Aspects fondamentaux des traitements par laser en médecine
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Aspects fondamentaux des traitements par laser en médecine
L’actualité en médecine dentaire Aspects fondamentaux des traitements par laser en médecine dentaire 1re partie: Effets du laser sur les tissus Gé rald Mettraux (Traduction française de Thomas Vauthier) En raison de l’intérêt croissant de la part des utilisateurs et des patients, les traitements par laser sont en train de faire leur entrée dans le domaine de la médecine dentaire. Le niveau d’acceptation des patients en regard de traitements par les lasers de tout genre est très élevé. Nos collègues médecins spécialistes en ophtalmologie, chirurgie et dermatologie nous ont déjà frayé le chemin pour des utilisations du laser dans le domaine de la médecine dentaire également. Mais attention: tous les lasers ne sont pas égaux! Et le maniement correct des différents types de laser nécessite certaines connaissances de base très importantes. Cette série d’articles a comme objectif de présenter d’abord les bases nécessaires en matière d’utilisation des lasers à basse énergie (soft-lasers). La présente première partie à ce sujet est consacrée aux aspects physiques et aux effets du laser dans les tissus. La deuxième partie (à paraître) présentera la mise en pratique de la biostimulation, et la troisième partie traitera de la thérapie photodynamique. La quatrième partie – qui sera publiée un peu plus tard – illustrera les bases des traitements par les lasers à haute énergie (hard-lasers). Avant de passer à l’acte de traiter des patients (par n’importe quel type de laser), il convient de recommander impérativement à tous les utilisateurs d’acquérir au préalable des connaissances spécifiques concernant l’emploi des lasers. Les sujets suivants traitant des «Aspects physiques du laser» et des «Effets du laser dans les tissus» ne sont malheureusement que peu – ou pas du tout – abordés dans les manuels d’utilisation des appareils laser. Or, ce sont précisément le mode d’absorption et la profondeur de pénétration des lasers dans les tissus qui sont des données typiques pour certaines longueurs d’ondes, et il est généralement admis que de solides connaissances à ce propos sont une condition préalable à toute utilisation sur des patients. Les connaissances fondamentales en matière de physique, biologie et biochimie qui servent de base à l’utilisation des lasers peuvent être consultées dans les ouvrages d’enseignement y relatifs. Pour cette raison, l’auteur renonce à citer dans la liste bibliographique des sources et des références concernant les chapitres 1 à 3. 1. Aspects physiques du laser L’utilisation des rayons laser se fonde sur le principe de l’absorption d’énergie élec- tromagnétique dans les tissus. L’énergie est inversement proportionnelle à la longueur d’onde, en d’autres termes, plus la longueur d’onde est courte, plus l’énergie du rayonnement sera élevée (formule 1). En revanche, l’énergie est directement proportionnelle à la fréquence; par conséquent, plus la fréquence du rayonnement est haute, plus son énergie sera élevée (formule 2). 1) E = h ⫻ c / E: énergie c: vitesse de la lumière : longueur d’onde 2) E = h ⫻ f E: énergie h: constante de Planck f: fréquence Les éléments les plus importants du laser sont, d’une part, le milieu actif, qui est stimulé par un mécanisme de pompage électronique et, d’autre part, le résonateur. Le milieu actif contient des atomes, des ions, des molécules ou des plasmas électriques, dans lesquels l’absorption et l’émission des photons est liée aux transitions des électrons entre différents niveaux d’énergie. Pour cette raison, il existe des lasers à corps solides, des lasers à gaz, des lasers à colorants et des lasers à diodes. Le mécanisme de pompage est destiné à introduire de l’énergie dans le milieu actif, de sorte que les électrons soient élevés vers les orbites plus à l’extérieur (inversion de population). Ils se trouvent dès lors à un niveau énergétique plus élevé. Lorsqu’une onde de lumière (des photons) vient à irradier ce milieu inversé, et que l’énergie de cette onde de lumière correspond précisément à la différence énergétique entre l’état stimulé et l’état initial du milieu, elle stimule la transition des électrons en sens inverse, donc vers l’état initial. Ce mécanisme libère des photons qui possèdent la même fréquence, la même phase et la même polarisation que l’onde de lumière appliquée. Dans le résonateur, ce flux de photons est réinjecté par réflexion dans le milieu actif et cette oscillation est amplifiée sous forme de rayons laser. Du fait que la différence d’énergie entre l’état de base et l’état stimulé est typique et constante pour un élément spécifique, tous les photons d’un type de laser précis n’ont qu’une seule énergie typique. Selon les formules évoquées plus haut, celle-ci correspond alors à une longueur d’onde et à une fréquence précises. Les longueurs d’onde des types de laser les plus usuels sont représentées dans le tableau I. Il est dès lors évident que la longueur d’onde représente une constante pour un type de laser donné. Lorsque la longueur d’onde se situe entre 400 nm et 750 nm (1 nm = 1 nanomètre = 10–9 mètre), le rayon laser est visible à l’œil humain (laser hélium-néon: rouge; laser à argon: vert). Seules les longueurs d’onde dans cette fourchette peuvent être absorbées et transformées en signaux électriques par la rétine humaine. Les longueurs d’onde inférieures à 400 nm se situent dans la plage de l’ul- Argon 514 nm Hé-Né Laser à diodes Laser à diodes infrarouge 610 nm – 810 nm – 632 nm 610 nm 904 nm Nd:YAG Er:YAG Ho:YAG 1.06 µm 2.9 µm 2.1 µm 1060 nm 2940 nm 2100 nm CO2 10.6 µm 10600 nm Tab. I Longueurs d’onde des types de laser les plus usuels. Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 5/2004 531 L’ a c t u a l i t é e n m é d e c i n e d e n t a i r e Low Level Laser Hard-laser Faible puissance Puissance élevée Faibles densités de flux d’énergie Densités de flux d’énergie élevées Impulsions longues Impulsions brèves Effets sur des réactions biochimiques Effets par des réactions thermiques Tab. II Différences fondamentales entre les soft-lasers et les hard-lasers. une forte composante thermique. Lorsque la puissance des rayons se situe dans la plage des lasers basse énergie (softlasers), il est possible d’utiliser l’énergie pour des processus de biostimulation, en fonction du tissu dans lequel l’énergie est absorbée. A titre d’exemple illustratif, on peut comparer une ampoule électrique de 1 Watt à une ampoule de 100 Watts. Les deux émettent des fréquences de lumière identiques, mais l’ampoule plus puissante émet une quantité considérablement plus importante de photons, raison pour laquelle elle devient bien plus chaude que l’ampoule de faible puissance. L’énergie qui est irradiée vers les tissus dépend de la puissance de l’appareil et du temps d’irradiation: Energie (joules) = puissance (mW)⫻temps (sec.) En fonction de la surface irradiée, il est possible de définir la formule pour la densité de flux d’énergie: Densité de flux d’énergie, dose (joules/cm ) = énergie (joules)/surface (cm ) 2 2 Fig. 1 Spectre de la lumière visible. traviolet, alors que les longueurs d’onde supérieures à 750 nm se situent dans la plage de l’infrarouge. Ces deux plages ne sont pas visibles à l’œil humain. Le comportement physique des électrons dans un système de laser permet de définir trois propriétés typiques du rayonnement laser: – monochromatisme: radiation d’une seule couleur, puisqu’une seule fréquence et une seule longueur d’onde; – cohérence: signifie que toutes les ondes se propagent en phase, tant dans le temps que dans l’espace; – propagation unidirectionnelle: les rayons se propagent dans une seule direction. Les soft-lasers et les hard-lasers diffèrent en ce qui concerne la puissance du rayonnement, mais pas forcément au niveau de la longueur d’onde et de l’énergie du rayonnement. Un soft-laser typique a une puissance entre 60 et 300 mW (milliwatts) et une faible densité de flux d’énergie. En revanche, le hard-laser est utilisé avec une densité de flux d’énergie élevée et à des puissances entre 2 à 20 Watts. Le tableau II résume les propriétés fondamentales de ces deux types de laser. Les rayons d’une longueur d’onde située dans la plage des ultraviolets se caracté- 532 risent par une énergie plus élevée (formule 1) que ceux dans la plage des infrarouges. Le rayonnement ultraviolet a même un effet ionisant, ce qui signifie qu’il possède une énergie photonique suffisante (> 2,8 eV) pour éjecter des électrons de la configuration de l’enveloppe extérieure de l’atome. Cette particularité est susceptible de briser des liaisons chimiques ou d’ioniser des éléments chimiques. Pour cette raison, les longueurs d’onde inférieures à 300 nm sont délétères pour les tissus (à l’instar des rayons X, par exemple). L’œil humain interprète chaque longueur d’onde dans la plage de la lumière visible sous forme d’une couleur spécifique. Le spectre des