décide du
traitement du prévenu avant l’audience de jugement, en prononçant la liberté sous caution
– largement utilisé au Royaume-Uni – ou la détention provisoire – dont le recours est bien
plus restreint qu’en France.
La Confédération helvétique : une diversité des procédures en cours
d’unification.
La Suisse, du fait d’une organisation de type confédérale, est dotée d’un système pénal
atypique. Régie conjointement par le Code fédéral et les codes des différents cantons, la
procédure pénale n’est pas uniforme sur le territoire.
Pour les infractions relevant du Code fédéral c'est-à-dire celles relevant de la
compétence de la Confédération, l’instruction est organisée sur le modèle français, autour
du juge d’instruction. Pour les infractions relevant de la compétence cantonale, qui sont
majoritaires, quatre modèles dominants ont été institués, illustrant dans un même État les
différents modèles en vigueur en Europe.
123
Cinq cantons
ont mis en place un juge d’instruction indépendant, qui conduit
l’instruction avec l’aide de la police judiciaire qui lui est subordonnée. Le ministère public
ne dispose d’aucune autorité sur le magistrat instructeur, il n’est que la partie au procès
chargée de l’accusation.
123
Vaud, Fribourg, Valais, Glaris et Zoug.
MANIGLIER Tristan_2010
55
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
124
Dix cantons
ont un système d’instruction dirigée par le juge d’instruction également,
mais celui-ci est placé sous l’autorité du ministère public. Ces pouvoirs varient selon les
cantons, mais dans la majorité d’entre eux, le ministère public est seul compétent pour
décider de la mise en accusation du prévenu.
125
Cinq autres cantons
ont mis en œuvre un modèle d’instruction dans lequel l’enquête
est dirigée par le ministère public, aidé de la police judiciaire. Un magistrat instructeur
indépendant ne peut être amené à diriger l’instruction que dans la mesure où le ministère
public décide de l’ouverture d’une instruction préparatoire. Au terme de son instruction, le
juge transmet son dossier au ministère qui est seul compétent pour décider de la mise en
accusation du prévenu ou du classement des dossiers.
126
Les six derniers cantons
ont mis en place une instruction dirigée par le ministère
public, qui dispose de l’autorité sur la police judiciaire. Un juge de l’instruction a été institué,
pour autoriser les mesures les plus attentatoires aux libertés individuelles.
Si ces multiples modèles de procédure pénale sont encore applicables en Suisse à
l’heure actuelle, la situation sera profondément modifiée le 1er janvier 2011. En effet, à cette
date entrera pleinement en vigueur le nouveau Code de procédure pénale voté en 2007,
et qui a notamment pour effet d’uniformiser sur l’ensemble du territoire un modèle unique
d’instruction préparatoire.
Ce modèle unique supprime le juge d’instruction au profit du ministère public, qui se
voit chargé de « conduire la procédure liminaire [définie comme composée de la procédure
d’investigation et de la phase d’instruction], de poursuivre les infractions dans le cadre de
127
l’instruction, et le cas échéant de dresser l’acte d’accusation et de soutenir l’accusation
». Il a le devoir d’instruire tant à charge qu’à décharge, et de se soumettre au principe de
légalité.
Afin de garantir les droits de la défense, un tribunal des mesures de contraintes sera
chargé d’autoriser ou d’ordonner les mesures les plus attentatoires aux libertés.
Ainsi, le Code de procédure pénale dispose qu’il « ordonne la détention provisoire et
la détention pour des motifs de sûreté et, si cela est prévu par le présent code, ordonne
128
ou autorise d’autres mesures de contrainte
». Par ailleurs, les décisions tant de la
police, du ministère public ou du tribunal des mesures de contraintes peuvent être l’objet
d’un recours devant l’autorité judiciaire.
Parallèlement à la réforme du Code de procédure pénale, le statut du ministère public
a été l’objet d’une réflexion. Le ministère public est ainsi placé sous l’autorité de l’exécutif,
qui ne peut transmettre que des directives générales et non relatives à un cas d’espèce.
Néanmoins, le Procureur général de la Confédération, qui est chargé de diriger le ministère
public de celle-ci et de nommer les procureurs, et ses deux suppléants sont élus par
124
Berne, Lucerne, Schwytz, Obwald, Nidwald, Bâle-Campagne, Schaffhouse, Appenzell Rhodes-Extérieures, Grisons et
Thurgovie.
125
126
127
128
56
Neuchâtel, Genève, Jura, Uri et Argovie.
Zurich, Bâle-Ville, Tessin, Saint-Gall, Appenzell Rhodes-Intérieures et Soleure.
Article 16 du code de procédure pénale suisse d’octobre 2007.
Article 18 du Code de procédure pénale suisse.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.
129
l’Assemblée fédérale
, ainsi que les membres de l’autorité de surveillance
de superviser le ministère public de la Confédération.
130
chargée
Maintenir le juge d’instruction ou instituer le ministère public en qualité de directeur
d’enquête est une problématique qui a traversé une bonne partie de l’Europe. Un nombre
conséquent d’États ont opté pour la deuxième option, alors que l’instruction par le juge
tend à n’exister que dans un nombre résiduel d’États. L’indépendance du ministère public a
été une des questions connexes au modèle mis en œuvre, interrogation à laquelle ont été
apportées des réponses diverses en fonction des pays.
Ce débat s’est étendu à la France, au travers du rapport du comité présidé par Philippe
Léger, puis par l’avant-projet de réforme rédigé par la Chancellerie.
Chapitre 2 : Quelles perspectives de réforme pour la
France ?
Comme ces pays européens qui ont entamé des réflexions ou mené des réformes de
la procédure préparatoire du procès pénal, la France est entrée dans le débat sur la
suppression ou non du juge d’instruction au travers des propositions de réforme (Section1),
qui ont suscité un vif débat au sein du monde politique et du monde judiciaire (Section2).
Section 1 : Les propositions actuelles de réforme.
La proposition de réforme lancée en 2009 et 2010 est principalement issue du rapport final
de la commission présidée par Philippe Léger (§1), qui a initié l’avant-projet de réforme de
la procédure pénale rédigé par la Chancellerie (§2).
§1. Le rapport de la commission présidée par Philippe Léger.
En parallèle du vœu affiché par le chef de l’État, la proposition actuelle de réforme de la
procédure pénale s’inscrit dans la continuité de la proposition remise par le comité présidé
er
par Philippe Léger le 1 septembre 2009 au Président de la République et au Premier
ministre.
Encadré VIII : Composition et historique du comité Léger de réflexion sur la
réforme de la justice pénale.
Le comité de réflexion s’est vu confier la mission de « redonner aux codes pénal et
de procédure pénale la cohérence qui leur fait aujourd’hui défaut », en vue notamment de
« préciser le rôle et les prérogatives des différents acteurs de la procédure et d’améliorer les
droits de la défense, les modalités d’enquête, les modalités de réponse pénale, les règles
de la poursuite, de l’instruction, de jugement et d’exécution des peines
129
130
131
131
».
Article 20 de la loi sur l’organisation des autorités pénales du 19 mars 2010.
Article 23 de la loi sur l’organisation des autorités pénales du 19 mars 2010.
Extraits de la lettre de mission envoyée par le président de la République et le Premier ministre.
MANIGLIER Tristan_2010
57
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Le comité a réuni, sous la présidence de Philippe Léger, magistrat et ancien Avocat
général près la Cour de Justice des Communautés européennes, dix-huit membres
représentant des acteurs de la procédure pénale (magistrats instructeurs, magistrats du
siège, du parquet, représentants de la police judiciaire, avocats), des juristes et spécialistes
de l’institution judiciaire.
132
Au cours de son travail, le comité a été marqué par la démission de certains de ses
membres, en réaction à l’annonce par le président de la République de la disparition du juge
d’instruction, alors même que la réflexion du comité n’avait pas encore abouti.
Officiellement installé par la garde des Sceaux, ministre de la Justice le 14 octobre
2008, le comité a remis, après plusieurs mois d’auditions et de réflexion, son rapport définitif
er
le 1 septembre 2009.
Le rapport final de ce comité de réflexion sur la justice pénale prône, pour son volet
relatif à la phase d’instruction, la transformation du juge d’instruction en « juge de l’enquête
et des libertés », en vue de mettre un terme à l’ambiguïté de cette fonction, qui « cumule
les fonctions d’un juge avec celles d’un enquêteur
133
».
Le Procureur de la République, nouveau directeur d’enquête.
Dans le cadre de la suppression du juge d’instruction, la phase préparatoire du procès
pénal, qui est actuellement divisée entre l’enquête supervisée par le ministère public, et
l’instruction à la charge du juge d’instruction, serait unifiée sous la direction du Procureur,
avec l’obligation d’investigations à charge et à décharge, qui incombe à l’heure actuelle au
seul juge d’instruction.
Le comité souhaite ainsi simplifier la procédure, la rendant plus lisible pour le citoyen,
tout en évitant une dualité des directeurs d’enquête et les doubles interlocuteurs pour la
police judiciaire comme actuellement.
Le parquet est également jugé plus apte à mener les investigations en partenariat avec
la police judiciaire, puisqu’il permet le travail en équipe.
Le rapport prône également de faire du Procureur « l’autorité naturelle de poursuite »,
ce qui signifierait de lui confier la clôture de l’affaire, le laissant choisir de classer ou de
poursuivre le dossier.
Pour faire contrepoids au nouveau ministère public, et étant donné que la majorité des
membres se sont prononcés pour le maintien du statut actuel du parquet, la commission
recommande d’accroître les droits de la victime et de la défense.
De nouveaux droits pour les victimes et la défense.
Afin de moderniser la phase préparatoire et de renforcer son caractère contradictoire, de
nouveaux droits sont accordés aux parties, pour éviter que la suppression de l’instruction
entraîne celle des garanties de la victime et du mis en cause.
La personne mise en cause disposera de deux garanties principales, l’information sur
les faits ayant conduit à son audition par les services de police, et des droits renforcés en cas
132
133
58
Composition complète du comité disponible en annexe.
Proposition n°1 du rapport du comité Léger.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.
de mise en garde à vue. Un régime renforcé est ainsi proposé pour accorder de nouveaux
droits. Il serait mis en œuvre à la demande de la personne mise en cause – via sa demande
d’être partie adressée au Procureur – ou sur initiative du ministère public. Ce régime spécial
sera par ailleurs ouvert de droit en cas d’atteinte importante aux droits et libertés du mis en
cause, et lorsqu’il risque une peine importante en matière criminelle.
Il est en outre proposé que les victimes puissent aussi devenir partie dans l’affaire, et
ainsi disposer des droits correspondants. La demande est adressée au parquet, qui a un
mois pour y répondre, au terme duquel le juge peut être saisi, en cas de refus ou de non
réponse.
Une victime souhaitant que des poursuites soient engagées adresse sa dénonciation
au ministère public. Celui-ci dispose d’un délai de trois mois pour donner suite. En cas de
refus de poursuite ou de non-réponse, la victime pourra saisir le juge de l’enquête et des
libertés, qui pourra ordonner au parquet de mener une enquête. Ce dispositif permet de
garantir un moyen pour les victimes de se prémunir contre l’inaction du Procureur.
L’instauration du juge de l’enquête et des libertés.
Face à cet accroissement des pouvoirs du ministère public, et pour assurer le respect des
droits et libertés fondamentales, le comité propose « d’instituer un juge de l’enquête et des
libertés disposant de pouvoirs importants
134
».
Ce magistrat du siège sera chargé de deux missions principales. La première consiste
à autoriser les actes d’enquête jugés les plus intrusifs, tels que des écoutes téléphoniques
ou les perquisitions, et les actes coercitifs, comme la délivrance des mandats d’arrêt ou la
prolongation des gardes à vue. Il réalisera dans ce cadre un contrôle de proportionnalité et
de nécessité des mesures demandées par le procureur.
La seconde sera de statuer sur le refus du parquet de mettre en œuvre des actes
d’enquête qui seraient sollicités par une des parties. Si le juge de l’enquête et des libertés
considère la requête d’une partie légitime, il pourra demander au ministère public de
s’exécuter.
Parallèlement au juge de l’enquête et des libertés, une juridiction d’appel, la chambre
de l’enquête et des libertés, sera chargée d’examiner la contestation de la légalité d’actes
du parquet ou de la police judiciaire. Elle statuera également en cas de contestation des
décisions du juge.
Enfin, le comité propose la suppression du secret de l’instruction, tout en maintenant
le secret professionnel au cours de l’enquête, pour garantir la dignité des personnes et les
conditions nécessaires à la conduite de l’enquête.
Confirmant la volonté présidentielle affichée à l’occasion de la rentrée solennelle de la
Cour de cassation, le rapport Léger prône l’abandon du juge d’instruction au profit d’un juge
de l’instruction, nommé juge de l’enquête et des libertés. Ses compétences sont fortement
limitées, et restreintes au contrôle de l’enquête judiciaire pénale – notamment pour les
mesures attentatoires aux libertés individuelles – qui serait placée sous la direction du
Procureur de la République, associé à la police judiciaire.
Ces principaux éléments sont dans une large mesure repris par l’avant-projet de
réforme de la Chancellerie.
134
Proposition n°3 du rapport Léger.
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59
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
§2. L’avant-projet gouvernemental de réforme de la procédure pénale.
Suite à la remise de ce rapport, la ministre de la Justice a présenté, au conseil des ministres
du 23 février 2010, une communication relative à la réforme de la procédure pénale,
annonçant la présentation d’un avant-projet de réforme.
Largement inspiré du rapport de la commission Léger, et rédigé par un groupe de
travail composé de magistrats, d’universitaires et de parlementaires, cet avant-projet modifie
profondément l’instruction des affaires pénales.
Le premier changement est la disparition même de la notion d’instruction, remplacée
par celle de l’enquête judiciaire pénale. Définie comme « ayant pour objet de rechercher et
de constater les infractions à la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en identifier les
auteurs », cette phase est « conduite par le procureur de la République », et « effectuée
sous le contrôle du juge de l’enquête et des libertés et du tribunal de l’enquête et des libertés
135
».
Comme actuellement, cette phase est initiée par l’action pénale – nouveau nom de
l’action publique – déclenchée par le ministère public, ou par l’action civile – qui requiert la
constitution d’une partie civile. La seule innovation est que l’action civile peut être lancée
par une partie citoyenne, c'est-à-dire un individu ou dans certains cas une association qui
dénonce un délit ou un crime auprès du Procureur. Les seules conditions sont que « la
personne, bien que n’ayant pas directement subi de préjudice personnel lui permettant de
se constituer partie civile, présente un intérêt légitime à agir », et que « l’infraction dénoncée
a causé un préjudice à la société
136
».
L’enquête judiciaire pénale est contradictoire, dès lors que la personne mise en cause
ou la victime dispose du statut de partie au procès. Elle se déroule de manière confidentielle
– dans le respect des dispositions relatives au secret professionnel – à l’exception des
débats devant le juge, le tribunal et la chambre de l’enquête et des libertés, qui eux sont
publics.
La réforme des parties.
La principale partie du procès, le ministère public est réformé. Sa première mission est la
mise en œuvre de la politique d’action publique, définie comme « outre l’exercice de l’action
pénale, la prévention judiciaire de la délinquance, la direction de la police judiciaire et la
prise en compte des intérêts de la société au cours des procédures judiciaires
137
».
Le Procureur est dans le projet toujours compétent pour recevoir les plaintes et
dénonciations, et décider des suites à leur donner, ou pour déclencher l’action pénale
comme actuellement. La principale nouveauté est qu’il lui revient désormais de « procéder
ou faire procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions
à la loi pénale dans le cadre de l’enquête judiciaire pénale
la police judiciaire.
135
136
137
Article 122-47 de l’avant-projet de réforme.
Article 221-1 de l’avant-projet de réforme.
138
60
Article 311-1 de l’avant projet de réforme de la procédure pénale.
