Complément cours du 14 octobre

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Complément cours du 14 octobre
Complément cours du 14 octobre : SMI et système de l’étalon-or
Je reviens sur quelques éléments que je n’ai pas eu le temps de développer en classe.
Je vais aborder trois questions qui méritent un peu plus de développement.
1) Pourquoi le retour à l’étalon-or en Grande Bretagne a-t-il conduit à une déflation et une
chute de l’activité économique ?
2) D’où viennent les « balances sterling » ? Quelles sont les conséquences de l’existence de
ces balances sterling sur la politique monétaire britannique ?
3) Comment se réalise la convertibilité d’une monnaie en or dans le bilan de la banque
centrale ?
Pourquoi le retour à l’étalon-or en Grande Bretagne a-t-il conduit à une déflation et une
chute de l’activité économique ?
Prenons un exemple fictif :
Dans une économie circule 10 000 livres et le stock d’or détenu par la banque centrale est de
1000 onces ; cela signifie que chaque once d’or vaut 10 livres – inversement, chaque livre
vaut 0,1 once d’or.
Admettons que ce taux de convertibilité livres/or soit celui d’avant guerre.
La guerre conduit le pays à suspendre sa convertibilité. Le conflit est financé en empruntant à
l’étranger, en payant des importations en or, et en créant de la monnaie (ce qui fait augmenter
l’inflation dans un contexte où la production – hormis la production de guerre augmente peu).
A la sortie de la guerre, le pays possède moins d’or mais la masse monétaire a augmenté.
Par exemple 15 000 livres circulent, tandis que le stock d’or détenu par la banque centrale est
de 500 onces.
Dans ce contexte, chaque once d’or vaut 30 livres et inversement, chaque livre vaut 0,033
once d’or.
Si le pays choisissait de revenir à l’étalon-or, il pourrait choisir un nouveau taux de
convertibilité entre la livre et l’or, il devrait donc faire correspondre cette nouvelle masse
monétaire à son nouveau stock d’or. La conséquence serait une livre qui vaut 0,033 once d’or
au lieu de 0,1 once d’or avant la guerre. La livre a donc perdu de sa valeur par rapport à l’or
(divisé par trois). C’est ce choix que fera la France : le retour à l’étalon or (1926),
s’accompagne d’une baisse de la valeur du Franc par rapport à l’or. Bien sûr, si la France est
le seul pays à procéder ainsi au moment du retour à l’étalon or, cela va stimuler ses
exportations (et sa production) mais cela va renchérir ses importations.
L’Angleterre, quant à elle, va choisir dans ce contexte de revenir à la parité d’avant-guerre :
soit 1 livre pour 0,1 once d’or.
Conséquence, avec un stock d’or de 500 onces, l’Angleterre devrait avoir une masse
monétaire de 5000 livres pour respecter cette parité. Or, elle possède une masse monétaire
trois fois plus grande. La solution consiste alors à réduire la masse monétaire afin de passer de
15 000 livres à 5000 livres. Cette réduction de la masse monétaire conduit à une baisse des
prix (ce qui valait 3 vaut désormais 1) : comme les prix baissent (sont divisés par trois), il est
possible d’avoir le même pouvoir d’achat avec 5000 livres qu’avec 15000 livres. La
conséquence du retour à l’étalon-or est donc une situation de déflation. Or, la baisse continue
et durable des prix est un poison dans l’économie : les agents économiques anticipent que les
prix vont continuer à baisser et ils reportent leurs achats, ce qui fait chuter la demande.
En Angleterre, le retour de l’étalon-or se solde par une baisse de 30% des prix et un
effondrement de l’activité.
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Comment expliquer l’essor des balances sterling ? Quelles sont les conséquences de
l’existence de ces balances sterling sur la politique monétaire britannique ?
Les « balances sterling » correspondent aux livres sterling détenus en dehors du RoyaumeUni par des agents économiques non-résidents. Retenez d’ailleurs que plus tard, dans le
régime de Bretton woods, on parlera aussi de « balances dollars ».
Pourquoi détiennent-ils ces agents non-résidents détiennent-ils ces livres sterling ?
Revenons d’abord au modèle de fonctionnement théorique de l’étalon-or.
Normalement le fonctionnement du modèle théorique de l’étalon-or abouti à la conclusion
que les paiements en devises sont limités puisque c’est l’or qui va entrer et sortir d’un pays
lorsque le taux de change courant diverge fortement du taux de change qui découle de la
convertibilité or des monnaies (par exemple quand 1 livre sterling vaut 30 francs au lieu de
25,24 franc).
On a vu dans l’exemple du cours que lorsque la livre vaut 30 francs, les importateurs français
de biens britanniques préfèrent payer en or plutôt que changer du franc en livre.
On peut maintenant prendre comme pays de référence le Royaume-uni, et on comprend que
théoriquement, des importateurs britanniques vont préférer payer leurs importations en or
plutôt qu’en livre si le cours de la livre chute (cas d’une balance commerciale britannique
déficitaire). Par exemple, si avec une livre, ils obtiennent 20 francs, ils préfèrent changer leurs
livres en or, puis l’or en français, au taux de change de 1 livre pour 25,24 franc.
Première conclusion : dans le modèle théorique de l’étalon-or, la détention d’une monnaie
par des non-résidents est limitée par l’usage de l’or dans le règlement des échanges. Lorsque
les britanniques importent des biens, que la balance commerciale est déficitaire, que le taux de
change de la livre baisse, ils paient les importations en or plutôt qu’en livres (et le taux de
change de la livre va remonter).