couleurs est représenté dans la figure 1. Les rayons d’une longueur d’onde située dans la plage des infrarouges possèdent toutefois une énergie photonique suffisante (env. 1,4 eV) pour modifier les états de résonance dans les molécules et par conséquent activer certains processus enzymatiques. Par contre, ils n’ont pas d’effet ionisant. Lorsque la puissance du rayonnement se situe dans la plage des lasers haute énergie (hard-lasers), l’effet du laser comprend Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 5/2004 2. Effets du laser dans les tissus Les rayonnements électromagnétiques qui se caractérisent par les trois propriétés évoquées plus haut sont appelés des rayonnements laser. Afin qu’un rayonnement laser puisse déployer un effet dans un tissu, il faut qu’il puisse être absorbé par le tissu. Lors de l’absorption du rayonnement électromagnétique, son énergie est assimilée par le tissu et transformée en une autre forme d’énergie, en fonction de la dose d’énergie et de la composition du tissu. La structure de la muqueuse et des tissus buccaux se compose pour la plus grande part d’eau, d’hémoglobine et de pigments (mélanine). En outre, le comportement de l’hydroxyapatite exposé à différentes longueurs d’onde revêt un intérêt particulier en médecine dentaire. Il est extrêmement important de connaître les propriétés d’absorption des différents types de laser qui sont utilisés au niveau des tissus bucco-dentaires. – Les longueurs d’onde dans la plage de la lumière visible, donc entre 400 et 750 nm, ne sont guère absorbées par l’eau, tandis qu’elles sont absorbées dans une mesure considérable par l’hémoglobine et des pigments. Ce fait peut paraître trivial, puisque notre capacité visuelle se situe dans cette plage (l’eau est transparente, alors que le sang et les pigments ne sont pas transparents). Or, comment ces tissus se comportent-ils quand ils sont exposés à des rayons de longueurs d’onde supérieures à cette L’ a c t u a l i t é e n m é d e c i n e d e n t a i r e préférence des longueurs d’onde de 2940, 7500 ou 10 600 nm. Il se dégage de ce qui précède que pour l’utilisation des lasers en médecine dentaire, les longueurs d’onde suivantes, respectivement les types de laser suivants se révèlent être optimaux: Biostimulation Chirurgie (muqueuses) soft-laser 600–1000 nm diodes hard-laser 10 600 nm CO2 2 940 nm erbium Tissus dentaires durs hard-laser 2 940 nm Fig. 2 Absorption du rayonnement de longueurs d’onde entre 350 nm et 10 600 nm dans l’eau, l’hémoglobine et la mélanine. fourchette, donc dans des plages qui ne sont plus visibles à l’œil humain? – Dans la fourchette entre 750 et 900 nm, l’absorption dans l’hémoglobine et les pigments diminue considérablement, ce qui signifie qu’un tel rayonnement peut pénétrer profondément dans les tissus. – Pour des longueurs d’onde supérieures à 1000 nm, l’absorption dans l’eau augmente très fortement. De même, les pigments montrent à nouveau un petit pic d’absorption. Pour ces raisons, le rayonnement laser d’une longueur d’onde d’environ 1100 nm pénètre moins profondément dans les tissus, du fait qu’il est absorbé en partie par l’eau et les pigments. – Les longueurs d’onde entre 1200 et 2500 nm sont fortement absorbées par l’eau et l’hydroxyapatite et ne pénètrent par conséquent guère en profondeur. – Les longueurs d’onde aux alentours de 10 000 nm (10 µm) sont absorbées par l’hydroxyapatite et très fortement par l’eau; de ce fait, ce type de rayonnement ne pénètre dans la muqueuse qu’à une profondeur d’environ 0,1 mm. Les caractéristiques d’absorption des tissus exposés à différentes longueurs d’onde sont clairement illustrées dans la figure 2. Le graphique représente les lasers les plus usuels à l’heure actuelle en les classant selon leur longueur d’onde respective: laser à argon, à diodes, au néodyme, à l’erbium et au holmium, ainsi que le laser au CO2. Une bonne connaissance des maxima d’absorption de différentes longueurs d’onde est indispensable pour le choix et l’utilisation correcte des appareils à laser. Lorsque nous souhaitons nous servir d’un laser capable de pénétrer dans les couches profondes des tissus (> 5 mm), il convient de choisir une longueur d’onde dans la plage inférieure des infrarouges, donc entre 750 et 900 nm. Lorsque nous avons l’intention de limiter l’application aux couches superficielles de la muqueuse, un laser d’une longueur d’onde proche de 2000 nm ou supérieure rendra de bons services. Lorsque l’utilisation est destinée à se concentrer sur les tissus dentaires durs, il convient de choisir de erbium Les rayons laser dans la plage des infrarouges ne sont pas visibles à l’œil humain. Le petit point de lumière rouge souvent perceptible à la pointe du laser n’est qu’un faisceau pilote. Il est cependant possible de rendre visibles des longueurs d’onde jusqu’à environ 1200 nm à l’aide d’un capteur CCD (Charge Coupled Device ou «dispositif à transfert de charge»), tels qu’ils sont installés typiquement au cœur des appareils de photo numériques. Comment cela se fait-il? Le capteur CCD «voit davantage», du fait qu’il possède un spectre d’absorption plus large, ce qui lui permet d’afficher en couleur blanche la plage entre 750 et 1200 nm qui n’est pas visible à l’œil humain. Cette technique permet par exemple de rendre visible le rayonnement d’un laser à diodes. Les illustrations ci-après (fig. 3) ont été enregistrées à l’aide d’un appareil de photo numérique. Elles mettent en évidence la pénétration du rayonnement infrarouge (soft-laser: 810 nm, 120 mW) à travers les dents, respectivement le lobe de l’oreille. Sans l’assistance du capteur CCD de la caméra numérique, la lumière du laser serait parfaitement invisible. 3. Le soft-laser (Low Level Laser) Le laser basse énergie ou soft-laser typique, souvent appelé aussi Low Level Laser, se caractérise par une longueur d’onde située dans le rouge ou dans la plage inférieure des infrarouges (600 à 900 nm). Fig. 3 Transillumination de deux dents (à gauche) et du lobe de l’oreille (à droite) par un soft-laser (810 nm, 120 mW). Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 5/2004 533 L’ a c t u a l i t é e n m é d e c i n e d e n t a i r e Fig. 4 Appareil soft-laser équipé d’un embout en verre pour les utilisations dans la sphère buccale, ainsi que d’un accumulateur et un dispositif de mesure de l’énergie. De ce fait, il ne provoque pas de modifications par ionisation dans les tissus. En raison des puissances typiques de 60 à 300 mW, il n’entraîne en outre aucune lésion thermique. Les effets dans le domaine du Low Level Laser (LLL ou soft-laser) peuvent être classés en deux groupes: – Biostimulation ou réaction photochimique – Thérapie photodynamique (PDT). La biostimulation permet de stimuler certaines réactions enzymatiques faisant partie du métabolisme des cellules, alors que la thérapie photodynamique a comme effet la destruction de certains microorganismes (fig. 4). Résumé Les lasers sont utilisés en médecine depuis plus de 20 ans. L’utilisation des lasers basse énergie (low level laser, LLL ou softlaser) est depuis lors bien documentée. Sur le plan mondial, des centaines d’études reproductibles ont été publiées; elles prouvent l’effet des lasers à infrarouge dans la plage non thermique. Les traitements par LLL sont divisés en deux méthodes d’application: la biostimulation et la thérapie photodynamique (PDT). La lumière dans la plage proche de l’infrarouge (750–950 nm) pénètre plus profondément dans les tissus que celle dans la plage de la lumière visible. Le modèle du mode d’action de la biostimulation se fonde, d’une part, sur l’absorption des photons de la lumière laser dans les chromophores de la cellule et, d’autre part, sur la formation d’un gradient de protons dans les mitochondries et une influence sur les canaux des ions Ca2+. Ces mécanismes entraînent la formation d’ATP. L’absorption de l’énergie photonique est associée à une modification de la configuration des électrons qui, en raison de l’altération de la réactivité chimique, exerce une influence sur les circuits des régula- 534 tions enzymatiques. Il est de ce fait possible d’activer des processus enzymatiques. Les traitements par LLL (low level laser therapy, LLT) se fondent sur l’activation enzymatique de certains processus cellulaires qui favorisent la prolifération du collagène, des cellules épithéliales et endothéliales, de la dentine et des ostéoblastes. Pour ces raisons, les LLL sont utilisés avec succès dans le domaine de la médecine dentaire, d’une part pour l’activation de la cicatrisation des plaies (traumatiques, après extraction, chirurgie à volet, chirurgie implantologique, chirurgie par hard-laser, herpès, aphtes, etc.) et, d’autre part pour l’atténuation des douleurs postopératoires ou le traitement des douleurs chroniques. Lors de la PDT, l’application de lumière laser rouge, en combinaison avec un agent de photosensibilisation, permet d’obtenir un effet de réduction des germes, un effet qui peut être mis à profit pour le traitement des infections parodontales ou