Alinéa 2 de l’article 221-16 de l’avant-projet de réforme.
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138
». Dans ce but, il dirige
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.
A l’issue de l’enquête judiciaire pénale, le ministère public décide des suites de
l’affaire, renvoi devant la juridiction de jugement, classement judiciaire – qui remplace
le classement sans suite et l’ordonnance de non-lieu – ou les mesures alternatives au
jugement, notamment injonction thérapeutique ou d’éventuelles transactions.
Si la réforme ne remet pas en cause sa subordination à sa hiérarchie et à la
Chancellerie, dont il doit pleinement mettre en œuvre les directives d’ordre général, elle
introduit une réserve pour les directives individuelles. Le Code de procédure pénale, dans
sa nouvelle rédaction, dispose que les procureurs « ne doivent pas exécuter des instructions
individuelles qui seraient contraires à l’exigence de recherche de la manifestation de la vérité
et de conduite des investigations à charge et à décharge
139
».
En parallèle, le Code de procédure pénale réformé interdit au ministre de la Justice
de transmettre ce type d’instructions, ainsi que des instructions individuelles « tendant au
classement du dossier ». Ces interventions sont donc limitées à la demande d’engagement
des poursuites, et à des « observations écrites portant sur des éléments de fait et de droit
». Ces mêmes dispositions sont applicables au Procureur général près la Cour d’appel
140
141
.
Les autres parties sont également modifiées. Une personne mise en cause dans
l’affaire a accès à deux statuts juridiques, celui de partie pénale et de partie assistée. Le
premier ne peut être attribué que s’il existe des « indices graves ou concordants rendant
142
plausible sa participation comme auteur ou complice à la commission d’une infraction
». Il est attribué par le ministère public, uniquement après avoir au préalable procédé à son
audition. Seule une partie pénale peut être l’objet de mesures de contraintes – mise sous
contrôle judiciaire ou détention provisoire – et peut être renvoyée devant la juridiction de
jugement compétente.
La qualification de partie assistée est attribuée à une personne « lorsqu’il existe un ou
143
plusieurs indices rendant plausible sa participation comme auteur ou complice
». Elle
est attribuée par le Procureur de la République – de sa propre initiative ou à la demande de
l’individu concerné – ou sur décision du juge de l’enquête et des libertés – qui intervient en
cas « de contestation de l’attribution de la qualité de partie pénale ou du refus d’attribution
144
de la qualité de partie assistée
». Une partie assistée ne peut ni faire l’objet d’un renvoi
devant la juridiction de jugement ni de mesures de contrainte qui ne soient applicables aux
témoins.
La création du juge de l’enquête et des libertés.
La principale innovation de l’avant-projet est la création d’un juge de l’instruction, en lieu et
place du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention.
139
140
141
142
143
144
Article 221-3 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
Article 221-7 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
Article 221-10 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
Article 312-4 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
Article 312-16 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
Article 312-18 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Comme son prédécesseur, le juge de l’enquête et des libertés est un magistrat du siège,
ayant rang de Président ou de Vice-président, dont la nomination s’effectue conformément
145
aux règles relatives aux magistrats du siège . Le Président du tribunal de grande instance
désigne le juge chargé de statuer sur une requête, au besoin en établissant un tableau de
roulement. Lorsqu’un magistrat a été désigné pour statuer sur demande d’une partie ou
du ministère public en matière de détention, contrôle judiciaire, il est le seul par la suite à
pouvoir intervenir dans le dossier.
Ce nouveau magistrat a deux fonctions principales : il « garantit le déroulement
contradictoire, équitable et impartial de la procédure et contrôle que les investigations sont
effectivement effectuées à charge et à décharge » et « garantit le respect des libertés
individuelles
146
».
Il statue à l’issue d’un débat contradictoire pour les recours contre l’attribution de la
qualité de partie pénale, celle de renvoi devant une Cour d’assises et le prononcé de
l’irresponsabilité pénale. Dans ce cadre, il procède à l’audition des parties. Ce débat et la
décision du juge ont lieu en audience publique, la publicité étant la règle, qui peut néanmoins
être enfreinte en cas de besoin.
Lorsqu’il statue sur une demande d’actes ou d’expertises d’une partie, le juge de
l’enquête et des libertés peut ordonner au parquet de procéder ou de faire procéder à
celui-ci, dans le délai qu’il lui fixe. S’il l’estime nécessaire, il peut en assurer le contrôle en
demandant une copie des procès-verbaux ou se déplacer sur les lieux de l’exécution.
Au terme de l’enquête judiciaire pénale, il peut être amené à se prononcer sur l’issue
de l’enquête à la demande d’une partie qui contesterait la décision du Procureur de la
République, notamment dans un délai d’un mois si le ministère public n’accède pas à la
demande de clôture de l’enquête d’une des parties
147
.
Outre les compétences du juge d’instruction, le juge de l’enquête et des libertés reprend
également celles du juge de la détention et des libertés. Le projet de réforme prévoit
que le juge de l’enquête, saisi par le parquet, décide du placement ou non en détention
provisoire. Celle-ci ne pourra excéder quatre mois en matière correctionnelle et six mois en
matière criminelle, que si le tribunal de l’enquête et des libertés, saisi par le Procureur de
la République, en décide la prolongation
148
.
Le juge de l’enquête et des libertés statue également dans les trois jours sur une
demande de remise en liberté, transmise avec son avis par le procureur
149
.
Création des tribunaux et chambres de l’enquête et des libertés.
Pour aider le juge de l’enquête et des libertés dans l’exercice de ses missions, l’avant-projet
prévoit d’instituer des tribunaux de l’enquête et des libertés, et des chambres de l’enquête
et des libertés.
145
146
147
148
149
62
Article 211-6 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
Article 211-3 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
Article 211-4 et 313-42 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
Article 433-2 et 433-3 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
Article 433-17 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.
Les premiers, placés auprès de certains tribunaux de grande instance, sont composés
d’un président et de deux assesseurs, dont l’un au moins est juge de l’enquête et des
libertés, désignés par le président du tribunal.
Trois missions lui sont confiées par la proposition de réforme : il statue sur les demandes
de prolongation de détention provisoire, ainsi que sur la demande d’une des parties en cas
de renvoi par le juge de l’enquête et des libertés qui jugerait l’affaire excessivement grave
ou complexe, et il saisit la chambre de l’enquête et des libertés s’il estime qu’un « acte ou
une pièce de la procédure est entachée de nullité
150
».
Composée d’un Président de chambre, nommé par décret après avis du Conseil
supérieur de la magistrature, et de deux conseillers, désignés pour une année judiciaire, par
l’assemblée générale de la cour, une chambre de l’enquête et des libertés est placée auprès
de chaque Cour d’appel. Elle est compétente pour statuer sur les recours en appel contre
151
les ordonnances des juges et des tribunaux de l’enquête et des libertés de son ressort
. Elle examine également les requêtes en nullité des parties ou du juge et du tribunal de
l’enquête et des libertés
152
.
Elle assure en outre le contrôle de la police judiciaire, et est compétente pour les
153
contentieux relatifs aux mandats d’arrêt européens
. Elle peut également être amenée à
se substituer au juge de l’enquête et des libertés pour statuer sur une demande de remise
en liberté, si celui-ci ne se prononce pas dans le délai imparti
154
.
Par ailleurs, son président dispose de pouvoirs propres, puisqu’il peut statuer en
matière de référé-liberté, sur des saisines « manifestement infondées ou irrecevables »
de la chambre qu’il préside, et qu’il contrôle le fonctionnement des cabinets des juges de
l’enquête et des libertés
155
.
Le titre relatif aux mesures d’enquête n’ayant pas été encore présenté par la
Chancellerie, et ne faisant partie que de la deuxième vague de la concertation prévue, il n’est
actuellement pas possible de connaître pleinement et dans le détail le déroulement précis
de l’enquête judiciaire pénale, et les dispositions juridiques applicables à chaque acte.
Si tous les détails de la nouvelle procédure pénale envisagée par la réforme ne sont
pour l’heure pas encore connus, son point central, c'est-à-dire la suppression du juge
d’instruction au profit du ministère public directeur d’enquête suscite déjà une grande
controverse au sein du monde judiciaire et politique.
Section 2 : Un débat important face au projet de réforme.
Dès l’annonce par le chef de l’État du projet de supprimer le juge d’instruction en
janvier 2009, une importante controverse s’est développée sur cette question. Quelques
150
151
152
153
154
155
Article 211-15 de l’avant projet de réforme de la procédure pénale.
Article 211-18 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
Article 211-18 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
Article 211-19 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
Article 433-19 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
Article 211-20 de l’avant-projet de réforme de la procédure pénale.
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63
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
personnalités ont soutenu cette volonté, et de nombreuses voix se sont élevées pour rejeter
formellement cette initiative.
C’est dans ce contexte que l’avant-projet devait permettre « une très large concertation
menée sur cet avant-projet de texte avec l’ensemble des acteurs de la procédure
pénale », devant durée deux mois. Au cours de ce processus, « les syndicats de
magistrats, de fonctionnaires du ministère de la Justice, de policiers, les représentants de
la gendarmerie, des avocats, les associations de victimes, les représentants institutionnels
et les associations professionnelles de la justice, [devaient avoir] l’occasion d’apporter leurs
observations et d’émettre des propositions
156
».
Cette concertation s’est déroulée du 2 mars au 10 mai 2010. A cette occasion ont
été entendus les syndicats et associations de magistrats, des forces de l’ordre et les
représentants des victimes ainsi que divers organismes liés au monde judiciaire
157
.
A l’issue de cette concertation, le Garde des Sceaux, Michèle Alliot-Marie, a annoncé
que l’avant-projet, enrichi des conclusions de ces consultations, serait présenté au
Conseil d’État avant l’été, avant que soient examinées les possibilités d’examen devant le
Parlement. L’examen par le Parlement qui devait initialement débuter dès le début de l’été
semble ainsi d’ores et déjà reporté, au minimum à la reprise de la session parlementaire
à l’automne.
Loin d’être consensuelle, la proposition substituant au juge d’instruction le juge de
l’enquête et des libertés divise toujours les acteurs de la procédure pénale. La période de
concertation, et la décision de certains syndicats de se retirer au cours de cette phase a
renforcé cette vive controverse, notamment sur la suppression du juge d’instruction.
§1. Les soutiens à la réforme.
Au-delà de la Chancellerie et des membres de la majorité présidentielle, à l’initiative du
projet, les principaux soutiens de cette réforme se trouvent parmi les avocats et certains
membres du ministère public.
La plupart des arguments des soutiens à la réforme sont des réponses directes aux
principaux défauts de la fonction de juge d’instruction précédemment évoqués – dualité de
sa fonction, lenteur de l’instruction, solitude du magistrat.
La réforme s’inscrit également dans le processus actuel de renforcement des
prérogatives du Procureur de la République, au détriment ce celles du juge d’instruction.
Cette réforme doit en outre une meilleure lisibilité et compréhension de la part des
citoyens, en ayant, selon la ministre de la Justice, « une procédure qui soit plus claire, plus
simple, plus lisible par l’ensemble de nos concitoyens parce qu’on rend justice au nom du
peuple français et il est normal que le peuple français puisse savoir comment les choses
se déroulent
158
».
Vers une procédure plus rapide et plus efficace.
156
157
Extrait de la communication présentée en conseil des ministres le 23 février 2010.
Calendrier de la concertation et liste des organisations consultées disponible sur le site du ministère de la Justice, <http://
www.textes.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=11470&article=19134>.
158
64
ALLIOT-MARIE Michèle, Le Grand Jury RTL – Le Figaro – LCI, 15 décembre 2009.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.
La multiplication des procédures renforçant les pouvoirs du parquet, comme la comparution
immédiate, a montré la capacité du Procureur à mener la phase préparatoire, et la possibilité
d’écarter l’office du juge, qui apparaît de plus en plus en superflu.
Supprimer le juge d’instruction, et confier au ministère public la phase préparatoire a
pour objectif de simplifier la procédure et de réduire la durée de l’instruction.
L’autre intérêt est de simplifier l’instruction pénale en uniformisant la procédure pénale.
Là où, actuellement, deux techniques distinctes sont applicables, la conduite par le parquet
pour 95 % des affaires – celles jugées les plus simples – et la conduite par le juge pour les
5 % restants – les dossiers les plus graves ou les plus complexes – ne demeurerait qu’une
méthode, l’enquête dirigée par le ministère public, sous le contrôle du juge de l’enquête et
des libertés.
Cette réforme doit permettre de recentrer chaque acteur de la procédure pénale sur
ses fonctions naturelles – l’accusation et l’enquête pour le ministère public, la résolution des
litiges entre les parties pour le juge – et donc d’améliorer leur efficacité.
En supprimant le juge d’instruction, la durée de la phase préparatoire doit être réduite.
Dans la procédure actuelle, les délais sont rallongés par le fait que les décisions du juge – au
nom du principe du contradictoire – sont susceptibles de recours, ce qui peut nécessiter un
temps important. Avec une enquête menée par le parquet, « le recours à l'audience publique
sera plus rapide », puisque le « parquet prendra ses responsabilités pour demander un non159
lieu ou le renvoi devant le tribunal pour qu’on en finisse
», selon l’avocat Daniel Soulez
Larivière, partisan de longue date de la disparition du juge d’instruction.
Cette plus grande efficacité et rapidité que la réforme doit apportée, est censée
permettre une meilleure lutte contre la délinquance et ainsi permettre à la justice de mieux
pouvoir assurer la sécurité des Français.
Vers une procédure pénale plus équitable et impartiale.
L’instauration du juge de l’enquête et des libertés doit permettre de garantir l’équité et
l’impartialité de la procédure. Le magistrat étant recentré sur ses fonctions juridictionnelles
d’arbitrage entre les parties, il ne sera plus perturbé par ses pouvoirs d’investigation, qui
pouvaient l’inciter à chercher la culpabilité du suspect, et réduisait le temps dont il disposait
pour ses pouvoirs juridictionnels.
Une nouvelle garantie est apportée aux cours de la phase préparatoire. Actuellement,
dans le cadre des affaires dirigées par le parquet, c'est-à-dire 95 % des dossiers pénaux, il
n’existe pas de magistrat chargé de contrôler le déroulement de l’enquête, auquel les parties
pourraient faire appel en cas de désaccord avec le Procureur. La réforme, en renforçant
l’intervention du parquet, étend celle du juge à 100 % des affaires, ce qui accroît le contrôle
d’un juge du siège indépendant, qui apporte les mêmes garanties que le juge d’instruction.
En perdant ses pouvoirs d’investigation, le juge perd le caractère schizophrène souvent
dénoncé, cessant d’être « un juge de l'accusation […] qui ne pose pas autre chose que des
160
questions à charge
», selon l’avocat Olivier Metzner. Puisqu’il n’est plus en charge
de l’enquête, la suppression de sa double fonction lui permet d’être plus impartial dans
159
DE SENNEVILLE Valérie, Réforme de l’instruction, le juge face à l’avocat, un débat entre Renaud Van Ruymbeke et Daniel
Soulez Larivière, Les Échos, 28 janvier 2009.
160
DELAHOUSSE Mathieu, Suppression du juge d’instruction, l’avis de six professionnels, Le Figaro, 8 janvier 2009.
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65
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
la mesure où il se limitera à trancher les litiges entre les parties, et user de ses pouvoirs
juridictionnels.
En cas de litige entre les parties et le ministère public, le débat contradictoire sera
renforcé, puisque le juge qui statuera sera extérieur à l’enquête pénale judiciaire, ce qui
garantira une véritable égalité entre les parties devant le juge de l’enquête et des libertés,
dont le jugement ne pourra plus être biaisé par l’aspect enquêteur.
Il est souvent reproché au juge d’instruction une trop grande proximité avec le ministère
public, qui pourrait ainsi l’influencer. En redéfinissant le rôle de chaque acteur, et en le
recentrant sur son cœur de métier, le juge de l’enquête et des libertés sera plus indépendant
vis-à-vis du Procureur pour l’exercice de son contrôle.
