Argent_liquide_Le_Monde_avril_2016
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6 | dossier 0123 MARDI 26 AVRIL 2016 La carte bancaire plébiscitée LES RÈGLEMENTS PAR CHÈQUE ÉGALEMENT (EN MILLIARDS) LE FLUX DE BILLETS ET DE PIÈCES DIMINUE (EN MILLIARDS) TANDIS QUE LES PAIEMENTS PAR CARTE S’IMPOSENT (EN MILLIARDS) Pièces Billets 910 856 178 834 175 6,9 6,5 170 7,4 9,4 9 8,5 7,9 681 2013 2008 2014 2009 3,1 3 2,8 2,6 2,5 2010 2011 2012 2013 2014 ÉMISSIONS NETTES FRANÇAISES DE BILLETS EN MILLIARDS D’EUROS 2008 2009 2010 2011 2012 ÉMISSIONS NETTES EUROPÉENNES DE BILLETS EN MILLIARDS D’EUROS 56 419,9 41,1 306,8 214,5 14,4 9,4 2013 2014 2008 2009 – 1,7 –1 20 € 6,5 6,6 6,4 2010 2011 2012 2013 7 50 € 100 € – 5,4 200 € 500 € 8,8 23,3 5€ 10 € 68,8 90 20 € 41,4 50 € 100 € 200 € 84 % 78 % Carte bancaire 11 % 9% 1% Chèque Argent liquide Virement bancaire 67 % 70 500 € 2014 MOYENS DE PAIEMENT PRÉFÉRÉS DES FRANÇAIS EN FONCTION DU MONTANT DES DÉPENSES (Sondage réalisé par L’Institut CSA pour le ministère des finances et des comptes publics et le ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique. Sur un échantillon national de 1 004 personnes âgées de 18 ans, représentatif de la population, interrogées par téléphone du 29 au 30 avril 2015) 100 80 10 € 6,4 664 3,3 5€ 6 5,7 732 2012 AINSI QUE LES VIREMENTS ET PRÉLÈVEMENTS (EN MILLIARDS) 60 50 RÉPARTITION DES ÉMISSION NETTES, EN VALEUR 10 € 5€ 0,8 % Emissions européennes 20 € 50 € 100 € 200 € 40 500 € 30 2,1 % 6,3 % 38,8 % 19,8 % 3,8 % 28,3 % 10 – 1,5 % Emissions françaises – 4,8 % 0 8,3 % 26 % 20 49,7 % 36,5 % 12,7 % – 0,9 % 14 % 1% Moins de 10 € 6% 1% De 10 € à moins de 50 € De 50 € à moins de 100 € SOURCES : BPCE, BANQUE DE FRANCE, MINISTÈRE DES FINANCES Requiem pour l’argent liquide béatrice madeline D e menues piécettes dans la soucoupe du garçon de café, une poignée de billets de 10 et 20 euros pour le marché du week-end, un « gros » billet glissé dans une enveloppe pour l’anniversaire du filleul ou les étrennes de la concierge… Achats du quotidien, pourboires, cadeaux : devronsnous, un jour, changer nos habitudes et troquer notre porte-monnaie contre un simple porte-cartes (de crédit et sans contact, bien sûr) et un smartphone équipé de la fonction paiement ? L’idée de la suppression du cash, corollaire de la politique de taux d’intérêt négatifs, revient de plus en plus souvent dans le débat public. D’autant plus souvent que certains pays comme la Suède et le Danemark (et, hors d’Europe, la Norvège, le Québec ou la Corée du Sud) mènent clairement une politique en ce sens. Pour les banques et les intermédiaires financiers, l’objectif est aussi de développer une activité en plein essor : les moyens de paiement, rappelle Bercy, représentent un secteur économique très important. La filière – banques et industriels – emploie 90 000 personnes et représente 6 à 7 milliards d’euros de valeur ajoutée. L’innovation y est permanente, par exemple dans le domaine des applications de paiement sur smartphone. « On voit se défragmenter – et c’est quelque chose qui ne se résume pas à la France – le marché autour des moyens de paiement : virements, prélèvements et cartes, aux côtés d’un quatrième moyen de paiement qui est le Encombrant, coûteux, dangereux et support de toutes les fraudes, le cash n’a plus la cote auprès des banques et des gouvernements. Mais les utilisateurs résistent et trouvent encore des qualités à leurs pièces et à leurs billets cash », confirmait Marc Espagnon, directeur des paiements et du cash management chez BNP Paribas, à l’occasion d’un colloque BNP Paribas-Brink’s, le 8 avril. Patrick Lagarde, PDG de Brink’s France, a une explication : « L’argent liquide est victime d’un certain nombre de clichés. Il favoriserait la fraude, coûte cher à utiliser et présente des risques. » Le premier problème abordé par ce défenseur du cash, celui de la fraude, est invoqué par tous les