Le CHIAPAS en Données
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Le CHIAPAS en Données
Le CHIAPAS en Données 1 Le CHIAPAS en Données SITUATION GÉOGRAPHIQUE : Le Chiapas, au sud-est du Mexique près de la frontière du Guatemala, est l'un des 31 états de la République fédérale. C’est l’état le plus au sud du pays. Il se trouve à l’est de l’Oaxaca et du Veracruz, et au sud, sud-est du Tabasco. Il touche le Guatemala à l’est et au nord-est. Le Chiapas s’étend sur 75,634.4 km2 et représente 3.8% de la superficie du pays. Il compte environ 4 millions d’habitants dont 60 % d’origine indienne, et 35 % d’indigène Mayas. Sont concernés plusieurs centaines de villages indigènes (déclarés extrêmement pauvres par l’ONU) où vivent des milliers d'indiens regroupés en plusieurs communautés, et situés dans les montagnes aux alentours de San Cristobal de las Casas et le nord-est qui comprend les Hauts-Plateaux (Altos), la Forêt Lacandone (Selva Landona) et la Frontière avec le Guatemala. RÉGIONS ET MUNICIPALITÉS: Historiquement et géographiquement, on peut différencier deux grandes régions au sein du Chiapas : le sud-ouest qui comprend les zones Centre, Fraylesca, Isthme-Côte, Sierra et Soconusco, et le nord-est qui comprend les Hauts-Plateaux (Altos), la zone Nord, la Forêt Lacandone (Selva Landona) et la Frontière. Le Chiapas est composé de 118 municipalités constitutionnelles. Il a pour capitale Tuxtla Gutiérrez. Le Chiapas est l’état le plus pauvre du Mexique. Sur 118 municipalités, 109 sont classées entre “forte marginalisation“ et “très forte marginalisation“. Sur 44 municipalités classées “très forte marginalisation“, 33 sont essentiellement indigènes (c’est-à-dire qu’au moins 40% de population est autochtone). 2 En décembre 1994, face à une impasse du processus de paix, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) a créé 38 municipalités autonomes, venant se superposer aux municipalités constitutionnelles. RE-MUNICIPALISATION En 1998, le gouvernement du Chiapas a effectué une “re-municipalisation” afin de limiter l’avancée des Municipalités Autonomes Rebelles Zapatistes (MAREZ). Huit nouvelles municipalités ‘officielles’ ont été formées : Montecristo de Guerrero, Maravilla Tenejapa, San Andrés Duraznal, Marqués de Comillas, Benemérito de las Américas, Santiago et Aldama. Loin de permettre une décentralisation du pouvoir, la création de ces municipalités a entraîné davantage de contrôle du gouvernement de l’état sur les autorités locales. D’après un communiqué de l’EZLN daté de 2003, il existe 28 municipalités autonomes, qui regroupent des communautés autochtones où se trouvent des bases de soutien zapatistes. Les autorités autonomes des municipalités forment un Conseil Autonome. Les conseils de chacune des cinq régions avec présence zapatiste (los Altos, la Selva Tseltal, la Selva Frontière, Tzots Choj et la zone Nord) participent de manière rotative aux "Comités de Bon Gouvernement", forme de gouvernement autonome à échelle régionale. Ceux-ci ont leur siège dans les 5 ‘Caracoles’ (littéralement : ‘escargots’): La Realidad, La Garrucha, Roberto Barrios, Oventic et Morelia. Selon le gouvernement fédéral, la zone dite “de conflit” comprend les régions Altos, Selva y Selva Fronteriza. Les organisations non-gouvernementales considèrent que la zone Nord se trouve également dans la zone de conflit. 3 Zone dite de conflit Population autochtone et niveaux de marginalisation 4 LES POPULATIONS AUTOCHTONES. Selon le recensement de l’INEGI en l’an 2000, on compte 3,920,892 habitants au Chiapas, c’est le 8ème état le plus peuplé du pays. Comme dans d’autres états du sud-est mexicain, la population du Chiapas est pluriethnique et pluri-culturelle. On a pu établir à travers des statistiques que 24% à 32% de la population (de 979,614 à 1,266,043 personnes) appartiennent à un peuple autochtone. Les pourcentages varient en fonction des critères utilisés lors de l’enquête. Il y a des critères concrets (ceux qui parlent une langue indigène, ceux qui portent les vêtements traditionnels) et des critères plus personnels (ceux qui s’auto-identifient comme autochtones). 