Peut-on faire confiance à son prestataire logistique ? Risques et

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Peut-on faire confiance à son prestataire logistique ? Risques et
Logistique & Management
Peut-on faire confiance à son prestataire
logistique ? Risques et clés du succès
« Un partenariat est une relation d’affaires bâtie sur mesure qui
repose sur la confiance mutuelle, l’ouverture, le partage des
risques et des bénéfices, et dont l’objectif est de procurer un
avantage concurrentiel résultant d’une meilleure performance
d’affaires que ce qu’auraient pu obtenir individuellement les
partenaires. » Lambert et al. (1996).
Nicolas BRUN
Gestionnaire logistique opérationnelle, GO
Diplômé ISLI 2006
[email protected]
L’objectif de cet article est de présenter une analyse de l’impact de la confiance
dans l’établissement et le maintien des prestations logistiques. Après une présentation théorique des définitions de la confiance et des multiples études ayant trait à la
confiance dans les relations de partenariat est abordée un cas d’étude concret,
centré sur un sujet peu exploité : les partenariats tripartites. Les études sur la construction et le fonctionnement des relations dyadiques sont mises en parallèle avec
les impacts de l’existence de plusieurs organisations, partenaires de transaction, sur
la confiance et l’engagement de chacune d’elles dans l’atteinte des objectifs de la
relation. Quels sont les effets spécifiquement induits par de telles relations et quels
sont les comportements et choix organisationnels de nature à favoriser l’émergence
d’une confiance forte entre plusieurs firmes ?
Introduction
Force est de constater que depuis plus d’une
vingtaine d’années, les grandes entreprises
françaises ou étrangères connaissent simultanément une baisse de leurs effectifs et une
augmentation sensible de leurs chiffres d’affaires.
Cette apparente contradiction ne peut s’expliquer seulement par un accroissement de la
productivité des outils industriels, réalité certes tangible mais insuffisante. Les causes de
ce paradoxe moderne sont à trouver dans la
généralisation de nouveaux comportements,
les stratégies d’externalisation1. Ces décisions stratégiques sont la traduction de la
recherche de flexibilité nécessaire aux firmes
pour s’adapter efficacement à l’émergence
continuelle de nouveaux marchés et à la radicalisation des modes de consommation
(réduction généralisée des cycles de vie produit, évolution accélérée des prestations).
Dans l’environnement présent, les organisations ne peuvent faire l’économie d’une
réflexion sur la pertinence de leurs liens verticaux et horizontaux et plus globalement sur la
justesse de leurs positionnements au sein de la
chaîne de création de valeur.
A ce titre, les opérations logistiques, qu’il s’agisse de rapports type achat-vente de biens
physiques où sont mis en place des outils de
gestion logistique (GPA, approvisionnements
synchrone) ou plus spécifiquement d’achat-vente de services logistiques (stockage,
transport et organisation de flux), constituent
un axe stratégique de l’externalisation. L’excellence dans l’exécution logistique procure
un avantage concurrentiel indéniable pour
l’entreprise, crucial dans certaines branches
industrielles. Cependant, les compétences du
juste service au client final sont liées à un fort
niveau d’investissement, tant en terme de
coûts, de contraintes et d’incertitude. Face à
cette situation, plusieurs firmes adhéreront
naturellement à une stratégie partenariale afin
de minimiser les coûts logistiques intervenant
dans la construction de leur offre. C’est dans
1 - L’externalisation, désigne
l’ensemble des pratiques
consistant à sortir des activités
du périmètre de l’entreprise
pour les confier à d’autres
entités économiques
indépendantes. Les stratégies
d’externalisation s’opposent à
l’internalisation et à
l’intégration verticale des
activités.
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ce contexte qu’est apparue la notion de partenariat logistique, qui est une forme d’impartition logistique, mais qui se construit selon une
approche différente car elle va au-delà de la
simple décision de confier certaines activités à
une entreprise tierce qui est un spécialiste de
la logistique. L’alliance suppose une relation
continue dans le cadre d’une entreprise
étendue qui acquiert ses propres objectifs,
règles et valeurs par opposition à la série de
transactions isolées d’une relation de
sous-traitance traditionnelle.