pays qui cherchent à réduire, voire supprimer, les espèces. Evasion fiscale, travail au noir, pots-de-vin et autres « enve- loppes », l’argent liquide autorise tous les petits arrangements entre amis. Mathieu Delahousse, reporter à RTL, et Thierry Lévêque, ancien journaliste chez Reuters, ont enquêté sur le sujet. Dans leur livre Cache cash (Flammarion, 2013), ils estiment même que l’une des seules explications à la survivance de l’argent liquide, c’est qu’il permet toutes ces dérives. Dans la zone euro, le sort du billet de 500 euros, accusé d’être la coupure favorite des fraudeurs, trafiquants et terroristes, semble scellé. Supprimer le cash pour relancer l’économie lutter contre la fraude ou l’argent sale n’est pas la seule raison pour laquelle les gouvernements ou les banques centrales pourraient vouloir supprimer les espèces. Faire disparaître pièces et billets est aussi une manière indirecte de réduire l’épargne, relancer la consommation – et donc la croissance –, dans le contexte de taux négatifs que l’Europe connaît aujourd’hui. En effet, explique Paul Hubert, chercheur à l’Observatoire français des conjonctures économiques, « pour que les taux négatifs puissent fonctionner, il faut que les ménages n’aient pas la possibilité de thésauriser ». Sinon, rien de plus aisé que de reconstituer le bas de laine de nos arrière-grands-parents pour échapper à la rémunération négative proposée par les banques. En revanche, s’ils n’ont pas cette possibilité d’échapper au système bancaire, les ménages adopteront, selon les économistes en faveur de cette politique, le comportement économique le plus rationnel : consommer. Avec toutes les incidences positives que l’on espère sur la croissance. « A l’horizon d’un ou deux ans, les taux négatifs sont un bon moyen de réenclencher la machine économique, en incitant à la consommation plutôt qu’à mettre de côté », confirme ainsi Paul Hubert. « Actionner les taux négatifs » Cette idée de jouer sur le cash pour relancer l’économie n’est pas totalement nouvelle. En 2009, un professeur d’économie d’Harvard, Gregory Mankiw, en avait proposé une autre version iconoclaste, exposée dans un article publié dans le New York Times (19 avril 2009) : « Imaginons que la Réserve fédérale américaine [banque centrale] annonce que, dans un an, elle tirera au sort un chiffre entre zéro et neuf. Tous les billets portant un numéro se terminant par ce chiffre n’auront, alors, plus cours légal à une certaine date. Le revenu espéré des espèces chutera de 10 %. (…) Certaines personnes pourraient alors décider que, à ce compte-là, elles préfèrent dépenser tout de suite cet argent – par exemple, en achetant une voiture neuve. » Michel Santi, économiste atypique, conseiller de banques centrales, est l’un des plus ardents défenseurs de la dématérialisation totale de la monnaie, notamment dans un objectif macroéconomique. Pour lui, la fin de l’argent liquide est même un préalable : « Si je plaide pour la disparition du cash, c’est pour que l’Etat puisse, quand il le souhaite, actionner les taux négatifs pour relancer l’économie. » Seulement voilà, rien ne se passe jamais comme prévu. Les épargnants ne sont pas armés des mêmes convic- tions que les économistes sur les vertus de la dépense. En Allemagne, particulièrement, le mécontentement gronde : non seulement les dépôts bancaires ne rapportent plus rien, mais, en plus, le billet de 500 euros, très prisé des Allemands, est menacé ! En France, on n’en est pas encore là, puisque les taux négatifs ne concernent que les banques et les entreprises. Pour pouvoir maintenir leur niveau d’épargne, les ménages peuvent être tentés de se tourner vers une autre solution que les comptes d’épargne ou les bas de laine : l’or, par exemple, une fois de plus la valeur refuge. Au Japon, le métal jaune a vu ses ventes progresser de 35 % au premier trimestre, malgré un contexte de hausse des cours. Et