81.5% de la population autochtone se concentre dans trois régions : los Altos, le Nord et la Selva. Les groupes autochtones prédominants sont : 1. 2. 3. 4. 5. 1. Tzotzil – 36% de la population autochtone totale Tzeltal - 34.5% Chol – 17.4% Zoque – 5% Tojolabal - 4.7% Les groupes Mame, Chuj, Kanjobal, Jacalteco, Lacandón, Katchikel et Mocho (Motozintleco) constituent les 2.3% restant de la population autochtone de l'état. La population générale du Chiapas augmente en moyenne de 2.1% par an (cette forte hausse n’est pas sans engendrer des problèmes, par manque de terres à travailler et où s’installer). • Le taux de fécondité est le deuxième plus élevé du pays : 3.47 enfants par femme. • La population autochtone est particulièrement jeune : 45.5% de la population autochtone totale a moins de 15 ans. Source : Ministère du Développement Social de l’Etat du Chiapas, 5 INÉGALITÉS SOCIALES : 1.REVENUS Le modèle d’agriculture de subsistance prédomine, modèle qui ne permet pas de générer des excédents agricoles suffisants pour obtenir des revenus économiques. Les réformes structurelles néolibérales axées sur l’ouverture commerciale aux marchés étrangers et l’abandon des politiques publiques de protection de l’agriculture ont appauvri les paysans. • Dix ans après la signature de l’Accord de Libre Echange en Amérique du Nord (ALENA) en 1994, le salaire minimum national a perdu 20% de son pouvoir d’achat. • Le salaire minimum actuel est d’environ 43 pesos par jour (soit 4 US$). • Les revenus - par personne - de la population indigène représentent seulement 32% des revenus - par personne - de la population non autochtone. • 304,018 indigènes ont un emploi au Chiapas. 42% (122,345) ne reçoivent aucun revenu. 42% (127,682) survivent avec moins d’un salaire minimum mensuel. Seulement 9.9% de la population autochtone du Chiapas gagne 1 à 2 salaire(s) minimum(s) mensuel(s). • 83% de la population autochtone travaille dans le secteur primaire (pour 58.3% de la population générale du Chiapas). 5.5% de la population autochtone travaille dans le secteur secondaire et 8.6% dans le tertiaire. Sources : CIEPAC 2004, La Jornada 2005, ECOSUR 2003, CDI 2000, Banque Mondiale 2003 2.DROIT À UN LOGEMENT DIGNE Le Chiapas est le premier état de la République mexicaine pour ses richesses en eau (30% de l’eau en superficie du pays, concentrée en particulier à Montes Azules) et en énergie hydroélèctrique (le bassin de El Grijalva fournit à lui seul 54% de l’énergie du Mexique). Paradoxalement, il existe encore beaucoup de communautés autochtones sans électricité ni eau courante, résultat des profondes inégalités dans cet état. Beaucoup de maisons de familles indigènes ne remplissent pas les conditions minimales d’un logement digne : 6 • 36.2% sont sans eau courante ; • 35.2% sont sans électricité ; • 71% n’ont pas de sol en dur (sol de terre) ; • Dans 85.7% des maisons, la cuisine se fait encore au bois ou au charbon. Sources : CDI 2000, Maderas del Pueblo del Sureste 2005 3. EDUCATION L’éducation a été traditionnellement l’instrument des politiques indigénistes qui prétendaient “inculturer” et assimiler les autochtones à la culture nationale mexicaine, c’est-à-dire en leur interdisant la pratique et le développement de leur propre culture. Par ailleurs, de nombreuses communautés autochtones n’ont jamais eu accès à l’éducation publique. De ce fait, l’éducation s’est convertie en l’une des principales demandes de la lutte zapatiste, et un axe principal de l’autonomie. L’éducation zapatiste prétend récupérer et développer la cosmovision autochtone et consolider son projet