Note taxe sur les salaires

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Note taxe sur les salaires
Approche de solutions pour limiter la taxe sur les salaires
dans les sociétés holdings
Lors d’acquisition de sociétés, il est usuel de constituer une société holding qui se portera
acquéreur des titres de la société cible et souscrira l’emprunt bancaire destiné au paiement du
prix.
Le financement de l’emprunt s’effectuera par la perception des dividendes reçus de la filiale
acquise (produits financiers exclus du champ d’application de la TVA).
Le plus souvent, cette société holding, « animatrice » au sens de l’ISF, assurera la conduite et
le contrôle de la politique du groupe et hébergera les rémunérations des dirigeants. Elle
fournira et refacturera à ses filiales des prestations de services intra groupe (gestion, finances,
marketing...).
Elle percevra donc des revenus financiers non soumis à TVA et des recettes provenant de
prestations de services soumises à TVA.
Se pose alors la question de l’assujettissement des rémunérations des dirigeants à la taxe sur
les salaires, dont le taux assis sur les salaires varie de 4,65 % (taux normal) à 13,60 % (taux
majoré) et peut ainsi représenter un coût important.
En effet selon l’article 231, 1 du CGI, les employeurs redevables de la taxe sur les salaires
sont ceux qui ne sont pas assujettis à la TVA ou ne l’ont pas été sur 90 % au moins de leur
chiffre d’affaires au titre de l’année civile précédant celle du paiement des rémunérations.
Lorsque les employeurs sont partiellement assujettis à la TVA, ils sont alors soumis à la taxe
sur les salaires mais seulement sur une partie des rémunérations versées. Cette partie est
déterminée en appliquant à l’ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de
l’année civile précédant celle du versement, entre le « chiffre d’affaires » non imposé à la
TVA et le « chiffre d’affaires » total hors TVA.
C’est ainsi que lorsqu’une entreprise a constitué plusieurs secteurs distincts d’activité pour
l’exercice du droit à déduction de la TVA, la taxe sur les salaires doit être déterminée en
appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécialement à chaque secteur le rapport
d’assujettissement propre à ce secteur.
Pour les rémunérations des salariés concurremment affectés à plusieurs secteurs d’activités
constitués en matière de TVA, la taxe sur les salaires doit être déterminée en leur appliquant
le rapport d’assujettissement établi pour l’entreprise dans son ensemble.
Cette règle a pu poser problème pour les dirigeants des sociétés holdings « mixtes ».
Par quatre arrêts du 8 juin 2011 n° 331848, Sté Sofic, n° 331849, SAS Holding Rousseau
HCP, n° 341018, Sté P2C Investissement et n° 340863, SA Balsa (publiés à la RJF 8-9/11 n°
936), le Conseil d’Etat a clarifié les règles afférentes à la taxe sur les salaires dans les sociétés
holdings mixtes.
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Les commentaires explicites de Madame Cécile Raquin, Maître des requêtes au Conseil
d’Etat (taxe sur les salaires : règles de prise en compte des rémunérations des dirigeants de
holdings mixtes et développements jurisprudentiels récents – RJF 2011), à la suite de ces
arrêts l’illustrent bien :
« Le Conseil d’Etat consacre le critère des attributions juridiques des dirigeants de société
pour instituer une présomption relative à leur affectation concurrente au secteur financier
et au secteur « prestations aux filiales ». (…)
(…) Il appartenait ainsi au Conseil d’Etat de prendre position sur les deux critères retenus
par les juges du fond, celui de l’activité des dirigeants ou celui de leurs attributions
juridiques. Le Conseil d’Etat confirme les arrêts des cours administratives d’appel de Nantes
et de Nancy en se fondant sur le critère des attributions juridiques des dirigeants. Il relève
ainsi, d’une part, qu’en vertu de l’article L 225-56 du Code de commerce, les fonctions de
directeur général d’une société anonyme ou d’une société par actions simplifiée confèrent à
leurs titulaires les pouvoirs les plus étendus dans la direction de la société. D’autre part,
aux termes de l’article L 225-51 du même Code, le président du conseil d’administration est
investi d’une responsabilité générale. Le Conseil d’Etat précise, ensuite, s’agissant d’une
société holding, que ces pouvoirs s’étendent en principe au secteur financier, même si le suivi
des activités est sous-traité à des tiers ou confié à des salariés spécialement affectés à ce
secteur et si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible. Il en conclut
donc que les dirigeants de holdings mixtes sont présumés être affectés concurremment au
secteur financier et au secteur « prestations aux filiales ». (…)
(…) Il appartient à l’entreprise de renverser cette présomption.