Conjugué à une complexification sensible des
structures partenariales, l’engouement sans
précédent pour l’externalisation contribue
naturellement à la croissante popularité des
études centrées sur ce phénomène. Nous évoquerons plus particulièrement dans cet exposé
les théories néo-institutionnelles des organisations, propres à intégrer les individus et les
concepts qui leur sont liés dans l’analyse des
cadres et choix de collaborations.
En particulier, la confiance, tout comme l’engagement apparaît comme un concept essentiel dans la considération des relations inter
organisationnelles. A cet égard, elle a fait
l’objet d’études dans de nombreux champs
d’investigation : économie, sociologie, psychologie, gestion. Nous nous attacherons à
clarifier le concept au travers des différentes
définitions élaborées dans la littérature.
La confiance dans les relations
partenariales
La confiance : définitions
La confiance, longtemps considérée comme
concept peu opératoire hors des procédures
contractuelles, suscite actuellement un renouveau conceptuel, que l’on peut comprendre au
vu des conditions décrites en introduction.
L’incertitude et la nécessité de coopération
allant croissantes, la confiance est un pré
requis indispensable qui rend possible et
viable le contrat, l’engagement réciproque et
le maintien des relations sociales.
L’étude de la confiance dans le cadre des partenariats logistiques implique d’éclaircir la
notion même de confiance et ses diverses
manifestations. En tant que concept émergeant, la confiance, relève de logiques ambiguës et plurielles, voire contradictoires,
simultanément économiques, psychologiques, philosophiques, symboliques, sociologiques où des mondes souvent posés comme
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hétérogènes, voire antagonistes se rencontrent et se conjuguent.
Bien que de plus en plus importante dans la
littérature managériale, le problème de sa
définition est loin d’être résolu. Plusieurs
auteurs de champs institutionnels très variés
ont tenté de dresser des états de l’art de la
confiance dans des contextes organisationnels
multiples.
D’une part, l’extrême complexité et la pluralité des situations de confiance n’autorisent
pas une recherche exhaustive. D’une autre
part, une définition abstraite risque d’être
réductrice de certaines dimensions de la
confiance.
Parmi les définitions proposées dans la littérature, nous retiendrons les suivantes par ordre
chronologique :
• La confiance est la croyance que la parole
ou la promesse d’un tiers est fiable et que ce
tiers remplira ses obligations dans une relation d’échange. (Schuur et Ozanne, 1985).
• La confiance est la prise d’un risque fondé
sur l’attente que toutes les personnes impliquées dans une action agissent de manière
compétente et avec devoir. (Lewis et Weigert, 1985).
• La confiance se définit comme la prédictibilité des attentes de l’autre partie. (Zucker,
1986).
• La confiance est un niveau particulier de
probabilité subjective avec laquelle un
agent évalue qu’un autre agent ou groupe
d’agents réalisera une action particulière
avant qu’il puisse le contrôler et dans un
contexte affectant son action propre. (Gambetta, 1988).
• La confiance est un type d’attente qui soulage la crainte qu’un partenaire d’échange
agisse de manière opportuniste. (Braddach
et Eccles, 1989).
• La confiance peut être définie comme la
croyance d’une des parties que ses besoins
seront satisfaits dans le futur par des actions
mises en œuvre par l’autre partie. (Anderson et Weitz, 1989).
• La confiance dans une relation fonctionnelle avec ses implications pour les actions
de la firme peut être définie comme la
croyance de la firme qu’une autre entreprise réalisera des actions dont le résultat
sera positif pour la firme et ne réalisera pas
d’actions non prévues dont le bénéfice
pourrait être négatif pour la firme. (Anderson et Narus, 1990).
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• La confiance est la volonté de se fier à un
•
•
•
•
partenaire d’échange auquel on croit. (Moorman, Zaltman et Despande, 1992).
La confiance existe lorsque l’une des parties à la relation d’échange croit que son
partenaire est honnête et bienveillant.