rebelle. Elle s’éloigne du modèle officiel tant dans le fond que dans la forme. Accès des populations autochtones à l’éducation : • 38.8% de la population autochtone de 15 ans ou plus n’a jamais reçu une éducation formelle ; • Seulement 11% ont terminé l’école primaire ; • 19.9% des enfants de 6 à 14 ans ne vont pas à l’école ; • 37.4% de la population du Chiapas ne parle pas espagnol. Sources : INEGI 2000, CDI 2000, Enlace Civil 2005 Analphabétisme : Selon le recensement de 2000, le Chiapas a le taux d’analphabétisme le plus élevé du pays. • 22.91% de la population générale du Chiapas de plus de 15 ans ne sait ni lire ni écrire (en comparaison, la moyenne nationale est de 12.6%); • L’analphabétisme touche davantage les femmes (pour 100 hommes analphabètes, on compte 182 femmes qui ne savent pas écrire) ; • 42% de la population autochtone de plus de 15 ans est analphabète. 7 4. SANTÉ Du fait d’une série de politiques discriminatoires, la majorité des communautés autochtones n’a pas eu accès au système de santé mexicain. Le manque de ressources et l’éloignement des grands centres urbains ont conduit à l’aggravation et à la multiplication de maladies facilement soignables. C’est pour cela que les zapatistes ont commencé à mettre en place leur propre système de santé et ont créé des cliniques régionales autonomes où les patients sont reçus par des promoteurs de santé autochtones. Manque de services de santé : • Dans les municipalités où la population autochtone représente plus de 70%, on compte un médecin pour 25.000 habitants. • On reconnaît généralement qu’un million de personnes au Chiapas n’a pas accès aux centres de santé (des personnes indigènes pour la plupart). Sources : CIEPAC 2001 ; CDI 2000 Malnutrition : Le Chiapas est le troisième état en matière de malnutrition au Mexique, après le Guerrero et le Yucatán, selon une étude réalisée par l’Institut National de Nutrition “Salvador Zubirán” en 2003. • La malnutrition est la septième cause de maladie au Chiapas et la dixième cause de mortalité. En 1994, c’était la septième cause de mortalité au sein de la population indigène. • La malnutrition affecte 71.6% de la population autochtone. Sources : CIEPAC 2001 ; Ministère du Développement Social de l’Etat du Chiapas, 2003 ; La Jornada 2003 Mortalité : Les taux de mortalité au Chiapas sont les plus élevés du pays • 8 maladies sur 10 sont dues à des infections, touchant essentiellement les voies respiratoires (59%) et intestinales (31%) du fait du manque d’eau potable et de drainage. 8 • Dans les municipalités autochtones, la tuberculose est la 11ème cause de mortalité (en comparaison, c’est la 16ème au Mexique). • Le Chiapas est le 4ème état du Mexique pour le nombre de femmes infectées par le SIDA. Avec l’accroissement constant de la migration, le risque de contagion a également augmenté. Sources : Ministère du Développement Social de l’Etat du Chiapas, 2003 ; CIEPAC 2001 Mortalité Infantile : • Au Mexique : le taux de mortalité infantile est de 28 pour 1000 enfants. • Au Chiapas : 34.8 • Le Chiapas est le premier état du pays en ce qui concerne la mortalité infantile causée par la diarrhée. Sources : UNICEF, CIEPAC 1996 Mortalité Maternelle : La mortalité maternelle affecte principalement les femmes pauvres, et trouve son origine dans la déficience et la difficulté d’accès aux services de santé, la malnutrition, la violence au sein de la famille, les grossesses prématurées, non désirées et les avortements mal pratiqués. • Dans les pays dits industrialisés, en moyenne 10 femmes sur 100.000 décèdent au cours de l’accouchement. • Au Mexique, 51 femmes décèdent sur 100.000 naissances. • Au Chiapas, 117 femmes sur 100.000 (3ème état à échelle nationale). • Les régions de l’état qui enregistrent le plus grand nombre de cas de morts maternelles entre 1999 et 2002 sont la Selva et los Altos, zones majoritairement