périimplantaires. Les traitements par LLL sont non invasifs, exempts d’effets secondaires et peu onéreux. Pour ces raisons, cette méthode représente une modalité thérapeutique supplémentaire dans le cadre des activités quotidiennes du praticien. Ces deux modalités thérapeutiques seront traitées séparément dans les chapitres qui seront publiés dans les prochains numéros de la RMSO. Q Le fluorure d’amines a soufflé ses 40 bougies Les origines des laboratoires GABA – développements et essais relatifs aux fluorures d’amines Elmex® Thomas Imfeld, Centre de médecine dentaire et de stomatologie de l’Université de Zurich, Cliniques de médecine dentaire préventive, de parodontologie et de cariologie – traduction française de Thomas Vauthier Lors de la réunion ConsEuro du 5 au 7 juin 2003 à Munich, le monde de la médecine dentaire européenne a pu fêter le 40e anniversaire des fluorures d’amines Elmex; pour marquer cette occasion, un workshop y a été organisé sous le titre «Caries Prevention with amine fluoride: Facing the future with 40 years of experience». La présente contribution se fonde sur une conférence que l’auteur a tenue lors de ce workshop. Elle retrace d’une part l’histoire des laboratoires GABA, et d’autre part les circonstances et les origines, de même que les premières années de la mise au point des fluorures d’amines et de la pâte dentifrice Elmex. En outre, elle résume les expériences au laboratoire les plus importantes à ce propos, ainsi que les études cliniques sur la carie et l’efficacité des fluorures d’amines chez l’être humain. En même temps, ce petit regard en arrière souhaite rendre honneur aux personnes qui furent les principaux responsables du succès de ces préparations. Les origines de GABA Le nom GABA est l’acronyme de «Goldene Apotheke BAsel»; historiquement, ce nom a été documenté pour la première fois en 1815. La Goldene Apotheke Basel avait été fondée le 24 mai 1638. A cette époque, le pharmacien Johann Friedrich Eglinger avait acquis la propriété «zum Schöneneck» pour y installer une pharmacie. En 1659, il élargit la surface de la pharmacie par l’acquisition complémentaire de l’immeuble adjacent, dit «zum Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 5/2004 Blauenstein». Par la suite, la Goldene Apotheke, installée dès lors dans la double propriété «zum Schöneneck» et située à l’angle Freiestrasse/Rüdengasse (fig. 1) a successivement été exploitée jusqu’en 1740 par trois générations de la famille Eglinger. Le 29 mars 1740, Nicolaus Bernoulli a acquis la propriété et continuait à exploiter l’entreprise en tant que droguerie et pharmacie «zum Schöneneck». En 1767, son fils, le pharmacien Hieronymus Bernoulli, reprit l’affaire. En 1821, la droguerie et la pharmacie ont été séparées. Le pharmacien Samuel ObermeyerBernoulli, beau-fils et gendre de la famille Bernoulli précitée, continua à exploiter la Goldene Apotheke. En 1862, sa veuve, Salome Obermeyer-Albrecht, a vendu la pharmacie au pharmacien Dr Friedrich Geiger. Dès 1897, son fils, le Dr Hermann Geiger, qui venait de terminer ses études de pharmacie, reprit la gestion de la Goldene Apotheke. Après la démolition complète des bâtiments – en raison des travaux d’urbanisation et de correction des rues adjacentes, la Goldene Apotheke a été entièrement reconstruite en 1898 sur un site légèrement décalé par rapport à l’emplacement précédent. Parmi les spé- L’ a c t u a l i t é e n m é d e c i n e d e n t a i r e Fig. 1 La Goldene Apotheke domiciliée dans la double propriété «zum Schöneneck» à Bâle. cialités de la pharmacie, les pastilles «Wybert», qui étaient destinées aux «soins de la bouche et de la gorge», occupaient une place importante, malgré le fait que d’autres fabricants comme les sociétés G. Roth, Bâle, et H. Schätti, Hinwil, préparaient également de telles pastilles. Afin d’être en mesure de faire face à la demande croissante, notamment en Allemagne, les frères Hermann et Paul Geiger fondèrent en 1906 la société «Dr. H. und Dr. P. Geiger» à Saint-Louis (qui s’appelait alors St. Ludwig, l’Alsace faisant encore partie de l’Allemagne, à l’époque). Le Dr Paul Geiger continuait à diriger la pharmacie jusqu’en 1942, alors que le Dr Hermann Geiger se concentrait de plus en plus sur la fabrication industrielle et la commercialisation des pastilles «Wybert». Pour ce projet, il fonda en 1918 la société GABA AG, alors qu’il quitta en même temps la Goldene Apotheke. Aronal, la première pâte dentifrice de GABA En 1939, le Professeur Blum, médecin à Zurich, soumettait à GABA l’idée de fabriquer une pâte dentifrice à base de vitamines, pour la prévention et le traitement des inflammations gingivales et les saignements des gencives. Il recommandait d’y intégrer les vitamines A et B en tant que substances actives et d’utiliser un concentré d’huile de foie de morue en tant que base pour la préparation. Un contrat de licence a été conclu en novembre 1939; ce contrat a été modifié en 1945, mais n’est venu à échéance qu’au mois de mars 1964. La mise au point du dentifrice sur le plan galénique incombait au pharmacien Dr J. Bider, collaborateur de GABA AG. En raison de la guerre, la disponibilité de matières premières était extrêmement limitée et ne laissait dès lors que peu de marge de manœuvre pour l’élaboration de la composition. La base scientifique du projet se fondait sur une thèse de doctorat élaborée par Monsieur E. Stutz sous la direction du Prof. W. Hess à l’Institut de médecine dentaire de l’Université de Zurich. En 1944, année qui marqua le tournant dramatique de la Seconde Guerre mondiale après l’invasion des troupes alliées en Normandie, GABA AG lança sur le marché la pâte dentifrice Aronal. Le nom de marque Aronal avait déjà été enregistré en 1919 pour une ligne de produits de soins capillaires de la Goldene Apotheke. Or, du fait que ce nom n’avait plus été employé depuis le début des années 40, il était sans autre possible de l’utiliser pour le nouveau dentifrice. L’entrée dans le domaine des soins dentaires était un pas courageux, étant donné que la société GABA AG, en sa qualité de fabricant de préparations contre la toux, dont en particulier les pastilles Wybert, respectivement les pastilles GABA, ne possédait aucun savoir-faire dans le secteur des soins dentaires. Le risque de cette expansion était toutefois atténué par le fait qu’en raison du rationnement du sucre durant la Seconde Guerre mondiale, les pastilles Wybert étaient pour ainsi dire les seules sucreries disponibles dans le commerce, un avantage qui avait assuré à la société GABA AG de bons chiffres d’affaires et des revenus élevés. En outre, en raison de la guerre, il n’y avait sur le marché suisse pratiquement aucun dentifrice fabriqué à l’étranger, alors que le nom de la société était déjà bien établi. Afin de stimuler davantage les ventes, qui avaient pourtant été fort réjouissantes dès les premières années, la société GABA AG a demandé en 1954 la réalisation d’une étude clinique à l’Université de Bonn. En même temps, GABA AG décida d’avancer plus loin dans le domaine de la prophylaxie contre la carie. A l’époque, un certain nombre de travaux relatifs aux fluorures et à leur effet préventif contre la carie avaient déjà été publiés aux Etats-Unis et un nombre restreint de dentifrices fluorés étaient importés. Il était toutefois évident qu’il ne serait possible d’assurer l’efficacité et l’acceptation de tels produits sur le marché qu’à condition de continuer à investir dans le développement galénique. Développement des fluorures d’amines L’objectif de mettre au point des produits dans le domaine de la prophylaxie contre la carie était ambitieux et exigeant. Pour cette raison, Monsieur Hans Schmid, chimiste diplômé de la société GABA AG se mit à la recherche de partenaires compétents dans le domaine de la médecine dentaire. En 1955, le Dr Dietrich, alors médecin-dentiste cantonal de Zurich, lui conseilla de s’adresser au Professeur H. R. Mühlemann. Le Dr Dietrich proposa de chercher le contact avec ce «professeur jeune et dynamique de l’Institut de médecine dentaire» qui n’était entré en fonction que depuis peu de temps et qui était en train de créer une station de recherche consacrée à la carie. Une première rencontre entre Monsieur Schmid et le Prof. Mühlemann a eu lieu en 1955, sur la terrasse de l’Hôtel du Rhône à Genève, en marge du congrès ORCA. Cette entrevue a été le début d’une longue et fructueuse collaboration entre la société GABA AG et l’Institut de médecine dentaire de Zurich. Le Prof. Mühlemann était convaincu qu’il fallait considérer la médecine dentaire comme une science et non un métier artisanal («science and not art»). Par voie de conséquence, et compte tenu de la prévalence élevée de la carie au début des années 50, il était arrivé à la conclusion qu’il n’était pas possible d’enrayer ce fléau par Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 5/2004 535 L’ a c t u a l i t é e n m é d e c i n e d e n t a i r e des mesures thérapeutiques, mais qu’il fallait plutôt résoudre le problème par des mesures de