(Geyskens et Steenkamp, 1995).
La confiance est la volonté d’une des deux
parties de se rendre vulnérable vis-à-vis des
actions de l’autre partie, volonté fondée sur
l’attente que l’autre partie réalisera une action particulière pour lui, indépendamment
de tout contrôle. (Mayer, Davis et Schoorman, 1995).
La confiance est l’attente, la supposition ou
la croyance concernant la probabilité que
les actions d’un tiers seront bénéfiques, favorables ou au moins non péjoratives pour
nos intérêts. (Robinson 1996).
La confiance se définit comme la volonté
de se fier à un tiers et à réaliser des actions
susceptibles de se fragiliser face à ce tiers.
(Doney et Cannon, 1997).
Comme nous pouvons en juger, les définitions
du concept sont multiples et s’attachent plus
ou moins à ses connotations affectives ou
rationnelles. Nous constatons de même que
plusieurs auteurs contournent la définition de
la confiance soit par des représentations parallèles à celle-ci (ressource, décision, résultat,
etc.), soit encore par l’utilisation d’autres
concepts ou termes équivalents (disponibilité,
intégrité, loyauté).
Au-delà de toute définition, la confiance renferme trois éléments immanents : le risque qui
est la cause de son existence, la vulnérabilité
qui en résulte et enfin, l’anticipation qui la
matérialise (Khlif, 2002).
Le risque est généré par une incertitude
complexe. Cette dernière se manifeste par son
caractère non probabilisable, fortement lié à
l’imprévisibilité du comportement. En fait, le
risque est la cause fondamentale de l’émergence du concept puisque dans les situations
certaines, il n’y a aucun besoin de confiance.
La vulnérabilité, elle, exprime une dépendance volontaire de l’individu confiant. Ce
dernier devient vulnérable relativement à l’agent ou groupement d’agents, objets de
confiance, et réciproquement, mais non
équitablement.
Enfin, l’anticipation ou l’attente matérialise
l’habilité de prévision du comportement de
l’autre avec une large connotation émotionnelle (Graf, Perrien et Ricard, 1998).
La confiance est donc un phénomène de
réduction de l’incertitude, mais qui est entaché d’une vulnérabilité de l’individu confiant.
C’est également une variable continue et
dynamique qui se transforme, dans le temps et
dans l’espace, par des ajustements continus et
relatifs aux informations collectées par les
parties engagées dans la relation.
Comme la confiance est un état fondamentalement psychologique multidimensionnel, il
s’avère nécessaire d’en préciser les composantes fondamentales : l’intégrité, la crédibilité, et la bienveillance (Brulhart, 1998).
• L’intégrité renvoie à la définition donnée
par Lewis et Weigert, qui sous-entend que
le partenaire d’échange sera honnête et animé de principes acceptables du point de vue
de l’autre partie. (Fenneteau et Guibert,
1997).
• La crédibilité ou compétence renvoie à la
capacité perçue du partenaire à remplir les
tâches imparties par la relation de façon efficace et fiable. (Fenneteau et Guibert,
1997).
• La bienveillance renvoie à la définition de
Geyskens et Steenkamp pour qui la bienveillance fait référence à la volonté d’une
des parties d’agir favorablement dans le cas
d’aléas non contractualisés et potentiellement nuisibles à la relation. (Ganesan,
1994).
Ces trois dimensions de la confiances se révèlent complémentaires mais distinctes pour la
raison qu’un partenaire remplissant les conditions de confiance imparfaitement ne pourrait
être objet de confiance global (par exemple il
sera difficile de faire confiance à un agent
honnête mais non compétent).
Les typologies de confiance
Deux variables essentielles semblent à l’origine des configurations possibles de
confiance. Une variable rationnelle, basée sur
l’intérêt ou la cognition, et une variable émotionnelle, basée, elle, sur une l’affection.
La première forme de confiance rationnelle
est basée sur l’intérêt. Elle dérive des théories
néo-institutionnelles des organisations (Charreaux, 1990).