autochtones. Sources : Ministère du Développement Social de l’Etat du Chiapas, 2003 ; CIEPAC 2001 ; Ministère de la Santé 2003 ; Communication et Information sur la femme A.C. (CIMAC) 2003, 2004 9 5. TERRE Au Chiapas, la réforme agraire définie après la Révolution mexicaine n’a pas pu être mise en place. La terre est restée aux mains de quelques grands propriétaires terriens. Pour cette raison, elle est devenue l’un des principaux facteurs de conflits sociaux, conflits qui se sont aggravés avec le temps. La recherche de terres à cultiver est à l’origine d’un processus complexe de migration vers la Selva Lacandona à partir des années 1950. Il faut ajouter à cela le fait que dans les années 1970, le gouvernement a décidé d’octroyer plus de 600.000 hectares de la Selva à un petit nombre de familles de l’ethnie lacandone, sans avoir couvert au préalable les besoins de la croissante population autochtone et paysanne de la région. Ce facteur combiné à d’autres fait de la Selva l’une des régions les plus conflictuelles. En 1992, l’article 27 de la Constitution a été réformé afin de permettre l’achat et la vente des terres communales (quand la terre appartient à l’ensemble des membres de la communauté) et “ejidales” (chaque ‘ejidatario’ reçoit une parcelle de terre, et toute décision qui a trait à ces terres doit être prise par l’assemblée des ‘ejidatarios’), transactions qui étaient auparavant interdites pour protéger cette forme de propriété collective de la terre. Cette réforme a généré une forte mobilisation sociale dans tout le pays. Sa dérogation est l’une des principales demandes du soulèvement armé de 1994. Afin de mettre en place la réforme de l’article 27, le gouvernement a créé les Programmes de Certification “Ejidal” et Communal PROCEDE et PROCECOM afin de faciliter l’achat et la vente de ces terres, programmes qui ont eu pour effet d’accélérer la destruction du tissu social communautaire. • Le Chiapas est le second état du pays quant au nombre d’ “ejidos“, avec un total de 1,887. 17% de la terre au Chiapas est collective. • En 2003, 37% des “ejidos“ ne participaient pas au PROCEDE. Sources : Mémoire de la Rencontre Nationale contre le PROCEDE et le PROCECOM 2003, MEMORIA 1998 6. RESSOURCES NATURELLES Le Chiapas conserve une grande diversité en faune et en flore du fait de sa position géographique. Une grande partie de la superficie est couverte de forêts. La Selva Lacandona est particulièrement riche de part sa biodiversité. Au cours des dernières décennies, cette superficie a souffert d’une forte dégradation suite à l’exploitation du bois, à l’élevage intensif et à la forte densité de population. Il faut ajouter à cela une série de politiques gouvernementales contradictoires – qui d’un côté essaient de promouvoir la protection de l’environnement, et d’un autre continuent d’exploiter les multiples ressources naturelles rentables. Dans ce contexte, 10 différents méga-projets se superposent : ceux qui se situent dans la lignée de la “protection de l’environnement” comme le Couloir Biologique Méso-Américain ou le Projet de Développement Social, Intégré et Soutenable de la Selva Lacandona (PRODESIS) ; et d’autres comme le Plan Puebla-Panama, projet de modernisation et de ré-organisation territoriale qui permettrait un meilleur accès aux ressources naturelles et faciliterait leur extraction. Face aux projets qui défendent la conservation pour utiliser la biodiversité à des fins commerciales, les communautés autochtones offrent des alternatives permettant une coexistence avec la nature. Des organisations comme l’EZLN, l’Association Rurale d’Intérêt Collectif Indépendante et Démocratique - Union des Unions (ARIC-ID-UU) mettent en place de nouvelles techniques de culture, et décident de leurs propres projets de développement durable. Eau/Hydroélectricité • 30% de l’eau en surface pour tout le