Si la réforme supprime le magistrat instructeur, elle ne fait pas pour autant disparaître
le caractère inquisitoire de la procédure pénale. La recherche de la preuve est toujours
à la charge de la justice, au travers du Procureur et des officiers de police judiciaire,
ce qui permet d’éviter l’apparition des inégalités présentes dans certains modèles
étrangers, notamment aux États-Unis, entre un justiciable fortuné, qui pourra financer des
investigations et expertises privées, et quelqu’un qui n’en aura pas les moyens.
La suppression du secret de l’instruction et le maintien du secret professionnel doit
permettre de « rétablir une sorte d'égalité des armes », en permettant que « chacune des
parties [puisse] discuter de tous les éléments de la procédure, ce qui évitera des divulgations
161
partielles
», le secret professionnel garantissant le respect de la dignité humaine et
des besoins de l’enquête.
De nouveaux droits et garanties pour les parties.
Face à l’accroissement du rôle du ministère public, les droits et garanties accordés aux
autres parties, et notamment à la défense seront renforcés. Un meilleur accès au dossier et
une plus grande application du contradictoire sont prévus. L’avocat devrait ainsi être présent
plus précocement, notamment en cours de garde à vue, afin de mieux être en mesure de
défendre les intérêts de son client.
L’uniformisation de la procédure permet en outre d’étendre les droits de la partie civile
ouverts par la présence du juge d’instruction actuellement à toutes les affaires avec le projet
de réforme.
Le juge de l’enquête et des libertés ayant vocation à intervenir dans 100 % des enquêtes
judiciaires pénales, la réforme accroît les droits des parties – contestation de décisions du
ministère public, demande d’actes ou d’expertises – étant donné que ce type de recours
sera possible dans toutes les affaires. La victime pourra ainsi saisir le juge si le parquet
décide de classer le dossier sans suite, ce qui lui permet d’avoir des garanties similaires à
celles ouvertes par le déclenchement de l’action civile par constitution de partie civile auprès
du juge d’instruction dans la procédure actuellement en vigueur.
Pour contrebalancer l’importance du Procureur dans le déclenchement de l’action, les
parties auront la possibilité de recourir au juge de l’enquête et des libertés en cas de refus de
poursuite du parquet. En l’absence de parties, « par exemple pour certaines infractions qui
touchent une collectivité publique dirigée par ceux à qui l’infraction pourrait être reprochée,
161
ère
1
66
Extrait de la réponse de la Garde des Sceaux à la question de la députée Maryse Joissains-Masini, Assemblée Nationale,
séance du 25 novembre 2009.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.
162
tout citoyen pourra contester la décision de classement du procureur
». La création de
cette partie citoyenne doit permettre d’accroître les possibilités d’ouverture d’une enquête,
dans la mesure où elle réduit la nécessité d’avoir un intérêt légitime à agir et le lien de
proximité avec les faits qui était nécessaire.
L’égalité des citoyens est par ailleurs renforcée, notamment entre les victimes et les
parties civiles, puisque les deux auront la possibilité de contester les décisions du parquet
devant le juge, tout comme la possibilité de faire sanctionner une éventuelle inaction de
sa part.
Les avantages de la collégialité – dont le projet de réforme a remis en cause l’application
pour l’instruction – seront conservés par la réforme, puisque le juge de l’enquête et des
libertés pourra statuer en cas de besoin avec l’appui de deux magistrats du siège, dans le
cadre du tribunal de l’enquête et des libertés. L’action du parquet, du fait de son organisation
même, laisse également une place importante à la collégialité, et supprime tout risque de
solitude.
§2. Les oppositions à la réforme.
L’avant-projet de réforme de la procédure pénale, et plus particulièrement son volet relatif
à la suppression du juge d’instruction a suscité une vive opposition. Ainsi, la plupart des
magistrats, instructeurs ou non, s’y sont opposés, comme les syndicats chargés de les
représenter. Les avis des juridictions qui ont été sollicités dans le cadre de la mission de
concertation sur le projet, et notamment celui, emblématique, de la Cour de cassation, ont
souvent été critiques à l’égard du projet.
Au-delà des magistrats, d’autres organisations, telles que la Commission Nationale
consultative des Droits de l’Homme, ou des universitaires et personnes qualifiées ont
également montrées de fortes réticences vis-à-vis de ce projet.
Les premières critiques ont été adressées sur la méthode et le rythme de la réforme :
un comité de réflexion bafoué par l’annonce présidentielle de la suppression du juge
d’instruction avant la remise du rapport – ce qui a entraîné la démission de deux membres
– un délai de deux mois pour réfléchir sur un avant-projet de réforme de plus de 200 pages
qui modifient profondément le Code de procédure pénale – alors que la réforme du Code
pénal a été réalisée sur 10 ans.
Ainsi, au cours de cette phase de discussion, plusieurs organisations, telles que
l’Union syndicale des magistrats – qui a représenté 63 % des voix aux dernières élections
professionnelles des magistrats – se sont retirées de la concertation.
Outre la forme, le fond de la réforme est également attaqué.
Les faibles avancées de la réforme.
Les opposants à la réforme mettent en exergue les faibles avancées de la réforme proposée.
Tout d’abord, si elle vise à supprimer l’ambiguïté et la schizophrénie supposées de
la double fonction d’enquêteur et d’arbitre du juge d’instruction, confier la conduite de la
phase préparatoire au ministère public ne semble en rien résoudre le problème. En effet,
la fonction de Procureur deviendrait tout aussi schizophrène, puisque ce magistrat, chargé
de l’accusation et de la conduite des poursuites devant les juridictions de jugement devrait
désormais mener l’enquête judiciaire pénale à charge et à décharge, c'est-à-dire également
162
Extrait du discours de Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, à la Conférence des Bâtonniers de France, le 22 janvier 2010.
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
en faveur du suspect, contre lequel il devra requérir et dont il cherchera à prouver la
culpabilité.
De même la simplification de la procédure et le gain de temps attendus ne sont pas
parvenus à convaincre ses opposants. L’une des principales explications à l’allongement
des délais de la justice sont, pour les magistrats rencontrés dans le cadre de ce travail,
un manque d’effectifs, pas seulement de juges, mais aussi et surtout de greffiers, chargés
notamment des retranscriptions et authentifications d’actes. Ainsi, la dactylographie d’un
acte – nécessaire à l’instruction, ou même la retranscription d’un jugement – peut nécessiter
un délai de près d’un an, d’où d’importants retards dans les jugements ou l’exécution des
peines. La seconde est le développement de la répression du tout pénal, qui conduit à
confier aux autorités pénales – dont le juge d’instruction – des affaires qui autrefois ne leur
étaient pas confiées, ce qui accroît leur charge de travail et donc les délais.
La Cour d’appel de Paris met en outre l’accent sur le fait que la réforme « transpose sur
la quasi totalité des enquêtes, la procédure jusqu'alors réservée aux seules affaires graves
et complexes », et que cela « paralysera l'institution judiciaire et les services d'enquête
d'autant que la démultiplication des intervenants et, par conséquent, des voies de recours,
entraînera un allongement de la durée des procédures et représentera un risque réel de
perte d'efficacité et de réactivité
163
»
Par ailleurs, le parquet étant considéré comme indivisible, chacun de ses membres
est en mesure d’intervenir dans l’enquête, ce qui peut poser problème pour le suivi et la
direction de l’enquête et du dossier, ce que le juge d’instruction assurait.
De surcroît, s’il remplace le juge d’instruction, le juge de l’enquête et des libertés, est,
dans son statut et sa façon d’exercer sa fonction, plus proche du juge des libertés et de
la détention – auquel il se substitue également. Dès lors, lui sont adressés les mêmes
reproches, c'est-à-dire principalement un manque de suivi et de connaissance du dossier. Il
sera amené à se prononcer sur un dossier parfois complexe, dans un temps très court. En
l’absence de suivi du dossier, et donc de connaissance de l’affaire, mais aussi d’interaction
avec l’avocat notamment, il aura tendance à faire confiance aux magistrats du parquet, et
il existe donc un risque de mauvais examen de l’affaire.
164
Le coût de la réforme est de surcroît mis en avant, notamment par Claude Jorda
–
ancien président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie – car pour assurer
l’égalité des armes dans des milliers d’affaires pénales, il sera probablement nécessaire
d’augmenter fortement l’aide juridictionnelle.
Un danger pour les droits de la défense et des victimes.
La réforme, par les nouveaux pouvoirs confiés à la police et au ministère public, porterait
atteinte, pour ses détracteurs, aux droits de la défense et des victimes.
La Cour de Cassation, dans son avis rendu le 16 avril 2010 sur sollicitation de la
Chancellerie, s’est montrée extrêmement inquiète, considérant que le projet « ne garantit
pas suffisamment les équilibres institutionnels et l'exercice des droits de la défense et de
la victime », dans la mesure où « l'ouverture des droits de la personne mise en cause et
163
Rapport du groupe de travail de la Cour d’appel de Paris sur l’avant-projet de réforme de la procédure pénale, mai 2010,
page 5.
164
Interview de Claude Jorda sur les conclusions du rapport Léger, 25 novembre 2009 [en ligne] <http://www.dailymotion.com/
video/xba4ic_claude-jorda-conclusions-du-rapport_news>.
68
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Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.
de la victime ne doit en aucun cas résulter de l'appréciation en opportunité du Procureur
de la République
165
».
Cet avis est justifié par le fait que la constitution de partie civile auprès du juge
d’instruction, qui permettait de déclencher l’action civile, en cas de refus du ministère public,
est par nature supprimée.
Bien que le juge de l’enquête et des libertés soit instauré pour assurer un contrôle de
l’enquête judiciaire pénale, ses capacités d’action apparaissent bien limitées par rapport aux
pouvoirs du ministère public. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme,
dans son rapport sur l’avant-projet affirme ainsi que « isolé, avec un contentieux hétérogène,
sollicité en urgence et de façon intermittente, il [le juge de l’enquête et des libertés] risque
de n’avoir qu’une vision incomplète, fragmentée et superficielle du dossier, et de n’avoir en
pratique qu’un accès limité au dossier de la procédure
166
».
Pour garantir le caractère démocratique de la procédure, la réforme présuppose que les
parties assureront un contrepoids vis-à-vis d’un ministère public renforcé. Or ce présupposé
est limité, puisque les parties civiles se manifestent généralement peu, et la qualité du
contrepoids de la défense dépendra de celle du défenseur, bien souvent fonction des
moyens financiers de la personne concernée. D’autre part, des enquêtes privées diligentées
par le prévenu pour faire apparaître les éléments en sa faveur, pourront être réalisées par les
prévenus les plus aisés, d’où un risque d’inégalité avec la majorité des prévenus, souvent
issus de milieux plus défavorisés.
De plus, pour pouvoir se constituer, les parties doivent souvent attendre que le parquet
prenne des mesures coercitives, notamment la mise en examen. Si le parquet ne la
prononce qu’à la fin de la procédure, la personne ne disposera des garanties liées à
l’inculpation qu’en toute fin d’enquête.
Le contrôle du juge est perçu également comme aléatoire, car soumis à la saisine
préalable d’une des parties, qui n’ont pas forcément la capacité de se mobiliser. De surcroît,
la procédure ne devient vraiment contradictoire que lorsqu’est accordé à l’un des acteurs
du procès le statut de partie civile ou pénale, ce qui dépend largement de la volonté du
Procureur.
La question de l’indépendance du parquet.
Une des critiques les plus virulentes adressées à la réforme proposée est le maintien
d’un quasi statu quo sur le statut du ministère public. Cet argument est utilisé, tant par
les magistrats que par la doctrine ou par diverses instances et juridictions nationales et
supranationales.
Actuellement, les procureurs sont dépendants du pouvoir exécutif pour leur nomination
et le déroulement de leur carrière. Si le Conseil supérieur de la magistrature – dans sa
formation compétente pour le parquet – est amené à donner un avis obligatoire mais
non conforme, la Chancellerie en tient de moins en moins compte. Ainsi, sur la période
2003-2004, sept avis défavorables sur douze n’ont pas été suivis, contre neuf sur dix en
2006, et neuf sur quatorze en 2007
165
166
167
167
.
Extraits de l’avis de la Cour de Cassation, cités par ROBERT-DIARD Pascale, Le Monde, 16 avril 2010.
Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Avis sur la réforme de la procédure pénale, 10 juin 2010.
Source : Commission nationale consultative des droits de l’Homme, Avis sur la réforme de la procédure pénale, 10 juin 2010.
MANIGLIER Tristan_2010
69
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Parallèlement, afin de permettre la définition d’une politique pénale cohérente à
l’échelle nationale, ils peuvent recevoir des instructions, générales ou même relatives à une
affaire particulière, de la part de leur hiérarchie, ou en provenance du ministère de la Justice.
Dès lors, du fait des nouveaux pouvoirs accordés au ministère public, face à la
suppression du juge d’instruction, qui offrait l’indépendance d’un juge du siège, et un recours
pour déclencher une action en cas de refus du Procureur, les opposants à la réforme
s’inquiètent d’un recul des garanties démocratiques.
Bien que ce risque ne se concrétise probablement pas dans une grande majorité
des affaires, il n’en demeurait pas moins une suspicion d’intervention du pouvoir exécutif
pour chaque acte du Procureur, d’où une dé-crédibilisation de son action. Les garanties
apportées par le projet – c'est-à-dire l’interdiction d’instructions individuelles pour la
Chancellerie, et le devoir de désobéissance pour les procureurs – ne sont pas considérées
comme suffisantes. Si le nombre d’affaires dans lesquelles le pouvoir exécutif aurait un
réel intérêt à agir pour empêcher les poursuites est faible, il s’agit des affaires les plus
sensibles, notamment celles mettant en cause des personnalités politiques ou proches du
pouvoir. Les affaires politico-financières qui ont été lancées par les juges d’instruction dans
les années 1990 notamment seraient – pour de nombreux détracteurs – non initiées si la
réforme était appliquée, puisque du fait de sa dépendance au pouvoir politique, le ministère
public pourrait subir des pressions de sa hiérarchie, et le Procureur en charge du dossier
pourrait ne pas vouloir trop s’impliquer dans une affaire mettant en cause le pouvoir qui
décide de ses affectations et de son avancement.
Au-delà des magistrats du siège, certains parquetiers, notamment Jean-Louis Nadal,
Procureur général près la Cour de cassation – et donc le plus haut magistrat du parquet
en France – s’est associé à cette remarque, affirmant qu’il faut « que soit, tôt ou tard,
reconsidéré le statut du parquet, sous peine de laisser perdurer une contradiction majeure
168
dont la validation constitutionnelle et européenne paraît bien problématique
». Georges
Fenech – auteur d’une proposition de loi visant à supprimer le juge d’instruction – a lui
aussi fait part de son souhait de voir débattue la question du statut du parquet pour moins
de connivence entre parquet et la Chancellerie, tout comme Mireille Delmas-Marty, dont la
commission avait en son temps proposé d’instaurer le juge de l’instruction.
Au minimum, il est demandé que soit appliqué à tous les membres du parquet la
nomination sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, c'est-à-dire suivant
la procédure applicable aux magistrats du siège, permettant de restreindre le contrôle de
l’exécutif, sans porter atteinte à son autorité.
Par ailleurs, pour cette même problématique, le projet de réforme a été critiqué au-delà
des frontières nationales.
Pour cette réforme annoncée, la France a déjà été l’objet d’une mise en garde de
169
l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Dans une résolution
adoptée
le 30 septembre 2009 – c'est-à-dire avant la présentation de l’avant-projet de réforme
de la procédure pénale mais après l’annonce de la suppression du juge d’instruction –
l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe rappelle que « les procureurs doivent
pouvoir exercer leurs fonctions indépendamment de toute ingérence politique. Ils doivent
168
BORDENAVE Yves et SALLES Alain, Le plus haut magistrat du parquet met des réserves sur la réforme de la justice,
Le Monde, 11 mars 2010.