Cette confiance est une “attitude explicative
de la cohérence spontanée des comportements
des acteurs” (Guibert et Dupuy, 1995) impliqués dans des relations contractuelles. La
confiance, impulsée dans ces conditions,
résulte d’un calcul rationnel qui tient compte
du risque de pénalité dans le cas de non-res-
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pect des termes du contrat. Dans ce sens, l’énergie déployée à la surveillance formelle du
contrat peut se réduire puisqu’il y a confiance.
« Paradoxalement, cette surveillance est aussi
de nature à construire la confiance, en
apaisant la défiance».
En somme, dans une relation de confiance
basée sur l’intérêt propre et mutuel, la variable
affective est occultée et la diminution des coûts
de transactions est la seule motivation extrinsèque de l’agent confiant. En fait, ce dernier
développe une confiance pour combler la part
incontrôlée par les termes des contrats.
La deuxième forme de confiance rationnelle
est basée sur la cognition. Elle s’adresse à une
compétence reconnue et acceptée de l’autre
partie. Egalement appelée capacité ou encore
expertise, la compétence fait référence à un
groupe d’habiletés dans un domaine spécifique.
Qu’elle soit générée par l’intérêt ou par la compétence, cette variable rationnelle n’exprime
qu’une forme de confiance dépersonnalisée.
En fait, elle ne vise pas une personne mais une
expertise, un poste ou un intérêt qu’elle peut
avoir. Cette forme a l’avantage d’éviter une
confiance aveugle ou non fondée pouvant
mener à des comportements abusifs. Par
contre, elle extrait l’individu de son contexte
social et culturel.
Au même titre que d'autres théories issues du
courant néo-institutionnel, les visions de la
Théorie de l'Agence (TA) et de la Théorie des
Coûts de Transaction (TCT) se rejoignent sur
ce point précis. La confiance dans l’expertise
du partenaire (aussi assimilée à la confiance
en la réputation, ou image de marque comme
proposé par Williamson) favorise la diminution du contrôle dans l’exécution des actes
communs. La théorie embrasse ici le quotidien des entreprises et notamment la thématique des externalisations sur des fonctions
La Théorie de l’Agence (TA)
La relation d’agence se définit comme un contrat pour lequel une ou plusieurs personnes (le principal) engage une autre personne (l’agent) pour exécuter en son nom
une tache quelconque qui implique une délégation d’un certain pouvoir de décision à l’agent. L’entreprise est définie alors comme un noeud de contrats spécifiques passés entre les détenteurs des facteurs de production (le capital et le travail)
et leurs « clients ».
Cette vision a plusieurs implications fortes : l’entreprise est perçue comme une fiction légale, n’ayant pas d’existence propre et donc de réelles frontières, et surtout la
distinction marché/organisation perd une grande partie de sa signification. L’entreprise est ici appréhendée comme une forme d’organisation visant à minimiser les
coûts d’agence liés à l’asymétrie d’information.
M.C. Jensen et W.H. Meckling. (1976)
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très spécifiques et spécialisées. On se fiera
d’autant à un partenaire s’il est compétent et
réputé pour son excellence dans un domaine
particulier, et les mesures de contrôle de sa
performance se trouvent très réduites.
Outre la confiance rationnelle, une seconde
forme de confiance est dite spontanée, intuitive
ou primitive. Elle est engendrée par la variable
affective pure. Ce type de confiance tire ses
principes de la bienveillance présupposée réciproque. Celle-ci diminue et atténue la suspicion développée devant des éléments
étrangers. En fait, l’individu qui fait confiance
est animée par la croyance que l’autre partie ne
veut que du bien, en dehors d’un bien-être
égoïste et purement personnel. On observe une
mise en “sommeil de certains processus psychiques correspondants à la cognition et à la
pensée critique, au bénéfice de l’activation
d’un processus spirituel et empathique”
(Birouste, 1996). Cette forme n’est pas conditionnée par un espace spécifique mais se développe ou se rétracte dans une dimension
temporelle par le jeu de la réciprocité. La justesse, la foi, l’intégrité sont mises en exergue
dans cette relation.
