LE BOURGEOIS GENTILHOMME Présentation du module

Transcription

LE BOURGEOIS GENTILHOMME Présentation du module
LE BOURGEOIS GENTILHOMME
Présentation du module pédagogique
Notre proposition pédagogique autour du spectacle Le bourgeois gentilhomme se destine à un public
scolaire, particulièrement les collèges, dont le programme scolaire inclut l'étude de la pièce. Elle peut
s'élaborer en amont et en concertation avec les professeurs, afin de préparer aux mieux les élèves
aux différentes actions et d'affiner la pertinence de nos interventions.
Elle s'articule autour de deux axes essentiels :
1. Une lecture d'extraits de la pièce par deux comédiens, d'une durée de 35-40 minutes. Cette
lecture permet une entrée en matière dans l'intrigue et une première approche des personnages et de
la langue de Molière. Elle reprend une dizaine de scènes clefs autour de la figure de Mr Jourdain, le
présentant tout à tour dans sa phase d'apprentissage (Acte I et II), dans sa relation avec sa femme et
sa servante (Acte III), et enfin dans l'imbroglio que provoque la nécessité de marier sa fille à un
gentilhomme et la mascarade menée par Covielle qui en découlera.
Monsieur Jourdain est un homme qui a le désir d’apprendre, qui ne se satisfait plus de ce qu’il est, et
qui, pour devenir noble, se risque jusqu’à l’absurde en des situations hilarantes. Cet aspect du
spectacle ainsi que les choix d'éléments de costumes et de mise en scène se retrouve dans la lecture,
que nous avons voulue fidèle au parti pris de la mise en scène de Guillaume Gatteau.
2. Des interventions artistiques au sein des classes ayant assisté à la lecture (ou au spectacle). Il
s'agira d'amener les élèves à s'emparer de ce texte grâce à la pratique du théâtre, d'en démêler les
intrigues et de mettre en voix certaines des scènes. Le choix des scènes peut être discuté avec les
professeurs, selon qu'ils veulent traiter une thématique plutôt qu'une autre.
L'expérience de ce type d'intervention nous amène à penser qu'en-deçà de quatre heures de
pratique, les élèves n'avaient pas le temps de s'emparer de la langue et d'entrer dans un échange
artistique de notre pratique.
En fonction des moyens et du temps imparti à chaque classe, nous pouvons également proposer une
discussion au sein de la classe à l'issue de la lecture qui permettra de décrypter les thématiques et les
personnages, de poser des questions aux comédiens (1 heure par classe).
Besoins : Une salle permettant la pratique théâtrale. La salle de classe peut suffire pour une
discussion d'après spectacle.
Quelques pistes de réflexions pour approfondir
L’enjeu de la création
Choisir de se confronter à une pièce du répertoire comme ce chef-d'œuvre de Molière, c’est s’emparer
d’une richesse de langue pour en faire un matériau de jouissance pour le public et les acteurs ; c’est
partager le plaisir constant à faire entendre cette écriture fine et flamboyante ; c’est, par le
dynamisme de groupe, continuer à explorer ce qui fait l’énergie de notre travail : le langage.
L’enjeu de cette création fut de relire la pièce en se dégageant des idées préétablies que nous en
avions, de se désencombrer. En comprendre le rythme, le ressort ; lui offrir notre souffle, notre
exigence et notre audace ; et transmettre au public tant notre plaisir à dire ces mots que l’intelligence
incisive de Molière à désigner les contradictions d’un homme appartenant à un monde qu’il veut fuir.
Réentendre cette pièce, à la virgule près ; enlever les perruques et les grimages, s’éloigner des
préjugés et coquetteries d’acteur pour rendre compte de la pertinence de ce texte ; redécouvrir ces
mots que l’on connaît tous et y prendre plaisir, à nouveau.