169
Résolution 1685 du 30 septembre 2009, relative aux Allégations d’abus du système de justice pénale, motivé par des
considérations politiques, dans les Etats membres du Conseil de l’Europe.
70
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.
être protégés contre toutes instructions concernant une affaire donnée, tout au moins si de
telles instructions visent à empêcher que l’affaire soit traduite en justice
170
».
Dans la même résolution, elle invite ensuite la France :
« à revoir le projet de suppression de la fonction des juges d’instruction; si celle-ci était
confirmée, et si les compétences en la matière étaient transférées au ministère public, à
renforcer l’indépendance des procureurs et à permettre aux avocats de la défense d’accéder
à l’enquête préliminaire conduite par le parquet, comme c’est actuellement le cas devant
171
les juges d’instruction
», notamment en envisageant de « donner également force
obligatoire à l’avis du Conseil supérieur de la magistrature pour les décisions visant les
procureurs
172
».
Il pourrait en outre être mis en difficulté par la Cour européenne des droits de l’Homme.
Dans ses arrêts relatifs à l’affaire dite Medvedyev et autres contre France, la Cour a ainsi
formulé un avertissement relatif au statut du ministère public, et à sa qualification d’autorité
judiciaire.
Encadré IX : Rappel sur l’affaire Medvedyev et autres contre France
Cas d’espèce :
Oleksandr Medvedyev, et huit autres marins, ressortissants ukrainiens, roumains et
chiliens, étaient membres de l’équipage du Winner, navire cambodgien. Soupçonné de
transporter de la drogue par les autorités françaises, il a été l’objet d’un arraisonnement au
large du Cap Vert par la marine française le 13 juin 2002. Le navire remorqué jusqu’à Brest,
les marins furent mis en examen et placés en détention provisoire les 28 et 29 juin.
Requête devant la Cour :
Une requête a été déposée contre la France le 19 décembre 2002. Étaient alléguées
une violation de l’article 5 paragraphe 1 de la Convention Européenne des droits de
l’Homme, sur le droit à la liberté et à la sûreté
173
174
, et la violation de l’article 5 paragraphe 3,
sur la présentation rapide à un magistrat
. La requête a été examinée par une chambre
de la 5ème section de la Cour, qui a conclu le 10 juillet 2008, à l’unanimité à la violation de
l’article 5§1, et par quatre voix contre trois, à la violation de l’article 5§3, donc condamnant
la France.
Appel devant la Grande chambre et arrêt définitif :
er
La décision de la chambre a été l’objet d’un renvoi devant la Grande Chambre le 1
décembre 2008, à la demande des parties. La Grande chambre, dans son arrêt du 29 mars
2010, reconnaît par 10 voix contre 7 la violation de l’article 5§1, et par 9 voix contre huit
celle du paragraphe 3 du même article.
170
171
172
173
Alinéa 3.2. de la résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Alinéa 5.3.1. de la résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Alinéa 5.3.4 de la résolution de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon
les voies légales ».
174
« Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt
traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires […] ».
MANIGLIER Tristan_2010
71
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Dans son premier arrêt, la Cour, pour étudier l’allégation de violation de l’article 5§1,
s’intéresse au ministère public, et déclare que « le procureur de la République n'est pas
une autorité judiciaire au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion :
comme le soulignent les requérants, il lui manque en particulier l'indépendance à l'égard du
175
pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié
». Dès lors, en l’état actuel, et sans
modification du statut du parquet, la réforme confierait au ministère public, non considéré
par la Cour européenne des droits de l’Homme comme une autorité judiciaire, la plupart des
actes d’enquête et d’instruction, d’où un risque important de condamnation pour violation
de l’article 5 de la Convention.
Si cet arrêt a été écarté par le jugement en appel de la Grande chambre, qui ne
s’intéresse pas à cette question, la Cour n’en rappelle pas moins dans son arrêt définitif que
« le magistrat doit présenter les garanties requises d'indépendance à l'égard de l'exécutif et
des parties, ce qui exclut notamment qu'il puisse agir par la suite contre le requérant dans
la procédure pénale, à l'instar du ministère public
similaires pour la réforme de la procédure pénale.
176
», ce qui est source de difficultés
Cette question de l’indépendance du parquet, dont les pouvoirs sont tant renforcés par
l’avant-projet de réforme de la procédure pénale, qui est apparue primordiale, tant pour les
magistrats que pour la Cour Européenne des droits de l’Homme ou la doctrine, n’a pas été
prise en compte par la concertation. Elle a été, au même titre que la suppression du juge
d’instruction, écartée d’office du processus de discussion par la Chancellerie.
Le Président de la République et le ministère de la Justice ont en effet exprimé leur
attachement au lien entre la Chancellerie et le ministre, au motif que « les orientations
politiques doivent être déterminées démocratiquement par le gouvernement afin d’éviter
177
que chaque procureur ne fasse sa politique au niveau local
», c'est-à-dire pour définir
une politique pénale à l’échelle nationale, pour le porte-parole du ministère de la Justice.
En tant que représentants des intérêts de la société, les procureurs devraient ainsi mettre
en œuvre la politique décidée par le pouvoir exécutif. Par ailleurs, faire d’un préalable à la
réforme de la procédure pénale, le changement du statut du ministère public est jugé par le
ministère irréalisable, dans la mesure où il s’agit d’une question complexe, qui nécessiterait
une longue période de réflexion et de concertation, et ne pourrait être réalisé qu’au moyen
d’une révision constitutionnelle, ce qui ne peut être fait dans un délai aussi court.
Par ailleurs, un grief particulier a été évoqué face à cette réforme. Outre le rythme de la
réforme, qui n’accorde que deux mois pour s’intéresser à un projet de plus de 250 pages et
400 articles, et une concertation tronquée – puisque la suppression du juge d’instruction et
le statut du parquet en sont écartés d’office – il est reproché à ce projet de ne pas laisser le
temps aux réformes issues d’Outreau d’être pleinement appliquées. Bien qu’unanimement
approuvé, le développement de la collégialité de l’instruction ne devait entrer en application
er
qu’à partir du 1 janvier 2010. Mais, du fait de l’annonce de la suppression du magistrat
instructeur, ce processus a été stoppé avant sa pleine mise en œuvre.
Certains magistrats – juges d’instruction inclus – reconnaissent les limites de la fonction
de juge d’instruction, et sont favorables à la réforme de ce magistrat. Il ne s’agit pas d’un
175
176
177
72
Alinéa 61 de l’arrêt de la 5è section de la Cour, daté du 10 juillet 2008.
Alinéa 124 de l’arrêt de la Grande chambre, rendu en date du 29 mars 2010.
in DIDIER Guillaume, LÉVY Thierry, Faut-il des juges du parquet indépendant s ?, acteurspublics.com, 23 novembre 2009.
MANIGLIER Tristan_2010
Titre 2 : Redéfinir le rôle du magistrat instructeur : un débat à l’échelle européenne.
attachement au maintien du statu quo, mais à la défense des avantages que représente le
juge en matière d’indépendance notamment.
D’autres vont plus loin, et acceptent l’idée de la suppression du juge, mais dans des
conditions différentes de la réforme actuelle. Ainsi Renaud Van Ruymbeke s’est déclaré
favorable à sa suppression, annonçant que « si on veut améliorer le système, on le [le juge
d’instruction] transforme en arbitre en donnant le rôle de l'enquêteur au parquet », mais en
précisant que « cela à une condition, qui doit être un préalable à la suppression du juge
d'instruction : ceux qui seront chargés de l'enquête doivent être indépendants
en affirmant que la proposition actuelle était inacceptable.
178
», tout
La nouvelle rédaction de l’avant-projet issue de la concertation n’ayant pas encore été
présentée, il n’est pas possible de déterminer si cette consultation des professionnels est
parvenue à désamorcer la fronde contre cette réforme.
Toutefois, dans la mesure où le statut du parquet et la suppression du juge d’instruction
ne constituaient pas des points véritablement discutables, il paraît peu probable que la
Chancellerie ait pu aboutir à un projet véritablement consensuel.
178
in SERVENAY David, Supprimer le juge d’instruction, pourquoi pas ?, rue89.com, 8 mars 2010.
MANIGLIER Tristan_2010
73
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Conclusion
Réformer le juge d’instruction a toujours été un processus récurrent dans l’histoire judiciaire.
Une histoire troublée.
Dès l’apparition du magistrat instructeur dans le paysage judiciaire au XVIe siècle, il a
été l’objet de visées réformatrices.
Déjà entre 1670 et l’adoption du nouveau Code de procédure pénale, le juge
d’instruction a été l’objet de diverses réformes modifiant ses prérogatives ou son statut.
Après 1958, le rythme – qui était limité à quelques réformes – s’est en outre accéléré,
atteignant plus de sept réformes et propositions de réforme entre 1985 et 2007.
L’importance des pouvoirs qui lui sont dévolus actuellement, tant d’investigation que
juridictionnels et l’indépendance et la liberté d’action qu’il a acquis via l’adoption du nouveau
Code de procédure pénale en 1958, ont renforcé ce phénomène réformateur. Le juge
d’instruction apparaît bien souvent comme un acteur dérangeant, bien que son intervention
soit fréquemment demandée, dans la mesure où elle apparaît aux yeux du grand public
comme une garantie de l’indépendance et de l’impartialité de l’enquête.
Des critiques et tentatives de réforme qui se sont multiplié.
Depuis une trentaine d’années, le juge est pourtant de plus en plus fréquemment l’objet
de critiques, tant sur son action que sur le magistrat lui-même.
Sa mise en cause dans des échecs judiciaires et les multiples tentatives de réforme,
visant à réduire ses prérogatives au profit des autres acteurs de la procédure pénale
l’illustrent parfaitement. L’échec dans l’affaire d’Outreau en constitue certainement la
meilleure illustration.
Une dernière tentative plus radicale.
La dernière réforme en date, celle issue du rapport du comité Léger et de l’avant-projet
de réforme va encore plus loin que nombre des tentatives précédentes, dans la mesure où
elle vise la disparition pure et simple du juge d’instruction au profit du juge de l’instruction,
et d’un ministère public directeur d’enquête. La suppression de ce magistrat a souvent été
évoquée dans le cadre de réflexions sur la justice – du rapport Donnedieu de Vabres à celui
de la commission Delmas-Marty – ou de proposition de loi, telle celle de 2005, sans aboutir
à un réel examen devant le Parlement, contrairement à l’objectif affiché par la Chancellerie
et l’Élysée dans le cadre de ce projet.
Un avenir très incertain pour la réforme.
Néanmoins, en dépit de l’engagement du chef de l’État et du ministère de la Justice,
l’avenir de la réforme de la procédure pénale semble fort compromis.
Face à l’importante opposition qu’elle a suscitée, tant dans le monde politique que
judiciaire, et du fait du caractère surchargé de l’agenda parlementaire, à l’approche de la fin
de cette législature et du mandat présidentiel, le projet semble être oublié.
S’il devait être voté, les résultats des élections de 2012 risquent d’entraîner l’abandon
pur et simple de la réforme. Une fois de plus, le juge d’instruction est probablement à
74
MANIGLIER Tristan_2010
Conclusion
nouveau confronté à une réforme avortée de sa fonction. Cette réforme, en modifiant en
profondeur la procédure et le rôle de chacun des acteurs, nécessitera en plus un délai
conséquent pour entrer pleinement en application, puisque les différents magistrats auront
besoin de temps pour s’adapter au nouveau rôle qui leur est dévolu.
Le volet relatif au juge d’instruction pourrait ainsi avoir raison d’un avant-projet de
réforme qui pourtant propose des modifications dans des parties de la procédure pénale qui
en ont grand besoin, notamment en terme de garde à vue et de détention provisoire, pour
lesquelles la France est fréquemment critiquée et sanctionnée au niveau européen.
Quel avenir pour la justice en France ?
La réflexion sur la disparition programmée du juge d’instruction va bien au-delà de
la seule organisation de la justice pénale en France. Il s’agit de s’interroger, comme l’ont
fait certains professionnels sur la notion même de l’État de droit en France. Théorisé à
l’origine par le juriste autrichien Hans Kelsen, l’État de droit, repose en effet sur trois piliers
– la hiérarchie des normes, l’égalité des sujets de droit et l’indépendance de la justice – et
s’est imposé comme une valeur fondamentale constituant un régime démocratique au sens
donné à cette notion par la Convention européenne des droits de l’Homme.
En France, ce principe est d’ores et déjà malmené, dans la mesure où l’égalité des
sujets de droit est remis en cause par le privilège de juridiction accordé à l’État – via
l’instauration des juridictions de l’ordre administratif – et d’un droit propre aux personnes
publiques – le droit public et le droit administratif. De nouvelles procédures, inscrites plus ou
moins récemment dans le droit français, peuvent également apparaître comme en décalage
par rapport au principe de l’État de droit. La comparution immédiate – qui a succédé à
l’enquête de flagrance – réduit ainsi le droit de l’accusé à un délai raisonnable pour préparer
sa défense.
En l’état actuel, la réforme de la procédure pénale a une réelle influence sur l’État de
droit en France.
Elle doit renforcer le caractère démocratique en assurant le caractère pleinement
contradictoire de l’enquête judiciaire pénale, via la nouvelle place accordée aux parties et la
plus grande égalité des armes entre le ministère public et les parties privées – au moins face
au juge – et garantissant une plus grande indépendance de l’autorité judiciaire – représentée
par le juge de l’enquête et des libertés – vis-à-vis tant du Procureur de la République que
des parties, en supprimant ses fonctions d’enquêteur.
Néanmoins, la réforme, telle qu’actuellement proposée par la Chancellerie, peut en
effet porter une atteinte certaine au principe de l’indépendance de la justice, en renforçant le
rôle du ministère public – sous contrôle direct de la Chancellerie et donc du pouvoir exécutif
– au cours de la phase préalable au procès pénal, au détriment des magistrats du siège,
qui représente l’indépendance de la justice. La possible inégalité entre les citoyens qu’elle
pourrait engendrer peut constituer une autre entorse au principe de l’État de droit.
Ainsi, si le texte est adopté en l’état par le Parlement, les décisions tant du Conseil
constitutionnel que de la Cour européenne des droits de l’Homme – si ces deux juridictions
étaient amenées à se prononcer – permettront d’apprécier leur interprétation de cette
réforme au regard du principe de l’État de droit garantit par le droit français et les conventions
internationales et européennes.
MANIGLIER Tristan_2010
75
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Annexes.
Annexe n°1 : Glossaire.
Les définitions dans le cadre de la procédure pénale sont principalement extraites du
glossaire du ministère de la Justice et du cabinet d’avocats BBP Avocats<http://www.bbpavocats.com/glossaire-juridique.asp>. Pour la procédure telle que modifiée par l’avantprojet, les définitions sont extraites des précisions terminologiques annexées au document
transmis par la Chancellerie.
Dans la procédure pénale préalable au nouveau Code de procédure pénale :
Décret d’ajournement personnel : mandat du magistrat instructeur ordonnant la
comparution de la personne concernée pour témoigner, et lui interdisant l’exercice de
certaines fonctions publiques.
Décret d’assignation à être ouï : mandat du magistrat instructeur ordonnant la
comparution devant lui de la personne concernée,4
en vue de témoigner.
Décret de prise de corps : mandat du magistrat instructeur ordonnant l’arrestation et
le placement en détention de la personne concernée.
Procédure criminelle : ancienne dénomination de la procédure pénale.
Dans la procédure pénale actuelle :
Action civile : action en justice déclenchée par la victime d’une infraction, par
constitution de partie civile auprès du juge d’instruction.
Action publique : action en justice visant à traduire devant une juridiction de jugement
l’auteur d’une infraction. Elle est déclenchée par le ministère public, avec ou non intervention
de la partie civile.