Mexique se trouve concentrée au Chiapas. Il possède les deux fleuves de plus fort débit du Mexique : l’Usumacinta et le Grijalva. • La région hydro-élèctrique la plus importante du pays se trouve dans la Réserve de la Biosphère de Montes Azules. • Des 10 bassins hydrauliques du Chiapas, le plus important est celui du fleuve Grijalva, qui génère 54% de l’énergie hydro-électrique du pays. Régions Hydrologiques Prioritaires 11 Pétrole Le Chiapas est un important producteur de pétrole, et en plus il contient des réserves encore inexploitées à l’heure actuelle. • En 2001, le Chiapas a produit 17.5 millions de barils de pétrole brut, soit 21% de la production nationale. • Il existe 118 puits de pétrole situés au nord de l’état. • En 2002, l’entreprise Pemex (Petroleos Mexicanos) a prévu d’investir 63.000 millions de pesos pour les 5 années suivantes dans le sud-est du Mexique (dont 32% pour la perforation de puits et la production de pétrole). • Pemex ne reconnaît pas officiellement ses projets d’exploitation de pétrole dans la Selva ; cependant, il développe ses activités au Chiapas dans les municipalités de Palenque, Ocosingo, Benemérito de Las Américas et Marqués de Comillas, qui se trouvent toutes dans la région Selva. Pemex a également initié des projets dans les municipalités de Las Margaritas, Independencia, La Trinitaria et Maravilla Tenejapa, dans la région Frontière. • En 2001, le Chiapas a produit 222,964 millions de pieds cubiques, soit 47% de la production nationale. Gaz Naturel 12 Zones naturelles protégées et concentration de pétrole Zones Naturelles Protégées • Le Chiapas est l’état du Mexique qui possède le plus de zones naturelles protégées (37). 20% du territoire de l’état est sous protection officielle. • La biodiversité du Chiapas se concentre dans les zones naturelles protégées. La Réserve de la Biosphère de Montes Azules est l’une des plus importantes. Sources : Gouvernement du Chiapas 2001 ; CIEPAC 2002 ; COMPITCH 2005 Biodiversité On reconnaît au Chiapas : • 19 types de végétation • Près de 8.500 espèces de plantes • 180 espèces de mammifères • 666 espèces d’oiseaux • 227 espèces de reptiles • 92 espèces d’amphibies • Plus de 1.200 espèces de papillons Source : SEMARNAT 2005 13 Régions terrestres prioritaires Eco-tourisme L’éco-tourisme permet de profiter de la richesse naturelle des peuples tout en étant une activité rentable. Selon les projets mis en place par le gouvernement, il s’agit d’une façon de générer des revenus pour les peuples autochtones. Cependant l’éco-tourisme est remis en cause dans la mesure où il assujettit les populations aux règles et aux formes du marché. L’éco-tourisme comme forme de tourisme “alternatif” a un impact culturel, en amenant la réalité communautaire et territoriale à s’adapter aux attentes des étrangers. Face au manque d’opportunités pour préserver l’autosuffisance alimentaire, l’éco-tourisme fomente souvent la perte des pratiques culturelles liées à la terre. • On trouve des hôtels dit ”d’ éco-tourisme” dans la Selva Lacandona, par exemple à Boca Chajul, sur le fleuve Tzendales et dans la Lagune Lacanjá (en construction), soutenus par des entreprises multinationales comme la Ford Motor Company. Certains redoutent que ces hôtels se convertissent en centres de tourisme scientifique visant à piller le matériel génétique de la biodiversité, passant outre le contrôle du gouvernement. • Les communautés autochtones dénoncent les projets d’éco-tourisme pour diverses raisons : 14 • L’achat et la privatisation propriétés collectives • Les déplacements forcés de communautés autochtones habitant dans des zones stratégiques • L’exploitation des coutumes et des traditions autochtones dans le but de divertir les touristes • L’utilisation des ressources naturelles comme produits du marché • La destruction de l’environnement : la coupe et le pillage des forêts, la