Amish et Mormons sur le Web

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Amish et Mormons sur le Web
Haute École Galilée – Institut des Hautes Études des Communications Sociales Comment les communautés religieuses traditionnelles utilisent-­‐elles les technologies modernes pour transmettre leurs idées ? L’Internet comme moyen de communication des Amish et des Mormons. Par Philippe Vincke Travail présenté dans le cadre du mémoire de fin d’études pour l’obtention du titre de Master en Presse et Information spécialisées Promoteur : Ahmed Belhaloumi Bruxelles – Mai 2013 Remerciements
Je remercie toutes les personnes qui m’ont soutenu lors de la réalisation de ce travail.
Je tiens à remercier spécialement mon promoteur, Ahmed Belhaloumi, qui m’a poussé à me
surpasser tout au long de la réalisation grâce à ses précieux conseils.
Un grand merci également à Ira Wagler, David Miller, Claude Bernard, Dominique Calmels,
Saloma Furlong, Leslie A. Kelly, Lyra Kirkland, Henry Deemer, Jean-Mathieu Lochten et à
William pour le temps qu’ils m’ont accordé, malgré les nombreux kilomètres qui parfois
nous séparaient. Sans leurs contributions, mon travail n’aurait pu être envisageable.
Enfin, je remercie mes proches qui m’ont encouragé durant la réalisation du travail, ainsi que
Gwenn Kempenaers, qui a pris le temps de relire mon texte.
2 Introduction Sans faire de généralités, les Religions sont pour la plupart attachées à leurs traditions, à leurs croyances et à certaines valeurs. Le propre de ces communautés est d’avoir un idéal religieux, regroupant les réels besoins de la société. Pour cette raison, les membres des communautés religieuses transmettent leurs savoirs, traditions et valeurs de génération en génération de manière conservatrice. Par ailleurs, le monde, aujourd’hui, n’a pas fini de se moderniser. Certaines communautés religieuses traditionnelles rejettent les technologies modernes alors que d’autres s’opposent à certains principes et "acquis sociaux" comme l’avortement, le divorce ou la reconnaissance de l’homosexualité. Jean-­‐Mathieu Lochten, père jésuite engagé dans le dialogue interconvictionnel, explique1 que les technologies modernes, plus encore le Web, sont des outils qui secouent les mentalités des religieux. « Certains conservateurs, qui transmettent ou prétendent transmettre la sagesse, vivent dans l’illusion qu’ils possèdent entre les mains les clés du savoir » (Lochten, 3 mai 2013). Le Web a la particularité de mélanger un très grand nombre d’idées et d’idéologies, qui peuvent aller à l’encontre de l’idéal religieux. « Comme les Sciences, le Web remet en cause les évidences religieuses » (Lochten, 3 mai 2013). Dans cet article, nous allons nous focaliser sur les conceptions du Web de deux communautés religieuses : les Amish et les Mormons. Ces deux courants religieux trouvent leurs racines dans le Christianisme et sont également principalement implantés sur le territoire des États-­‐Unis. Dans le premier chapitre de l’article, nous retracerons les origines de chacun de ces deux courants : avant d’analyser leurs rapports avec les nouvelles technologies, il serait bon de savoir d’où viennent ces groupes religieux et sur quoi se basent leurs idéologies. Originaires principalement de Suisse, les traditions amish sont issues de la révolution anabaptiste. Persécutés à cause de leurs différences religieuses, les Amish se sont enfuis de leurs terres natales pour finalement aboutir sur la côte Est américaine. Dans le but 1
Interviewé le 3 mai 2013 dans les locaux de l’Institut des Hautes Études des Communications Sociales à Bruxelles. 3 d’éviter les contraintes du monde extérieur, les Amish se sont alors entourés de traditions religieuses très strictes. Le courant religieux mormon est quant à lui né directement sur les terres nord-­‐américaines. Egalement persécutés, les mormons ont émigré vers l’ouest américain dans le but de dénicher leur "terre promise". Une fois installés dans l’État américain de l’Utah, ils ont choisi l’intégration dans la société américaine plutôt que l’isolement. Dès la seconde partie de l’article, nous serons plus attentifs à l’utilisation des technologies modernes par ces communautés religieuses. Les Amish, traditionnellement isolés du monde moderne, possèdent une conception très stricte des nouvelles technologies. Les communautés amish tentent de vivre simplement sans abuser de la modernité. Dans ces conditions, quelle est la place de ces technologies au sein d’une telle communauté ? Chez les Mormons, les technologies modernes ont toujours été accueillies à bras ouverts par les dirigeants de l’Église mormone. Les membres de ce courant religieux sont présents en masse sur l’Internet notamment dans le but de partager leurs croyances. Dans ces deux premiers chapitres, le livre de la sociologue française Fabienne Randaxhe L’être amish, entre tradition et modernité a servi de source principale pour décrypter les origines et rites de la communauté amish. Cet ouvrage propose une analyse des relations qu’ont entre elles la société moderne américaine et une communauté traditionnelle amish. À travers ce livre, le lecteur comprend que s’isoler du monde ne suffit pas à éviter les contraintes de la modernité. L’ouvrage de Jacques Légeret L’énigme Amish, vivre au XXIe siècle comme au XVIIe a également été consulté pour la confection de cet article. À travers son livre, l’auteur se pose une question centrale : est-­‐il possible de vivre aujourd’hui en refusant toute modernité ? Pour les parties se rapportant à l’Église mormone et à sa communauté, l’ouvrage d’Alain Gillette Les Mormons, de la théocratie à Internet a servi de base à cet article. L’auteur retrace, à travers son livre, l’histoire de ce courant religieux qui s’est développé aux Etats-­‐
Unis au début du XIXe siècle. De la conquête de l’Ouest par les pionniers mormons jusqu’à l’impact d’Internet sur les membres de l’Église, Alain Gillette offre un large spectre de l’histoire mormone à ses lecteurs. La présence sur l’Internet de ces deux communautés religieuses sera au centre du troisième et dernier chapitre de cet article. Nous observerons comment l’Église mormone 4 utilise le Web et à quel point les membres de la communauté partagent leurs idées, croyances et idéologies via l’Internet. Enfin, nous tenterons de décrypter l’utilité du Web pour la communauté amish. S’il paraît évident que trouver un Amish sur le Web ne sera pas chose aisée, cette tâche sera l’un des objectifs principaux de ce chapitre. Pour arriver à ces fins, des interviews ont été réalisées en présence de Mormons, simples membres ou chargés de responsabilités par l’Église, mais également en présence de proches voisins des communautés amish, habitués à les côtoyer. 5 1. Origines et traditions des Amish et Mormons 1.1.
Les Amish 1.1.1. Des immigrés européens Les Amish résident en Amérique du Nord. Ils forment une communauté traditionnelle qui prend racine dans les traditions anabaptistes radicales. L’anabaptisme est un courant religieux protestant mais également un terme qui fait référence à des réformes religieuses et politiques qui ont vu le jour au XVIe siècle, notamment en Suisse. La communauté amish est issue de la réforme du Protestantisme. Quelques années après le coup de force de Martin Luther, des étudiants suisses, mécontents des pratiques protestantes, décidèrent de créer un nouveau mouvement chrétien dissident. S’ils voulaient se distancier de l’Église protestante, les étudiants rebelles cherchèrent également à instaurer une séparation entre gouvernement civil et Église. En 1525, le mouvement anabaptiste a vu le jour lors d’une réunion secrète pendant laquelle les dissidents se "rebaptisèrent illégalement". À partir de ce jour, les anabaptistes rejettent les baptêmes d’enfants. Seuls les adultes, instruits dans la foi, peuvent choisir de se faire baptiser. À cette époque, les anabaptistes étaient des fidèles "baptisés à nouveau" puisqu’ils l’étaient déjà, depuis leur enfance, par l’Église catholique. Conrad Grebel, l’un des initiateurs de la tradition anabaptiste, clamait que « tous les enfants qui ne sont pas encore en âge de connaître la différence entre le Bien et le Mal (…) seront certainement sauvés grâce aux souffrances du Christ. (…) Nous considérons donc que les enfants n’ont pas besoin de la foi pour être sauvés. (…) Nous en concluons que le baptême des enfants n’a pas de sens, qu’il est une abomination blasphématoire des Écritures » (Légeret, 2000, p. 19). Considérés comme radicaux et ne respectant pas l’autorité civile2, les anabaptistes ont longtemps été persécutés et exclus de la sphère sociétale. Plutôt que d’abandonner leurs convictions, de nombreuses communautés ont choisi l’exil dans un premier temps dans des régions voisines comme les Pays-­‐Bas ou l’Alsace, où le mouvement Amish est né à la fin 2