Chambre de l’instruction : formation de la Cour d’appel, ayant pris la succession de
la chambre de l’accusation, qui a la charge d’examiner les recours contre les ordonnances
du juge d’instruction.
Commission rogatoire : délégation par laquelle le juge d’instruction prescrit à un autre
magistrat du siège ou à un officier de police judiciaire l’accomplissement de tous actes
d’information nécessaires.
Information judiciaire ou instruction : phase préparatoire de la procédure pénale,
préalable au procès, au cours de laquelle le juge d’instruction cherche la manifestation de
la vérité, au moyen d’actes d’instruction.
Légalité des poursuites : principe selon lequel l’accusateur public est tenu de
poursuivre toute infraction porté à sa connaissance, quelles que soient sa gravité et les
76
MANIGLIER Tristan_2010
Annexes.
circonstances. Par extension, il ne peut abandonner l’accusation après lancement de l’action
publique.
Mandat d’amener : ordre donné par le juge d’instruction aux officiers de police judiciaire
visant la conduite, au besoin par la force, de la personne concernée devant lui.
Mandat d’arrêt : ordre donné par le juge d’instruction aux officiers de police judiciaire
visant la recherche, l’arrestation et le placement en maison d’arrêt de la personne
concernée.
Mandat de comparution : décision du juge d’instruction mettant en demeure la
personne concernée de se présenter devant lui.
Mandat de dépôt : ordre donné au chef d’un établissement pénitencier de recevoir et
maintenir en détention la personne concernée.
Mise en examen : décision du juge d’instruction de faire porter ses investigations
sur une personne contre laquelle il existe des indices graves ou concordants qui rendent
vraisemblable qu'elle ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la réalisation
d'un crime ou d'un délit.
Opportunité des poursuites : principe selon lequel l’accusateur public est libre de
poursuivre ou non une infraction portée à sa connaissance, selon son appréciation de la
gravité et des circonstances. Il demeure libre, après déclenchement de l’action publique de
maintenir ou abandonner l’accusation.
Prévenu : individu poursuivi pour une infraction ou un délit, mais n’ayant pas encore
fait l’objet d’un jugement ou d’une condamnation définitive.
Témoin assisté : personne visée par une plainte, mise en cause ou poursuivie par le
parquet sur réquisitoire, convoquée et entendue par le juge d'instruction contre laquelle il
existe de simples indices qui rendent vraisemblables qu'elle a commis un crime ou un délit,
sans qu'elle soit mise en examen.
Dans la procédure pénale telle que modifiée par l’avant-projet de réforme :
Action pénale : nouvelle dénomination de l’action publique.
Chambre de l’enquête et des libertés : nouvelle dénomination de la chambre
d’instruction.
Classement judiciaire : décision d’abandon des poursuites et de clôture du dossier,
qui se substitue au classement sans suite et à l’ordonnance de non-lieu.
Enquête judiciaire pénale : cadre désormais unique des investigations, se substitue
à la fois à l’enquête de flagrance, l’enquête préliminaire et l’instruction.
Juge de l’enquête et des libertés : nouveau juge de l’instruction, il remplace le juge
d’instruction et le juge des libertés et de la détention.
Partie assistée : nouvelle dénomination du témoin assisté.
Partie citoyenne : le statut de partie citoyenne est accordé à un individu ayant dénoncé
une infraction au ministère public, mais qui n’a pas un intérêt suffisant pour agir pour accéder
au statut de partie civile.
Partie pénale : personne contre laquelle est exercée l’action pénale, se substitue à la
dénomination mis en examen.
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77
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Annexe n°2 : Extraits des législations anciennes
relatives à l’instruction.
Ordonnance criminelle de 1670
Article 3, Titre X
L'assignation pour être ouï sera convertie en décret d'ajournement personnel, si la
partie ne compare.
Article 2, Titre XIV
Le juge sera tenu vaquer en personne à l'interrogatoire, qui ne pourra en aucun cas
être fait par le greffier, à peine de nullité et d'interdiction contre le juge et le greffier, et de
500 livres d'amende envers nous contre chacun d'eux, dont ils ne pourront être déchargés.
Article 1, Titre XV
Si l'accusation mérite d'être instruite, le juge ordonnera que les témoins ouïs ès
informations, et autres qui pourront être ouïs de nouveau, seront récolés eu leurs
dépositions, et si besoin est, confrontés à l'accusé, et pour cet effet, assignés dans un délai
compétent, suivant la distance des lieux, la qualité des personnes et de la matière.
Article 1, Titre XIX
S'il y a preuve considérable contre l'accusé d'un crime qui mérite peine de mort, et qui
soit constant, tous juges pourront ordonner qu'il sera appliqué à la question, au cas que la
preuve ne suit pas suffisante.
Article 2, Titre XX
En instruisant les procès ordinaires, ils pourront s'il y échoit décerner décret de prise de
corps ou d'ajournement personnel, suivant la qualité de la preuve, et ordonner l'instruction
à l'extraordinaire.
Code des délits et des peines
Article 48
Les juges de paix, considérés comme officiers de police judiciaire, sont chargés, 1°.
De recevoir les dénonciations et plaintes relatives à tous les délits qui sont de nature à
être punis, soit d'une amende au dessus de la valeur de trois journées de travail, soit d'un
emprisonnement de plus de trois jours, soit d'une peine infamante ou afflictive ;. 2°. De
constater par des procès-verbaux les traces des délits qui en laissent quelques-unes après
eux ; 3°. De distinguer les hommes justement prévenus, de ceux qui sont faussement
inculpés ; 4°. De recueillir les indices et les preuves qui existent sur les prévenus ; 5°. De
les faire traduire devant le directeur du jury.
Article 83
Toute autorité constituée, tout fonctionnaire ou officier public, qui, dans l'exercice de
ses fonctions, acquiert la connaissance ou reçoit la dénonciation d'un délit de nature à
être puni, soit d'une amende au-dessus de la valeur de trois journées de travail, soit d'un
emprisonnement de plus de trois jours, soit d'une peine afflictive ou infamante, est tenu d'en
donner avis sur-le-champ au juge de paix de l'arrondissement dans lequel il a été commis,
ou dans lequel réside le prévenu, et de lui transmettre tous les renseignements, procèsverbaux et actes qui y sont relatifs.
78
MANIGLIER Tristan_2010
Annexes.
Article 87
Tout citoyen qui a été témoin d'un attentat, soit contre la liberté, la vie ou la propriété
d'un autre, soit contre la sûreté publique ou individuelle, est tenu d'en donner aussitôt avis
au juge de paix du lieu du délit, ou à celui de la résidence du prévenu.
Article 100 Toutes les fois qu'un juge de paix apprend, soit par une dénonciation ou
plainte, même non-signée, ou abandonnée, soit autrement, qu'il a été commis dans son
arrondissement un délit de nature à être puni, soit d'une amende au-dessus de la valeur de
trois journées de travail, soit d'un emprisonnement de plus de trois jours, soit d'une peine
infamante ou afflictive, ou qu'il réside dans ce même arrondissement un prévenu de tel délit,
il est tenu, sans attendre aucune réquisition, de faire ses diligences pour s'assurer du fait,
découvrir le coupable et le faire comparaître devant lui.
Article 184
L'instruction se fait à l'audience ; le prévenu y est interrogé ; les témoins pour et contre
entendus en sa présence ; les reproches et les défenses proposées ; les pièces lues, s'il y
en a, et le jugement prononcé de suite, ou, au plus tard, à l'audience suivante.
Code d’instruction criminelle de 1808
Article 22
Les procureurs impériaux sont chargés de la recherche et de la poursuite de tous les
délits dont la connaissance appartient aux tribunaux de police correctionnelle, ou aux cours
spéciales, ou aux cours d'assises.
Article 28
Ils [les procureurs] pourvoiront à l'envoi, à la notification et à l’exécution des
ordonnances qui seront rendues par le juge d'instruction, d'après les règles qui seront ciaprès établies au chapitre des juges d'instruction.
Article 55
Il y aura dans chaque arrondissement communal un juge d'instruction. Il sera choisi
par Sa Majesté parmi les juges du tribunal civil, pour trois ans ; il pourra être continué plus
longtemps, et il conservera séance au jugement des affaires civiles, suivant le rang de sa
réception.
Article 59
Le juge d'instruction, dans tous les cas réputés flagrant délit, peut faire directement
et par lui-même, tous les actes attribués au procureur impérial, en se conformant aux
règles établies au chapitre des Procureurs impériaux et de leurs substituts. Le juge
d'instruction peut requérir la présence du procureur impérial, sans aucun retard néanmoins
des opérations prescrites dans ledit chapitre.
Article 61
Hors les cas de flagrant délit, le juge d'instruction ne fera aucun acte d’instruction et
de poursuite qu'il n'ait donné communication de la procédure au procureur impérial. Il la
lui communiquera pareillement lorsqu'elle sera terminée ; et le procureur impérial fera les
réquisitions qu'il jugera convenables, sans pouvoir retenir la procédure plus de trois jours.
Néanmoins le juge d'instruction délivrera, s’il y a lieu, le mandat d'amener, et même
le mandat de dépôt, sans que ces mandats doivent être précédés des conclusions du
procureur impérial.
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Article 63
Toute personne qui se prétendra lésée par un crime ou délit, pourra en rendre plainte
et se constituer partie civile devant le juge d'instruction, soit du lieu du crime ou délit, soit
du lieu de la résidence du prévenu, soit du lieu où il pourra être trouvé.
Article 64
Les plaintes qui auraient été adressées au procureur impérial, seront par lui transmises
au juge d'instruction avec son réquisitoire ; celles qui auraient été présentées aux officiers
auxiliaires de police, seront par eux envoyées au procureur impérial, et transmises par lui
au juge d’instruction, aussi avec son réquisitoire.
Dans les matières du ressort de la police correctionnelle, la partie lésée pourra
s'adresser directement au tribunal correctionnel, dans la forme qui sera ci-après réglée.
Article 128
Si les juges sont d’avis que le fait ne présente ni crime, ni délit, ni contravention, ou
qu’il n’existe aucune charge contre l’inculpé, il sera déclaré qu’il n’y a pas lieu à poursuivre,
et si l’inculpé avait été arrêté, il sera mis en liberté.
Article 129
S’ils sont d’avis que le fait n’est qu’une simple contravention de police, l’inculpé sera
renvoyé au tribunal de police, et il sera remis en liberté s’il est arrêté.
Les dispositions du présent article et de l’article précédent ne pourront préjudicier aux
droits de la partie civile ou de la partie publique, ainsi qu’il sera expliqué ci-après.
Article 130
Si le délit est reconnu de nature à être puni par des peines correctionnelles, le prévenu
sera renvoyé au tribunal de police correctionnelle.
Si dans ce cas, le délit peut entraîner la peine d’emprisonnement, le prévenu, s’il est
en arrestation, y demeurera provisoirement.
Annexe n° 3 : Extraits du Code de procédure pénale.
Article 11
Sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la
défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète.
Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans
les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
Toutefois, afin d'éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou pour
mettre fin à un trouble à l'ordre public, le procureur de la République peut, d'office et à la
demande de la juridiction d'instruction ou des parties, rendre publics des éléments objectifs
tirés de la procédure ne comportant aucune appréciation sur le bien-fondé des charges
retenues contre les personnes mises en cause.
Article 50
80
MANIGLIER Tristan_2010
Annexes.
Le juge d'instruction, choisi parmi les juges du tribunal, est nommé dans les formes
prévues pour la nomination des magistrats du siège. En cas de nécessité, un autre juge peut
être temporairement chargé, dans les mêmes formes, des fonctions de juge d'instruction
concurremment avec le magistrat désigné ainsi qu'il est dit au premier alinéa. Si le premier
président délègue un juge au tribunal, il peut aussi, dans les mêmes conditions, charger
temporairement celui-ci de l'instruction par voie d'ordonnance. Si le juge d'instruction est
absent, malade ou autrement empêché, le tribunal de grande instance désigne l'un des
juges de ce tribunal pour le remplacer.
Article 80-1
A peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes
à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable
qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des
infractions dont il est saisi. Il ne peut procéder à cette mise en examen qu'après avoir
préalablement entendu les observations de la personne ou l'avoir mise en mesure de les
faire, en étant assistée par son avocat, soit dans les conditions prévues par l'article 116 relatif
à l'interrogatoire de première comparution, soit en tant que témoin assisté conformément
aux dispositions des articles 113-1 à 113-8. Le juge d'instruction ne peut procéder à la mise
en examen de la personne que s'il estime ne pas pouvoir recourir à la procédure de témoin
assisté.
Article 81
Le juge d'instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d'information qu'il
juge utiles à la manifestation de la vérité. Il instruit à charge et à décharge. […] Si le juge
d'instruction est dans l'impossibilité de procéder lui-même à tous les actes d'instruction, il
peut donner commission rogatoire aux officiers de police judiciaire afin de leur faire exécuter
tous les actes d'information nécessaires dans les conditions et sous les réserves prévues
aux articles 151 et 152. Le juge d'instruction doit vérifier les éléments d'information ainsi
recueillis. Le juge d'instruction procède ou fait procéder, soit par des officiers de police
judiciaire, conformément à l'alinéa 4, soit par toute personne habilitée dans des conditions
déterminées par décret en Conseil d'Etat, à une enquête sur la personnalité des personnes
mises en examen, ainsi que sur leur situation matérielle, familiale ou sociale. Toutefois, en
matière de délit, cette enquête est facultative. […] Le juge d'instruction peut prescrire un
examen médical, un examen psychologique ou ordonner toutes mesures utiles. S'il est
saisi par une partie d'une demande écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à l'un
des examens ou à toutes autres mesures utiles prévus par l'alinéa qui précède, le juge
d'instruction doit, s'il n'entend pas y faire droit, rendre une ordonnance motivée au plus
tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande. […] Faute par le
juge d'instruction d'avoir statué dans le délai d'un mois, la partie peut saisir directement le
président de la chambre de l'instruction, qui statue et procède conformément aux troisième,
quatrième et cinquième alinéas de l'article 186-1.
Article 82-1
Les parties peuvent, au cours de l'information, saisir le juge d'instruction d'une demande
écrite et motivée tendant à ce qu'il soit procédé à leur audition ou à leur interrogatoire, à
l'audition d'un témoin, à une confrontation ou à un transport sur les lieux, à ce qu'il soit
ordonné la production par l'une d'entre elles d'une pièce utile à l'information, ou à ce qu'il
soit procédé à tous autres actes qui leur paraissent nécessaires à la manifestation de la
vérité. A peine de nullité, cette demande doit être formée conformément aux dispositions
du dixième alinéa de l'article 81 ; elle doit porter sur des actes déterminés et, lorsqu'elle
MANIGLIER Tristan_2010
81
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
concerne une audition, préciser l'identité de la personne dont l'audition est souhaitée. Le
juge d'instruction doit, s'il n'entend pas y faire droit, rendre une ordonnance motivée au plus
tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande. Les dispositions du
dernier alinéa de l'article 81 sont applicables. A l'expiration d'un délai de quatre mois depuis
sa dernière comparution, la personne mise en examen qui en fait la demande écrite doit
être entendue par le juge d'instruction. Le juge
d'instruction procède à son interrogatoire dans les trente jours de la réception de la
demande, qui doit être formée conformément aux dispositions du dixième alinéa de l'article
81.