prévention scientifiquement éprouvées. L’équipe de recherche en matière de carie qu’il avait assemblée travaillait de façon interdisciplinaire, en ayant recours à des méthodes épidémiologiques, biochimiques, microbiologiques, immunologiques et pharmacologiques. Au moment de la première collaboration entre le Prof. Mühlemann et la société GABA AG, on connaissait déjà certains fluorures anorganiques, en d’autres termes les sels alcalins et métalliques de l’acide fluorhydrique, comme le NaF, le KF et le SnF2. On connaissait également des composants fluorés organiques, dans lesquels le fluorure est directement lié à un atome de carbone au lieu d’un atome d’hydrogène, tels que par exemple l’acide fluoroacétique ou l’acide fluorovalérianique. En raison de leur importante toxicité, il n’était pas question d’utiliser ces dernières molécules sur le plan clinique. Plusieurs études réalisées à cette époque (KNAPPWOST 1952; LEACH 1956; IRWIN et coll. 1957) avaient démontré que des concentrations élevées de fluorures anorganiques entraînaient la formation d’une couche de fluorure de calcium à la surface de l’émail, tandis qu’en présence de concentrations plus faibles une substitution isomorphe avait lieu dans l’émail. Force est toutefois de constater que les mêmes études avaient également révélé que cette couche superficielle était très fragile et que la protection par les fluorures était de ce fait limitée. En 1954, WAINWRIGHT a démontré que certains composants organiques qui contiennent des groupes NH2, comme l’urée, la thiourée ou l’acétamide, par exemple, se caractérisent par un pouvoir de diffusion rapide à travers l’émail et qu’ils possèdent une affinité élevée pour les structures kératinisées. Partant de ces observations, le Prof. Mühlemann a eu l’idée qu’il devrait être possible d’utiliser de tels composés aminés, capables de diffuser rapidement, en tant que «véhicules de transport» pour convoyer des ions de fluorure depuis la surface de l’émail vers les couches plus profondes de l’émail (MÜHLEMANN et coll. 1957). Or, pour atteindre ce but, il était nécessaire que les molécules soient polarisées. Les acides aminés polarisés endogènes du corps humain semblaient parfaitement se prêter à cette tâche. Pour ces raisons, Hans Schmid a commencé – dès le mois de septembre 1955 – des travaux de synthèse de l’hydrofluorure de glycine, de l’hydrofluorure de leucine et de l’hydrofluorure de lysine. Une demande de brevet pour les fluorures 536 d’acides aminés a été déposée en 1956 déjà. Les nouveaux fluorures organiques ont été testés à Zurich quant à leur efficacité de réduire la solubilité de l’émail humain lorsqu’il est exposé aux acides. Toutefois, les résultats n’étaient pas trop encourageants. La réduction de la solubilité dans les acides n’était guère plus importante que celle exercée par des fluorures anorganiques connus, tels que le NaF et le SnF2. A ce propos, le fluorure d’étain était la «meilleure» molécule – qu’il s’agissait par conséquent de surpasser. En dépit du fait que les acides aminés composés de 3 à 5 atomes de carbone n’avaient pas permis d’atteindre des succès convaincants concernant la réduction de la solubilité de l’émail, les chercheurs ont tout de même observé que les diamines et les acides aminés à longues chaînes comprenant au moins 6 atomes de carbone obtenaient les meilleurs résultats, du fait qu’ils étaient tensio-actifs. Auparavant, WALSH et coll. (1950) avaient déjà démontré que les amines sont capables de se fixer sur l’émail dentaire. Pour Mühlemann et Schmid, il semblait par conséquent tomber sous le sens d’essayer d’accoupler du fluorure ionisable, respectivement de l’acide fluorhydrique, à des amines, afin d’exploiter leurs propriétés d’adhésion et leur potentiel antibactérien. Par la suite, les chercheurs ont synthétisé différents monoamines aliphatiques comprenant des chaînes plus longues. Le premier fluorure d’amines à longue chaîne, l’hydrofluorure de cétylamine, a été mis au point en mars 1956 et fut enregistré sous le numéro de laboratoire 242. Cette molécule a par la suite été utilisée dans le dentifrice Elmex en tant que substance active accessoire. En 1957 déjà, la future substance active principale d’Elmex, à savoir le dihydrofluorure d’ethoduomeen® (diéthanol-amino-éthyl-N-éthanol-octadecyclamine), a été synthétisée. Elle fut enregistrée sous le numéro de laboratoire 297. Ces amines aliphatiques étaient d’une part tensio-actives et se caractérisaient d’autre part par des propriétés émulsifiantes, détersives, dispersantes et mouillantes. Les expériences faites avec ces molécules ont eu comme effet de lancer la recherche de fluorures organiques efficaces pour la prophylaxie contre la carie dans une toute nouvelle direction. La recherche de composants chimiques dotés du pouvoir de transporter l’ion de fluorure vers les couches plus profondes de l’émail, avait abouti à la découverte de composés organiques qui, en raison de leurs propriétés physiques ne pouvaient Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 5/2004 pas pénétrer dans l’émail, bien qu’elles fussent capables de se fixer fermement à sa surface. La première demande de brevet pour les fluorures d’amines a été déposée le 13 juillet 1957 à Berne, alors que la même année a paru la première publication scientifique traitant de ce sujet (MÜHLEMANN et coll. 1957). A noter que les travaux dans le domaine des fluorures d’amines n’étaient pas seulement soutenus par la société GABA AG, mais également par le Fonds national suisse pour la recherche scientifique ainsi que par la Société Suisse d’Odontostomatologie. Expériences d’évaluation des fluorures d’amines Essais in vitro Dans les années qui suivaient, d’innombrables essais in vitro sur les fluorures d’amines ont été réalisés et publiés. Le fluorure d’amines 297 se profilait par un meilleur pouvoir de protection contre la solubilité sous l’influence des acides, par rapport au fluorure d’étain, qui était la substance de référence à l’époque. Après une application locale de AmF 297 durant deux heures, la solubilité dans les acides a été réduite de 93% en comparaison avec des attouchements par du NaCl, alors que le fluorure d’étain ne permettait d’atteindre qu’une réduction de 72% (MÜHLEMANN & Schmid 1958). Le brossage de surfaces d’émail à l’aide d’un dentifrice contenant du AmF (1:1 dans de l’eau; 500 ppmF) pendant 9 secondes entraînait déjà une réduction de la solubilité de 20% (MÜHLEMANN & SCHMID 1958). Une application locale d’une solution fluorée (AmF 297 et 335) pendant trois minutes entraînait, en comparaison avec des applications de NaF, de SnF2 et de PO4F, la formation de dépôts de fluorure considérablement plus importants à une profondeur de 30 µ dans l’émail (MÜHLEMANN 1967). En outre, certains auteurs ont observé une importante inhibition de l’agglutination des streptocoques sur de l’émail traité par du AmF (BALMELLI et coll. 1974). Ce phénomène a été attribué à un effet de la partie cationique de l’amine, donc indépendant de la présence du fluorure. Les couches superficielles de protection formées après des traitements par du AmF se sont avérées significativement plus résistantes aux traitements par les ultrasons que des couches de protection résultant de l’application d’autres composés fluorés (MÜHLEMANN 1967). Essais in vivo Par la suite, les résultats des essais approfondis in vitro ont été confirmés et com- L’ a c t u a l i t é e n m é d e c i n e d e n t a i r e plétés par des expériences sur des rats de l’espèce dite Osborn-Mendel. Ces expériences ont été rendues possibles par la création, soutenue par GABA, d’un laboratoire d’animaux annexe à la Station de recherches sur la carie du Département du Prof. Mühlemann. Globalement, l’efficacité de l’application locale de différentes solutions fluorées et de dentifrices fluorés a été testée dans plus de 50 études sur la carie ayant inclus quelque 2000 rongeurs (KÖNIG, MARTHALER & MÜHLEMANN 1957). Dans toutes les études, le fluorure d’amines s’est avéré supérieur, tant au fluorure de sodium qu’au fluorure d’étain. Le Dr Klaus König était le directeur de ces essais. C’est à Monsieur H. Schmid qu’incombait la tâche de résoudre le problème de l’incompatibilité des fluorures d’amines en regard des matières premières disponibles à l’époque pour la préparation galénique de la pâte. Après l’accomplissement des essais au laboratoire et des expériences sur les animaux évoqués plus haut, il s’agissait dès lors de s’assurer, par des tests de toxicité, des possibilités d’utilisation sur l’être humain. Ces études ont été réalisées par le Dr Marthaler dans le cadre du Département du Prof. Mühlemann (MARTHALER 1960; MARTHALER 1962). Etudes cliniques relatives à la carie Au terme des études toxicologiques – couronnées de succès –, il était alors possible de procéder en 1958 à l’étude clinique décisive sur des enfants en âge de scolarité. Il était prévu que cette étude aurait une durée de sept ans et que du fait que des contrôles auraient lieu après six mois, un an et demi, trois, cinq et