Le baptême des enfants leur octroyait la citoyenneté et permettait aux autorités de contrôler la population. 6 du XVIIe siècle. En 1693, un certain Jakob Amman a provoqué une cassure dans le mouvement anabaptiste suisse à la suite de la création de la branche amish. Plus conservatrice que l’autre groupe anabaptiste (appelé les Mennonites), la communauté amish a cherché à instaurer un renouveau dans la vie des fidèles, notamment grâce à la discipline dans l’Église et la pratique du lavement des pieds. Depuis cette division, le destin de ces deux groupes de fidèles anabaptistes n’était plus lié. Malgré cette séparation, les persécutions insistantes et les troubles politiques en Europe ont incité certaines communautés des deux branches à émigrer vers le Nouveau Monde. Aujourd’hui, des communautés amish vivent encore dans l’État de l’Ohio, en Pennsylvanie, en Indiana mais aussi au Canada. Illustration issue de : Kraybill Donald B., The Riddle of Amish Culture (2003). 1.1.2. Un ordre religieux semi-­‐monastique La communauté amish est donc issue de la tradition anabaptiste suisse. Fabienne Randaxhe, sociologue française, a longuement étudié la société amish en Pennsylvanie. Dans son livre L’être amish, entre tradition et modernité, elle décrit la communauté « comme une assemblée volontaire de croyants adultes qui se proposent l’obéissance littérale aux enseignements du Christ » (2004, p. 33). Les Amish considèrent le Christ comme la seule autorité, son enseignement étant la norme à suivre. Jacques Légeret, auteur et journaliste 7 qui a vécu plus de 24 mois avec sa famille en compagnie des Amish de Pennsylvanie, explique que « les Amish espèrent le salut dans (…) une société rédemptrice où l’obéissance, l’humilité, l’amour et le pardon sont rendus visibles par le mode de vie » (Légeret, 2000, p. 41). En d’autres mots, pour être libérés du mal et du pêché et obtenir le salut de l’homme, les Amish répondent à l’amour de Dieu et le répandent ensuite. Les Amish sont des partisans de la non-­‐violence, par amour pour leur prochain, mais aussi de la non-­‐résistance. Ceci explique la raison pour laquelle les Amish n’ont pas opposé de résistance face aux constantes persécutions à leur encontre. Pour éviter la violence par les mots, le silence et le discours non verbal sont des vertus chez les Amish. Pour faciliter la vie en communauté, ils évitent certains sujets annonceurs de conflits et de divisions, telles que les discussions philosophiques. « Un dicton prisé des Amish dit qu’il est préférable de rester silencieux même au risque d’être pris pour un sot, plutôt que d’ouvrir sa bouche et de lever tous les doutes » (Légeret, 2000, p.41). Pour les Amish, il est indispensable de vivre en communauté, loin des influences de la société moderne, afin de vivre en harmonie avec Jésus et suivre ses enseignements. Pour cette raison, Jacques Légeret caractérise les Amish "d’ordre religieux semi-­‐monastique". Récemment, des divisions se sont opérées chez les Amish et de nouvelles branches, plus modernes et libérales, sont apparues : le Nouvel Ordre (New Order Amish) et le groupe de Beachy Amish. L’Ancien Ordre3 réunissait 135 000 personnes à la fin de l’année 1991, selon Fabienne Randaxhe. Aujourd’hui, ils sont plus de 200 000 à vivre selon les principes de l’Old Order Amish. La communauté amish impose à ses membres une structure sociale coriace. « La communauté amish ne se structure pas autour de l’individu mais de la famille ou de la congrégation » (Randaxhe, 2004, p. 33). La congrégation, ou district, rassemble une partie de la communauté autour de certaines activités culturelles et religieuses (on pourrait les comparer aux paroisses des Catholiques). La congrégation, précise Fabienne Randaxhe, est le point central de la communauté amish. C’est en son sein que se déroulent les baptêmes, mariages et autres funérailles. Unités sociales et religieuses autonomes, les congrégations ne sont pas coupées du monde et entretiennent des liens amicaux et harmonieux entre elles grâce au principe d’affiliation. Certaines congrégations, prônant des règles de conduite 3
Old Order Amish en anglais. Fabienne Randaxhe et Jacques Légeret se sont concentrés sur cet Ordre pour leurs études. 8 similaires, vont s’affilier ensemble. C’est par le principe d’affiliation que se sont différenciées plusieurs branches dans la communauté amish (l’Ancien Ordre, le Nouvel Ordre, les Beachy Amish, etc.). Enfin, on distingue sur le plan géographique les settlements qui représentent un ensemble de familles amish vivant à proximité. Le settlement est une « colonie » amish, un territoire qui peut être limité à quelques foyers ou parfois regrouper plusieurs comtés. Ces unités géographiques ne sont pas exclusivement réservées aux familles amish car « il n’existe pas, à proprement parler, de villages spécifiquement amish » (Randaxhe, 2004, p.36). Les settlements décrivent des territoires où la présence des Amish est considérable. 1.2.
Les Mormons 1.2.1. Un prophète et des saintes Écritures révélées Dans l’ouvrage Mormonism : a very short introduction, Richard Lyman Bushman raconte que les lecteurs et le public ont de tout temps été intrigués par le Mormonisme et ce depuis la publication du Livre de Mormon à Palmyra, en 1830 dans l’État de New York. Le Livre était l’œuvre du premier prophète mormon, Joseph Smith. Les révélations du jeune visionnaire ont immédiatement eu des répercussions dans la presse. À la mort du prophète, les Mormons et leur mode de vie inhabituel (telle que la pratique de la polygamie) ont continué à défrayer la chronique. Le Mormonisme a fait également parler de lui grâce aux vertus qu’il promeut et à l’esprit coopératif, la cohésion familiale et la solidarité qui règnent au sein des croyants. Citons notamment le programme de soutien créé pour assister les Mormons dans le besoin durant la grande dépression de 1929. Aujourd’hui encore, le Mormonisme intrigue. Le mouvement religieux a vu le jour dans les années 1820. Un jeune garçon américain a été témoin de révélations dans l’État de New-­‐York. Alors qu’il priait Dieu pour savoir quelle était la vraie religion parmi toutes celles présentes dans sa région, Joseph Smith (âgé de 15 ans en 1820) a été perturbé par une apparition soudaine. Après les faits, Joseph Smith a raconté qu’il avait vu « deux personnages dont l’éclat et la gloire défient toute description, et qui se tenaient au-­‐dessus de lui dans les airs » (Gillette, 2012, p. 17) : il s’agissait de Dieu en personne et de son fils, Jésus-­‐Christ. Par leur intermédiaire, le jeune homme avait appris que toutes les croyances de son époque étaient faussées et qu’il ne devait en aucun cas 9 adhérer à l’une de ces Églises. Dieu lui a alors promis qu’il serait instruit dans le but de créer une nouvelle Église. Par la suite, un ange envoyé de Dieu lui a remis des plaques d’or. Joseph Smith a déchiffré le contenu de celles-­‐ci grâce auquel il rédigea le Livre de Mormon, les saintes Écritures du Mormonisme. Cet ouvrage résume un millénaire de l’histoire américaine (entre le VIe siècle av. J.-­‐C. et le IVe siècle de notre ère). Un prophète nommé Léhi a été envoyé par Dieu vers une Terre promise : l’Amérique. Le Livre de Mormon raconte ses aventures, celles de ses descendants, de la visite du Christ au-­‐delà de l’Atlantique après la Résurrection et de la guerre décisive qui a opposé les descendants de Léhi aux forces du Mal (représentées par des Amérindiens). L’originalité de ce récit est de donner une place importante à l’Amérique et son peuple dans le clan des acteurs centraux de la religion. Alain Gillette, auteur du livre Les Mormons : de la théocratie à Internet et spécialiste de l’histoire du Mormonisme explique qu’en « dotant l’Amérique ancienne d’une histoire jusqu’alors inexistante, en lui conférant le rôle d’une Terre promise, en y faisant venir le Christ, le Livre de Mormon offre des perspectives spécifiquement américaines à la religion qui va naître » (Gillette, 2012, p. 20). Cet ouvrage prédisait également, pour le millénaire qui suit la révélation de Joseph Smith, un Âge d’Or. Celui-­‐ci est censé mener au "Royaume de Dieu sur Terre" qui fera son apparition à la Fin du Monde. C’est à ce moment que le Christ devrait faire sa deuxième apparition sur terre (plus précisément, en Amérique). Chaque être humain correspond à un esprit préexistant et l’humanité, à un nombre d’esprits limité. Lorsque cette réserve d’esprits sera épuisée, le monde ne sera plus et fera place au Royaume de Dieu. Dans les traditions mormones, la procréation est vivement encouragée. « Avoir de nombreux enfants est donc une bénédiction, ce qui rapproche de l’avènement du Royaume de Dieu » (Gillette, 2012, p. 49), c’est pourquoi la polygamie a été longtemps une pratique volontaire chez les Mormons. L’appellation de ce courant religieux est tiré du nom d’un prophète appelé Mormon, révélé à Joseph Smith par les plaques d’or. Le Mormonisme est également appelé Église de Jésus-­‐
Christ des Saints des Derniers Jours. Ses disciples ou membres sont appelés les Saints des Derniers Jours4. La plupart des Mormons se considèrent chrétiens. Cependant, cet avis n’est pas majoritairement partagé à l’extérieur du Mormonisme. « Les Mormons se ressentent en 4
Le terme « derniers jours » permet de distinguer le Mormonisme de l’Église chrétienne, considérée comme antique. 10 quasi-­‐totalité comme chrétiens, à 97% selon le sondage (de la société, ndla) PEW 2011. Cet avis n’est partagé que par 51% seulement de la population générale » (Gillette, 2012, p. 24). Même si le Mormonisme partage avec les religions chrétiennes certaines valeurs morales tels que l’attachement à la famille ou le refus de l’avortement, de nombreuses pratiques et doctrines mormones se différencient de ce qui existe du côté chrétien. De ce fait, le Livre de Mormon est, chez les Saints des Derniers Jours, un livre sacré, au même titre que la Bible. Le Mormonisme se distingue également des autres religions chrétiennes du fait que le mouvement est une théologie révélée. Cela signifie que certains disciples mormons (Joseph Smith et ses successeurs) bénéficient de révélations divines « alors que les Églises chrétiennes n’en reçoivent plus depuis le temps des apôtres » (Gillette, 2012, p. 25). Une autre caractéristique révélatrice du Mormonisme est l’importance de la chose économique dans les communautés mormones. En 1864, le successeur de Joseph Smith à la présidence du mouvement, Brigham Young, suggérait déjà dans un sermon que « nous ne pouvons parler des affaires spirituelles sans les relier à des affaires temporelles5, pas plus que nous ne pouvons parler d’affaires temporelles sans les relier à des affaires spirituelles ». Dans la société mormone, le religieux, le politique et l’économique sont étroitement liés. La direction de l’État ne peut se faire sans la complicité de la morale de l’Église. « Aussi Joseph Smith entreprend-­‐il de gouverner les choses de ce monde tout autant que d’assurer le salut des âmes » (Gillette, 2012, p. 26). 1.2.2. Des tensions vives dans et en dehors de la société mormone Le mouvement a longtemps été perçu par la société américaine comme antagoniste à la pensée "dominante". La polygamie, qui a longtemps été dans les normes chez les Mormons, n’a fait qu’accentuer ce sentiment. Craignant les persécutions et représailles de l’extérieur, Joseph Smith mit en place une milice armée mormone pour défendre sa vie et les intérêts mormons. Dans le but d’éviter les violences contre le « peuple mormon », les Saints des Derniers Jours ont voyagé vers l’Ouest tandis que Joseph Smith assoyait sa puissance sur la société mormone : il était considéré comme le porte-­‐parole de Dieu sur terre et possédait 5