(…) La preuve de l’absence d’attribution d’un dirigeant dans le secteur financier sera donc
difficile à apporter car elle ne peut reposer sur l’activité réelle du dirigeant. La circonstance
que le suivi des activités est externalisé ou confié à des salariés spécialement affectés à ce
secteur ou que le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible ne peut être
prise en compte, dès lors qu’elle ne démontre pas que les pouvoirs des dirigeants sur le
secteur financier sont limités, alors que ces pouvoirs résultent des dispositions du Code de
commerce.
A l’inverse, cette preuve peut être apportée s’il résulte des statuts de la société ou des
délibérations du conseil d’administration qu’un dirigeant n’a pas juridiquement le pouvoir
d’exercer de contrôle ni de responsabilité sur le secteur financier. Ainsi, difficile à apporter
dans le cas d’une société par actions simplifiée ne disposant que d’un dirigeant et salarié,
elle sera plus aisée dans l’hypothèse où l’organigramme d’une société possédant plusieurs
directeurs généraux les affecte exclusivement à l’un des secteurs d’activité. Cette
jurisprudence pourrait ainsi inciter les holdings à des réorganisations internes. »
La question du sort de la rémunération versée aux dirigeants des holdings mixtes au regard de
la taxe sur les salaires, avait, au préalable, donné lieu à plusieurs arrêts des cours
administratives d’appel, dont certains contradictoires, mais qui avaient majoritairement pris
position en faveur du critère de leurs attributions afin de prendre en compte le caractère
transversal ou non des fonctions exercées par les mandataires sociaux.
Le Conseil d’Etat retient « in fine » le seul critère des attributions juridiques des dirigeants de
sociétés selon les dispositions du Code de commerce pour en déduire qu’en raison du
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caractère transversal de ces attributions, les rémunérations de ces dirigeants sont
présumées être également affectées au secteur financier.
Cette présomption est une présomption simple qui souffrira la preuve contraire mais celle-ci
ne peut être apportée que si la société établit que le dirigeant n’avait pas, juridiquement, le
pouvoir d’exercer le moindre contrôle sur le secteur financier.
Dans les petites sociétés, il semble difficile de bâtir un tel organigramme et de séparer en droit
et en fait, entre les dirigeants, les fonctions « opérationnelles » des fonctions « financières ».
Dans la foulée de ces arrêts, l’Administration a modifié sa doctrine pour se conformer à la
nouvelle jurisprudence du Conseil d’Etat :
INSTRUCTION DU 22 NOVEMBRE 2011
BULLETIN OFFICIEL DES IMPÔTS 5 L-1-11 N° 82 DU 30 NOVEMBRE 2011
« Taxe sur les salaires (C.G.I., art. 231) - assujettis partiels - secteurs distincts assujettissement des rémunérations versées aux dirigeants de sociétés holding possédant des
attributions dans le secteur financier.
Le Conseil d’État juge que la taxe sur les salaires des dirigeants affectés à plusieurs secteurs
doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant entre le chiffre
d’affaires qui n’a pas été passible de la T.V.A. et le chiffre d’affaires total.