Le bourgeois gentilhomme
Un état des lieux des mœurs de l’aristocratie, un regard sur une certaine société, une critique affûtée
de la bourgeoisie, de la flagornerie et du vice social de chaque protagoniste
La pièce
Il s’agit d’une pièce où le rire surgit autant de la précision de l’écriture que de la situation, qui était
destinée à être jouée devant le Roi et dont Molière s’est servi comme joyeux prétexte aux doléances
et critiques, ciselant ses arguments par l’art de la comédie maîtrisé comme jamais, où l’on suit les
parcours des personnages en un voyage amusé et virtuose.
Monsieur Jourdain
Monsieur Jourdain : une humanité dérisoire, avec ses failles, ses erreurs, ses désirs ; un homme qui veut
apprendre et que l’on trompe ; un homme qui ne se satisfait plus de sa condition, et aspire par vanité
et naïveté à devenir « autre »; qui sous les coups de Dorante, Madame Jourdain et Cléonte, va faire
de cet « autre » un « ailleurs ».
Monsieur Jourdain : un homme amoureux d’une marquise, qui pour lui plaire veut tout
reprendre à zéro, à la lettre A ; qui veut savoir danser, connaître les arts et les sciences. Et veut pour
elle accéder à un monde auquel il n’a pas droit : tentative naïve de venir insuffler du désordre au
cœur des hiérarchies de classe.
Monsieur Jourdain : figure centrale d’une comédie drôle et enlevée, qui souligne et dénonce par le
rire les excès vaniteux et trompeurs de la nature humaine.
Une pièce sans morale, sans conclusion : juste une joyeuse comédie humaine où grince la cruauté envers
qui essaye de s’affranchir de la norme et de la hiérarchie sociale.
La scénographie
Le spectacle s’est conçu dans un espace vide de toute théâtralité : un hangar désaffecté de 3000m².
C’est en partant de ce lieu et du postulat que la langue de Molière n’avait pas besoin de décor pour
être forte et pertinente, que se sont décidées la mise en scène et la direction d’acteur. Cela a donné
au spectacle un souffle inattendu, offrant au spectateur une autre écoute de Molière que notre travail
sur le texte a soutenue.
La première partie [ Actes 1 et 2, Acte 3 scènes 1 et 2 ], en forme de déambulatoire le long d’un
espace volontairement ouvert et indéterminé, invite les spectateurs à suivre Monsieur Jourdain dans
son apprentissage des arts. La disposition scénique, sans cesse en mouvement, modifie constamment le
rapport acteurs/spectateurs et imprime à la pièce un rythme dynamisant l’écoute.
Pour la mascarade dont Jourdain va être le héros, l’espace scénique de la seconde partie [ De l’acte
3 scène 3 à la fin ] se veut plus théâtral, quoique éloigné du rapport traditionnel scène/salle : assis
tout autour du plateau de jeu, le public a la place du roi pour se rendre compte de l’étroitesse
d’esprit des personnages qui gravitent autour de la fortune de Monsieur Jourdain.
Le spectacle
Aussi, nous proposons aujourd’hui ce spectacle dans la forme que lui a imprimé le lieu, et pouvons le
montrer dans tout type d’espace qui permette une déambulation et cent vingt personnes assises.
La partie déambulatoire se module et se réinvente en fonction des espaces qui accueillent le
spectacle. Elle peut, aux beaux jours, avoir lieu en extérieur, l’hiver dans des halls… Nous nous
adaptons aux spécificités des lieux, utilisant les lumières existantes ou naturelles lorsque cela est
possible.
Un spectacle pour se rencontrer autour d’une écriture appartenant à notre culture commune, pour en
parler et pour en rire. Un spectacle qui s’adresse aux collèges et lycées autant qu’au public de
théâtre, dont nous revendiquons la pertinence pour susciter la discussion sur le fond ainsi que sur la
forme.
Travail de la langue
Un texte, un acteur, un public : C’est pour nous l’axiome de départ de tout théâtre, et c’est en revenant
sans cesse à ces fondamentaux que nous puisons l’essence de notre travail ; avant que de présenter
une pièce au public, l’acteur de la fidèle idée malaxe le texte, l’étudie, l’essaye, le brusque
respectueusement pour tenter d’en saisir le sens profond mais aussi les ressorts d’écriture ; ainsi
épouse-t-il au mieux le mouvement du texte pour le faire sien et trouver jouissance à sa transmission la
plus fidèle, la plus exacte qui soit.