Article 86
Le juge d'instruction ordonne communication de la plainte au procureur de la
République pour que ce magistrat prenne ses réquisitions. Le réquisitoire peut être pris
contre personne dénommée ou non dénommée. Lorsque la plainte n'est pas suffisamment
motivée ou justifiée, le procureur de la République peut, avant de prendre ses réquisitions
et s'il n'y a pas été procédé d'office par le juge d'instruction, demander à ce magistrat
d'entendre la partie civile et, le cas échéant, d'inviter cette dernière à produire toute pièce
utile à l'appui de sa plainte. Le procureur de la République ne peut saisir le juge d'instruction
de réquisitions de non informer que si, pour des causes affectant l'action publique ellemême, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à supposer ces
faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale. Le procureur de la
République peut également prendre des réquisitions de non-lieu dans le cas où il est établi
de façon manifeste, le cas échéant au vu des investigations qui ont pu être réalisées à la
suite du dépôt de la plainte ou en application du troisième alinéa, que les faits dénoncés par
la partie civile n'ont pas été commis. Dans le cas où le juge d'instruction passe outre, il doit
statuer par une ordonnance motivée. Lorsque le juge d'instruction rend une ordonnance de
refus d'informer, il peut faire application des dispositions des articles 177-2 et 177-3.
Article 92
Le juge d'instruction peut se transporter sur les lieux pour y effectuer toutes
constatations utiles ou procéder à des perquisitions. Il en donne avis au procureur de la
République, qui a la faculté de l'accompagner. Le juge d'instruction est toujours assisté d'un
greffier. Il dresse un procès-verbal de ses opérations.
Article 94
Les perquisitions sont effectuées dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets
ou des données informatiques dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité.
Article 99
Au cours de l'information, le juge d'instruction est compétent pour décider de la
restitution des objets placés sous main de justice.
Il statue, par ordonnance motivée, soit sur réquisitions du procureur de la République,
soit, après avis de ce dernier, d'office ou sur requête de la personne mise en examen, de la
partie civile ou de toute autre personne qui prétend avoir droit sur l'objet. Il peut également,
avec l'accord du procureur de la République, décider d'office de restituer ou de faire restituer
à la victime de l'infraction les objets placés sous main de justice dont la propriété n'est pas
contestée. Il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à faire obstacle à la
manifestation de la vérité ou à la sauvegarde des droits des parties ou lorsqu'elle présente
un danger pour les personnes ou les biens. Elle peut être refusée lorsque la confiscation
de l'objet est prévue par la loi. L'ordonnance du juge d'instruction mentionnée au deuxième
82
MANIGLIER Tristan_2010
Annexes.
alinéa du présent article est notifiée soit au requérant en cas de rejet de la demande, soit au
ministère public et à toute autre partie intéressée en cas de décision de restitution. Elle peut
être déférée à la chambre de l'instruction, sur simple requête déposée au greffe du tribunal,
dans le délai et selon les modalités prévus par le quatrième alinéa de l'article 186. Ce délai
est suspensif. Le tiers peut, au même titre que les parties, être entendu par la chambre
de l'instruction en ses observations, mais il ne peut prétendre à la mise à sa disposition de
la procédure.
Article 100
En matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou
supérieure à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les nécessités
de l'information l'exigent, prescrire l'interception, l'enregistrement et la transcription de
correspondances émises par la voie des télécommunications. Ces opérations sont
effectuées sous son autorité et son contrôle. La décision d'interception est écrite. Elle n'a
pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours.
Article 101
Le juge d'instruction fait citer devant lui, par un huissier ou par un agent de la force
publique, toutes les personnes dont la déposition lui paraît utile. Une copie de cette
citation leur est délivrée. Les témoins peuvent aussi être convoqués par lettre simple,
par lettre recommandée ou par la voie administrative ; ils peuvent en outre comparaître
volontairement.
Lorsqu'il est cité ou convoqué, le témoin est avisé que, s'il ne comparaît pas ou s'il
refuse de comparaître, il pourra y être contraint par la force publique en application des
dispositions de l'article 109.
Article 120
Le juge d'instruction dirige les interrogatoires, confrontations et auditions. Le procureur
de la République et les avocats des parties et du témoin assisté peuvent poser des questions
ou présenter de brèves observations. Le juge d'instruction détermine, s'il y a lieu, l'ordre
des interventions et peut y mettre un terme lorsqu'il s'estime suffisamment informé. Il peut
s'opposer aux questions de nature à nuire au bon déroulement de l'information ou à la
dignité de la personne. Mention de ce refus est portée au procès-verbal. Les conclusions
déposées par le procureur de la République ou les avocats des parties et du témoin assisté
afin de demander acte d'un désaccord avec le juge d'instruction sur le contenu du procèsverbal sont, par le juge d'instruction, versées au dossier.
Article 122
Le juge d'instruction peut, selon les cas, décerner mandat de recherche, de
comparution, d'amener ou d'arrêt. Le juge des libertés et de la détention peut décerner
mandat de dépôt. Le mandat de recherche peut être décerné à l'égard d'une personne à
l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle
a commis ou tenté de commettre une infraction. Il ne peut être décerné à l'égard d'une
personne ayant fait l'objet d'un réquisitoire nominatif, d'un témoin assisté ou d'une personne
mise en examen. Il est l'ordre donné à la force publique de rechercher la personne à
l'encontre de laquelle il est décerné et de la placer en garde à vue. Le mandat de
comparution, d'amener ou d'arrêt peut être décerné à l'égard d'une personne à l'égard de
laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait pu
participer, comme auteur ou complice, à la commission d'une infraction, y compris si cette
personne est témoin assisté ou mise en examen. Le mandat de comparution a pour objet
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83
Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
de mettre en demeure la personne à l'encontre de laquelle il est décerné de se présenter
devant le juge à la date et à l'heure indiquées par ce mandat. Le mandat d'amener est l'ordre
donné à la force publique de conduire immédiatement devant lui la personne à l'encontre
de laquelle il est décerné.
Le mandat d'arrêt est l'ordre donné à la force publique de rechercher la personne à
l'encontre de laquelle il est décerné et de la conduire devant lui après l'avoir, le cas échéant,
conduite à la maison d'arrêt indiquée sur le mandat, où elle sera reçue et détenue. Le juge
d'instruction est tenu d'entendre comme témoins assistés les personnes contre lesquelles il
a été décerné un mandat de comparution, d'amener ou d'arrêt, sauf à les mettre en examen
conformément aux dispositions de l'article 116. Ces personnes ne peuvent pas être mises
en garde à vue pour les faits ayant donné lieu à la délivrance du mandat. Le mandat de
dépôt peut être décerné à l'encontre d'une personne mise en examen et ayant fait l'objet
d'une ordonnance de placement en détention provisoire. Il est l'ordre donné au chef de
l'établissement pénitentiaire de recevoir et de détenir la personne à l'encontre de laquelle
il est décerné. Ce mandat permet également de rechercher ou de transférer la personne
lorsqu'il lui a été précédemment notifié.
Article 137-1
La détention provisoire est ordonnée ou prolongée par le juge des libertés et de la
détention. Les demandes de mise en liberté lui sont également soumises. Le juge des
libertés et de la détention est un magistrat du siège ayant rang de président, de premier
vice-président ou de vice-président. Il est désigné par le président du tribunal de grande
instance. Lorsqu'il statue à l'issue d'un débat contradictoire, il est assisté d'un greffier. En
cas d'empêchement du juge des libertés et de la détention désigné et d'empêchement du
président ainsi que des premiers vice-présidents et des vice-présidents, le juge des libertés
et de la détention est remplacé par le magistrat du siège le plus ancien dans le grade le plus
élevé, désigné par le président du tribunal de grande instance. Il peut alors faire application
des dispositions de l'article 93.
Article 138
Le contrôle judiciaire peut être ordonné par le juge d'instruction ou par le juge
des libertés et de la détention si la personne mise en examen encourt une peine
d'emprisonnement correctionnel ou une peine plus grave. Ce contrôle astreint la personne
concernée à se soumettre, selon la décision du juge d'instruction ou du juge des libertés et
de la détention, à une ou plusieurs des obligations ci-après énumérées : 1° Ne pas sortir
des limites territoriales déterminées par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la
détention ; 2° Ne s'absenter de son domicile ou de la résidence fixée par le juge d'instruction
ou le juge des libertés et de la détention qu'aux conditions et pour les motifs déterminés
par ce magistrat ; 3° Ne pas se rendre en certains lieux ou ne se rendre que dans les lieux
déterminés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ; 4° Informer le
juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention de tout déplacement au-delà de
limites déterminées ; 5° Se présenter périodiquement aux services, associations habilitées
ou autorités désignés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention
qui sont tenus d'observer la plus stricte discrétion sur les faits reprochés à la personne
mise en examen ; 6° Répondre aux convocations de toute autorité, de toute association
ou de toute personne qualifiée désignée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et
de la détention et se soumettre, le cas échéant, aux mesures de contrôle portant sur ses
activités professionnelles ou sur son assiduité à un enseignement ainsi qu'aux mesures
socio éducatives destinées à favoriser son insertion sociale et à prévenir le renouvellement
de l'infraction ; 7° Remettre soit au greffe, soit à un service de police ou à une brigade
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MANIGLIER Tristan_2010
Annexes.
de gendarmerie tous documents justificatifs de l'identité, et notamment le passeport, en
échange d'un récépissé valant justification de l'identité ; 8° S'abstenir de conduire tous
les véhicules ou certains véhicules et, le cas échéant, remettre au greffe son permis de
conduire contre récépissé ; toutefois, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la
détention peut décider que la personne mise en examen pourra faire usage de son permis
de conduire pour l'exercice de son activité professionnelle ; 9° S'abstenir de recevoir ou
de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge d'instruction ou le
juge des libertés et de la détention, ainsi que d'entrer en relation avec elles, de quelque
façon que ce soit ; 10° Se soumettre à des mesures d'examen, de traitement ou de soins,
même sous le régime de l'hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication ; 11°
Fournir un cautionnement dont le montant et les délais de versement, en une ou plusieurs
fois, sont fixés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, compte
tenu notamment des ressources et des charges de la personne mise en examen ; 12°
Ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l'exclusion
de l'exercice des mandats électifs et des responsabilités syndicales, lorsque l'infraction a
été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités et lorsqu'il est
à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise. Lorsque l'activité concernée est celle
d'un avocat, le conseil de l'ordre, saisi par le juge d'instruction ou le juge des libertés et
de la détention, a seul le pouvoir de prononcer cette mesure à charge d'appel, dans les
conditions prévues à l'article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme
de certaines professions judiciaires et juridiques ; le conseil de l'ordre statue dans les quinze
jours ; 13° Ne pas émettre de chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le
retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et, le cas échéant,
remettre au greffe les formules de chèques dont l'usage est ainsi prohibé ; 14° Ne pas
détenir ou porter une arme et, le cas échéant, remettre au greffe contre récépissé les armes
dont elle est détentrice ; 15° Constituer, dans un délai, pour une période et un montant
déterminés par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention, des sûretés
personnelles ou réelles ; 16° Justifier qu'elle contribue aux charges familiales ou acquitte
régulièrement les aliments qu'elle a été condamnée à payer conformément aux décisions
judiciaires et aux conventions judiciairement homologuées portant obligation de verser des
prestations, subsides ou contributions aux charges du mariage ; 17° En cas d'infraction
commise soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de
solidarité, soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire, résider
hors du domicile ou de la résidence du couple et, le cas échéant, s'abstenir de paraître dans
ce domicile ou cette résidence ou aux abords immédiats de celui-ci, ainsi que, si nécessaire,
faire l'objet d'une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ; les dispositions du
présent 17° sont également applicables lorsque l'infraction est commise par l'ancien conjoint
ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de
solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime. Les modalités d'application du
présent article, en ce qui concerne notamment l'habilitation des personnes contribuant au
contrôle judiciaire sont déterminées en tant que de besoin par un décret en Conseil d'Etat.
Article 140
La mainlevée du contrôle judiciaire peut être ordonnée à tout moment par le juge
d'instruction, soit d'office, soit sur les réquisitions du procureur de la République, soit sur la
demande de la personne après avis du procureur de la République. Le juge d'instruction
statue sur la demande de la personne dans un délai de cinq jours, par ordonnance
motivée. Faute par le juge d'instruction d'avoir statué dans ce délai, la personne peut saisir
directement de sa demande la chambre de l'instruction qui, sur les réquisitions écrites et
motivées du procureur général, se prononce dans les vingt jours de sa saisine. A défaut,
MANIGLIER Tristan_2010
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
la mainlevée du contrôle judiciaire est acquise de plein droit, sauf si des vérifications
concernant la demande de la personne ont été ordonnées.
Article 152
Les magistrats ou officiers de police judiciaire commis pour l'exécution exercent, dans
les limites de la commission rogatoire, tous les pouvoirs du juge d'instruction. Toutefois, les
officiers de police judiciaire ne peuvent pas procéder aux interrogatoires et confrontations
des personnes mises en examen. Ils ne peuvent procéder à l'audition des parties civiles ou
du témoin assisté qu'à la demande de ceux-ci. Le juge d'instruction peut se transporter,
sans être assisté de son greffier ni devoir en dresser procès-verbal, pour diriger et contrôler
l'exécution de la commission rogatoire, dès lors qu'il ne procède pas lui-même à des actes
d'instruction. A l'occasion de ce transport, il peut ordonner la prolongation des gardes à vue
prononcées dans le cadre de la commission rogatoire. Dans tous les cas, mention de ce
transport est faite sur les pièces d'exécution de la commission rogatoire.
Article 158
La mission des experts qui ne peut avoir pour objet que l'examen de questions d'ordre
technique est précisée dans la décision qui ordonne l'expertise.
Article 175
Aussitôt que l'information lui paraît terminée, le juge d'instruction communique le
dossier au procureur de la République et en avise en même temps les parties et leurs
avocats soit verbalement avec émargement au dossier, soit par lettre recommandée.
Lorsque la personne est détenue, cet avis peut également être notifié par les soins du
chef de l'établissement pénitentiaire, qui adresse sans délai au juge d'instruction l'original
ou la copie du récépissé signé par l'intéressé. Le procureur de la République dispose
alors d'un délai d'un mois si une personne mise en examen est détenue ou de trois mois
dans les autres cas pour adresser ses réquisitions motivées au juge d'instruction. Copie
de ces réquisitions est adressée dans le même temps aux avocats des parties par lettre
recommandée. Les parties disposent de ce même délai d'un mois ou de trois mois à compter
de l'envoi de l'avis prévu au premier alinéa pour adresser des observations écrites au juge
d'instruction, selon les modalités prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 81. Copie
de ces observations est adressée en même temps au procureur de la République. Dans
ce même délai d'un mois ou de trois mois, les parties peuvent formuler des demandes
ou présenter des requêtes sur le fondement des articles 81, neuvième alinéa, 82-1, 156,
premier alinéa, et 173, troisième alinéa. A l'expiration de ce délai, elles ne sont plus
recevables à formuler ou présenter de telles demandes ou requêtes. A l'issue du délai d'un
mois ou de trois mois, le procureur de la République et les parties disposent d'un délai de
dix jours si une personne mise en examen est détenue ou d'un mois dans les autres cas
pour adresser au juge d'instruction des réquisitions ou des observations complémentaires
au vu des observations ou des réquisitions qui leur ont été communiquées. A l'issue du délai
de dix jours ou d'un mois prévu à l'alinéa précédent, le juge d'instruction peut rendre son
ordonnance de règlement, y compris s'il n'a pas reçu de réquisitions ou d'observations dans
le délai prescrit. Les premier, troisième et cinquième alinéas et, s'agissant des requêtes en
nullité, le quatrième alinéa du présent article sont également applicables au témoin assisté.
Les parties peuvent déclarer renoncer, en présence de leur avocat ou celui-ci dûment
convoqué, à bénéficier des délais prévus par le présent article.
Article 177
Si le juge d'instruction estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni
contravention, ou si l'auteur est resté inconnu, ou s'il n'existe pas de charges suffisantes
86
MANIGLIER Tristan_2010
Annexes.
contre la personne mise en examen, il déclare, par une ordonnance, qu'il n'y a lieu à
suivre. Lorsque l'ordonnance de non-lieu est motivée par l'existence de l'une des causes
d'irresponsabilité pénale prévue par les articles 122-2,122-3,122-4,122-5 et 122-7 du code
pénal ou par le décès de la personne mise en examen, elle précise s'il existe des
charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés.