sept ans, elle était destinée à devenir l’étude clinique sur la carie de la plus longue durée jamais menée sur le plan mondial. Dès que l’efficacité clinique du dentifrice aux fluorures d’amines avait été démontrée après une durée du test de seulement trois ans, la société GABA AG a décidé en 1963 d’introduire la pâte dentifrice Elmex sur le marché suisse (fig. 2 et 3). Le nom commercial Elmex avait déjà été enregistré 14 ans plus tôt. Les résultats cliniques et radiologiques après l’utilisation non contrôlée de pâtes dentifrices fluorées durant 7 ans, contenant 0,125% de F – (groupe «fluorure»: N = 142; groupe de contrôle: N = 118) ont été présentés le 3 mai 1968 lors d’une conférence de presse à Zurich. Ces résultats ont été impressionnants: en prenant comme base l’indice «faces dentaires» (COF) le groupe «fluorure» présentait un nombre inférieur de 56% de lésions ayant 538 Fig. 2 Affiche publicitaire d’époque, vantant les avantages des fluorures d’amines Elmex®. pénétré dans la dentine et 33% d’obturations en moins par rapport au groupe de contrôle. En prenant comme base l’indice «dents» (COD), le groupe «fluorure» présentait un nombre inférieur de 45% de lésions ayant pénétré dans la dentine et 29% d’obturations en moins par rapport au groupe de contrôle (MARTHALER 1968 a+b). Les résultats cliniques et radiologiques d’une deuxième étude d’une durée de 6 ans qui avait suivi des enfants utilisant de manière non contrôlée un dentifrice fluoré (groupe «fluorure»: N = 50; groupe de contrôle: N = 59) n’étaient pas moins convaincants: radiologiquement, le groupe «fluorure» présentait un nombre inférieur de 43% de lésions ayant pénétré dans la dentine. Concernant les caries des fossettes ou des fissures sur les molaires, les examinateurs ont dépisté 24% de lésions dentinaires en moins dans le groupe «fluorures», et 24% de lésions dentinaires en moins sur les prémolaires (MARTHALER 1974). Plus tard, une étude similaire d’une durée de trois ans a été menée en France sur un collectif plus large d’enfants âgés entre 6 et 8 ans (groupe «fluorure»: N = 668; groupe de contrôle: N = 708). Les valeurs de l’indice CAOD du groupe «fluorure» étaient inférieures de 21,6% que celles du groupe de contrôle. Les valeurs de l’indice CAOS du groupe «fluorure» étaient inférieures de 20,9% par rapport à celles du groupe de contrôle, alors que les valeurs de l’indice cs (surfaces cariées sur les dents de lait) étaient Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 5/2004 Fig. 3 Une autre affiche publicitaire pour les fluorures d’amines Elmex®. même inférieures de 48,7% que celles relevées dans le groupe de contrôle (CAHEN et coll. 1982). Une autre étude de trois ans a examiné l’influence du brossage, sous contrôle, avec une gelée à base de fluorure d’amines, à une concentration de 1,25% de F –. L’application de la gelée a été effectuée deux fois par mois. Le suivi a porté sur 201 enfants qui étaient âgés de 7 ans au début de l’étude. Après 3 ans, le groupe «fluorure» présentait 35% de lésions dentinaires de moins que le groupe de contrôle (MARTHALER et coll. 1970). Une étude comparable a été réalisée en Hongrie: les participants étaient tenus de brosser les dents, sous contrôle, 25 à 30 fois par an à l’aide d’une gelée contenant du fluorure d’amines (groupe «fluorure»: N = 134; groupe de contrôle: N = 122; moyenne d’âge au début de l’étude = 6,4 ans). Sur la base du critère «faces dentaires» (COF) les enfants du groupe «fluorure» présentaient un nombre inférieur de 53% de lésions ayant pénétré dans la dentine, et sur la base du critère «dent» (COD), 47% de lésions dentinaires en moins (SZÖKE et coll. 1989). De même, des études cliniques réalisées en Allemagne ont montré des résultats comparables quant aux chiffres L’ a c t u a l i t é e n m é d e c i n e d e n t a i r e favorables de la réduction des lésions carieuses dans des populations ayant procédé à des brossages sous contrôle à l’aide d’une gelée à base de fluorure d’amines (SIEGRIST & MARTHALER, 1975; MAIWALD et coll. 1993). Lors de son introduction sur le marché suisse, le dentifrice Elmex a été enregistré auprès de l’OICM en tant que produit pharmaceutique; étant classé dans la catégorie D, il n’était alors vendu que dans les pharmacies et les drogueries. La libéralisation du marché en 1972 a eu comme conséquence une augmentation importante des ventes. Dans les années suivantes, le succès commercial a permis à la société GABA AG d’établir progressivement une position de leader dans le domaine des produits de soins bucco-dentaires étayés par des résultats de recherches scientifiques. En effet, actuellement plus de 400 publications scientifiques confirment l’efficacité des fluorures d’amines présentées sous différentes formes galéniques. L’histoire du succès des produits Elmex à base de fluorures d’amines représente un excellent – et unique – exemple d’une collaboration fructueuse et parfaitement réussie entre l’industrie et la science œuvrant au service de la santé des êtres humains. Remerciements L’auteur souhaite exprimer sa gratitude au Dr V. Bieri, Gaba International AG, pour ses précieuses informations relatives à l’historique de la «Goldene Apotheke Basel». Bibliographie BALMELLI O P, REGOLATI B, MÜHLEMANN H R: Inhibition of streptococcal deposits on rat molars by amine fluoride. Helv Odont Acta 18, Suppl VIII, 45–53 (1974) C AHEN P M, F RANK R M, TURLOT J C, JUNG M T: Comparative unsupervised clinical trial on caries inhibition effect of monofluorophosphate and amine fluoride dentifrices after 3 years in Strasbourg, France. 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Dans le courant de ce mois, les électrices et électeurs suisses auront à se prononcer sur la structure future du premier pilier, l’AVS. Des classes d’âge nombreuses, qui atteindront bientôt l’âge de la retraite, une plus grande espérance de vie, ainsi que le recul des taux d’intérêt et la baisse de l’activité économique, tous ces facteurs ont laissé des traces au niveau de la prévoyance vieillesse. C’est pourquoi la rédaction a décidé de s’adresser à M. Paul Hostettler, directeur de la fondation de prévoyance, et lui a demandé comment se porte le deuxième pilier des médecinsdentistes et comment, dans l’éventualité d’une décision négative du souverain, il serait éventuellement possible de la corriger par l’intermédiaire de la fondation de prévoyance. Monsieur Hostettler, quelles seront les conséquences d’une réduction des prestations de l’AVS sur les rentes des médecins-dentistes? La fondation de prévoyance des médecinsdentistes est-elle en mesure de combler les lacunes de l’AVS? En sa qualité d’institution de prévoyance professionnelle, la fondation de prévoyance assure des prestations tant en cas d’invalidité et de décès, ce qu’on nomme les prestations de risque, qu’en cas de vieillesse. Le propriétaire d’un cabinet détermine le niveau de ces prestations par le choix du plan d’assurance, le revenu qui doit être assuré, les rachats qu’il entend réaliser. Le revenu assurable est toutefois limité de deux manières. D’une part, il ne peut dépasser le revenu déterminant pour les cotisations AVS et, d’autre part, à dater du 1. 1. 2005, il est limité à dix fois le montant maximum selon la loi sur le deuxième pilier, soit actuellement 759 600.– fr. Les rachats ne sont possibles que pour les années man- Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 5/2004 539 L’ a c t u a l i t é e n m é d e c i n e d e n t a i r e quantes au cours desquelles des primes n’ont pas été versées. C’est ainsi que pour le propriétaire d’un cabinet, la prévoyance professionnelle peut constituer un instrument qu’il peut utiliser pour pallier une éventuelle réduction des prestations du premier pilier. Il va de soi qu’il ne s’agit que d’une prévoyance professionnelle dépassant le minimum égal. Comment se présente le degré de couverture de la fondation de prévoyance (2e pilier), quelle est sa stratégie en matière de placements? La fondation de prévoyance dispose d’un contrat complet auprès de Swiss Life. Les prestations de risque, ainsi que les prestations vieillesse, sont ainsi en totalité réassurées, ce qui fait qu’au 31. 12. 2003, le degré de couverture était de 100 pourcent. A compter du 1. 1. 