Les affaires temporelles sont liées à l’humain et à l’ordre social. 11 les pleins pouvoirs spirituels et temporels. Joseph Smith imposait « sa loi sur toutes ces activités (de la société mormone, ndla), jusque dans la vie politique, en contradiction avec un chapitre du Livre de Mormon traitant de l’iniquité des rois, et de l’art de régner par la voix du peuple » (Gillette, 2012, p. 32). Sujet à quelques tensions au sein même de la communauté mormone, Joseph Smith s’autorisa quelques frasques. Il fut notamment soupçonné d’avoir participé à une tentative de meurtre sur l’un de ses ennemis. Les persécutés devinrent eux-­‐mêmes persécuteurs. Emprisonné en 1844 pour avoir saboté les infrastructures d’un journal qui avait auparavant critiqué ses pratiques, Joseph Smith fut assassiné dans sa cellule. Sa mort n’a pas pour autant stoppé la progression des Mormons. À la recherche de stabilité et d’une Terre promise, la communauté mormone va finalement s’installer dans le bassin du Grand Lac Salé, au centre de la partie occidentale des Etats-­‐Unis actuels. Grâce aux fondations apportées par Joseph Smith, l’Église s’est institutionnalisée notamment à l’aide d’une charte municipale qui rejette toute dépendance à la société extérieure, « ce n’était pas seulement manifester le besoin d’isolement d’une secte : c’était aussi entreprendre de construire une Église sur le modèle d’une nation » (Gillette, 2012, p. 37). L’ensemble des révélations, pratiques et doctrines du mouvement, a finalement réuni le "peuple mormon" en une quasi-­‐ethnie. « Une unité reposant sur des rapports multiples de religion, de civilisation, de défense commune, etc., qui peuvent s’établir même entre peuples de +races+ différentes, et en l’absence de tout lien politique » (Gillette, 2012, p. 43). Comme chez les Amish, on peut supposer que les Mormons, persécutés et forcés à l’exode, ont cherché refuge dans un univers réglementé par des traditions qui déterminent les bases de la société mormone fortement hiérarchisée6 et qui protègent l’identité mormone. Une hiérarchie qui ne plaisante pas avec les transgressions des membres de l’Église. Si un membre mormon ne respecte pas les règles communément partagées, il devra se présenter devant un conseil disciplinaire qui peut exclure certains membres des activités liturgique. Si « l’accusé » n’améliore pas son comportement, il sera "désassocié", ce qui correspond à des sanctions plus sérieuses sans pour autant l’exclure définitivement de 6
Alain Gillette parle de la hiérarchisation chez les membres de l’Église comme « un organigramme digne d’une multinationale » (Gillette, 2012, p. 56). 12 l’Église. Enfin, si la hiérarchie estime que le comportement d’un membre est dangereux pour son entourage, si un « désassocié » est récidiviste, il sera excommunié de la société mormone. Selon Alain Gillette, les exclus sont aujourd’hui plus nombreux qu’auparavant. « 216 en 1949, 1535 en 1968, et quelque 6000 les années récentes, chiffres non confirmés » (2012, p.173). 2. L’intégration des Amish et Mormons dans la société moderne De nos jours, la société industrielle paraît dépassée. De nouvelles technologies ont remplacé les anciennes et ces évolutions ont bouleversé le système économique capitaliste et les habitudes de vie. Selon certains spécialistes, nous sommes aujourd’hui dans l’ère de l’information. Cette société de l’information est notamment décrite dans le livre de Manuel Castells L’ère de l’information. « Cet ouvrage est le travail d’un sociologue et d’un économiste qui réfléchit sur l’évolution actuelle du capitalisme à l’heure de la révolution technologique contemporaine, notamment celles des technologies de communication » (Musso, 2000, p.1). Aujourd’hui, le développement des technologies de communication est tel que la société se trouve profondément modifiée. Ce changement de système économique préoccupe également le monde politique. En 2000, la Commission européenne annonça son intention de surfer sur la vague de l’information en lançant une initiative intitulée eEurope, une société de l’information pour tous. Le but de cette communication était de pousser l’Europe à tirer les bonnes conclusions concernant l’évolution liée à la société de l’information. « Le but essentiel de l'initiative eEurope est de mettre les bénéfices de la société de l'information à la portée de tous les citoyens européens » (Commission européenne, 2002). L’exécutif européen a voulu insister sur le fait que notre société n’était plus essentiellement industrielle car bouleversée par les nouvelles technologies numériques qui « rendent l'accès, le traitement, le stockage et la transmission des informations de moins en moins chers et de plus en plus simples » (Commission européenne, 2002). L’impact de cette permutation, selon la Commission européenne, est considérable : l’information numérique peut aujourd’hui se présenter sous forme économique et sociale. 13 La Commission européenne insiste également sur l’importance du Web. Grâce aux évolutions technologiques, des entreprises appartenant à certains secteurs7 ont pu tirer leur épingle du jeu grâce à leur présence sur internet. « La clé de leur réussite a consisté à utiliser Internet pour accroître leur productivité et étendre leur présence sur les réseaux. Toutes les entreprises, qu'elles soient grandes ou petites, doivent donc s'adapter à l'évolution du marché » (Commission européenne, 2002). La Commission européenne rappelle également que certaines mesures ont déjà été mises en place en Europe pour favoriser la société de l’information, notamment la mise en place d'un cadre juridique clair pour le commerce électronique. Selon l’instance européenne, cette évolution technologique est peut-­‐être l’une des plus fulgurantes de l’histoire économique. C’est pourquoi la Commission encourage l’Europe à initier de nouvelles politiques en matière d’Internet et de communication dans le but de rendre les marchés et l’économie européenne plus efficaces. Selon l’exécutif européen, un accès moins cher, rapide et plus sûr à l’Internet est nécessaire. Il serait également important d’accélérer le commerce électronique et de faire profiter la jeunesse européenne du numérique. Le but ultime est de faire entrer l’Europe dans l’ère de l’information et du numérique, les Européens étant à la traîne par rapport à d’autres régions du monde comme les Etats-­‐Unis où « les entreprises liées à Internet représentent aujourd'hui 2,3 millions d'emplois directs -­‐ sans compter l'impact considérable en termes d'emplois indirects -­‐ contre 1,6 million en 1998 » (Commission européenne, 2002). La société moderne est donc caractérisée par l’utilisation de nouvelles technologies dans toutes sortes de domaines, ce qui induit des mutations économiques et sociales. Depuis l’essor de cette société moderne, les activités liées à la religion occupent de moins en moins de place. Dans un ouvrage intitulé Déplacement du sacré dans la société moderne, Robert Tessier tente d’analyser ce phénomène. L’auteur observe que beaucoup d’institutions sociales se sont sécularisées tandis que les congrégations religieuses sont moins présentes aujourd’hui dans des secteurs tels que celui de l’enseignement ou des services de santé. Il explique également que les coutumes de la prière ont largement été abandonnées par la population. L’auteur affirme cependant que la spiritualité est toujours bien présente dans la société actuelle : « (…) dans la société moderne, les questions éternelles sur le destin de 7
Les compagnies aériennes, les sociétés de bourse ou de vente d’ordinateurs. 14 l’âme ou le sens de la vie intéressent encore de nombreuses personnes » (Tessier, 1994, p.8). Robert Tessier explique qu’il existe chez l’homme une part dédiée au religieux qui, avec le temps, se métamorphose au lieu de simplement disparaître. « Le sentiment religieux dans une société moderne s’adresserait à des choses, susciterait des activités et investirait des lieux qui, auparavant, n’étaient pas considérés comme religieux » (Tessier, 1994, p.8-­‐9). La société moderne ne serait donc pas incompatible avec les religions, qui promeuvent une idéologie plus traditionnelle. Comment les religions se positionnent-­‐elles vis-­‐à-­‐vis des nouvelles technologies ? Jean-­‐Mathieu Lochten, père jésuite engagé dans le dialogue interconvictionnel et chargé de cours à l’Institut des Hautes Études des Communications Sociales, n’oppose pas les Religions aux technologies modernes. Il conçoit8 le Web comme un outil qui permet « de rapprocher les hommes de façon fabuleuse tandis que les Religions lient également les hommes entre eux » (3 mai 2013). Cependant, Jean Mathieu Lochten admet que le Web peut secouer les mentalités des religieux. « Certains conservateurs, qui transmettent ou prétendent transmettre la sagesse, vivent dans l’illusion qu’ils possèdent entre les mains les clés du savoir » (Lochten, 3 mai 2013). Le Web a la particularité de mélanger un très grand nombre d’idées et d’idéologies, qui peuvent aller à l’encontre de l’idéal religieux. « Comme les Sciences, le Web remet en cause les évidences religieuses » (Lochten, 3 mai 2013). Enfin, Jean-­‐Mathieu Lochten estime que l’utilisation des technologies modernes par des communautés de croyants n’est en rien liée à la religion en tant que telle. « Les conceptions qu’ont ces communautés religieuses du Web dépendent de leurs leaders. L’attitude qu’elles ont vis-­‐à-­‐vis de l’Internet n’est pas lié au fait religieux mais à des hommes qui considèrent que le Web équivaut à Satan (ou le contraire, ndla) » (Lochten, 3 mai 2013). 2.1.