Se référant aux pouvoirs reconnus par l’article L. 225-56 du code de commerce, pour les
fonctions de directeur général d’une société anonyme ou d’une société par actions
simplifiée ou par l’article L. 225-51 du code de commerce, pour le président du conseil
d’administration, le Conseil d’État en déduit qu’en raison du caractère transversal des
attributions des dirigeants, leurs rémunérations sont présumées être également affectées au
secteur financier.
En effet, dans une société holding, les pouvoirs des dirigeants s’étendent, en principe, au
secteur financier, même si le suivi des activités est confié à des salariés affectés spécialement
à ce secteur et même si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible.
Toutefois, si l’entreprise peut apporter la preuve que certains de ses dirigeants n’ont pas
d’attribution dans le secteur financier, leur rémunération est, par suite, comme placée hors
du champ de la taxe sur les salaires. Cette preuve peut être apportée, par exemple, s’il résulte
des statuts de la société ou des délibérations du conseil d’administration ou du contrat de
travail qu’un dirigeant n’a pas juridiquement le pouvoir d’exercer le contrôle et la
responsabilité du secteur financier. »
Ainsi à défaut de pouvoir établir un organigramme précis qui séparerait « juridiquement » et
« pratiquement » les attributions des dirigeants, d’autres pistes doivent être envisagées pour
limiter l’incidence de la taxe sur les salaires dans les groupes de sociétés.
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Deux solutions semblent envisageables :
- modifier le régime social des dirigeants et préférer le statut RSI (régime social des
indépendants) à celui de salarié.
- limiter les rémunérations dans la société holding et privilégier celles perçues dans la filiale
d’exploitation.
1°/ Le régime RSI exclut la taxe sur les salaires :
Certaines sociétés (en ce qui concerne les holdings, essentiellement les SARL), imposent au
dirigeant (gérant) l’affiliation à un régime indépendant, ou salarié en fonction de la quotité du
capital qu’il détient.
C’est ainsi que les gérants minoritaires ou égalitaires relèvent obligatoirement du régime
salarié et les gérants majoritaires du régime des non-salariés. La Cour de Cassation a pu juger
que pour apprécier la situation de gérance majoritaire devait être pris en compte les parts
détenues en toute propriété ou en usufruit par les gérants, leur conjoint ou partenaire lié par un
pacte civil de solidarité, et leurs enfants mineurs non émancipés. Il doit aussi être tenu
compte, le cas échéant, des participations détenues par l’intermédiaire d’une société associée
dans la SARL, dont le ou les gérants ont le contrôle, ainsi que des parts détenus par les autres
co-gérants.
Les rémunérations versées aux gérants majoritaires de SARL échappent à la taxe sur les
salaires, ainsi qu’à de nombreuses autres cotisations « salariés » (l’écart de cotisations - hors
TS - entre le régime SS et le RSI est quasiment du simple au double).
En contrepartie, le régime de protection sociale (prévoyance et retraite) est réduit de manière
drastique.
Si les dirigeants ne peuvent (SA et SAS ou gérants minoritaires de SARL) ou ne veulent pas
d’un statut social de travailleur indépendant, il convient alors de tenter de minorer la base
taxable de leurs rémunérations.
2°/ Minoration des rémunérations dans la holding :
Une société holding « animatrice » de groupe au sens de l’article 885 O bis du CGI
(exonération de la valeur des titres comme bien professionnel au regard de l’ISF) reçoit le
plus souvent des montants importants de « management fees » causés par les prestations de
services intra-groupe mises en place et destinées à asseoir la rémunération des dirigeants.
Or, s’agissant de la rémunération des dirigeants, il est toutefois admis que les titres de
participations détenus dans des sociétés holdings animatrices d’un groupe bénéficient de
l’exonération d’ISF au titre des biens professionnels alors même que les fonctions de direction
qu’y exerce le redevable ne sont pas ou peu rémunérées.