Les personnes mises en examen qui sont provisoirement détenues sont mises en liberté.
L'ordonnance met fin au contrôle judiciaire. Le juge d'instruction statue par la même
ordonnance sur la restitution des objets placés sous main de justice. Il peut refuser la
restitution lorsque celle-ci présente un danger pour les personnes ou les biens. La décision
relative à la restitution peut être déférée, par tout personne qui y a intérêt, à la chambre de
l'instruction dans les conditions et selon les modalités prévues par l'article 99.
Article 185
Le procureur de la République a le droit d'interjeter appel devant la chambre de
l'instruction de toute ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la
détention. Cet appel formé par déclaration au greffe du tribunal, doit être interjeté dans les
cinq jours qui suivent la notification de la décision. En cas d'appel par la personne mise en
examen de l'ordonnance de mise en accusation prévue par l'article 181, le procureur de la
République dispose d'un délai d'appel incident de cinq jours supplémentaires à compter de
l'appel de la personne mise en examen. Le droit d'appel appartient également dans tous
les cas au procureur général. Il doit signifier son appel aux parties dans les dix jours qui
suivent l'ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention.
Article 186
Le droit d'appel appartient à la personne mise en examen contre les ordonnances et
décisions prévues par les articles 80-1-1, 87, 139, 140, 137-3, 142-6, 142-7 145-1, 145-2,
148, 167, quatrième alinéa, 179, troisième alinéa, et 181. La partie civile peut interjeter
appel des ordonnances de non-informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses
intérêts civils. Toutefois, son appel ne peut, en aucun cas, porter sur une ordonnance ou
sur la disposition d'une ordonnance relative à la détention de la personne mise en examen
ou au contrôle judiciaire. Les parties peuvent aussi interjeter appel de l'ordonnance par
laquelle le juge a, d'office ou sur déclinatoire, statué sur sa compétence. L'appel des parties
ainsi que la requête prévue par le cinquième alinéa de l'article 99 doivent être formés dans
les conditions et selon les modalités prévues par les articles 502 et 503, dans les dix jours
qui suivent la notification ou la signification de la décision. Le dossier de l'information ou
sa copie établie conformément à l'article 81 est transmis, avec l'avis motivé du procureur
de la République, au procureur général, qui procède ainsi qu'il est dit aux articles 194 et
suivants. Si le président de la chambre de l'instruction constate qu'il a été fait appel d'une
ordonnance non visée aux alinéas 1 à 3 du présent article, il rend d'office une ordonnance
de non-admission de l'appel qui n'est pas susceptible de voies de recours. Il en est de même
lorsque l'appel a été formé après l'expiration du délai prévu au quatrième alinéa ou lorsque
l'appel est devenu sans objet. Le président de la chambre de l'instruction est également
compétent pour constater le désistement de l'appel formé par l'appelant.
Article 207
Lorsque la chambre de l'instruction a statué sur l'appel relevé contre une ordonnance
en matière de détention provisoire, ou à la suite d'une saisine du procureur de la République
soit qu'elle ait confirmé cette décision, soit que, l'infirmant, elle ait ordonné une mise en
liberté ou maintenu en détention ou décerné un mandat de dépôt ou d'arrêt, le procureur
général fait sans délai retour du dossier au juge d'instruction après avoir assuré l'exécution
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
de l'arrêt. Lorsque la chambre de l'instruction décerne mandat de dépôt ou qu'elle infirme
une ordonnance de mise en liberté ou de refus de prolongation de détention provisoire,
les décisions en matière de détention provisoire continuent de relever de la compétence
du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention sauf mention expresse de
la part de la chambre de l'instruction disant qu'elle est seule compétente pour statuer sur
les demandes de mise en liberté et prolonger le cas échéant la détention provisoire. Il en
est de même lorsque la chambre de l'instruction ordonne ou modifie un contrôle judiciaire
ou une assignation à résidence avec surveillance électronique. Lorsque, en toute autre
matière, la chambre de l'instruction infirme une ordonnance du juge d'instruction ou est
saisie en application des articles 81, dernier alinéa, 82, dernier alinéa, 82-1, deuxième
alinéa, 156, deuxième alinéa, ou 167, quatrième alinéa, elle peut, soit évoquer et procéder
dans les conditions prévues aux articles 201, 202, 204 et 205, soit renvoyer le dossier au
juge d'instruction ou à tel autre afin de poursuivre l'information. Elle peut également procéder
à une évocation partielle du dossier en ne procédant qu'à certains actes avant de renvoyer
le dossier au juge d'instruction. L'ordonnance du juge d'instruction ou du juge des libertés
et de la détention frappée d'appel sort son plein et entier effet si elle est confirmée par la
chambre de l'instruction. En cas d'appel formé contre une ordonnance de refus de mise en
liberté, la chambre de l'instruction peut, lors de l'audience et avant la clôture des débats, se
saisir immédiatement de toute demande de mise en liberté sur laquelle le juge d'instruction
ou le juge des libertés et de la détention n'a pas encore statué ; dans ce cas, elle se prononce
à la fois sur l'appel et sur cette demande.
Article 217
Hors le cas prévu à l'article 196, les arrêts sont, dans les trois jours, par lettre
recommandée, portés à la connaissance des avocats des parties. Dans les mêmes formes
et délais, les arrêts de non-lieu sont portés à la connaissance des personnes mise en
examen, les arrêts de renvoi devant le tribunal correctionnel ou de police sont portés à la
connaissance des parties.
Les arrêts contre lesquels les parties peuvent former un pourvoi en cassation, à
l'exception des arrêts de mise en accusation, leur sont signifiés à la requête du procureur
général dans les trois jours. Toutefois, ces arrêts sont notifiés par lettre recommandée
aux parties ou au requérant mentionné au cinquième alinéa de l'article 99 tant que le
juge d'instruction n'a pas clôturé son information ; les arrêts de mise en accusation
sont également notifiés aux parties par lettre recommandée. Ils peuvent être notifiés à
la personne détenue par les soins du chef de l'établissement pénitentiaire qui adresse,
sans délai, au procureur général l'original ou la copie du récépissé signé par elle. Toute
notification d'acte à la dernière adresse déclarée par une partie est réputée faite à sa
personne.
Article 220
Le président de la chambre de l'instruction s'assure du bon fonctionnement des cabinets
d'instruction du ressort de la cour d'appel. Il vérifie notamment les conditions d'application
des alinéas 4 et 5 de l'article 81 et de l'article 144 et s'emploie à ce que les procédures
ne subissent aucun retard injustifié. Chaque fois qu'il le juge nécessaire et au moins une
fois par an, il transmet ses observations écrites au premier président de la cour d'appel,
au procureur général près ladite cour ainsi qu'au président du tribunal de grande instance
concerné et au procureur de la République près ledit tribunal.
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Annexes.
Annexe n°4 : Composition du groupe de travail
présidé par Jean-Olivier Viout.
Jean-Olivier VIOUT, procureur général près la Cour d’Appel de Lyon (président)
Hervé GRANGE, Premier Président de la cour d'appel de Pau,
Gilles STRAEHLI, Président de la Chambre de l'Instruction de la cour d'appel de Nancy,
Hervé STEPHAN, Conseiller à la cour d’appel de Versailles, ancien Président de la
cour d’assises des Yvelines, actuel président de cour d’assises des Hauts de Seine,
Jean-Marie HUET, Directeur des Affaires Criminelles et des Grâces, précédemment
Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes,
Pierre DELMAS-GOYON, Président du tribunal de grande instance de Montpellier,
Philippe HERALD, Premier Vice-Président du tribunal de grande instance de Paris,
Juge des libertés et de la détention,
Marc TREVIDIC, Vice-Président chargé de l'instruction au tribunal de grande instance
de Nanterre,
Yvette BERTRAND, Commissaire divisionnaire, chef de la brigade de protection des
mineurs de Paris, direction de la Police Judiciaire de Paris,
Alain MOLLA, Avocat au barreau de Marseille,
Nathalie FAUSSAT, Avocate au barreau de Paris.
Dominique FREMY, Expert Pédopsychiatre près la cour d'appel de Besançon,
Daniel ZAGURY, Expert Psychiatre près la cour d'appel de Paris,
Geneviève CEDILE, Expert Psychologue près la cour d'appel de Paris,
Secrétariat Général :
Myriam QUEMENER, Sous-Directrice de la Jutice Pénale Générale à la Direction des
Affaires Criminelles et des Grâces au Ministère de la Justice,
David AUMONIER, Magistrat au Bureau des Politiques Pénales Générales et de la
Protection des Libertés Individuelles de la Direction des Affaires Criminelles et des Grâces
au Ministère de la Justice.
Annexe n° 5 : Composition de la commission
d’enquête sur l’affaire d’Outreau.
Président
André VALLINI, député de l’Isère (PS)
Rapporteur
Philippe HOUILLON, député du Val d’Oise (UMP)
Vice-présidents
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Christophe CARESCHE, député de Paris (PS)
Jean-Paul GARRAUD, député de la Gironde (UMP)
Secrétaires
Patrick BRAOUEZEC, député de la Seine-Saint-Denis (PCF)
Michel HUNAULT, député de la Loire Atlantique (UDF)
Membres
Jacques-Alain BENISTI, député du Val-de-Marne (UMP)
Etienne BLANC, député de l’Ain (UMP)
Marcel BONNOT, député du Doubs (UMP)
François CALVET, député des Pyrénées-Orientales (UMP)
Jean-François CHOSSY, député de la Loire (UMP)
Gilles COCQUEMPOT, député du Pas-de-Calais (PS)
Georges COLOMBIER, député de l’Isère (UMP)
Léonce DEPREZ, député du Pas-de-Calais (UMP)
Bernard DEROSIER, député du Nord (PS)
Georges FENECH, député du Rhône (UMP)
Jacques FLOCH, député de la Loire-Atlantique (PS)
Guy GEOFFROY, député de Seine-et-Marne (UMP)
Arlette GROSSKOST, députée du Haut-Rhin (UMP)
Élisabeth GUIGOU, députée de Seine-Saint-Denis (PS)
Jean-Yves HUGON, député de l’Indre (UMP)
Thierry LAZARO, député du Nord (UMP)
Jean-Yves LE BOUILLONNEC, député du Val-de-Marne (PS)
Guy LENGAGNE, député du Pas-de-Calais (PS)
Alain MARSAUD, député de Haute-Vienne (UMP)
Christian PHILIP, député du Rhône (UMP)
Jacques REMILLER, député de l’Isère (UMP)
Xavier de ROUX, député de Charente-Maritime (UMP)
François VANNSON, député des Vosges (apparenté UMP)
Gérard VIGNOBLE, député du Nord (UDF)
Annexe n° 6 : Composition de la Commission DelmasMarty.
Présidente
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Annexes.
Mireille DELMAS-MARTY, Professeur à l’université de Paris I
Rapporteur général (rapport final)
Serge LASVIGNES, Auditeur au Conseil d’État,
Membres
Yves BAUDELOT, Avocat au barreau de Paris
François BERNARD, Conseiller d’État (rapport final)
Guy BRAIBANT, Président de section au Conseil d’État
André BRAUNSCHWEIG, Président de chambre honoraire à la Cour de Cassation
Jean-Paul COSTA, Conseiller d’État (rapport préliminaire)
Bruno COTTE, Directeur des affaires criminelles et des grâces au ministère de la
Justice
Jean-Pierre DINTILHAC, Directeur de l’administration pénitentiaire au ministère de la
Justice
Renée KOERING-JOULIN, Professeur à la faculté de droit et de sciences politiques
de Strasbourg (université Robert Schuman)
Henri LECLERC, Avocat au barreau de Paris
Marcel LEMONDE, Vice-président du TGI de Lyon
Pierre TRUCHE, Procureur général près la cour d’appel de Paris
Secrétariat général de la Commission
Christine CHANET, Conseiller technique du Garde des Sceaux
Marc PLUM, Magistrat à la direction des affaires criminelles et des grâces (rapport
préliminaire)
Ont également participé aux travaux
Valérie DERVIEUX, DEA de droit pénal et sciences criminelles
Yann BISIOU, DEA de politique criminelle et droits de l’homme (synthèse de la
consultation)
Christian JACQ, Docteur en droit (rapport préliminaire)
Brigitte PESQUIÉ, DEA de politique criminelle et droits de l’homme (rapport final)
Denis SALAS, Magistrat au TGI de Nanterre (rapport préliminaire
Annexe n° 7 : Composition de la Commission de
réflexion sur la Justice.
Daniel AMSON, avocat à la cour de Paris, professeur de droit public à l’université Lille II
Alain BACQUET, président de section au Conseil d’État
Hubert BLANC, ancien préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, conseiller
d’État
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Jean-François BURGELIN, procureur général près la Cour de cassation
Renaud CHAZAL de MAURIAC, premier président de la cour d’appel de Montpellier
Laurent COHEN-TANUGI, avocat aux barreaux de Paris et de New York
Noël COPIN, journaliste, président de Reporters sans frontière
Ghislaine DEJARDIN, avocat à la cour de Caen, ancien bâtonnier
Hervé EXPERT, président du tribunal de grande instance de Béthune
Luc FERRY, professeur de philosophie à l’université de Paris VII, président du Conseil
national des programmes
Jean-Baptiste de FOUCAULD, inspecteur général des Finances, ancien commissaire
au Plan
Jean KAHN, président de section honoraire au Conseil d’État
Blandine KRIEGEL, professeur de philosophie politique à l’université de Paris XNanterre
Philippe LEMAIRE, avocat à la cour de Paris
Marie-Thérèse LESUEUR de GIVRY, procureur de la République près le tribunal de
grande instance de Thionville
Jean MIOT, président-directeur général de l’Agence France-Presse, ancien président
de la Fédération nationale de la presse française, journaliste
Christian RAYSSEGUIER, procureur général près la cour d’appel de Rouen
Thierry RENOUX, professeur de droit public à l’université d’Aix-Marseille III
Jacques-Henri ROBERT, professeur de droit pénal à l’université de Paris II
Pierre TRUCHE, premier président de la Cour de cassation, président de la commission
Raymond BOUDON, professeur à l’université de Paris-Sorbonne, membre de l’Institut,
pris par des engagements nationaux et internationaux a dû arrêter sa participation aux
travaux de la commission.
Annexe n° 8 : Composition de la Commission Léger.
Président
Philippe LEGER, magistrat, ancien avocat général près la Cour de justice des
Communautés européennes
Membres
Mathieu ARON, chef du service police-justice à France Info, démission le 8 janvier 2009
Martine BERNARD, présidente de la chambre d’instruction à la Cour d’appel d’Aix en
Provence
Marie-Noëlle BILLAUD, juge d’instruction au TGI de Bordeaux, membre à partir du
14 janvier
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Annexes.
Colonel Michel BONNIN, adjoint au sous-directeur de la police judiciaire de la direction
générale de la gendarmerie nationale
Bernard BOULOC, professeur agrégé des facultés de droit, professeur émérite à
l’Université Paris I
Maryvonne DE SAINT PULGENT, conseillère d’État, membre à partir du 9 janvier
Louis DI GUARDIA, premier avocat général à la Cour de Cassation
Jean-Pierre ESCARFAIL, président de l’APACS, association pour la protection contre
les agressions et les crimes sexuels
Corinne GOETZMANN, vice-président chargé de l’instruction au TGI de Paris,
démissionnaire le 9 janvier
Patrick HEFNER, sous-directeur des affaires économiques et financières à la
préfecture de police de Paris
Thierry HERZOG, avocat à la cour d’appel de Paris
Hervé LEHMAN, avocat à la cour d’appel de Paris
Philippe LEMAIRE, procureur de la République à Lille
Laurent LE MESLE, procureur près la cour d’appel de Paris
Paul LOMBARD, avocat à la cour d’appel de Paris
Isabelle PINGEL, professeur des facultés de droit à l’université Paris I
Gilles-Jean PORTEJOIE, avocat à Clermont-Ferrand
Samuel GILLIS, magistrat au bureau de la législation pénale à la direction des affaires
criminelles et des grâces, Rapporteur de la Commission
Annexe n°9 : Extraits de l’avant-projet de réforme de
la procédure pénale.