ce, tandis que la Banque du Japon a instauré, en février, des taux négatifs sur une partie de ses réserves. p b. ma. dossier | 7 0123 MARDI 26 AVRIL 2016 Pour les mêmes motifs, la France a interdit, depuis le 1er septembre 2015, de régler en liquide les achats supérieurs à 1 000 euros et a réduit les commissions liées aux paiements par cartes bancaires. « La première volonté, c’est de faire reculer le cash et l’anonymat dans l’économie française », a assuré le ministre des finances, Michel Sapin, en annonçant ces mesures. « La traçabilité, c’est l’objectif majeur de Bercy », souligne Didier Cocheteau, directeur des paiements et international du groupe BPCE. Deuxième défaut : les espèces génèrent des risques. Les transporteurs de fonds connaissent bien le problème, tout comme les milliers de commerçants victimes de braquage chaque année. Les banques ont, en partie, résolu le problème, en supprimant la manipulation des espèces par leur personnel et en rebasculant tout sur les automates bancaires. Mais ceux-ci, et c’est là le troisième défaut de l’argent liquide, sont coûteux à approvisionner et à entretenir. Les banques commencent à se mordre les doigts d’avoir littéralement quadrillé le pays de distributeurs automatiques. On en compte aujourd’hui 57 000 en France. A tel point que, à certains carrefours stratégiques, on peut voir se côtoyer trois ou quatre distributeurs sous des logos différents ! Une « guéguerre » ruineuse pour les banques et inutile pour les clients, car, depuis la fin des années 2000, les retraits ne progressent plus. « Le rôle des banques est bien de maintenir la distribution d’espèces sur tout le territoire, reconnaît Didier Cocheteau. Ce qui ne nous empêche pas de réfléchir à une meilleure optimisation du système en général. On a connu, avec la carte bancaire, une explosion des infrastructures. On constate aujourd’hui que l’on est en suroffre. Nous sommes des industriels, donc nous adaptons notre chaîne économique. » Enfin, à l’heure où l’environnement devient une préoccupation majeure, certains acteurs pointent du doigt les espèces pour leur bilan carbone désastreux. Papier, encres, acheminement par camions : une étude menée par la Fédération bancaire française (FBF), en 2011, estimait à 22 grammes équivalent carbone un paiement en espèces, contre 3 grammes pour un paiement par carte bancaire et 15 grammes pour un paiement par chèque ! « Les espèces et le chèque sont les deux moyens de paiement qui nuisent le plus à l’environnement », affirme la FBF. « TERRIBLEMENT INEFFICACE ET CHER » Au final, le verdict semble sans appel. « Le cash, je pense, n’existera probablement plus dans dix ans. Ce n’est pas quelque chose qui est nécessaire, c’est terriblement inefficace et cher », a ainsi déclaré, tout de go, John Cryan, patron de la Deutsche Bank, à l’occasion du Forum économique mondial de Davos, en Suisse, en janvier, disant tout haut ce que bien des banquiers rêvent tout bas. Seulement, les consommateurs ne sont pas du même avis. Les Français utilisent toujours les espèces pour régler près d’un achat sur deux. En valeur, les paiements en cash représentent environ 15 % des transactions. Selon l’enquête menée par l’institut IFOP pour Brink’s France, 86 % des Français trouvent que le liquide est « pratique à utiliser », 74 % disent qu’ils « ne pourraient pas s’en passer » et quatre personnes sur dix seraient prêtes à ne plus aller chez un commerçant qui n’accepterait plus les espèces. Pour les petits achats de tous les jours, 93 % des personnes interrogées par l’IFOP plébiscitent le paiement en espèces sonnantes et trébuchantes. D’ailleurs, l’importun qui sort sa carte bancaire pour payer sa baguette de pain à la boulangerie suscite, en général, un certain agacement parmi les autres clients, qui, eux, attendent monnaie en main ! Convaincus de l’aspect simple et pratique du liquide, les consommateurs se méfient