C’est à travers la juxtaposition de l’une et de
l’autre de ces deux variables, le rationnel et l’émotionnel, que vont s’articuler différentes formes de confiance complémentaires et non
alternatives, allant de la facette opportuniste à
la facette éthique et morale de la confiance.
Ainsi la prédominance de la variable affective
définit une confiance morale. Cette dernière
exprime un état d’attente positive quant au
comportement de l’autre suite à un sentiment
fort. Par contre, la variable rationnelle
engendre une confiance instrumentale ou technique (Fabbe-Costes et Bruhlart, 1999). Enfin,
l’équilibre entre les deux variables dans une
relation de confiance fait apparaître une forme
de confiance dite sociale ou comportementale.
Ajoutant aux typologies instantanées de la
confiance, Barney et Hansen fondent leurs
analyses sur la distinction entre les formes
faible, semi-solide et solide de la confiance :
• La confiance faible caractérise la confiance
que s’accordent deux partenaires dans un
environnement peu spécifique où les engagements des deux parties restent faibles et
les services et bien peuvent être comparés
au prix sur le marché mondial. Cette forme
de confiance ne nécessite pas de structure
élaborée de gouvernance pour émerger.
• La confiance semi-solide est rencontrée
dans le cadre où des vulnérabilités significatives existent et que les partenaires s’en
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prémunissent au moyen de structures de
gouvernance garantissant que les gains potentiels d’un comportement opportuniste
seront contrebalancés par de fortes pénalités.
• La confiance solide a pour cadre une forte
vulnérabilité non prévenue par des mesures
de prévention fortes. Cette confiance
trouve son fondement dans l’adhésion à des
valeurs éthiques et morales communes.
Cette analyse rejoint les définitions précédemment évoquées de confiance sociale
(confiance faible),
calculée (confiance
semi-solide) et morale (confiance solide).
La contribution de la confiance aux
partenariats
La confiance comme nous l’avons abordée
participe au bon développement de la relation
partenariale à plusieurs titres. Plusieurs auteurs
et analystes soulignent son importance dans la
réussite des relations d’affaires et signalent
l’intérêt de l’instauration de celle-ci dés les
prémisses de la collaboration. Ainsi la
confiance est-elle considérée comme une
variable essentielle dans la réussite des relations client/fournisseur (Young et Wilkinson,
1997). En outre, la confiance est un attribut
central dans l’explication des comportements
de prise de décision dans les relations inter firmes (Dwyer, Schurr et Oh, 1987).
Sous l’angle de la TCT, la confiance est un facteur réducteur des coûts Ex Ante (facilitation du
démarrage de la collaboration) et des coûts Ex
Post (diminution des mesures de prévention de
l’opportunisme). Il convient de préciser que la
confiance ne prévient aucunement les manifestations d’opportunisme (bien que la littérature
suggère qu’un haut niveau de confiance soit
associé à une diminution des comportements
opportunistes des agents) mais la confiance
permet de réduire les coûts de transaction liés à
la surveillance de la bonne tenue des engagements contractuels. La confiance est perçue
comme un régulateur agissant sur la l’incertitude et permet d’abaisser au-dessous des coûts
de gouvernance alternatifs (marché et firme)
les coûts de transaction associés à au fonctionnement en réseau. (Jarillo, 1988)
Au sens de la TA, la confiance réduit les conflits directs et baisse par-là même les investissements de régulation de ceux-ci. Là encore, il
ne peut être affirmé que la confiance qu’accorde un agent à un tiers permette de faire
converger leurs objectifs individuels en intégralité. Néanmoins, une relation de confiance
autorisera ses protagonistes à faire fi des diver-
La Théorie des Coûts de Transaction (TCT)
Selon Williamson, les agents économiques ne sont dotés que d’une rationalité limitée : bien que rationnels, ils ne peuvent pas calculer tous les états de la nature envisageables avant d’agir.