Article 122-47 (conditions d’octroi de la qualité de partie citoyenne) La qualité de
partie citoyenne peut être attribuée à toute personne physique ou morale qui a dénoncé au
procureur de la République, par lettre recommandée avec accusé de réception, un crime
ou un délit lorsque sont réunies les conditions suivantes : 1° La personne, bien que n’ayant
pas directement subi un préjudice personnel lui permettant de se constituer partie civile,
présente un intérêt légitime à agir ; 2° L’infraction dénoncée a causé un préjudice à la
collectivité publique ; 3° La dénonciation a été suivie d’une décision de classement judiciaire
ou n’a pas donné lieu à d’acte d’enquête pendant un délai de six mois. Article 211-3
(missions du JEL pendant l’enquête)
Au cours de l’enquête judiciaire pénale, le juge de l’enquête et des libertés :
1° Garantit le déroulement contradictoire, équitable et impartial de la procédure et
contrôle que les investigations sont effectivement effectuées à charge et à décharge, en
statuant sur les demandes formées par les parties qui n’ont été acceptées par le procureur
de la République ou auxquelles celui-ci n’a pas répondu ;
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
2° Garantit le respect des libertés individuelles, en statuant en matière de contrôle
judiciaire, d’assignation à résidence sous surveillance électronique et de détention
provisoire, ainsi qu’en statuant, dans les cas prévus par le présent code, sur les demandes
du procureur de la République tendant au prononcé de certaines mesures d’investigation
et en contrôlant leur mise en œuvre ;
3° Saisir la chambre de l’enquête et des libertés s’il lui apparaît qu’un acte ou une pièce
de la procédure est entaché de nullité.
Article 211-4 (mission du JEL à l’issue de l’enquête)
Dans les cas prévus par le présent code, le juge de l’enquête et des libertés est
également chargé de statuer sur l’issue de l’enquête judiciaire pénale à la demande d’une
partie si celle-ci conteste la décision rendue par le procureur de la République.
Article 211-6 (modes de nomination du JEL)
Le juge de l’enquête et des libertés, ayant rang de président, de premier vice-président
ou de vice-président, est nommé dans les formes prévues pour la nomination des magistrats
du siège.
En cas de nécessité, un autre juge du tribunal de grande instance peut être
temporairement chargé, dans les mêmes formes, des fonctions de juge de l’enquête et des
libertés concurremment avec le magistrat désigné comme il est dit au premier alinéa.
Si le premier président de la cour d’appel délègue un juge au tribunal, il peut aussi, dans
les mêmes conditions, charger temporairement celui-ci des fonctions de juge de l’enquête
et des libertés par voie d’ordonnance.
Si le juge de l’enquête et des libertés est absent ou autrement empêché, le tribunal de
grande instance peut charger l’un des juges de ce tribunal d’exercer temporairement les
fonctions de ce magistrat.
Article 211-15 (missions du TEL)
Le tribunal de l’enquête et des libertés est chargé, au cours ou à l’issue de l’enquête
judiciaire pénale :
1° De statuer sur les demandes de prolongation de la détention provisoire ;
2° De statuer, sur renvoi du juge de l’enquête et des libertés qui l’estime nécessaire en
raison de sa complexité ou la gravité du dossier, sur la demande d’une partie ;
3° De saisir la chambre des enquêtes et des libertés s’il lui apparaît qu’un acte ou une
pièce de la procédure est entaché de nullité.
Article 211-18 (missions de la ChEL dans le contrôle de l’enquête)
La chambre de l’enquête et des libertés connaît des appels formés contre les
ordonnances juridictionnelles du juge de l’enquête et des libertés et contre les ordonnances
du tribunal de l’enquête et des libertés.
Elle statue sur les requêtes en nullité déposées par les parties, le procureur de la
République, le juge de l’enquête et des libertés et le tribunal de l’enquête et des libertés.
Article 211-19 (autres missions de la ChEL)
La chambre de l’enquête et des libertés est également chargée :
1° Du contrôle et de la surveillance de la police judiciaire ;
2° Du contentieux de l’extradition et des mandats d’arrêt européens
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MANIGLIER Tristan_2010
Annexes.
3° De statuer en matière de règlement de juges, de dessaisissement d’une juridiction,
de demande de réhabilitation et d’incidents d’exécution concernant la cour d’assises.
Article 211-20 (pouvoirs spécifiques du président de la ChEL)
Le président de la chambre de l’enquête et des libertés disposent de pouvoirs propres
lui permettant, dans les cas prévus par le présent code :
1° De saisir la chambre de l’enquête et des libertés ;
2° De statuer lui-même sur des saisines de la chambre de l’enquête et des libertés
manifestement infondées ou irrecevables ;
3° De statuer en matière de référé-liberté ;
4° De surveiller le bon fonctionnement des cabinets des juges de l’enquête et des
libertés.
Article 221-1 (énumération des juridictions)
Les juridictions de contrôle de l’enquête judiciaire pénale sont :
1° Pour les juridictions du premier degré, le juge de l’enquête et des libertés et le tribunal
de l’enquête et des libertés ;
2° Pour les juridictions du second degré, la chambre de l’enquête et des libertés et son
président.
Article 221-3 (hiérarchie et obligations des magistrats du ministère public)
Les magistrats du ministère public près les juridictions du fond sont placés sous la
direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des sceaux,
ministre de la justice. Ils doivent, au cours de la procédure pénale, se conformer aux
instructions de ceux-ci dans les conditions et sous les réserves prévues par le présent code.
Ils doivent prendre les réquisitions écrites conformes aux instructions qui leur sont
données dans les conditions prévues aux articles 221-7 et 221-10.
Ils ne doivent pas exécuter des instructions individuelles qui seraient contraires à
l’exigence de recherche de manifestation de la vérité et de conduite des investigations à
charge et à décharge.
Lors des audiences et des débats contradictoires, ils développement librement les
observations orales qu’ils croient convenables au bien de la justice.
Article 221-16 (missions générales du procureur)
Le procureur de la République est chargé, dans le cadre de la loi pénale et des
instructions générales d’action publique :
1° De recevoir les plaintes et les dénonciations et d’apprécier la suite à leur donner ;
2° De procéder ou faire procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la
poursuite des infractions à la loi pénale, dans le cadre de l’enquête judiciaire pénale. A
cette fin, il dirige l’activité de la police judiciaire, le cas échéant en donnant des instructions
générales sur l’action pénale.
3° De décider de la mise en mouvement de l’action pénale, du classement sans suite
des procédures ou du recours aux procédures alternatives aux poursuites.
4° De soutenir l’accusation devant les juridictions de jugement
Article 221-7 (réglementation des instructions individuelles)
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Lorsqu’il a connaissance d’infractions à la loi pénale, le ministre de la justice les
dénonce au procureur général.
Il peut lui enjoindre, par instructions écrites, motivées et versées au dossier de
la procédure, d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction
compétente des réquisitions écrites qu’il juge opportunes.
Il peut adresser des observations écrites portant sur des éléments de fait ou de droit,
qui sont versées au dossier de la procédure.
Il ne peut donner d’instruction individuelle tendant au classement sans suite d’une
procédure.
Il ne peut donner d’instruction contraire à l’exigence de recherche de la manifestation
de la vérité et de conduite des investigations à charge et à décharge.
Article 221-10 (réglementation des instructions du procureur général)
Le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la République, par instructions
écrites, motivées et versées au dossier de la procédure, d’engager ou de faire engager
des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites qu’il juge
opportunes, sous les réserves prévues aux alinéas quatre et cinq de l’article 221-7.
Article 311-1 (définition et objets de l’enquête)
L’enquête judiciaire pénale a pour objet de rechercher et de constater les infractions à
la loi pénale, d’en rassembler les preuves et d’en identifier les auteurs.
Elle est conduite par le procureur de la République.
Il est procédé à tous les actes utiles à la manifestation de la vérité par le procureur de
la République lui-même ou, sous sa direction et ses instructions, par les officiers et agents
de la police judiciaire.
L’enquête est effectuée sous le contrôle du juge de l’enquête et des libertés, du tribunal
de l’enquête et des libertés et, le cas échéant de la chambre de l’enquête et des libertés.
Article 312-4 (conditions de fond d’attribution de la qualité de partie pénale : indices
graves et concordants)
Pour être partie pénale la personne contre laquelle il existe des indices graves ou
concordants rendant plausible sa participation comme auteur ou complice à la commission
des infractions.
Article 312-16 (conditions de fond d’attribution de la qualité de partie assistée : simples
indices)
Pour être partie assistée la personne contre laquelle il existe un ou plusieurs indices
rendant plausible sa participation comme auteur ou complice à la commission d’une
infraction.
Article 312-18 (modalités d’attribution du statut de partie assistée)
La qualité de partie assistée est attribuée :
1° Soit sur décision du procureur de la République agissant d’office ou à la demande
de l’intéressé ;
2° Soit sur décision du juge de l’enquête statuant sur une contestation de l’attribution
de la qualité de partie pénale ou du refus d’attribution de la qualité de partie assistée.
Article 313-42 (délai de recours devant le JEL)
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MANIGLIER Tristan_2010
Annexes.
Si dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande, le procureur de
la République ne procède pas aux formalités de clôture de l’enquête, les parties peuvent
saisir le juge de l’enquête et des libertés.
Article 433-2 (durées initiales de la détention provisoire)
En matière correctionnelle, l’ordonnance de placement en détention provisoire est
valable pour une durée de quatre mois.
En matière criminelle, l’ordonnance de placement en détention provisoire est valable
pour une durée de six mois.
Article 433-3 (possibilité de prolongation par le TEL)
Avant l’expiration de ces délais, le procureur de la République peut saisir le tribunal de
l’enquête et des libertés aux fins de prolongation de la détention provisoire.
Article 433-17 (dépôt de la demande et délai pour statuer)
A tout moment de la procédure, la personne placée en détention provisoire peut
demander sa remise en liberté.
La demande est adressée au procureur de la République qui la transmet avec son avis,
au plus tard dans un délai de trois jours ouvrables, au juge de l’enquête et des libertés.
Ce dernier statue sur la demande, au plus tard dans un délai de trois jours ouvrables par
ordonnance motivée.
Cette ordonnance comporte l’énoncé des considérations de droit et de fait qui
constituent le fondement de cette décision par référence aux dispositions de l’article 411-3 et
431-3. Si la détention excède le délai de quatre mois en matière correctionnelle et six mois
en matière criminelle, l’ordonnance est motivée par référence aux dispositions de l’article
433-4.
Article 433-19 (saisine directe de la chambre de l’enquête et des libertés)
Faute par le juge de l’enquête et des libertés d’avoir statué dans les délais fixés aux
articles 433-17 ou 433-18, la personne peut saisir directement de sa demande la chambre
de l’enquête et des libertés qui, sur les réquisitions écrites et motivées du procureur général,
se prononce dans les quinze jours de sa saisine.
A faut de statuer dans ce délai, la personne est mise d’office en liberté sauf si des
circonstances imprévisibles et insurmontables font obstacles au jugement de l’affaire dans
le délai imparti.
La chambre peut toutefois renvoyer l’affaire à une audience ultérieure, dans un délai
qui ne saurait excéder quinze jours, en ordonnant des vérifications relatives à la situation
personnelle de la partie pénale ou aux faits qui lui sont reprochés lorsque ces vérifications
sont susceptibles de permettre la mise en liberté de la personne, le cas échéant sous
contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique.
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Réformer Le Juge d'Instruction : Historique et Perspectives
Bibliographie.
Ouvrages
BORRICAND Jacques, SIMON Anne-Marie, Droit pénal, procédure pénale, Paris, Sirey,
Éditions Dalloz, 4è édition 2004.
BOULOC Bernard, MATSOPOULOU Haritini, Droit pénal général et procédure pénale,
Paris, Sirey Editions Dalloz, 17è édition 2009.
DÉLÉAN Michel, Qui veut la mort du juge d’instruction ?, Paris, Éditions Scrineo, 2007.
DETOURBET Edmond, La Procédure criminelle au XVIIe siècle. Histoire de
l'ordonnance du 28 août 1670, son influence sur les législations qui l'ont suivie et
notamment sur celle qui nous régit, Paris, Éditeur A. Rousseau, 1881
ESMEIN Adhémar, Histoire de la procédure criminelle en France et spécialement de
la procédure inquisitoire depuis le XIIIe siècle jusqu'à nos jours, Paris, L. Larose et
Forcel, 1882.
ETRILLARD Claire, Le temps dans l’investigation pénale, Paris, Éditions L’Harmattan,
2005.
GERBER François, De l’inutilité du juge d’instruction, Paris, Éditions Bourin, 2010.
LEROY Jacques, Procédure Pénale, Paris, Éditions LGDJ-Lextenso, 2009.
MATHIAS Éric, Procédure pénale, Paris, Éditions Bréal, 3è édition, 2007.
MATHIAS Éric, Termes de droit pénal et de procédure pénale, Éditions Gualino, 2006.
PRADEL Jean, Droit pénal comparé, Paris, Éditions Dalloz, 3è édition, 2008.
PRADEL Jean, Procédure Pénale, Paris, Éditions CUJAS, 1ére édition 1976, 14è
édition 2008.
RENAULT-BRAHINSKY Corinne, Procédure Pénale, Paris, Gualino Éditions Lextenso,
2è édition, 2008.
RENAULT-BRAHINSKY Corinne, Procédure Pénale, Paris, Gualino, Éditions Lextenso,
11è édition, 2010.
STEFANI Gaston, LEVASSEUR Georges, BOULOC Bernard, Procédure Pénale, Paris,
Éditions Dalloz, 19è édition 2004.
VAN RUYMBEKE Renaud, Le juge d’instruction, Paris, Presses Universitaires de
ème
France, 5
édition, 2008.
Législation française
98
MANIGLIER Tristan_2010
Bibliographie.
Ancienne législation
Ordonnance de Blois signée en 1498.
Ordonnance de Villers-Cotterêts, prise par François Ier, et enregistrée au Parlement de
Paris le 6 septembre 1539.
Ordonnance d’Orléans, signée en 1560.
Ordonnance criminelle enregistrée au parlement de Paris le 26 août 1670.
Code des délits et des peines, du 3 Brumaire an IV (25 octobre 1795).
Code d’instruction criminelle, promulgué le 16 novembre 1808.
Loi sur l’organisation judiciaire du 20 avril 1810, publiée au Bulletin officiel n°282.
Code
Code de procédure pénale, version en vigueur au 1
er
janvier 2010.
Convention internationale
Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
version en vigueur en juin 2010.
Lois
Loi n°85-1303 du 10 décembre 1985 portant réforme de l’instruction en matière pénale,
publiée au Journal officiel du 11 décembre 1985, page 14391.
Loi n°87-1062 du 30 décembre 1987 relative aux garanties individuelles en matière de
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Statistiques
Secrétariat général du ministère de la Justice, Annuaire statistique de la justice, édition
2008, Paris, La Documentation Française, janvier 2009.
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Résumé
Résumé
L’histoire tourmentée du juge d’instruction.
De l’ordonnance criminelle de 1670 au nouveau Code de procédure pénale de 1958, il
s’agit de retracer les étapes du processus de construction de la fonction de juge d’instruction,
avant de s’intéresser à ce qu’est le magistrat instructeur actuellement.
Il s’agit d’étudier ensuite les critiques et les multiples réflexions et tentatives de réforme
du magistrat instructeur, avant de s’intéresser plus précisément à celle de 2010 – et du débat
qu’elle suscite – replacée dans un contexte européen de réforme de la phase préparatoire.
Procédure pénale – instruction – juge d’instruction – réforme de l’instruction
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