Les relations des Amish avec la société moderne Les Amish se sont transmis par tradition orale une sorte de charte dans laquelle les pratiques, apprentissages et les tabous du mouvement sont spécifiés. Cette charte s’appelle 8
Interviewé le 3 mai 2013 dans les locaux de l’Institut des Hautes Études des Communications Sociales à Bruxelles. 15 l’Ordnung9 et exprime le comportement et les attitudes que la communauté attend de la part de tous ses membres. Ces régulations communes jouent également un rôle de ciment identitaire, de cohésion et d’ordre à l’intérieur du groupe. Pour donner quelques exemples, l’Ordnung encourage certains principes telles que la modestie et la non-­‐violence, prescrit un type vestimentaire spécifique, décourage les Amish d’entreprendre des études supérieures, de divorcer mais aussi de posséder des appareils modernes tels que les automobiles ou les ordinateurs. Les communautés amish ont un rapport très particulier avec la société moderne et ses nouvelles technologies. L’une des règles amish primordiales est de ne pas se conformer au monde environnant. Ce comportement est en grande partie dû à l’héritage du passé. Les persécutions perpétrées à l’encontre des Amish et l'exil forcé ont créé au sein de la communauté un sentiment de crainte. Bannis de région en région, les Amish trouvèrent refuge en Amérique du Nord où les idéologies religieuses divergentes semblaient être tolérées. Par la suite, ils se sont réfugiés dans une forteresse de règles et de valeurs traditionnelles et religieuses. Dans son ouvrage L’être amish, entre tradition et modernité, Fabienne Randaxhe souligne que « le mouvement se retrouva à perpétuer, sur cette terre d’asile, une logique de l’exil qu’il poussa par le réveil d’une discipline religieuse plus stricte destinée à préserver les fidèles des nouveaux maux du monde américain » (2004, p.51). Aujourd’hui, les Amish sont acceptés par la société américaine alors qu’auparavant, ils étaient considérés comme hors-­‐la-­‐loi en Europe. Malgré cela, leur sentiment d’exil est toujours bien présent et s’apparente à une finalité religieuse et non à un refus de la modernité pur et simple. « L’exil en est ainsi venu à figurer une exigence morale et religieuse à matérialiser dans un art de vivre spécifique, devoir impérieux mais aussi paradoxal qui consiste à vouloir réaliser un idéal » (Randaxhe, 2004, p.52). Fabienne Randaxhe, dans son étude du Vieil Ordre Amish, souligne l’absence de la technologie moderne dans les habitats du groupe. « À l’intérieur, règne la même pauvreté en appareils modernes : ni lave-­‐vaisselle, ni four à micro-­‐ondes, ni lampe électrique, ni radio, ni télévision, ni robots ménagers, mais une grande et calme sobriété » (Randaxhe, 2004, p.53). Pour s’éclairer, les Amish préfèrent l’utilisation de lampes à gaz ou de poche, tout ce qui peut éviter de se brancher à l’électricité domestique. Pour se déplacer rapidement, ils 9
Mot allemand qui signifie ordre, discipline, organisation… 16 utilisent des voitures à cheval (les buggies). Cependant, Fabienne Randaxhe ne parle pas de rupture complète entre Amish et société moderne. Elle reconnaît que la présence extérieure est loin d’être subie par le mouvement amish et qu’elle « peut être volontairement récupérée par les adeptes au profit de leur tradition » (Randaxhe, 2004, p.57). Selon la sociologue, les Amish adoptent un comportement sélectif face à la modernité afin de protéger leur vie traditionnelle. La location d’un chauffeur et de son véhicule, pratique courante chez les Amish du Vieil Ordre, n’est par exemple pas condamnée par l’Ordnung. Jusqu’à présent, ce mode de transport est donc accepté implicitement. Fabienne Randaxhe n’interprète pas ce stratagème comme une manière de profiter de choses tout en les rejetant. Cette relation de sélectivité est selon elle « le résultat cohérent d’une négociation entre la tradition et la technologie moderne » (Randaxhe, 2004, p.58). En juin 2011, CNN Tech a interviewé Eric Brende, un expert de la technologie qui a passé plus d’un an dans une communauté amish du Midwest américain. Il explique que lorsqu’une nouvelle technologie apparaît, les groupes amish ne l’interdisent pas nécessairement. Selon Eric Brende, les Amish ont de tout temps été avant-­‐gardistes mais lorsqu’ils ont remarqué les conséquences néfastes de l’utilisation de ces technologies sur la communauté et la cohésion de groupe, ils s’en sont débarrassés. L’exemple du téléphone est frappant : certains Amish ont adopté la téléphonie à ses débuts mais ont fait marche arrière par la suite. Eric Brende spécifie que lorsque les Amish du Comté de Lancaster10 ont installé des lignes téléphoniques dans les communautés, la cohésion de groupe aurait dangereusement vacillé à la suite de l’amplification des commérages dus aux conversations téléphoniques. En règle générale, si une nouvelle technologie affaiblit les liens qu’ont les membres du groupe entre eux ainsi que la cohésion de la communauté, les responsables n’hésiteront pas à exclure cette technologie et le feront savoir via l’Ordnung. Si un membre du groupe ne respecte pas ces décisions, il sera traité comme étranger à la communauté. Eric Brende remarque également que les règles amish varient, certaines communautés sont plus radicales que d’autres. Enfin, il avoue admirer le mode de vie amish. Il a d’ailleurs adopté certaines de leurs valeurs : il ne possède pas de voiture et n’utilise pas l’Internet chez lui. Malgré tout, il regrette le manque de confort moderne et d’accès à 10
Situé dans l’État américain de Pennsylvanie, ce Comté de Pennsylvanie accueille une large population amish. 17 internet dans certains cas : cela peut causer un manque de connaissance et de culture extérieure. Eric Brende a par exemple été frappé d’observer que plusieurs Amish ne connaissaient rien du célèbre compositeur allemand Ludwig van Beethoven. Ira Wagler, auteur d’un livre intitulé Growing up Amish et qui a passé son enfance dans une colonie amish, apporte des éléments supplémentaires concernant la relation entre les communautés amish et les technologies modernes. Selon lui11, les Amish n’étaient pas différents des autres groupes qui les entouraient, il y a une centaine d’années. « La grande décision des Amish a été d’interdire l’utilisation des voitures. À partir de là, la division a commencé à s’installer et à progresser » (Wagler, 28 mars 2013, trad. libre). Il insiste sur le fait que les Amish s’autorisent tout de même l’utilisation de certaines technologies modernes dans certains cas. Dans les années 1950, certaines communautés ont autorisé les téléphones dans les bâtiments abritant des écoles. Aujourd’hui, les téléphones portables sont largement acceptés dans le Comté de Lancaster. « Certains Amish sont des hommes d’affaires, le téléphone portable est un must pour évoluer dans le climat économique actuel » (Wagler, 28 mars 2013, trad. libre). 2.2.