Pour Le bourgeois gentilhomme, la lecture attentive, la répétition exigeante dans le respect du texte
nous a fait découvrir ces sens que des années de lieux communs dans les représentations avaient fini
par masquer. Loin de penser qu’il s’agit ici de la seule lecture possible, nous la revendiquons
pertinente, eu égard au respect absolu, à la virgule près, que nous avons eu de cette pièce. Quant à
la forme même du texte, la maîtrise de Molière du rythme, de la construction, des répliques qui
touchent, offre au rire une place de choix que nous nous plaisons à porter.
EXTRAITS DE L'ARTICLE DE SYLVIE FONTAINE "carnet du pôle n°3"
CAHIERS PEDAGOGIQUES Du Nouveau Théâtre d'Angers
Mettre en scène une pièce du répertoire représente une gageure certaine pour une
compagnie d'aujourd'hui, tant il semble que toutes les manières de revisiter un classique ont déjà été
expérimentées. Actualisation de la pièce, reconstitution historique de ses premières conditions de
représentation, déconstruction du texte, abandon ou inflation de la scénographie, tout semble avoir
été tenté depuis les années 1950 pour alléger le poids intimidant des classiques ...
(...)
Le décorum attendu ne servait ni le texte, ni les spectateurs. l'œuvre est là, imposante, et porte en elle
la trace des lectures et des mises en scène qui l'ont déjà parcourue. Le premier travail est donc une
sorte d'opération de ... nettoyage. « Souvent on imite l'idée qu'on a de monter le répertoire et l'on est
pétri de toute une imagerie sur les classiques », dit Guillaume Gatteau, nous enjoignant ainsi à
identifier cette imagerie afin de ne pas y rester assujetti, que l'on soit metteur en scène, comédien,
spectateur ou lecteur. Il pose ainsi une distinction entre le répertoire comme fonds d'œuvres
susceptibles d'êtres reprises et le patrimoine comme héritage immuable, nous invitant à ne pas
systématiquement confondre les deux.
(...) un rapport personnel entre le classique étudié et l'élève
(...)
Dans sa mise en scène du Bourgeois Gentilhomme cette approche est caractérisée par deux choix
drastiques : le respect du texte à la lettre – tout le texte, rien que le texte – et le respect des lieux où
la pièce est jouée1, nouveaux espaces qui excèdent le cadre d'une salle de théâtre. Ces deux
contraintes génèrent des choix de mise en scène qui garantissent une proximité entre les acteurs et le
public et entre le public et le texte et qui font que la pièce est davantage présentée au public qu'elle
n'est représentée.
(...)
L'absence de décor et le choix d'une costumation contemporaine mais neutre n'impose pas au
spectateur de reconnaître un certain univers bourgeois du XVII° pas plus qu'une réactualisation de la
pièce à telle ou telle période de notre époque mais elle met en relief ce que le texte a d'universel et
d'essentiel : le rapport à l'image de soi dans la société, le rapport au savoir, les rapports familiaux
etc
(...)
« On n'y a pas touché, on n'a pas enlevé une seule virgule! ( ... ) on a redécouvert que le texte est très
rythmé, qu'il y a un sens du tempo étonnant. Rythmiquement la pièce nous a plu, il y a vraiment
quelque chose.2 » Le choix de dire intégralement le texte nécessite de la part des comédiens une
grande virtuosité et une grande vivacité de l'énonciation. De ce fait, la langue du XVII° n'est pas mise
en valeur dans ses archaïsmes, elle n'est pas non plus « accommodée » voire adaptée, elle est
revivifiée et les spectateurs profitent ainsi de toute sa vitalité.
(...)
Dans cette configuration, les spectateurs sont à la fois pris en charge et libres de leur degré de
proximité avec les acteurs, (...) De la sorte, les points de vue varient et les clarifications surgissent.

Documents pareils