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L’application de cette mesure de tempérament était, par ailleurs, subordonnée à la double
condition que :
- l’intéressé exerce simultanément des fonctions de direction au sein d’une ou plusieurs
filiales dont la société mère détient 50 % ou 25 % du capital selon que cette dernière
poursuit une activité industrielle ou commerciale propre ou qu’elle limite son activité à
l’animation de son groupe ;
- l’intéressé perçoive, à raison de l’exercice de ses fonctions de direction au sein de la
société holding animatrice et d’une ou plusieurs filiales, une ou des rémunérations dont le
montant cumulé, le cas échéant, excède 50 % de ses revenus professionnels
D. adm. 7 S-3323 n° 21, 1er octobre 1999.
Toutefois, l’Administration et la Jurisprudence ont pu avoir des positions divergentes et
restrictives sur l’appréciation des notions de similitude, connexité et complémentarité des
activités des sociétés du Groupe.
Or, depuis la modification des règles applicables en matière d’ISF (loi de finances
rectificative du 15 juillet 2011) la notion de bien professionnel unique et la possibilité
d’appréhender au niveau du groupe et de manière globale les rémunérations des dirigeants a
été clarifiée et assouplie.
Jusqu’à cette loi, les parts ou actions détenues par une même personne dans plusieurs sociétés
étaient présumées constituer un seul bien professionnel lorsque, compte tenu de l’importance
des droits détenus et de la nature des fonctions exercées, chaque participation, prise isolément,
satisfaisait aux conditions prévues pour avoir la qualité de biens professionnels, et que les
sociétés en cause avaient effectivement des activités soit similaires, soit connexes et
complémentaires.
Désormais (article 885 N du CGI), pour que les titres détenus par une même personne dans
plusieurs sociétés soumises à l’IS soient considérés comme un bien professionnel unique, il
n’est plus nécessaire que les activités de ces sociétés soient similaires ou connexes et
complémentaires.
La condition relative à la rémunération est cependant appréciée différemment selon que des
liens de similitude ou de connexité et de complémentarité existent ou non entre les différentes
activités exercées.
Lorsque les activités des sociétés ne sont ni similaires ni connexes et complémentaires, la loi
continue d’imposer une rémunération normale dans chaque structure même si le niveau de
rémunération (seuil de 50 % des revenus professionnels) s’apprécie globalement.
Lorsque les activités sont soit similaires, soit connexes et complémentaires, la condition
relative à la rémunération est assouplie et le caractère normal de la rémunération s’apprécie
globalement, c’est-à-dire au regard de l’ensemble des fonctions exercées par le redevable dans
chaque société membre du bien professionnel unique.
Les nouvelles dispositions s’appliquent à compter du 1er janvier 2012, soit pour l’ISF dû au
titre de l’année 2012.
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Ainsi, afin de limiter l’impact de la taxe sur les salaires, il semble désormais possible, sans
risque majeur, de réduire au minimum la rémunération des dirigeants dans la société holding,
de manière à privilégier celle perçue dans les filiales opérationnelles dont la totalité ses
recettes sont soumises à la TVA.
Nous rappelons qu’au regard de l’Instruction administrative DGI 7 S-3-04 du 23 février 2004,
les dispositions de l’article 885 I bis (exonération des biens professionnel) sont applicables
aux participations détenues par des sociétés holding animatrices de leurs groupes de sociétés,
toutes les autres conditions prévues pour l’octroi de ce régime de faveur devant par ailleurs
être remplies.
Sont des sociétés holding animatrices les sociétés qui, outre la gestion d’un portefeuille de
participations :
- participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de
leurs filiales ;
- et rendent le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques,
administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.
Dans le cas où les rémunérations des dirigeants de la société holding sont minimes, il apparait
alors encore plus important de formaliser de manière significative le rôle effectif de contrôle
et d’animation des filiales par la société au moyen d’une documentation juridique
circonstanciée, nombreuse et détaillée (PV des organes de directions et de contrôle…).
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