Les relations des Mormons avec la société moderne 2.2.1. L’exil, puis l’intégration À ses débuts, l’Église mormone s’est propagée grâce aux explorations des pionniers mormons qui ont abouti à la colonisation du bassin du Grand Lac Salé. Ses membres vivaient de manière isolée par rapport à la société américaine. Aujourd’hui, ce n’est plus du tout le cas même si un grand nombre de traditions issues de l’époque de Joseph Smith sont encore en vigueur. La jonction entre les deux sociétés antagonistes s’est faite à partir de 1869, à l’aube de la ruée vers l’or et du train transcontinental. L’Église commençait alors à s’intégrer dans la société américaine et décida d’utiliser les techniques modernes de l’époque. Des nouvelles entreprises étaient mises sur pied par des Mormons, ainsi qu’un système intérieur de télégraphe. La société mormone entra dans l’ère industrielle, ce qui marqua le commencement d’une prospérité qui, aujourd’hui encore, continue de progresser. 11
Interview réalisée le 29 mars 2013 par e-­‐mail. 18 « Le processus d’intégration dans l’Union (américaine, ndla) est irréversible » (Gillette, 2012, p.106). La richesse de l’Église va permettre aux Mormons de se développer économiquement. Cette richesse provenait du patrimoine des terres, que se sont appropriées les Mormons à leur arrivée dans la région du bassin du Grand Lac Salé, et de la dîme, sorte d’impôt qui correspond au versement de 10% du patrimoine de chaque membre à l’Église. Cependant, la polygamie reste un souci majeur du Mormonisme. Les dirigeants du pays refusent de l’accepter. Le Congrès américain, en 1882, a décidé de punir tout acte de polygamie par un séjour en prison ou un passage aux travaux forcés. Alors que la répression s’est mise en route, les dirigeants mormons ont lâché prise et se sont soumis au Congrès en 1890. À cette époque, le temps des pionniers était révolu et les Mormons ont choisi l’intégration complète plutôt que la marginalité. En 1890, le président de l’Église de Jésus-­‐
Christ des Saints des Derniers Jours de l’époque, Wilford Woodruff, a publié un manifeste qui précisait l’abandon des pratiques polygames dans la communauté mormone. « Une amnistie générale est proclamée pour ceux qui cessent d’enfreindre la loi à partir du Manifeste de 1890 » (Gillette, 2012, p.120). Ce n’est pas pour autant que l’ensemble des Mormons adeptes de la polygamie se soumirent à la décision des dirigeants de l’Église. Aujourd’hui encore, quelques groupes dissidents la pratiquent toujours. En échange de ce geste, l’Utah, territoire qui englobe le bassin du Grand Lac Salé12, devint officiellement un État des USA. En 1896, le président américain Grover Cleveland signa une proclamation qui allait dans ce sens : l’Utah devenait alors le 45e État américain. Alors que les Mormons ont bien souvent exigé un maximum d’autonomie, cette officialisation était synonyme d’intégration totale dans l’Union américaine. La conséquence principale de cet événement fut que l’Église mormone a dû abandonner ses compétences dans toutes les affaires temporelles. « Jusqu’alors, les conflits naissaient de l’intervention de l’État fédéral dans les affaires que l’Église considérait comme siennes. Les rôles sont maintenant renversés : les polémiques sur les interventions de l’Église dans les affaires de l’État commencent » (Gillette, 2012, p.121), ce qui prouve néanmoins le degré d’intégration de l’Eglise mormone dans l’État fédéral américain. 12
Où les pionniers mormons se sont installés à partir de 1847. 19 Après de nombreuses et coriaces péripéties, les Mormons ont choisi le chemin de l’intégration et de la normalisation, tout en préservant leurs propres valeurs. Depuis la fin du XIXe siècle, les Mormons vont tenter de combiner ces deux objectifs. Selon Alain Gillette, l’Église est parvenue à ses fins puisque dans un article publié sur le site internet du Figaro, l’auteur de l’ouvrage Les Mormons : de la théocratie à internet prétend que la communauté mormone constitue « l'un des groupes sociaux qui réussit le mieux en Amérique. Ils ont le plus fort taux de diplômés de l'enseignement supérieur et sont très présents dans l'économie, le high-­‐tech et la politique. Ce succès doit beaucoup à une gestion hiérarchisée très exigeante de la communauté, qui maintient chacun de ses membres dans un étroit corset de valeurs centrées autour de la famille, du travail et du service de l'Église » (Mandeville, 2012). Aujourd’hui, le réseau mormon s’est efficacement dilué dans la sauce américaine. L’Église contrôle notamment une université réputée, la Brigham Young University, dont la réputation ne cesse de grimper auprès des grandes entreprises et à Wall Street. Les étudiants mormons sont également de plus en plus présents dans les grandes universités américaines telles que Harvard, Yale ou encore Columbia. Par ailleurs, beaucoup de grandes entreprises américaines sont dirigées par des Mormons. L’Église, elle-­‐même, est une grande puissance financière et économique puisque ses avoirs sont aujourd’hui estimés à quelques 30 milliards de dollars. En politique, quinze Mormons ont été élus au sein du Congrès américain, le parlement bicaméral des Etats-­‐Unis. D’autres membres de l’Église mormone se sont distingués dans d’autres domaines. Glenn Beck, le célèbre animateur de la télévision Fox News en fait partie. Stéphanie Meyer, qui a écrit les livres de la série Twilight, est également mormone. « On peut donc parler d'une surreprésentation des mormons dans les élites économiques et politiques aux Etats-­‐Unis » (Bujon, 2012, p.25). La majorité des membres de l’Église de Jésus-­‐Christ des Saints des Derniers Jours ont également adopté des valeurs politiques bien américaines puisqu’ils ont apprivoisé les idées politiques conservatrices qui sont apparues à la suite des années du mandat du président américain Ronald Reagan : un conservatisme qui mélange patriotisme, anticommunisme et vision promarchés. Les Mormons se retrouvent également aujourd’hui « en ligne avec la droite radicale sur un grand nombre de sujets, notamment le refus de la dette publique et le rejet de l’intervention de l'État » (Bujon, 2012, p.25-­‐26). S’ils votent pour des partis conservateurs qui sont dirigés par des groupes souvent hostiles à l’Église 20 mormone, tels que les Protestants fondamentalistes, c’est parce que ces partis défendent les valeurs traditionnelles de la famille et de la vertu. Si les membres de l’Église portent une attention particulière aux valeurs traditionnelles chères à Joseph Smith et à ses héritiers, cela ne les empêche pas d’être au fait de la technologie moderne. Pour observer les relations des Mormons avec la technologie moderne, il suffit de jeter un œil au comportement communicationnel de l’Église. Celle-­‐ci a tout d’abord communiqué via sur des supports traditionnels, notamment via un quotidien appelé Deseret News, créé en 1850. « Leur attractivité déclinante l’a ensuite amenée à se doter en permanence (…) des instruments technologiques les plus performants » (Gillette, 2012, p.292). L’Église possède elle-­‐même ses propres entreprises commerciales d’exploitation de satellites et d’Internet. Dominique Calmels, chargé de la communication de l’Église en France, le confirme13 : les dirigeants mormons ont toujours été favorables à l’utilisation des technologies modernes. Il donne l’exemple de la manière de retransmettre les conférences générales qui se tiennent tous les six mois à Salt Lake City. Au tout début, une version papier était disponible plusieurs mois après la conférence pour rendre compte ce qu’il s’y était produit. Vers les années 1980, dans certaines paroisses, nous pouvions écouter la conférence en direct ou en différé. Ensuite, nous avons eu l'intégralité de la conférence retransmise par satellite. À présent, les membres peuvent la suivre en direct sur l’Internet (Calmels, 15 avril 2013).
Claude Bernard, chargé des relations de l’Église avec la presse en Belgique, est du même avis14 que son collègue français. « Au début du XXe siècle, l’Église s’intéressait déjà au cinéma, qui venait de naître. Les Mormons avaient alors décidé de se montrer à travers leurs propres films » (Bernard, 12 avril 2013). Aujourd’hui, les Mormons sont présents en masse sur l’Internet. Cette évolution a été accélérée par le succès des blogs et des réseaux sociaux sur la toile. La direction de l’Église finance et parraine un nombre élevé de sites internet. Cette stratégie permet notamment de saturer les moteurs de recherche de ressources liées à l’Église. De la sorte, les sites négatifs ont moins d’espace pour faire passer leurs messages. Ce mode de 13
14
Interview réalisée le 15 avril 2013 par e-­‐mail. Interview réalisée le 12 avril 2013 au domicile de Claude Bernard, à Bruxelles. 21 communication a permis aux Mormons de moderniser la technostructure de l’Église mais « le revers de la médaille est qu’un nombre croissant d’observateurs désormais mieux informés ou d’adeptes désabusés en font aussi un puissant contrepoison » (Gillette, 2012, p.294). Ainsi, un bloggeur, qui aurait publié des informations que l’Église n’a pas appréciées, a été prié de quitter la communauté mormone en Californie en 2009. Par ailleurs, beaucoup de membres japonais de l’Église mormone ont décidé volontairement de quitter la communauté au début du XXIe siècle. En cause : le nombre croissant d’informations controversées et hostiles concernant l’Église mormone disponibles sur internet. Beaucoup de membres japonais se seraient sentis trahis. Cela dit, selon Alain Gillette, Internet serait aujourd’hui un obstacle au succès de l’Église mormone. Il existe depuis quelques années un déclin de participation aux activités culturelles et sociales de l’Église, « les réseaux mormons souffrant de la concurrence d’autres pôles d’attraction, notamment du temps consacré depuis peu aux réseaux sociaux » (Gillette, 2012, p.296). D’une certaine manière, explique Alain Gillette, l’expansion de la communauté mormone est menacée par l’assimilation à la société américaine, qui est de mise depuis la fin du XIXe siècle. Pour contrecarrer cette société et la modernité qui la domine, certains Mormons privilégient aujourd’hui les communautés fermées de membres de l’Église au lieu de s’ouvrir à la société américaine et aux technologies modernes qui la structurent. 2.2.2. XXIe siècle : l’Église mormone entre dans une nouvelle dimension Après quatre tentatives (en 1932, 72, 76 et 92), Salt Lake City a enfin été choisie comme ville hôte des Jeux Olympiques (d’hiver) pour l’année 2002. Cette session olympique a été une quasi totale réussite puisqu’elle a généré un bénéfice de plus d’un milliard et demi de dollars. Salt Lake City a pu également bénéficier d’une modernisation de ses infrastructures (notamment touristiques) mais surtout, de son image. Tout cela avec la complicité discrète de l’Église mormone, qui a pu compter sur un grand nombre de bénévoles : « les observateurs ont loué la discrétion de l’Église » (Gillette, 2012, p.314). Cela dit, les J.O. de 2002 ont été une grande vitrine pour la ville et les Mormons. L’Église n’a pas hésité à entrer en contact avec les journalistes en leur distribuant des mallettes d’informations. Les 22 responsables mormons ont également pu compter sur la présence de nombreuses personnalités étrangères et ont accueilli le président Bush en personne. Enfin, les cérémonies de remise des médailles se déroulaient précisément en face du temple de Salt Lake City. Les caméras des télévisions, lors des cérémonies, ne pouvaient donc pas le rater. La face obscure de cet épisode fut les accusations à l’encontre des membres du Comité olympique international (CIO) qui auraient été corrompus par les défenseurs de la candidature de la capitale de l’Utah. Alain Gillette explique dans son livre Les Mormons : de la théocratie à Internet qu’ « un à dix millions de dollars en espèces et en nature, selon les sources, ont permis de sécuriser une forte majorité en faveur de Salt Lake City » (Gillette, 2012, p.313). À la suite de ce scandale, six membres corrompus du CIO furent radiés de cette instance pour la première fois dans l’histoire olympique. Quant aux corrupteurs, ils furent acquittés « en dépit de leurs aveux et de preuves qu’un juge fédéral de l’Utah a par deux fois jugées inexistantes au regard de la législation locale en matière de corruption commerciale, avant même qu’un jury n’ait eu la possibilité d’en délibérer » (Gillette, 2012, p.313-­‐314). Lors de ce scandale de corruption, Alain Gillette raconte qu’un certain Mitt Romney, celui qui, quelques années plus tard, se lancera dans la course à la Maison blanche, a été appelé à la rescousse pour remettre le comité organisateur sur les bons rails. 2012 fut l’année de l’élection présidentielle à laquelle le politicien mormon participa15. L’Église a soutenu « son » candidat mais de façon discrète, de manière à faire percevoir sa potentielle élection comme ordinaire. L’objectif de la campagne était de fondre le Mormonisme dans les caractéristiques communes américaines et dans le Christianisme. « L’occasion est une nouvelle fois saisie de montrer que l’Église est fondamentalement représentative de la société américaine, et non pas différente, après bientôt deux siècles de préjugés » (Gillette, 2012, p.350). Même si l’opération n’a pas été concluante, la campagne fut un énorme coup de pub pour l’Église. À côté des quelques sites négatifs au mormonisme qui partagent les préjugés habituels, quelques articles de presse pacifiques et historiques se sont inspirés de l’Église et du passé de ses membres, comme par exemple l’article publié en novembre 2012 sur le site internet du Figaro et intitulé La longue marche des Mormons. 15
Mitt Romney a également participé aux primaires du Parti républicain lors de l’élection présidentielle de 2008. 23 3. Mormons et Amish sur le Web 3.1.