également des risques liés aux moyens de paiement scripturaux ou dématérialisés, notamment des fraudes à la carte bancaire. Résultat : « Le moyen de paiement jugé le moins risqué reste l’argent liquide », affirme Frédéric Dabi, directeur général de l’IFOP. Les banques elles-mêmes soulignent aussi que le cash garde un sérieux atout dans sa manche : c’est le seul moyen de paiement qui reste totalement gratuit pour celui qui l’utilise. Pas de frais, pas de commission à payer. De ce fait, il assure aussi une fonction sociale. « C’est le moyen de paiement privilégié parmi les populations fragiles, parmi lesquelles on constate un système de gestion de l’argent par la liquidité », appuie Didier Cocheteau. Si bien que, à la question « vous, personnellement, à terme, souhaitez-vous que l’argent liquide disparaisse au profit de moyens de paiements dématérialisés ? », seules 14 % des personnes interrogées répondent par l’affirmative ; 56 % répondent « non, pas du tout » ; et 30 % « plutôt pas ». Un rejet massif, commenté par Frédéric Dabi, de l’IFOP : « Les Français n’adhèrent pas à l’idée de l’obsolescence programmée du cash, dit-il. Ils en apprécient la facilité d’usage, la pérennité et la sécurité. » L’argent liquide apparaît également « sanctuarisé » dans les usages pour effectuer des dons, des cadeaux, verser des pourboires… On est loin des Etats-Unis, où les tickets de carte bancaire intègrent automatiquement une ligne pour l’inévitable titre interbancaire de paiement ! Plus encore que les questions d’usage, certains voient même dans une éventuelle disparition des espèces une véritable mesure liberticide. Une page Facebook intitulée « Non à une société sans cash » appelle le chaland à signer une pétition à destination du premier ministre, Manuel Valls : citant, entre autres, l’article 17 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : 1. Toute personne, aussi bien seule qu’en collectivité, a droit à la propriété. 2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété. Autres arguments invoqués par les initiateurs de ce mouvement : une société sans espèces « nous soumet au monopole du lobby bancaire » et « institue un droit de regard de l’Etat sur tous les achats et ventes ». Des arguments relayés par des associations de consommateurs comme l’Association française des usagers des banques. La Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie, qui siège lors des « Assises des moyens de paiement », se contente, elle, de réclamer que les consommateurs puissent continuer à avoir le choix au moment de régler leurs achats. « UN PARTAGE RAISONNÉ » Dans ce contexte, pas facile pour les banques – ou les autres acteurs qui arrivent sur le marché, comme les opérateurs de téléphonie mobile – de pousser les moyens de paiement innovants. Témoin, le paiement sans contact, lancé en 2012, qui a mis quatre ans pour commencer à entrer dans les habitudes et voir s’atténuer les réticences liées à la technologie Near Field Communication, soupçonnée d’être peu sûre. En 2015, le sanscontact a représenté 235 millions de transactions, mais que d’efforts de pédagogie pour en arriver là ! Les banques ne se bercent guère d’illusions sur le temps qu’il faudra pour supprimer des espèces. « Le chèque devait disparaître il y a quarante ans et il est toujours là », rappelle Didier Cocheteau. Effectivement, les Fran- « LES FRANÇAIS APPRÉCIENT LA FACILITÉ D’USAGE, LA PÉRENNITÉ ET LA SÉCURITÉ DU CASH » FRÉDÉRIC DABI directeur général de l’IFOP çais font toujours 37 chèques par an, en moyenne, plus de deux par mois. « L’idée est plutôt d’arriver à un partage raisonné des moyens de paiement développés, le plus avancé possible. Sans compter que la loi bancaire oblige toujours les établissements à mettre du cash à disposition de leurs clients », rappelle M. Cocheteau. « Réduire le cash est, avant tout, une décision politique, confirme Willy Dubost, directeur des