D’autre part, ces mêmes agents sont supposés être opportunistes, c’est-à-dire qu’ils
peuvent recourir à la ruse ou à la triche pour parvenir à leurs fins.
Les agents économiques concluent entre eux des transactions. Trois facteurs viennent différencier ces dernières : la spécificité des actifs échangés, l’incertitude et la
fréquence.
Sur la base de ces hypothèses, la Théorie des Coûts de Transaction indique que l’arrangement institutionnel privilégié par les agents économiques (entreprise, marché ou toute forme d’organisation « hybride ») sera celui qui minimisera les coûts
de transaction plus les coûts de production.
O.E. Williamson (1975)
gences d’intérêt et de méthodes pour assurer le
succès de l’entente commune. De plus, en cas
de défaillance, le bénéfice du doute sera plus
facilement accordé et permettra le maintien de
la relation.
Dans le cadre de ces relations de partenariat, un
haut niveau de confiance favorise une perception méliorative des agissements de son partenaire et de façon plus globale, l’émergence
d’une satisfaction2 prononcée.
La satisfaction est une mesure fréquemment
utilisée et commentée pour souligner le degré
de réussite d’une collaboration. En effet, plusieurs études proposant des méthodes de quantification de la relation succès/confiance ont
fait état de l’impossibilité de jauger de la réussite d’un partenariat par des éléments objectifs
(Chiffre d’Affaires, Gains attendus et observés). Ces critères de mesures se révèlent
impropres à traduire la totalité et la portée des
objectifs poursuivis (réalisations à long terme,
apprentissage). De plus, il est très souvent
impossible de restituer les éléments financiers
découlant en intégralité des actions entreprises
en commun (sauf cas particuliers de joint venture3). Le recours à ces informations renvoie
une vision partielle et faussée de la réalité des
partenariats. Pour cette raison, plusieurs
auteurs, à l’instar de Shamdasani (1995), Brulhart (1998) et Gulati (1998), avancent des
mesures subjectives comme la satisfaction et la
survie de la relation pour témoigner des succès
et échecs des partenariats.
L’évaluation de la survie de la relation est une
notion intéressante mais dangereuse si on ne
tient pas compte de la possibilité qu’une entreprise soit piégée par une dépendance relationnelle à son partenaire. Plusieurs partenariats
pourraient sembler être des réussites si l’analyse poussée de leur fonctionnement ne faisait
ressortir que l’un des deux agents n’est pas
satisfait de la relation, mais ne peut la compro-
2 - La satisfaction est définie
comme un état affectif positif
provenant de l’appréciation de
tous les aspects de la relation en
comparaison avec d’autres
relations alternatives possibles.
(Geyskens et al., 1999)
3 - Entité indépendante,
juridiquement séparée des
entreprises l’ayant créée, et
s’appuyant sur les savoir-faire
de l’un et de l’autre pour
proposer un produit ou service
mutualisé.
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mettre, faute d’alternative existante ou abordable.
les conditions favorisant l’émergence d’une
confiance forte et partagée :
A la lumière de cette imperfection de la survie
de la relation, on peut penser que le degré de
satisfaction de chaque partie par rapport à la
relation est la mesure la plus pertinente pour
évaluer le succès d’une relation de partenariat.
La prudence impose là encore de constater
que la satisfaction des agents envers la relation
décroît au fur et à mesure de la durée des
échanges. Ceci s’explique par un phénomène
d’atténuation de la nouveauté qui perturbe la
bonne appréciation des intervenants. Ainsi, si
le début du partenariat est couronné de
« Quick Wins4 », la poursuite de la relation
s’inscrit dans la durée, et la perception des
acteurs se base sur la comparaison avec les
tous premiers résultats. Il est compréhensible
que chez les agents s’installe le sentiment que
le partenariat ne progresse plus aussi vite et
qu’ils en conçoivent une relative insatisfaction.