Mormons et Web ne font qu’un Dans le chapitre précédent, nous avons vu que les Mormons étaient présents en masse sur la toile. L’Église elle-­‐même utilise le web comme outil de communication. Concrètement, les dirigeants mormons sont présents sur internet à travers trois sites principaux. Le premier, LDS.org, est à la disposition des membres de l’Église. Il permet de visionner en direct ou en différé des conférences ou des évènements à caractère mormon. De nombreuses vidéos et textes relatant des témoignages de membres ou autres conseils (liés au mode de vie ou à la famille par exemple) sont en ligne sur ce site internet. Un grand nombre de documentations est mis à la disposition des membres sur ce site. À travers son contenu, les Mormons sont mis au courant des évènements à venir, des formations en tout genre qui peuvent être suivies par les jeunes et moins jeunes, des possibilités de missions à l’étranger, etc. Un autre site internet, mormon.org, est destiné quant à lui aux non-­‐membres qui s’intéressent pour une raison quelconque au mormonisme et qui se poseraient des questions sur l’Église. Les internautes peuvent découvrir le mormonisme à travers certains membres qui se présentent via ce site internet. Les visiteurs ont la possibilité de dialoguer en ligne avec ces membres de l’Église. Les Mormons qui se portent volontaires pour discuter avec les internautes se présentent via une page-­‐profil, composée de textes, photos et vidéo. Par ailleurs, les croyances, principes et valeurs des Mormons sont mis en exergue à travers plusieurs rubriques reprenant textes didactiques, photos et vidéos. Enfin, le site invite les internautes à participer à des “services du culte” ou encore à “trouver une église” mormone. Le troisième site internet que nous allons relever est destiné à la presse américaine et internationale. Il s'agit d'une véritable Newsroom (mormonnewsroom.org) qui publie des communiqués de presse, des informations sur l'organisation de l'Eglise et ses dirigeants, des chiffres et autres statistiques... Les journalistes ont l'occasion de contacter les attachés de presse de l'Eglise via ce site. Lyman Kirkland est l'un deux. Il est spécifiquement à la 24 disposition des journalistes travaillant dans des médias en ligne. M. Kirkland a confirmé16 que l’Église mormone possédait plusieurs sites internet dans le but de communiquer avec ses membres, le public et "d’autres". « L’Église de Jésus-­‐Christ des Saints des Derniers Jours utilise largement les technologies modernes, notamment les réseaux sociaux, pour communiquer et publier des informations » (Kirkland, 17 avril 2013, trad. libre). Lyman Kirkland a notamment signalé que l’Église investissait la technologie du Web dans le but d’atteindre la jeunesse mormone. « L’Église a justement lancé cette année un programme pour ses jeunes, basé sur l’utilisation des technologies pour préparer des leçons » (Kirkland, 17 avril 2013, trad. libre). Dans un article publié en février 2013 via la Newsroom de l’Église, Neil L. Andersen, l’un des leaders mormons, explique que les jeunes font face aujourd’hui « à une multitude de distractions digitales qui les emmènent vers des directions différentes. Celles-­‐ci sont souvent destructrices et non nécessaires. L’Église doit (…) être une source du Bien pour la jeunesse dans un monde où la technologie domine » (Anon., 2013a, trad. libre). M. Kirkland a également ajouté que l’Église utilisait les technologies de l’Internet pour effectuer "un travail généalogique". En effet, elle possède un site internet, FamilySearch.org, qui permet d’effectuer des recherches généalogiques sur l’histoire de sa propre famille. La version de ce site a été renouvelée pas plus tard qu’au mois d’avril 2013. En tout, environ 10 millions de visiteurs consultent les sites web de l’Église mormone chaque année, selon Lyman Kirkland. À côté des sites officiels, la communauté des membres de l’Église utilise également largement le web pour transmettre l’idéologie mormone. « En 2007, un leader de l’Église encourageait les Mormons à utiliser les médias sociaux pour participer à la conversation autour du Mormonisme » (Kirkland, 17 avril 2013, trad. libre). Le dirigeant Melvin Russell Ballard avait en effet encouragé 200 étudiants diplômés à utiliser largement l’Internet dans toutes ses formes (blogs et autres nouveaux médias) pour participer au développement de l’Église mormone. M. Ballard expliquait alors que les Mormons « ne pouvaient rester sur la touche alors que d’autres, y compris les opposants au Mormonisme, tentent de définir ce que l’Église enseigne » (Anon., 2007, trad. libre). Un des responsables de la communication des Mormons en Belgique17, Claude Bernard, a confirmé lors d’une interview18 que les 16
17
Interview réalisée le 17 avril par e-­‐mail. D’après Claude Bernard, il y a environ 6.000 membres de l’Église mormone en Belgique. 25 leaders de l’Église poussaient la communauté mormone à interagir sur l’Internet. « Il y a quatre ou cinq ans, Dieter F. Uchtdorg19 a demandé à la communauté lors d’un discours d’aller sur l’Internet, de raconter leur histoire et de créer des blogs » (Bernard, 12 avril 2013). À partir de ce moment, énormément de blogs "mormons" ont vu le jour et certains sont tenus par des femmes de la communauté. « Beaucoup, beaucoup de membres de l’Église s’expriment via des blogs » (Kirkland, 17 avril 2013, trad. libre). Parmi ceux-­‐ci, il y a énormément de Mommy Bloggers mormones, « très populaires aux Etats-­‐Unis » (Kirkland, 17 avril 2013, trad. libre). Les « mamans bloggeuses » sont des mères au foyer qui tiennent un blog pour partager leur quotidien et leur vie de famille. Shawni Pothier est l’auteure d’un Mommy Blog. Dans son blog20, elle précise qu’elle cherche par ce moyen à garder des souvenirs de famille et à entrer en contact avec d’autres familles. Elle y partage des photographies, ses idées concernant le rôle parental et "la joie de la maternité". Heidi Allen Garvin habite à Provo (Utah, USA). Elle est également une Mommy Blogger. Elle explique dans un de ses blogs qu’elle a voulu créer un lieu online sûr et sain pour permettre aux bloggeurs mormons de se connecter et de se mélanger, « un endroit qui fournit du contenu positif et des encouragements mutuels », précise-­‐t-­‐elle sur son blog21.
Heidi Allen Garvin s’occupe de quatre blogs mais également de plusieurs pages liées au réseau social Facebook. William, qui n’a pas voulu divulguer son nom complet, fait également partie du réseau de bloggeurs mormons. Il écrit régulièrement pour mormonblog.com. Interviewé par message électronique, William explique que ce blog est « un endroit ou des membres ordinaires de l’Église pouvaient partager leurs pensées et témoignages de leur foi » (William, 16 avril 2013, trad. libre). Ce site est destiné aux internautes curieux non Mormons mais également aux membres de l’Église qui désirent renforcer leur foi en partageant leurs croyances communes. « Ce genre de blog démontre que la doctrine de l’Église est la même dans tous les pays et dans toutes les congrégations mormones, que les croyances prêchées par les autorités sont identiques aux croyances pratiquées par les membres ordinaires » (William, 16 avril 2013, trad. libre). 18
Interview réalisée le 12 avril 2013 au domicile de Claude Bernard. Un des leaders de l’Église. 20
www.71toes.com 21
mormonmomswhoblog.blogspot.com 19
26 3.2.