2004, la fondation de prévoyance garde à peu près 8% du capital de couverture des assurés en activité hors du portefeuille général de Swiss Life (compte séparé) et confie leur gestion à deux gestionnaires de fortune professionnels. La fondation de prévoyance assume par conséquent directement le risque du placement de cette partie du capital de couverture. Cette voie a été choisie, elle est susceptible d’être complétée, afin de compenser l’absence, depuis 2001, d’excédents versés par Swiss Life, et pour permettre de rémunérer de nouveau à l’avenir les avoirs vieillesse à un meilleur taux que le taux minimum actuel de 2,25%. Le conseil de fondation pratique une politique de placements prudente, adaptée à la capacité de prise de risque de la fondation de prévoyance. Quel est le taux d’intérêt que pratique la fondation pour la part obligatoire, ainsi que pour la part surobligatoire? Les taux appliqués, tant dans le domaine obligatoire que surobligatoire, sont les taux minimums actuels selon le deuxième pilier, soit 2,25%. A l’heure actuelle, y a-t-il encore un intérêt à investir surobligatoirement dans le deuxième pilier ou est-il préférable de placer son argent à titre privé? Pour ce qui concerne les placements, il faut en principe s’adresser à des conseillers en placements avisés, qui connaissent la totalité du spectre des possibilités de placements. Du point de vue de la fondation de prévoyance, on peut toutefois dire ce qui suit. La prévoyance professionnelle est placée à long terme. L’expérience nous montre que de mauvais résul- 540 tats peuvent être compensés plus tard. Dans la fondation de prévoyance, depuis 1985, les avoirs vieillesse sont rémunérés par une participation aux bénéfices d’environ 7%, alors qu’au cours des trois dernières années, à cause des mauvais résultats de la bourse, il a fallu compter sur des participations aux bénéfices beaucoup plus faibles, voire à l’absence de toute participation. Enfin, les primes payées à la prévoyance professionnelle sont entièrement déductibles des impôts. Le nombre des femmes qui deviennent médecins-dentistes va en augmentant. A cause des tâches familiales et des enfants ces femmes travaillent souvent à temps partiel et leurs années d’activité seront moins nombreuse que celles de leurs collègues masculins. Quelle est, pour ces femmes, la meilleure façon de s’assurer et ces médecins-dentistes à temps partiel exercent-elles à long terme une influence sur le capital de la fondation de prévoyance? Le seuil d’accès à la prévoyance professionnelle se situe actuellement au niveau d’un revenu annuel minimum, calculé selon les normes de l’AVS, de 25 320.– fr. Il se situera, à partir du 1.1.2005, au niveau de 18 990.–fr. Les femmes médecins-dentistes travaillant à temps partiel dépassent selon toute vraisemblances ces valeurs limites et peuvent par conséquent également participer à la prévoyance professionnelle pendant cette période d’activité. Elles ont de plus la possibilité, plus tard, lorsqu’elles auront un revenu nettement plus important provenant d’une activité à plein temps, de racheter sur cette base les années manquantes et de constituer ainsi une prévoyance vieillesse complète. Ainsi que cela vient d’être dit, le travail à temps partiel ne constitue pas un obstacle à la prévoyance professionnelle et le catalogue des prestations est le même que celui offert dans le cas d’une activité à plein temps. Ces cas participent évidemment également à la constitution des avoirs vieillesse, qui contribuent à l’ensemble du capital de couverture. Dans les médias, la Rentenanstalt n’est plus présentée sous un angle aussi favorable qu’au cours des années précédentes. Comment jugez-vous Swiss Life en comparaison des autres assureurs? Le groupe Swiss Life a réalisé en 2003 un résultat annuel net de 233 millions de francs. Ce résultat est très différent et très positif si on le compare au résultat annuel de 2002, qui bouclait avec une perte de 1,694 milliard. Swiss Life fait de grands efforts pour réduire ses coûts, la fondation Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 5/2004 de prévoyance a pu constater que ces efforts produisaient des effets positifs. Que conseillez-vous, en matière de prévoyance aux médecins-dentistes, femmes et hommes, aux âges de: 30 à 40 ans, 40 à 55 ans, de 55 ans à l’âge de la retraite? On peut appliquer une règle approximative disant qu’une ou un propriétaire de cabinet, en début d’activité rémunérée, soit en règle générale entre l’âge de trente et de quarante ans, devrait, en ce qui concerne le domaine des assurances, avant tout mettre l’accent sur le risque (invalidité, décès) plutôt que sur la constitution d’économies en vue de la vieillesse. Il est préférable de consacrer les moyens à disposition à l’amortissement des dettes contractées pour les investissements dans le cabinet. Lorsque ces dettes auront été amorties et que s’engage la constitution d’un capital, il y a lieu, en général, de modifier le cours et de mettre l’accent progressivement dans le sens des économies, ceci intervient généralement vers l’âge de quarante-cinq ans. Il est évidemment possible que, dans certains cas, le cours des événements se présente sous un angle différent. Que recommandez-vous, en général, aux médecins-dentistes, femmes et hommes, pour qu’ils puissent envisager des vieux jours en toute sécurité? Les conseillers en gestion de fortune et en prévoyance qualifiés travaillent avec l’aide d’un plan financier. La planification passe par plusieurs étapes et commence par une analyse de la situation actuelle et de l’évolution probable de la situation économique et familiale durant la période d’activité rémunérée du client. On évalue ensuite avec le client ses projets en ce qui concerne le moment où il songe à prendre sa retraite, ainsi que sa situation financière et personnelle à cet instant. Sur la base de ces données, le conseiller indique au client si ses projets sont réalistes et en cas de réponse affirmative, il établit pour la durée de l’activité rémunérée une constitution de capital en vue de la période qui suit la retraite. La vie ne s’en tient malheureusement pas toujours aux plans; ils ne sont par conséquent pas gravés dans le marbre et doivent périodiquement être réévalués quant à la possibilité de leur réalisation. De plus, il n’est guère sensé d’établir un plan financier pour un terme plus éloigné que dix ans jusqu’à la retraite. Monsieur Hostettler, je vous remercie de nous avoir accordé cet entretien. Q L’ a c t u a l i t é e n m é d e c i n e d e n t a i r e CLIN D’ŒIL DU PASSÉ Ambroise Paré (1510–1590), précurseur de l’art dentaire Roger Joris, Genève Transcription, adaptation et illustrations de Thomas Vauthier Alors que l’on trouve presque toujours dans les ouvrages des Anciens des remarques concernant les dents, il faut attendre Ambroise Paré pour découvrir une sorte de traité de l’art dentaire. En effet, Hippocrate et Galien se sont bien occupés de ces questions, mais d’une façon très fragmentaire. Quant à Celse, l’Hippocrate latin, il n’a fait que reprendre les idées de ses prédécesseurs sans y ajouter grand-chose. Poursuivant l’épopée de «l’art dentaire» retracée pour nos lecteurs par notre confrère Roger Joris, ancien président de la Société suisse de l’histoire de la médecine et de la société européenne de l’histoire de la médecine, nous découvrons ce mois-ci Ambroise Paré, qui fut non seulement l’un des premiers grands chirurgiens, mais un praticien et auteur que notre historiographe passionné considère également comme le «véritable fondateur de l’odontostomatologie». Thomas Vauthier Les Arabes semblent avoir poussé leurs recherches un peu plus loin. Il faut évidemment nommer Avicenne, Averrhoès et surtout Abulcasis. Au XIVe siècle, le père de la chirurgie française, Guy de Chauliac, alors à la cour du pape Urbain V, son compatriote, et au siècle suivant, Jean de Vigo, chirurgien du pape Jules II, demandaient que la pratique de l’art dentaire fût réservée aux médecins, afin d’éviter les dangereuses fantaisies des charlatans. Déjà! Le seul ouvrage traitant uniquement de l’art dentaire parut en 1582 à Lyon. Il était l’œuvre d’Urbain Hémard. Mais en 1582, les traités d’Ambroise Paré en étaient déjà à leur troisième édition! C’est pourquoi je pense que le véritable fondateur de l’odontostomatologie est bien Ambroise Paré. Son œuvre monumentale comprend 26 livres, consacrés chacun à un sujet particulier, et dont le cinquième traite des dents. Mais on trouve à plusieurs reprises dans les autres livres des indications et des chapitres entiers qui ont trait à l’art dentaire et qui permettent de fixer la somme des connaissances de l’époque dans ce domaine. Dans ses nombreux traités écrits en français, comme la Méthode de traicter les playes faictes par hacquebutes et aultres bastons à feu, Ambroise Paré s’affranchit de l’obéissance aux Anciens et recommande l’apprentissage de la chirurgie par la pratique. «Les dents ont un croissement continuel jusqu’à la mort» Du point de vue anatomique, Ambroise Paré reprend les opinions d’Hippocrate: la dent est un os, mais assez particulier, comme nous verrons plus loin. Quant au point de vue fonctionnel, c’est Galien qu’il suit assez fidèlement. Et voici quelques généralités qui ne manquent ni d’originalité ni de fantaisie: «Les dents diffèrent des autres os … parce qu’elles peuvent se régénérer quand elles sont perdues et ont un croissement continuel jusqu’à la mort.» Il donne une description exacte et détaillée des dents et il explique que les molaires supérieures ont un nombre plus grand de racines que les inférieures, «à cause que ces dents étant assises sur leur racine et non suspendues comme celle de la mandibule d’en haut (sic!), n’auraient besoin de tant de racines pour leur stabilité et assurance». Il a d’ailleurs aussi remarqué que l’os du maxillaire