pollution de l’eau • L’arrivée des drogues et autres vices dans les zones rurales jusqu’alors préservées. de Source : La Jornada 2005, FZLN 2005 MIGRATION La migration des habitants du Chiapas vers d’autres états du Mexique ou vers les Etats Unis est un phénomène relativement récent. A partir des années 1930, la Selva Lacandona servait de “soupape” à la tension sociale générée par le manque de terres. Les politiques néolibérales impulsées à partir de l’année 1982 par le gouvernement de Miguel de la Madrid ont effacé les politiques de protection du secteur agricole. De plus, en 1994, l’Accord de Libre Echange en Amérique du Nord (ALENA) est mis en place, et avec lui une grande partie des produits agricoles se sont retrouvés sans issue commerciale. Cette crise a obligé des milliers de chiapanèques à abandonner leur communauté et leurs terres pour tenter de s’en sortir économiquement d’une autre façon. Migration vers les Etats Unis : • Chaque année, de 30.000 à 50.000 habitants du Chiapas émigrent aux Etats Unis (sur une population totale de près de 4 millions). • On calcule que dans moins de 10 ans, 300.000 chiapanèques se seront installés aux Etats Unis. • 65% d’entre paysans et eux sont indigènes des qui 15 proviennent de Pantepec (Zoques), de Los Altos (Tzotziles), de la zone Nord (Choles), de la Selva (Tzeltales) et de la Sierra Madre (Mames). • Selon les études du Collège de la Frontière Sud, les nouveaux migrants du Chiapas s’établissent principalement dans des régions des Etats Unis sans tradition réceptrice, au centre et à l’ouest, comme l’Oklahoma, le Colorado et Washington. L’ÉCONOMIE ISSUE DE LA MIGRATION : • En 2004, les Chiapanèques vivant aux Etats Unis ont envoyé 500 millions de dollars à leur famille au Mexique, somme égale à la totalité de la récolte de maïs, principale source de revenu de l’état, en plus de la production de haricots, de bananes et de mangues. • Un émigré paye 1.500 à 2.500 dollars au “pollero” (le passeur) pour pouvoir être conduit de manière sûre aux Etats Unis (pour 20 à 30 dollars en 1995). Sources : “Migrants méso-américains (I/II),” Miguel Pickard, 2005 (ESTESUR) ; CIEPAC 2004 ; Réseau Latino-américain sur les Populations Mobiles et SIDA 2004 MILITARISATION Depuis plusieurs décennies, l’armée est présente au Chiapas, tel un élément visible du gouvernement fédéral en périphérie. A partir du soulèvement zapatiste en 1994, la militarisation s’est accrue sous couvert de l’application du Plan de Défense Nationale qui autorise l’action des forces armées face à un “ennemi interne qui porte atteinte à la sécurité et la souveraineté nationales”. En février 1995, l’armée fédérale est entrée dans la Selva Lacandona pour tenter d’arrêter le haut-commandement zapatiste... et elle y est restée. 16 Au cours des dix dernières années, on a dénoncé des mouvements militaires constants dans les communautés autochtones, visant à harceler la population civile, jusqu’à provoquer des déplacements forcés ou démanteler avec violence des municipalités autonomes (El Bosque et Ricardo Flores Magón en 1998). Dans d’autres régions comme Chenalhó ou la zone Nord, on accuse l’armée d’avoir impulsé la création de groupes paramilitaires comme instruments de la stratégie de contre-insurrection, dans le but de mettre fin à la résistance zapatiste. On a profité des différences politiques et entre les organisations existantes dans les communautés pour armer directement certains indigènes et susciter des affrontements. Numéro de Bases militaires et emplacement : • La VII Région Militaire comprend le Chiapas et le Tabasco et inclut 5 zones militaires : 30, 31, 36, 38 et 39. • Les Zones 38, 39 et une partie de la 31 couvrent 30 municipalités de la “zone de conflit” au Chiapas dans les “territoires autochtones” de Los Altos, la Zone Nord et la Selva Lacandona. Les Zones 38 et 39 ont été créées après le soulèvement zapatiste de 1994. • Dans ces trois zones militaires, le Centre d’Analyse Politique et d’Investigation Sociale et Économique (CAPISE) a identifié 91 installations militaires au cours d’une étude réalisée en février 2004. Le Ministère de la Défense Nationale (SEDENA) a rectifié lui-même ces données en 2005, annonçant 118 installations militaires. • Selon la SEDENA, 4.443 hectares ont été acquis par expropriation pour l’usage de cette institution. Selon le CAPISE, au moins 57 installations militaires se trouvent sur des ‘ejidos’ (terres communales). 