Y a-­‐t-­‐il un Amish sur la toile ? Dans le camp des Amish, rien n’est semblable. Il n’y a pas de communauté de bloggeurs qui partagent leur foi et leur quotidien via l’Internet. Pas de trace non plus d’une instance dirigeante présente massivement sur internet, comme c’est le cas du côté mormon. Il est toutefois possible d’entrer en contact online avec des témoins proches des communautés amish. On peut par exemple rencontrer Saloma Miller Furlong. Elle a grandi dans une communauté Amish dans l’Ohio (USA) et depuis, a décidé de couper les ponts avec cette communauté. Elle a raconté son expérience dans son livre Why I left the Amish. Elle a également créé un blog (aboutamish.blogspot.com) dans lequel elle apporte des réflexions concernant les Amish, en tant qu’ancienne membre de la communauté. Lors d’une conversation par courrier électronique22, elle explique qu’elle ne sait pas exactement quelle est la relation entre l’Internet et les Amish. Même pour ce qui est de ma communauté, je ne pourrais décrire leur manière d’utiliser le Web pour la simple raison que j’ai quitté la communauté avant l’apparition de l’Internet. La seule façon de prendre connaissance des technologies utilisées par les Amish est d’être près d’eux et d’avoir assez d’interactions avec eux pour le savoir (Furlong, 24 mars 2013, trad. libre). Comment entrer en contact avec des Amish qui, visiblement, n’utilisent pas le web ou le font de façon discrète ? Le seul moyen est de persévérer et de prendre contact avec des internautes non amish. Ira Wagler23, une connaissance de Saloma Miller Furlong, vit parmi les Amish dans le comté de Lancaster (Pennsylvanie, USA). « Mais je ne suis pas Amish », a-­‐t-­‐il précisé lors d’une interview24. « Je suis néanmoins connecté à cette culture : certains de mes amis les plus proches sont amish et je suis attiré par l’impulsion de cette communauté » (Wagler, 28 mars 2013, trad. libre). M. Wagler a constaté que dans le Comté de Lancaster, les Amish n’utilisaient pas l’Internet dans un but spécifiquement religieux. Au contraire de l’Église mormone qui 22
Interview réalisée le 24 mars 2013 par e-­‐mail. Il a écrit un livre sur les Amish : Growing up Amish. 24
Interview réalisée le 29 mars 2013 par e-­‐mail. 23
27 communique largement sur l’Internet pour partager son idéologie, les Amish se font beaucoup plus discrets. Cela dit, tous les Amish ne bannissent pas l’Internet. Le Web est utilisé dans le but de gagner sa vie. Certaines entreprises et business qui appartiennent à des Amish possèdent leur propre site internet pour présenter leurs services et produits. Je ne sais pas si ce genre de pratiques est autorisé par les communautés amish, mais certains le font (Wagler, 28 mars 2013, trad. libre). Il a également observé que l’Internet se faisait de plus en plus présent dans la vie de la jeunesse amish via les téléphones portables. « Aujourd’hui, on peut se connecter au Web très facilement à l’aide des téléphones portables. Un très grand nombre de jeunes amish en possèdent, ils sont connectés entre eux et avec le monde » (Wagler, 28 mars 2013, trad. libre). L’Internet paraît cependant aller à l’encontre des doctrines amish qui veulent que la communauté s’éloigne des influences de la société moderne. De la sorte, les Amish espèrent vivre en harmonie avec Jésus et suivre ses enseignements. Ira Wagler pense sincèrement que l’Internet bouleversera largement la communauté amish dans le Comté de Lancaster. « Croyez-­‐moi, la simple utilisation de téléphones portables va beaucoup changer la culture amish dans une ou deux générations. Plus que vous ne pouvez imaginer » (Wagler, 28 mars 2013, trad. libre). Les jeunes, ne faisant pas encore partie officiellement des congrégations25, possèdent des téléphones portables et se connectent partout dans le monde grâce à l’accès internet. De plus en plus de jeunes qui se joignent aux congrégations ne retirent pas pour autant l’accès internet de leur téléphone portable. Cet appareil est une fenêtre sur le monde, on peut se connecter à n’importe quelle partie du monde. Cela va devenir plus difficile de s’isoler du monde dans le futur et surtout lorsque la jeunesse d’aujourd’hui se mariera, aura des enfants et obtiendra des postes importants dans la communauté (Wagler, 28 mars 2013, trad. libre). Dans le chapitre précédent, nous avons relevé qu’Alain Gillette, auteur et spécialiste des questions mormones, prédisait que l’utilisation du Web par les Mormons pourrait également créer des tensions dans la communauté et chambouler la culture mormone26. 25
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Les Amish ne se font baptiser qu’après avoir atteint l’âge adulte. Fin de la p. 20 et début de la p. 21 : Internet serait aujourd’hui un obstacle au succès de l’Église mormone. Il existe depuis quelques années un déclin de participation aux activités culturelles et sociales de l’Église, « les réseaux mormons 28 Selon les Mormons eux-­‐mêmes, ces tensions sont évitables si la communauté utilise le Web consciencieusement et en suivant les conseils des dirigeants de l’Église. Lyman Kirkland, l’attaché de presse américain de l’Église, n’est pas certain que ce type de tension se développe dans la communauté. Les leaders mormons ont fréquemment conseillé aux membres d’être attentifs dans leur utilisation de l’Internet et d’éviter les sites web et les situations qui pourraient se révéler nuisibles. Le conseil est d’utiliser cette technologie de manière bienveillante et de façon à améliorer sa propre vie (Kirkland, 17 avril 2013, trad. libre). Ses collègues européens partagent le même avis. Dominique Calmels, responsable de la communication de l’Église en France, explique27 que la modernité ne pose aucun problème à la communauté du moment qu’elle est utilisée dans un « bon » but. Les dirigeants nous encouragent à prendre le bon côté de l’Internet et à être vigilant avec les mauvaises choses, comme la pornographie. On conseille aux parents de surveiller l’utilisation que font leurs enfants de l’Internet et il faut également être attentif à ne pas y consacrer trop de temps pour ne pas perdre nos priorités (Calmels, 15 avril 2013). Malgré ces nombreux conseils, Dominique Calmels ne pense pas que le Web soit intrinsèquement mauvais ou dangereux pour la communauté mormone. « De plus en plus de membres utilisent leur tablette ou téléphone portable le dimanche pour consulter les Écritures ou autres documentations de l'Eglise. Nous pouvons à tout moment lire nos Ecritures et les jeunes sont encouragés dans ce sens » (Calmels, 15 avril 2013). Que ces tensions soient réelles ou non, les Mormons présents sur le web ne le quitteront pas, ni les quelques Amish qui l’utilisent. Parmi ces derniers figurent quelques amis d’Ira Wagler. « Un de mes amis amish possède par exemple un site web immobilier et d’investissement. Il s’agit en fait d’un blog dans lequel il écrit ses pensées » (Wagler, 28 mars 2013, trad. libre). M. Wagler est un ami fidèle : par souci de protection, il préfère dissimuler l’identité et l’adresse des sites internet de ses connaissances amish. Mormons et Amish sont décidemment bien différents concernant les affaires liées au Web. D’un côté, il est possible d’atteindre sur Internet aussi bien les simples membres que certains cadres de l’Église mormone. De l’autre, lorsqu’un Amish utilise le web, il le fait de manière beaucoup plus souffrant de la concurrence d’autres pôles d’attraction, notamment du temps consacré depuis peu aux réseaux sociaux » (Gillette, 2012, p.296). 27
Interview réalisée le 15 avril 2013 par e-­‐mail. 29 discrète, pour faire fructifier ses affaires plutôt que pour expliquer ses traditions culturelles et religieuses. De plus, il est apparemment mal vu de « dénoncer » un Amish qui surfe sur l’Internet. Les recherches d’un Amish présent sur l’Internet se poursuivent mais les résultats sont toujours négatifs. Certains sites font la promotion de la culture amish, www.amish.net par exemple. Leslie A. Kelly est l’une des responsables du site. Elle précise28 qu’elle n’est pas amish, qu’elle ne l’a jamais été et qu’amish.net est une entreprise commerciale dont les objectifs sont de donner des informations concernant les Amish, de vendre des produits amish et d’organiser des services touristiques dans les communautés. Leslie A. Kelly n’a remarqué aucun changement dans la communauté amish depuis l’avènement du Web. « Je ne connais aucun Amish bloggeur. Je n’ai d’ailleurs jamais entendu parler d’un Amish qui possèderait son propre site web dans lequel il opérerait lui-­‐même » (Kelly, 26 avril 2013, trad. libre). Le site internet www.padutchcountry.com offre également des services touristiques dans les communautés amish situées en Pennsylvanie. Ce site représente Pennsylvania Dutch Convention, l’agence régionale qui s’occupe de la promotion du tourisme29 pour la partie sud-­‐centrale de la Pennsylvanie et principalement, le Comté de Lancaster. Henry Deemer travaille pour l’agence. Il explique que « celle-­‐ci n’est en rien liée à la communauté amish, même si certains de nos collaborateurs sont amish » (26 avril 2013, trad. libre). L’agence n’a donc aucune affiliation avec la communauté amish mais étant donné la large présence d’Amish dans la région, Pennsylvania Dutch Convention propose des services de tourisme dans les colonies amish. « Nous faisons des efforts particuliers pour présenter les Amish à nos visiteurs. Nous tentons également d’agir comme une sorte de filtre pour protéger la communauté amish de l’exploitation » (Deemer, 26 avril 2013, trad. libre). Alors que les Amish semblaient plus que jamais inaccessibles sur le Web, Ira Wagler a fini par divulguer les coordonnées d’une de ses connaissances amish. Il s’appelle David Miller, il fait partie d’une communauté amish de l’État de Pennsylvanie et il utilise régulièrement l’Internet. M. Miller explique30 qu’il existe de nombreuses variantes dans la 28
Interview réalisée le 26 avril 2013 par e-­‐mail. Selon Henry Deemer, consultant à l’agence PA Dutch, la région accueille chaque année environ 11 millions de touristes et fait partie du top dix des destinations les plus prisées des Etats-­‐Unis. 30
Interviewé le premier mai 2013 par Skype. 29