supérieur est moins dur et dense que celui de l’inférieur. Comme il ne pouvait attribuer aux sinus maxillaires de fonction bien nette, il déclare que ce sont des cavités dans lesquelles est contenu «un humeur visqueux, espais et gluant qui est pour la nourriture des dents!» Pour les inférieures, c’est dans la mandibule que se trouve «un humeur blanc, glaireux, propre et familier pour la nourriture et l’accroissement des dents»… «Les dents ne sentent que par une membrane laquelle elles ont en dedans» Ambroise Paré a bien étudié aussi l’innervation des dents, tant supérieures qu’inférieures, et met sérieusement en garde les opérateurs contre les dangers d’une intervention trop brutale au niveau des sorties des nerfs, en particulier des nerfs mentonniers. Il sait qu’un nerf, une artère et une veine pénètrent dans la dent par l’apex et que ce nerf est destiné à donner la sensibilité; mais il a tout de même une idée assez inattendue à ce propos: «tel sentiment (sensibilité) leur est donné afin qu’elles (les dents) eussent consentement avec la langue, pour discerner et juger des saveurs comme ont les autres parties de la bouche». Mais un peu plus loin il reprend une idée de Fallope qui estime, lui, que «les dents ne sentent point en leurs parties extérieures, mais seulement par une membrane laquelle elles ont en dedans». Son sens de l’observation est quelquefois mis en défaut: il prétend, par exemple, qu’une dent privée de son antagoniste dure plus longtemps qu’une autre car elle ne s’use pas. Mais il fait vraiment œuvre de précurseur car tandis que la pratique dentaire était limitée presque exclusivement à l’extraction, il s’élève contre ce système simpliste, en indiquant différents moyens de con- Fort de ses expériences, Ambroise Paré imagine de ligaturer ou de panser les plaies avec un mélange à base de jaune d’œuf, d’huile et de térébenthine, au lieu de les cautériser selon la méthode préconisée à l’époque qui risquait de tuer le blessé. Illustration: série de cautères utilisés par Ambroise Paré; gravure tirée du livre «The Works of that Famous Chirurgion Ambrose Parey»; Londres, 1624. Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 5/2004 543 L’ a c t u a l i t é e n m é d e c i n e d e n t a i r e la réimplantation immédiate de la dent dans l’alvéole, intervention pratiquée par lui-même avec succès. Mais il va plus loin dans ce domaine, et nous avons quelque peine à le suivre. C’est quand il raconte l’histoire de cette princesse à qui on enlevait une dent que l’on remplaçait immédiatement par une autre – prise sur une demoiselle de sa suite (qui devait en être bien flattée …)! Il avoue d’ailleurs n’avoir pas vu le fait lui-même, mais il y croit pourtant. Portrait d’Ambroise Paré; gravure de 1572. server et de soigner les dents avant d’en arriver à l’extraction. Il faut l’éviter surtout pour les dents antérieures qui sont indispensables à la prononciation. Et pour parer à l’inconvénient de la perte de ces dents, il propose la confection de prothèses fixes dont les différents éléments sont faits d’os ou d’ivoire et attachés aux autres au moyen de fils d’or ou d’argent. Ambroise Paré a également bien étudié les stomatites, gingivites et autres affections de la muqueuse buccale, et en particulier les fistules qu’il attribue à une «carie de la racine de la dent». Dans ce cas, il recommande de suivre le conseil déjà donné par Celse, l’extraction de la dent, «parce qu’il n’y avait que la pourriture de la dent qui entretenait cette fistule». Comme il a observé plusieurs cas d’expulsion de dents suite à des chocs, il propose Le tartre, «matière terrestre, de couleur jaunastre, corrode les dents» Il est persuadé que la carie est provoquée par des «vers qui se trouvent dans la dent». Et pour faire mourir ces vers, il prescrit, soit l’application de caustiques ou de thériaque dissous dans le vinaigre, soit l’ail, l’oignon ou l’aloès. Pour l’extraction, il donne un certain nombre de renseignements qui prouvent que les dentateurs, barbiers et autres «confrères» de l’époque ne se distinguaient pas, de façon générale, par une délicatesse extrême … Ambroise Paré dit qu’il a souvent vu emporter une partie de la mandibule avec les dents, ou arracher quelques dents supplémentaires. Il donne d’ailleurs un système intéressant pour éviter les fractures des dents à extraire lorsqu’elles sont trop cariées. il faut les bourrel de liège et de plomb, pour «qu’en les serrant, elles ne soyent froissées et rompues et que les racines demeurent». Une série de gravures montrent les instruments à utiliser, qui comprennent les «poussoirs, deschaussoires, daviets et policans (sic!)», tandis que les ouvre-bouche sont les «dilatatoires». Lorsqu’il parle du tartre, il le décrit comme une «matière terrestre, de couleur jaunastre qui les corrode (les dents) comme la rouille le fer: ce qui advient par faute de les nettoyer et de ne mascher dessus, dont il faut oster et racler telle matière par petits instruments». Et pour achever ce chapitre, il donne encore une recette un peu compliquée pour blanchir les dents. «La douleur des dents est la plus grande et cruelle qui soit» Ambroise Paré décrit bien les signes de pulpite et de périostite, et il prescrit une médication pour chaque cas. Il met en garde les barbiers et autres dentateurs contre une trop grande hâte à extraire les dents «sans le conseil de plus advisez qu’ils ne sont quelquefois!» En application locale, il recommande, comme d’ailleurs Hippocrate et Galien avant lui, des préparations 544 Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 5/2004 Page de couverture du livre Ambroisii Parei Opera. Parisiis: Apud Jacobum Du Puys, 1582. à base d’opium; ou des mélanges de jusquiame, de sandaraque, de vinaigre, de thériaque, de mandragore, etc. Il indique aussi le remède préconisé par les célèbres médecins arabes Mésué, dont l’un a été le disciple d’Avicenne, et qui consiste à tenir de l’ail dans la main du côté de la douleur! D’autre part, il conseille aussi de cautériser le nerf dentaire à travers la dent cariée. Un chapitre, assez fantaisiste d’ailleurs, est consacré aux dents de lait et aux difficultés de leur sortie. Il disserte longuement sur les fractures et les luxations de la mandibule, ainsi que sur les moyens de guérir ces accidents, en recommandant aux chirurgiens de bien veiller à l’articulation des dents lors des réductions de ces fractures. Il donne des directives sur la confection des cataplasmes et emplâtres destinés à faire céder la douleur, et il insiste pour que l’immobilisation soit bien faite au moyen d’une mentonnière. En définitive, on peut dire qu’Ambroise Paré a bien étudié toutes les questions qui se rapportent à l’art dentaire et qu’il en a fait un véritable traité. Et pour terminer, je ne puis résister au plaisir de citer son opinion sur l’acuité de la douleur: «La douleur des dents est la plus grande et cruelle qui soit entre toutes les douleurs sans mort: et pour la preuve, je la laisse à ceux qui en ont été vexez.» Q L’ a c t u a l i t é e n m é d e c i n e d e n t a i r e i-Dent: ce qui se fait attendre … Peter Jäger i-Dent est destiné à «l’information en médecine dentaire». Ce manuel d’information pour les patients, qui va paraître en fin d’été, va remplacer l’Atlas SSO apprécié dans de nombreux pays depuis une trentaine d’années. Nous sous sommes entretenus avec le directeur du projet, le Dr Roland Saladin. Monsieur le Dr Saladin, vous êtes le responsable du projet de nouveau manuel d’information de la SSO pour les patients. La souscription a débuté il y a une année – quel est l’état actuel d’avancement des travaux? Dr Saladin: Nous sommes presque au bout. De fait, l’équipe de rédaction était fermement décidée à boucler i-Dent pour le congrès 2004 de la SSO. Il y a quelques semaines, le travail qui restait encore à accomplir était tellement important que nous avons dû décider si nous voulions mettre le livre sur le marché par un coup de force, ou si nous nous accordions encore un peu de temps pour polir les derniers détails. Si nous avions choisi la solution du coup de force, nous aurions dû accepter quelques insuffisances et imperfections. C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour la solution «fignoler tous les détails». Le livre va donc paraître définitivement après les vacances d’été, dans les trois langues nationales, avec son CD. Le travail se sera finalement poursuivi sur une période de trois ans. Pourquoi un si long délai? Tout paraissait d’abord fort simple. Supprimer ce qui était dépassé, compléter par du neuf – terminé. En effet, encore aujourd’hui, l’atlas des collègues Markus Ebneter, Herbert F. Wolf et Andreas Wolgensinger reste un bon livre – mais entre-temps les années ont passé (première édition 1976). Une enquête auprès de non professionnels a permis de mettre en évidence que les personnes interrogées réagissaient aux photographies fort différemment de nous médecins-dentistes: «Aïe – ça fait mal», «Quelle attitude agressive ont ces dents qui se montrent ainsi», «Cela ressemble à