17 Violations des Droits Humains L’armée nationale a été dénoncée pour violations des Droits Humains contre des personnes civiles appartenant à des communautés autochtones sous l’influence de l’EZLN et d’autres organisations, telles que : • Harcèlement • Menaces • Occupation illégale de terres • Exécutions • Torture • Déplacement forcé • Introduction de la prostitution, de l’alcoolisme et de la consommation de drogues contribuant à la fragmentation et à la rupture du tissu social, violant le droit des communautés à développer leur propre culture dans des conditions d’égalité. Arguments Officiels L’armée justifie sa présence au Chiapas par des arguments sans relation avec la présence de l’EZLN : • Migration illégale • Trafic de stupéfiants • Trafic d’armes et de bois précieux • Attention sociale face à la pauvreté et aux désastres naturels • Crime organisé • Conflits et instabilité entre les communautés autochtones Sources: CAPISE 2004, 2005 18 Présence indigène et positions militaires DÉPLACEMENTS FORCÉS DE POPULATIONS Dans l’état du Chiapas, le déplacement forcé existe depuis plusieurs décennies, pour différentes raisons telles que l’intolérance religieuse ou les conflits agraires. La guerre d’usure mise en place après le soulèvement armé a généré des milliers de déplacés internes. Actuellement, il existe environ 12.080 déplacés au Chiapas, qui proviennent en majorité de la région Selva-Nord (Tila, Tumbalá et Sabanilla) et de Los Altos (Chenalhó). On peut différencier quatre grands groupes : • Les déplacés zapatistes de Polhó (Los Altos) qui refusent de retourner dans leurs communautés d’origine tant que les Accords de San Andrés ne seront pas mis en pratique ; • Les personnes “retournées” de l’organisation Las Abejas de la même région – ces deux groupes ont été forcés au déplacement du fait de la violence régnant dans la municipalité de Chenalhó, culminant avec le massacre d’Acteal en 1997 ; • Les déplacés de la zone Nord du fait de la violence du groupe paramilitaire ‘Paix et Justice’, qui ont décidé de négocier leur retour avec le gouvernement de l’état au sein de la table de négociation dite ”de Jolnixtié” ; • Un groupe de déplacés de différentes régions du Chiapas accompagnés par le Centre des Droits Humains Fray Bartolomé de Las Casas. Sources : Centre des Droits Humains Fray Bartolomé de Las Casas, “Caminando Hacia el Amanecer,” 2002 19 PRÉSENCE DE MULTINATIONALES AU CHIAPAS L’Accord de Libre Echange en Amérique du Nord et les autres accords commerciaux signés par le Mexique ont favorisé les grandes entreprises multinationales, qui ont un pouvoir économique supérieur aux Etats-Nations. Les multinationales considèrent le Mexique (ainsi que le reste de l’Amérique Latine) comme une source riche et aisée de multiplication du capital, essentiellement à travers l’exploitation et la commercialisation des ressources naturelles comme l’eau y la biodiversité. Pour ces raisons, leur principal intérêt se concentre sur le sud-est du Mexique. On peut observer trois grands types d’intérêt en ce qui concerne l’exploitation des ressources naturelles du Chiapas : • La biodiversité : les entreprises pharmaceutiques et biogénétiques considèrent la bioprospection comme une manière d’obtenir des brevêts sur le matériel génétique afin de produire et