• Importance de l’évaluation du niveau de
Ces phénomènes pris en compte, les différentes études et apports empiriques font un état
unanime de l’impact positif de la confiance
sur le succès des partenariats verticaux. Les
analyses de divers auteurs démontrent au travers d’études portant sur des dyades acheteurs/fournisseurs ou clients/prestataires la
contribution capitale de la confiance au succès, et ce du point de vue des deux acteurs à la
relation. (Anderson et Narus, 1990 ; Morgan
et Hunt, 1994 ; Mohr et Speckman, 1994)
L’étude d’Ellram (1995) souligne que l’absence de confiance présente un risque majeur
et une cause fréquente des échecs rencontrés
dans le cadre de relations infructueuses.
4 - Littéralement « Victoire
Rapide », ce concept qui doit son
émergence au Toyota Production
System (TPS) favorise la
mobilisation vers le changement
par une série de mesures
permettant des résultats
immédiatement visibles et qui
conforteront l’implication future
autour de projets ayant un retour
sur investissement plus long.
5 - L’homéostasie se définit
comme le point d’équilibre
optimal pour chacun des
participants d’un système à
partir duquel tout changement
de comportement d’un des
éléments du système déprécierait
la performance globale de
celui-ci.
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Enfin, plusieurs auteurs soulignent l’importance de la confiance en illustrant leur propos
par le dilemme du prisonnier. (Heide et Miner,
1992 ; Thuderoz, 1999)
Dans ce jeu, chaque partie peut choisir de coopérer ou de se retirer mais ignore les décisions
prises par l’autre partie. La performance s’évalue par le résultat de l’attitude combinée des
deux participants. Par un arrangement subtil
des règles du jeu, le gain le plus important est
associé à un choix de retrait à la condition que
l’autre partie opte pour la coopération. Dans le
cas où tous coopéreraient, le gain de chacun
est minime mais partagé, tandis que dans un
retrait bilatéral, la perte est légèrement inférieur à la perte associée à la coopération sans
réciprocité. Ce jeu révèle l’importance primordiale de la confiance dans l’établissement
d’un rapport homéostatique5 et notamment
performance du partenaire (ses décisions et
actions sont-elles de nature à favoriser l’atteinte de l’objectif commun ?)
• Fréquence de la relation (la régularité et la
multiplicité des échanges influent directement sur l’attitude des partenaires à imprimer un caractère durable à leurs choix et
préviennent les risques d’opportunisme
• Absence de durée prédéterminée de colla-
boration (sans visibilité de la fin de la relation, les participants sont moins enclins à
tenter un dernier « gros coup »)
Ces constatations amènent à postuler que la
confiance est un prérequis fort à l’établissement d’une profitabilité mutuelle, mais aussi
que son obtention répond à plusieurs critères
de mise en place. La confiance ne peut se décider car elle répond à des composantes qu’il est
difficile d’évaluer chez son partenaire mais
pour se créer et se renforcer, elle doit être
favorisée par des conditions mutuellement
consenties. Plus encore, un défaut de
confiance peut faire courir un risque majeur à
la relation, en pesant de façon négative sur les
coûts liés aux transactions et en figeant d’éventuelles mesures correctives à cet état de
fait. Il est fréquemment souligné qu’un déficit
de confiance prononcé conduit naturellement
chaque acteur à privilégier son intérêt propre
avant celui de l’alliance en adoptant un comportement opportuniste.
En conclusion, la confiance est un vecteur
essentiel à la relation partenariale et présente
la particularité de fonctionner en « cercle » ;
Vertueux quand elle s’auto-alimente et se
construit de façon itérative ; vicieux lors
qu’elle se dégrade, conduisant chacun à agir
égoïstement et à saper plus encore les bases de
la confiance.
Cet aspect de la confiance a fait l’objet d’une
attention particulière de la part des champs
d’étude économique, en étant comme nous
l’avons vu, un aspect primordial des théories
contractuelles des organisations. Néanmoins,
si la littérature propose nombre de cas d’étude
appliqués aux relations interpersonnelles,
inter firmes et entre agents et groupement d’agents, il semble que les sources concernant les
relation pluripartites soient plus rares et moins
développées. Nous tenterons dans la seconde
partie de transposer les connaissances sur les
relations dyadiques à des relations tripartites.