un vrai étal de boucher», entendait-on dire très fréquemment. A côté de cela, il s’agissait d’apporter des informations récentes et de relier les différents éléments entre eux. Qu’est-ce qui différencie i-Dent de l’AtlasSSO? L’Atlas était essentiellement constitué de photographies de grand format et par de très grands agrandissements des structures; c’est précisément ces agrandissements (choisis délibérément à cause de la distance œil – livre), qui étaient cause du trouble. Dans i-Dent, nous nous servons également de photographies mais avant tout pour la documentation de l’état «avant» et «après». Tout le reste est illustré par des dessins très simplifiés. Chaque fois que la nature de l’information le permet – donc essentiellement dans le domaine de la prophylaxie – nous utilisons des dessins humoristiques. Une image amusante, un conseil sur un ton aimable, c’est ainsi qu’aujourd’hui nous nous assurons la compliance du patient, c’est mieux que l’enseignement, la recommandation, les conseils ou les sermons. «Le médecin-dentiste, ton ami, celui qui t’apporte de l’aide», c’est, pour moi, le ton que doit adopter i-Dent. Les dessins sont effectivement très simplifiés. Dans le cas du sujet traité, peut-on prendre cette responsabilité? C’est une bonne question et ma réponse est «oui». Nous nous adressons en réalité à deux publics cibles. D’une part, les consoeurs et confrères utilisateurs de ce livre, eux sont évidemment habitués à quelque chose de fort différent du côté de la littérature professionnelle. D’autre part, et en tout premier lieu, nous nous adressons aux patients. C’est là que se situe le public que nous entendons toucher, les dessins leur sont destinés. Ils simplifient considérablement et se limitent à l’essentiel. Cette dualité n’est-elle pas dangereuse? Nous y avons effectivement réfléchi dans le cadre du comité de rédaction. Si nous voulons un manuel destiné à l’information des patients, il doit s’agit d’un livre qui s’adresse vraiment aux patient et non pas aux médecins-dentistes. Nous devons par conséquent présenter nos messages de telle façon que les patients les reçoivent et les acceptent facilement. D’après mon expérience, les médecins-dentistes surestiment quelque peu les connaissances de leurs patients en matière dentaire – et ceci, quel que soit leur niveau d’instruction. C’est donc à nous de leur apporter l’information de telle façon qu’ils puissent la comprendre. Y a-t-il des arguments, autres que le caractère original (en fonction des problèmes du patient), qui parlent en faveur de i-Dent? Certainement. C’est ce qui constitue son originalité. Nous avons étudié le marché du livre en Suisse et à l’étranger et n’avons trouvé aucun ouvrage comparable à i-Dent. Voilà pourquoi. Le livre est accompagné d’un CD qui contient la totalité du volume sous forme numérisée. Il y a encore d’autres particularités fort utiles. Les pages du livre sont traitées spécialement afin qu’elles puissent être désinfectées facilement. Une reliure spiralée solide permet de maintenir le livre ouvert à n’importe quelle page (il y a toujours trop peu de place dans un cabinet). Finalement, le format et le poids ont été conçus pour permettre une consultation confortable dans le cadre de la salle de consultation. Vous mentionnez le CD. En 2004, un livre est-il encore adapté à son époque? Certainement. Même s’il existe dans le cabinet une possibilité de présentation sur écran. L’échange de personne à personne, s’appuyant sur des illustrations faciles à comprendre, est encore autre chose (plus personnelle précisément) que le clic sur le clavier de l’ordinateur et que même une présentation toute faite avec Powerpoint. Et le prix …? Plus de 300 francs – c’est beaucoup d’argent. Mais la SSO a sérieusement fait ses calculs. On peut également examiner les choses sous l’angle de vue suivant. I-Dent est prévu pour durer dix ans. (C’est pour cette raison qu’il se limite à l’essentiel, ainsi que déjà signalé précédemment, ce qui laisse de l’espace pour des développements nouveaux, des techniques différentes, des opinions personnelles). Ainsi, pour un acheteur, i-Dent ne représente finalement pas plus qu’une bouteille de vin par année. Si cet effort en faveur de l’information destinée aux patients nous permet d’éviter un seul cas par année d’incompréhension, de réclamation ou de discussion pour explication – vous voyez à quoi je pense. Pour les collègues qui s’efforçaient déjà d’informer, i-Dent devrait permettre de gagner du temps. Comment évaluez-vous les chances sur le marché? Très bonnes. Dans le cadre de la souscription, en Suisse, nous avons déjà enregistré plus de 1000 commandes. L’Association libre des médecins-dentistes allemands, sur la seule base du prospectus de souscription, a décidé d’assurer la distribution Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 114: 5/2004 547 L’ a c t u a l i t é e n m é d e c i n e d e n t a i r e pour l’Allemagne; à l’heure actuelle la souscription est lancée parmi les collègues allemands, nous sommes évidemment très curieux de prendre connaissance du succès qu’elle rencontrera. Sur la base des expériences faites en Allemagne, la SSO va décider si une distribution en France et en Italie pourrait se révéler intéressante. Enfin, nous nous poserons encore la question d’une édition anglaise – nous avons encore le temps d’y penser. Monsieur le Dr Saladin, qu’est-ce qui vous a motivé, sur mandat de la SSO, à vous atteler à ce travail? Un tel projet est très tentant – c’est un vrai défi! Dans mon cabinet, j’ai tous les jours un bloc à dessins sur les genoux et un crayon dans la main, pour expliquer à mes patients ce qui s’est passé chez eux et ce que je peux faire pour eux. Les expériences que j’ai faites dans ces occasions ont servi à i-Dent. Pourquoi ai-je fait tant de croquis? C’était dans l’intention d’avoir à faire à un patient au «consentement éclairé», longtemps avant que des expressions telles que «obligation d’informer» ou «droits des patients» aient fait leur apparition. De nos jours, l’information du patient est non seulement une exigence légale mais elle est un argument publicitaire en faveur du cabinet. C’est seul que vous aviez tout d’abord accepté le mandat – vous parlez maintenant de «nous» et de la «commission de rédaction» … Oui. Cela s’est passé après que le comité de la SSO eut accepté le nouveau concept, c’était trop de travail pour une seule personne: la transformation d’illustrations professionnelles en illustrations tout public, le passage d’un jargon de médecinsdentistes en langue comprise des patients, la recherche de photographies adéquates, les discussions avec des représentants des universités et des spécialistes et toute l’administration qui vient encore se greffer par dessus … J’ai eu la chance de pouvoir compter sur la collaboration du prof. Alfred H. Geering et du Dr Hans-Caspar Hirzel. Grâce à eux le livre a beaucoup gagné en qualité. Actuellement nous en sommes aux travaux de finition et de mise en page. Enfin, ainsi que déjà mentionné, après les vacances d’été vous pourrez tenir i-Dent dans vos mains! Q Impressum Titel / Titre de la publication Angabe in Literaturverzeichnissen: Schweiz Monatsschr Zahnmed Innerhalb der Zeitschrift: SMfZ Pour les indications dans les bibliographies: Rev Mens Suisse Odontostomatol Dans la revue: RMSO Redaktionsadresse / Adresse de la rédaction Monatsschrift für Zahnmedizin, Postfach, 3000 Bern 8 Für Express- und Paketpost: Postgasse 19, 3011 Bern Telefon 031 310 20 88, Telefax 031 310 20 82 E-Mail-Adresse: [email protected] Redaktion «Forschung · Wissenschaft» / Rédaction «Recherche · Science» Chief Editor/ Chefredaktor / Rédacteur en chef: Prof. Dr. Jürg Meyer, Abteilung für Präventivzahnmedizin und Orale Mikrobiologie, Zentrum für Zahnmedizin der Universität Basel, Hebelstr. 3, CH-4056 Basel Editors / Redaktoren / Rédacteurs: Prof. Dr Urs Belser, Genève; Prof. Dr. Peter Hotz, Bern; Prof. Dr. Heinz Lüthy, Zürich Redaktion «Praxis / Fortbildung / Aktuell» Rédaction «Pratique quotidienne / formation complémentaire / actualité» Anna-Christina Zysset, Bern Deutschsprachige Redaktoren: Prof. Dr. Adrian Lussi, Bern; Dr. Felix Meier, Zürich; Thomas Vauthier, Basel Responsables du groupe rédactionnel romand: Dr Michel Perrier, rédacteur adjoint, Lausanne Dr Susanne S. Scherrer, rédactrice adjointe, Genève Freie Mitarbeiter / Collaborateurs libres: Dott. Ercole Gusberti, Lugano; Dr Serge Roh, Sierre; Thomas Vauthier, Nyon/Bâle Autoren-Richtlinien / Instructions aux auteurs Die Richtlinien für Autoren sind in der SMfZ 1/2004, S. 48 (Forschung · Wissenschaft S. 19–24) und auf der SSO-Webseite aufgeführt. Les instructions pour les auteurs de la RMSO se trouvent dans le Nº 1/2004, p. 50 et sur la hompage de la SSO. Instructions to authors see SMfZ 1/2004, p. 53. Herausgeber / Editeur Schweizerische Zahnärzte-Gesellschaft SSO Präsident / Président: Antoine Zimmer, méd.-dent., Lausanne Sekretär: Dr. iur. 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Auflage / Tirage: 5250 Exemplare ISSN 0256-2855