distribuer des organismes génétiquement modifiés. • L’eau, pour les multinationales de mise en bouteille et d’hydro-électricité. • La mise en place de ‘services pour l’environnement‘ (payer les habitants des zones naturelles pour qu’ils protègent leur environnement, et ainsi maintenir la chaîne de capture du carbone). Cette proposition est impulsée par les gouvernements des pays ‘développés’ face à la non-exécution des accords de réduction des gaz toxiques établis par le Protocole de Kyoto. Monsanto: Ce géant américain dans le secteur des Organismes Génétiquements Modifiés (OGM) a acheté l’entreprise mexicaine Seminis en janvier 2005 pour poursuivre ses recherches sur la création d’organismes génétiquement modifiés. Son centre de production se trouve dans l’un des meilleurs emplacements de Montes Azules : la route d’accès à Montebello, au sud de la réserve. • Monsanto a reçu près de 40% des permis de production d’OGM. La plus grande partie de ceux-ci portent sur la culture du maïs, suivi du coton, des tomates et du soja principalement. • Cette entreprise est responsable de 94% des terres cultivées avec des semences génétiquement modifiées dans le monde entier. 20 • La dissémination d’OGMs sans contrôle a été détectée à plusieurs reprises au Chiapas, en particulier dans les municipalités de Las Margaritas, Ocosingo, Palenque et Playas de Catazajá, dans la Selva Lacandona et ses alentours. Coca-Cola: Le Mexique est le premier pays consommateur de Coca-Cola dans le monde, et le Chiapas est l’un des états de plus forte consommation nationale. L’entreprise Coca Cola est accusée au Chiapas de : La • Achat pour une utilisation privée de sources d’eau qui étaient auparavant propriété collective, quittant ainsi la terre et l’accès à l’eau aux populations autochtones (la production de bouteilles nécessite l’équivalent en eau de la consommation de 223 familles). • Pollution de l’eau et vente d’eau polluée • Violations des droits humains : intimidation des syndicalistes, assassinats, tortures • Promotion des divisions et des tensions dans les communautés autochtones au point de générer des déplacements forcés • Augmentation de la pauvreté : dans les communautés autochtones, une personne dépense jusqu’à 17.5% de son salaire minimum journalier en produits Coca-Cola • Augmentation de la malnutrition dans les communautés autochtones où il n’y a pas d’autre boisson qui soit meilleure pour la santé. Ford Motor Company participe au mécanisme de “capture du carbone” qui permet aux entreprises d’“adopter une forêt” qui est soi-disant capable d’absorber le carbone qu’elles émettent et de le transformer en oxygène, au lieu de diminuer la quantité émise (comme l’établit le Protocole de Kyoto, en dépit du fait que celui-ci ait échoué). • La Ford “adopte” la Selva Lacandona en 1998, et depuis cette date, elle a payé environ 10 millions de dollars au gouvernement fédéral mexicain. • En 2000, dans le cadre de la célébration de son 75ème anniversaire au Mexique, la Ford a remis 21 un chèque symbolique de 2.5 millions de dollars au gouvernement du Chiapas pour la construction et l’équipement de 5 stations dans la Selva Lacandona qui mettent en place des projets d’éducation écologique, la surveillance de la forêt, le développement durable et l’éco-tourisme des communautés autochtones ainsi que le soutien aux travaux de recherche. Bayer: On calcule que l’industrie pharmaceutique dont Bayer fait partie génère des bénéfices de plus de 32.000 millions de dollars annuels grâce à l’utilisation de remèdes traditionnels incorporés dans des médicaments sous ordonnance. On estime que la valeur économique totale annuelle des drogues dérivées de plantes est de plus de 68.000 millions de dollars annuels aux Etats Unis seulement. FUENTES: CIEPAC 2001, 2003, 2004, La Jornada 2005 , Maderas del Pueblo del Sureste 2005, Ford Motor Company 2000 22