moyens de paiement à la FBF. On le voit bien dans les pays du Nord. Notre gouvernement n’en est pas là aujourd’hui. La disparition totale de la filière fiduciaire est encore un doux rêve de nos têtes pensantes. » p La Suède, pays (presque) sans pièces ni billets à l’église de södermalm, à Stockholm, on peut verser son offrande dominicale lors de la messe avec son smartphone grâce à l’application Swish. Dans la capitale suédoise, les sans-domicile-fixe qui vendent le journal Situation Stockholm acceptent aussi les paiements grâce à Swish. Fini le liquide. Quatre millions de Suédois, sur près de dix millions d’habitants que compte le pays, l’utilisent pour un total actuel de onze millions de transactions par mois. A elle seule, cette application mobile, lancée à la fin 2012, fruit d’un partenariat entre plusieurs banques suédoises, est en train de bouleverser les habitudes locales et accélère un phénomène commencé il y a vingt ans, qui amènera peut-être la Suède à être le premier pays au monde sans pièces ni billets. Le pays scandinave est déjà en pointe, avec 80 % des achats effectués avec des moyens de paiement non liquides. Les bus ne prennent plus de liquide, beaucoup de taxi non plus, afin d’éviter d’en transporter et de risquer de se faire dévaliser. Idem pour un certain nombre de petites boutiques, pour des raisons similaires. « Le nombre d’attaques de banques est passé de 110 en 2008, à 7 en 2015, souligne Leif Trogen, responsable de l’infrastructure financière à l’Association des banques suédoises. L’une des principales raisons est que de moins en moins d’agences bancaires traitent de l’argent liquide. » Le gouvernement encourage cette tendance, qui permet de contenir le travail au noir et le crime organisé, deux secteurs qui utilisent volontiers le liquide. La baisse d’utilisation des espèces est massive. Si la valeur des pièces en circulation demeure stable au fil des ans, à 5 milliards de couronnes (546 millions d’euros), celle des billets est passée, en sept ans, de 106 milliards à 61 milliards de couronnes aujourd’hui. En dix ans, le nombre de distributeurs de billets a augmenté de 450, passant de 2 800 à 3 250 en 2016, mais, dans le même temps, le nombre de transactions a baissé de moitié. « Mesures drastiques » « La valeur des billets et des pièces représente 2 % du produit intérieur brut en Suède, contre 7,5 % en moyenne dans l’Union européenne, constate Niklas Arvidsson, docteur en dynamique industrielle à KTH, l’Ecole polytechnique de Stockholm. En 2015, la valeur de l’argent liquide en circulation a baissé de 10 % en Suède, ce qui est très rapide, et cela continue au même rythme. » Plusieurs raisons expliquent ce basculement. « La crise bancaire du début des années 1990 qui a frappé la Suède et le coût élevé de la main-d’œuvre ont forcé les banques à prendre des mesures drastiques, notamment en faveur de l’innovation, explique Robin Teigland, professeure d’administration des entreprises à l’Ecole d’économie de Stockholm. La Suède est en tête pour le développement et l’utilisation des services financiers électroniques. » Les Suédois, passionnés de nouvelles technologies, tournés vers la modernité et prêts à dépenser pour tester de nouvelles solutions, se sont empressés de suivre lorsque des applications comme Swish, la plus populaire, sont arrivées sur le marché. « Cela ne peut fonctionner que parce que les Suédois ont une grande confiance dans leur système bancaire et dans leurs autorités », précise Robin Teigland. Revers de la médaille, certains qui, pour différentes raisons, n’ont ni compte bancaire ni téléphone seront encore plus marginalisés dans une société sans espèces. Et la traçabilité de l’argent, que les autorités mettent en avant pour lutter contre le travail au noir et le crime, sera pour beaucoup un obstacle en termes de protection des libertés individuelles. p olivier truc (stockholm, correspondance)