30 manière d’utiliser le Web chez les Amish. « Les communautés amish ne sont pas dichotomiques en ce qui concerne la permission d’utiliser les technologies modernes, il existe également de nombreuses zones grises » (Miller, 1e mai 2013, trad. libre). Dans certains cas, les leaders amish interdisent de manière très stricte l’utilisation du Web. Tandis que dans la zone où habite David Miller, « l’utilisation de l’Internet est découragée mais certains l’utilisent fréquemment pour des raisons professionnelles » (Miller, 1e mai 2013, trad. libre). David Miller possède lui-­‐même un site internet pour des raisons professionnelles. Il utilise également régulièrement les réseaux sociaux pour entretenir son réseau de connaissances. Il précise que la communauté amish encourage un usage discret du Web pour éviter les "objets diaboliques" liés à l’Internet, qui ne permettent pas de vivre de façon "pieuse". « Personnellement, je ne vois pas le Web comme quelque chose de diabolique. Je l’utilise avec discrétion, pour mes affaires personnelles et en faisant des choix » (Miller, 1e mai 2013, trad. libre). Tout comme un Amish pourrait s’offrir les services d’un chauffeur, il n’est pas rare qu’un membre de la communauté fasse appel à une personne extérieure dans le but de confectionner et de gérer un site sur le Web. Comme tout le monde, il arrive qu’un Amish s’offre ce service. Cela permet de ne pas créer de tension ou de problème dans la communauté, de ne pas être engagé dans la technologie mais d’en tirer tout de même des bénéfices (Miller, 1e mai 2013, trad. libre). Enfin, David Miller confirme également que la transmission des traditions et de la culture amish par le Web ne fait pas du tout partie des plans de la communauté. « Nous n’utilisons pas l’Internet comme une plateforme d’évangélisation. Notre objectif n’est pas de recruter de nouveaux membres par le Web » (Miller, 1e mai 2013, trad. libre). Étant donné que les Amish renoncent à bien des égards aux technologies et que la philosophie amish veut que les communautés soient isolées du monde, cette stratégie "d’absentéisme" semble toute logique. Il est cependant encore possible d’observer l’un ou l’autre site Internet faisant référence à des informations concernant les communautés et congrégations. Prenons le site www.beachyam.org comme exemple : créé en 2005, l’un de ses objectifs est de collecter de la documentation concernant l’Ordre Beachy Amish et d’informer ses visiteurs. Son auteur, Cory Anderson, précise qu’il ne s’agit pas d’un site officiel du Beachy Amish. Si l’on visite le site, on s’aperçoit tout de même qu’on est très loin des artifices de communications 31 observés sur les pages internet de l’Église mormone. Pour ce qui est du site web de Cory Anderson, il n’y a qu’un seul mot d’ordre : la simplicité, qui régit également la vie des Amish. 32 Conclusion On peut relever quelques points communs autour des Mormons et des Amish. Ces deux courants religieux se sont développés principalement aux Etats-­‐Unis et sont issus du Christianisme. Les membres de ces deux groupes ont jadis été exclus de la société, sous la coupe des idéologies dominantes. Les Amish ont émigré dans l’Est américain tandis que les Mormons se sont installés à l’Ouest, dans l’actuel Utah. Malgré ces ressemblances, les dirigeants de ces deux courants ont choisi deux voies contradictoires : les Mormons ont décidé de s’intégrer totalement dans la société moderne américaine tandis que les Amish ont choisi de rester isolés du monde moderne pour éviter les contraintes imposées par celui-­‐
ci. On a également observé que les deux communautés ne faisaient pas le même usage du Web. Alors que les Amish n’ont pas d’instance centrale présentant les traditions et la culture amish aux internautes du monde entier, l’Église mormone utilise largement le Web pour prendre soin de sa propre communauté mais également pour partager son idéologie aux cybernautes curieux. Les dirigeants de ce groupe religieux encouragent également massivement les membres de l’Église à prendre part à ce partage sur l’Internet. De cette manière, les Mormons tentent de créer une communauté unie et commune sur le Web dans laquelle les membres de l’Église peuvent interagir entre eux mais aussi avec le reste du monde pour transmettre leurs expériences religieuses quotidiennes. Par contre, les dirigeants amish découragent généralement les membres de leur communauté à surfer sur le Web. Certaines communautés interdisent strictement l’accès à l’Internet, d’autres l’acceptent avec certaines nuances. La discrétion est toujours de mise et l’utilisation pour des raisons professionnelles est plus facilement acceptée par la communauté. Aussi isolée que la communauté amish puisse être, le Web a réussi à briser la frontière des colonies amish. Rappelons également que d’après Ira Wagler, proche voisin des communautés amish dans le Comté de Lancaster, les futures générations amish seront profondément bouleversées par les technologies modernes. Connectée grâce aux téléphones portables, la 33 jeunesse amish utilise le Web. Les relations des communautés amish avec le monde extérieur risquent de se métamorphoser lorsque ces jeunes auront des rôles importants à assumer au sein des congrégations amish, toujours selon Ira Wagler. Mais comment interpréter ces différentes conceptions du Web et des technologies modernes ? Selon Jean-­‐Mathieu Lochten, père jésuite engagé dans le dialogue interconvictionnel et chargé de cours à l’Institut des Hautes Études des Communications Sociales, cela ne s’explique pas. « Les conceptions qu’ont ces communautés religieuses du Web dépendent de leurs leaders. L’attitude qu’elles ont vis-­‐à-­‐vis de l’Internet n’est pas lié au fait religieux mais à des hommes qui considèrent que le Web équivaut à Satan (ou le contraire, ndla) » (Lochten, 3 mai 2013). Finalement, on constate que l’utilisation de l’Internet dans ces deux groupes religieux colle parfaitement avec leurs propres traditions religieuses. Les Mormons, d’un côté, ont toujours cherché à se développer socialement et économiquement, avec la complicité des technologies modernes. Le Web est dès lors largement utilisé pour propulser ce développement vers l’avant. Chez les Amish, certains ont décidé d’utiliser l’Internet tout en respectant la tradition amish d’isolement du monde extérieur : un Amish qui surfe sur le Web sera de préférence discret et l’usage qu’il fait d’internet suit un but personnel, bien souvent lié aux affaires. Dans les deux cas, les dirigeants religieux mettent en garde les internautes contre les côtés "maléfiques" du Web. Mais l’Internet ne semble pas être un mal absolu, au grand désespoir de Satan. Chacune des communautés religieuses arrive, jusqu’à présent, à concilier ses propres objectifs avec l’utilisation de l’Internet, l’un des outils les plus performants de la technologie moderne en terme de communication. 34 Sources Anon. (2007, 15 décembre). Apostle urges students to use new media. Newsroom de l’Église de Jésus-­‐Christ des Saints des Derniers Jours. Récupéré le 6 mai 2013 de http://www.mormonnewsroom.org/article/apostle-­‐urges-­‐students-­‐to-­‐use-­‐new-­‐media Anon. (2013a, 1e février). Mormon leaders speaking to youth in their language : technology. Newsroom de l’Église de Jésus-­‐Christ des Saints des Derniers Jours. Récupéré le 6 mai 2013 de http://www.mormonnewsroom.org/article/mormon-­‐leaders-­‐speaking-­‐to-­‐youth-­‐in-­‐their-­‐
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_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false Wagler, I. (28 mars 2013). Interview personnelle par courrier électronique. William (16 avril 2013). Interview personnelle par courrier électronique. 37 Table des matières Introduction 3 1. Origines et traditions des Amish et Mormons 6 1.1. Les Amish 6 1.1.1. Des immigrés européens 6 1.1.2. Un ordre religieux semi-­monastique 7 1.2. Les Mormons 9 1.2.1. Un prophète et des saintes Écritures révélées 9 1.2.2. Des tensions vives dans et en dehors de la société mormone 11 2. L’intégration des Amish et Mormons dans la société moderne 13 2.1. Les relations des Amish avec la société moderne 15 2.2. Les relations des Mormons avec la société moderne 18 2.2.1. L’exil, puis l’intégration 18 e
2.2.2. XXI siècle : l’Église mormone entre dans une nouvelle dimension 22 3. Mormons et Amish sur le Web 24 3.1. Mormons et Web ne font qu’un 24 3.2. Y a-­‐t-­‐il un Amish sur la toile ? 27 Conclusion 33 Sources 35 Table des matières 38 38 Les nouvelles technologies, principalement le Web, sont des outils qui secouent les mentalités des religieux. Les Religions sont pour la plupart attachées à leurs traditions, à leurs croyances et à certaines valeurs tandis que le Web a la particularité de mélanger un très grand nombre d’idées et d’idéologies, qui peuvent aller à l’encontre de l’idéal religieux. Comment les Religions réagissent-­‐elles face à cet outil qui permet d’être lié au monde entier ? L’Église de Jésus-­‐Christ des Saints des Derniers Jours (qui représente les Mormons) et les Amish sont deux courants religieux qui ont été exclus par les religions dominantes, à la suite de quoi leurs croyants ont décidé d’émigrer et de vivre selon des règles strictes pour se différencier du monde extérieur. Comment ces communautés religieuses ont-­‐elles réagi face aux technologies modernes, et aujourd’hui face au Web ? Nieuwe technologieën, voornamelijk het Internet, zijn instrumenten die de mentaliteiten van religieuze aanhangers schudden. Godsdiensten hebben hun eigen tradities, overtuigingen en waarden. Dit gaat op tegen het internet die een pot vol is van een groot aantal ideeën en ideologieën, die als storend kunnen opgevat worden door godsdiensten omdat die tegen het religieus ideaal ingaan. Hoe staan de godsdiensten tegenover het Internet ? De kerk van Jezus Christus van de Heiligen der Laatste Dagen (die de Mormonen vertegenwoordigd) en de Amish zijn twee religieuze bewegingen die door de dominante godsdiensten werden uitgesloten. Als tegenreactie emigreerden de gelovigen en leefden ze met strenge regels om de gevaren van de buitenwereld te vermijden. Nu is de vraag, wat denken deze religieuze gemeenschappen over de moderne technologieën en het Internet ? New technologies, particularly the Internet, are instruments that are unnerving members of religious orders. Such orders are, for the most part, attached to their traditions, their faith and associated moral values. In contrast with this, the Internet comprises a variety of ideas and ideologies. How religious orders react when faced with this instrument ? The Church of Jesus Christ of Latter-­‐day Saints (representing the Mormon community) and Amish are two current religious communities that were excluded from dominant religions. For this reason they decided to emigrate and live according to strict values. How have these specific communities dealt with the emerging technological era, and specifically how have they reacted in the face of Internet ? 39 

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