Or, dans les faits, on constate que l’étalon-or ne fonctionne pas comme le conçoit le modèle
théorique. En effet, les britanniques ont une balance commerciale déficitaire et une balance
courante excédentaire. Cela implique que malgré le déficit de la balance commerciale, les
anglais continuent de payer leurs importations sans utiliser de l’or.
Il y a deux manières d’interpréter cette situation.
Première interprétation :
Les importations nettes britanniques sont payées en livres (contre du franc s’il s’agit de
produits importés français par exemple) ; donc le taux de change de la livre baisse ;
Les entrées nettes de revenus liés aux investissements à l’étranger sont versées en livres
(contre du franc s’il s’agit d’investissement en France par exemple) ; donc le taux de change
de la livre monte ;
On en déduit :
- que la hausse du taux de change provoquée par les entrées de revenus compense la
baisse provoquées par les importations. Le taux de change entre la livre et le franc ne
change pas et reste proche de celui qui découle de la convertibilité or des monnaies ;
- qu’il n’y a pas d’entrées ou de sorties d’or.
Il existe donc une circulation mondiale des livres sterling. Dans notre exemple, la Banque de
France récupère des livres sterling dans le cadre des exportations des biens français au
Royaume-Uni, et la Banque d’Angleterre récupère des francs lors du paiement des revenus du
capital britannique détenu à l’étranger.
Seconde interprétation :
Les britanniques ont une position dominante dans les échanges commerciaux et dans les
échanges de capitaux (je rappelle que les britanniques détiennent 41% des avoirs mondiaux
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avant 1914). Conséquence : la livre est acceptée comme monnaie internationale, c’est-à-dire
qu’elle assure la fonction de liquidité internationale.
L’avantage pour les britanniques d’avoir une monnaie considérée comme la liquidité
internationale, c’est que les banques centrales cherchent à détenir de la livre sterling et
demandent à l’Angleterre de payer ses dettes en livre plutôt qu’en or. Cela évite donc aux
anglais les sorties d’or et leurs conséquences déflationnistes sur l’activité économique.
L’inconvénient pour les britanniques, c’est que cette livre sterling n’est plus sous le contrôle
de la Banque d’Angleterre. Une banque non-résidente qui possède ces livres peut donc
proposer des crédits en livres sterling, ce qui fait augmenter la masse monétaire en livres sans
qu’il n’y ait de contrepartie en or à la Banque d’Angleterre. La conséquence de cette situation
est que la Banque d’Angleterre va périodiquement chercher à réduire la masse monétaire en
livres sterling en faisant augmenter les taux d’intérêt avec pour objectif de ramener la masse
monétaire à son équivalent en or.
Deuxième conclusion : dans le fonctionnement concret de l’étalon-or, la position
hégémonique d’une Angleterre, dont la balance commerciale est déficitaire, a pour
conséquence une circulation mondiale de la livre qui devient la monnaie internationale (alors
que ce rôle aurait du être joué par l’or). Les Anglais fournissent la monnaie internationale, ils
n’ont plus besoin de changer leur monnaie en devises ou en or pour payer leurs dettes aux
non-résidents ; mais l’inconvénient, c’est le décalage croissant entre masse monétaire en livre
(dans le monde entier) et stock d’or détenu par la Banque d’Angleterre. C’est pour cela que de
temps en temps, cette dernière cherche à « purger » l’excès de monnaie en resserrant la
politique monétaire (par la hausse du taux d’intérêt).
Troisième conclusion : dans le modèle théorique de l’étalon-or, la politique monétaire est
complètement assujettie à la contrainte extérieure, elle n’est absolument pas autonome. Par
contre dans son fonctionnement concret, on voit qu’il y a davantage d’autonomie, pour autant,
la puissance hégémonique qui tire profit du fait de posséder la monnaie internationale (elle
garde son or) subit quand même une contrainte extérieure qu’elle doit gérer (existence des
balances sterling) en utilisant des politiques monétaires restrictives. La contrainte extérieure
est donc loin d’avoir disparue.
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Comment se concrétise la convertibilité d’une monnaie en or pour la banque centrale ?
On peut se demander si la balance centrale doit posséder la quantité d’or nécessaire à changer
toute la masse monétaire en or.
Par exemple, si 1000 francs vaut 1kg d’or, faut-il que la Banque centrale possède 2kg d’or si
la masse monétaire est de 2000 francs, 3kg si la masse monétaire est de 3000 fcs …
En réalité, le stock d’or représente une fraction de la masse monétaire. Généralement, la
fraction correspond à 30% à 40% (cf P.C.Hautcoeur). donc pour 1000 francs, la Banque
centrale détient 300 à 400 grammes d’or.
Si on raisonne en termes de bilan de la Banque centrale, celle-ci place à son actif ses réserves
en or et à son passif la quantité de monnaie créée qui circule dans l’économie. Les réserves en
or représentent alors un pourcentage du passif. Si un agent demande le changement d’une
pièce en or, le passif de la banque centrale baisse (moins de monnaie en circulation) et son
actif baisse aussi (moins d’or détenu).
Que se passe-t-il si le ratio de réserve en or diminue ? La banque centrale est de moins en
moins apte à assurer la convertibilité or de la monnaie donc elle est incitée à réduire la
création monétaire, voir même à faire baisser la quantité de monnaie en circulation afin de
refaire monter le ratio (réserves/monnaie). La baisse du ratio de réserve a donc un effet
dépressif sur l’économie. Cette caractéristique permet de comprendre pourquoi lors des crises
des années 1930 les autorités ont cherché par tous les moyens à maintenir ce ratio : en
empêchant les échanges entraînants des sorties d’or causées par des sorties de capitaux ou des
importations.
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