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Présentation du cas d’étude
Remarques préliminaires
Cette partie repose sur les observations émises durant la conduite d’un projet réel d’externalisation au sein d’un groupe que nous
appellerons GO ainsi que sur la perception de
plusieurs acteurs de ce projet. Elle aura pour
ambition de caractériser l’établissement
d’une relation de prestation logistique tripartite et de témoigner des répercussions de ce
modèle de fonctionnement sur la confiance au
regard des apports empiriques sur les dyades
logistiques.
Avant d’entamer cette partie, il nous semble
primordial de préciser plusieurs paramètres
significatifs.
Tout d’abord, le basculement vers une structure externalisée n’ayant pas encore été réalisé lors de la période de rédaction du présent
document, Il nous sera difficile de présenter
des résultats Ex Post liés à l’exécution des
activités de sous-traitance. Néanmoins, nous
pourrons analyser la partie précontractuelle
de la relation et postuler les impacts du
schéma adopté sur la confiance Ex ante. De
même, la conduite du projet et l’établissement
des solutions opérationnelles présentent de
nombreuses situations où la confiance a eu un
impact fort dans le bon ou mauvais déroulement des actions entreprises.
De plus, en raison de la relative jeunesse de
ces partenariats, nous veillerons à garder une
totale confidentialité sur les protagonistes des
deux firmes ayant entamé une relation partenariale avec GO ainsi que sur les deux firmes
elles-mêmes. Nous soulignons par ailleurs
que les identités des acteurs et des organisations au sein desquelles ils évoluent ne sont en
aucun cas de nature à avoir un impact significatif sur la confiance dans la relation.
Afin de pouvoir aisément distinguer les deux
partenaires, nous les désignerons par la suite
sous les noms d’entreprises A et B.
Contexte de l’étude : Définition des enjeux
et choix stratégiques
un produit de consommation courante et
généralisée, ayant une durée de vie longue,
transitant par volumes considérables et ne
connaissant que peu de renouvellement de
gammes. De surcroît, les enseignes de distribution grandes et moyennes surfaces étaient
dotées à l’époque de flottes propres et privilégiaient naturellement l’achat Ex-Works6.
Ces conditions favorisaient un intérêt plus
poussé de la firme vers les considérations
d’optimisation de la logistique industrielle au
détriment de l’amélioration de la Supply
Chain dans son ensemble. La logistique de
distribution s’arrêtait pour ainsi dire sur les
quais de chargement des usines et entrepôts.
Les données de l’équation économique ont
connu depuis lors des changements radicaux.
L’émergence de nouveaux segments stratégiques (les boissons) à durées de vie plus courtes, consommations erratiques et fréquences
de rotation plus élevées a mis en exergue la
nécessité de reprendre la responsabilité des
flux avals, afin de créer de nouveaux leviers
concurrentiels. La volonté marquée des distributeurs de diminuer les stocks et de basculer
vers l’achat DDU7 a contribué à faire de la distribution une des préoccupations majeures
GO.
La relative nouveauté de la gestion du transport vers le client associée à la forte poussée
de l’externalisation des fonctions logistiques
évoquée en introduction a naturellement
conduit l’entreprise à considérer l’impartition
de ses activités de distribution.
Cette réflexion s’est appuyée sur la considération des spécificités des produits distribués et
des conditions du marché des transports
routiers.
D’une part, Les produits de GO demeurent
sujets à de très fortes saisonnalités, transitent
en volumes importants depuis des sites de
production éloignés des zones de consommation.
Le démarrage de la réflexion sur l’externalisation logistique entreprise par GO implique de
préciser brièvement les conditions ayant
donné lieu à ce choix stratégique.
D’autre part, le marché des transports routiers
connaît en France une très nette saturation,
plus particulièrement perçue durant les périodes estivales, coïncidant avec la période de
forte consommation des eaux et boissons.
L’entreprise GO évolue sur les segments des
eaux minérales, des boissons fraîches non
alcoolisées et des boissons aromatisées. Il y a
quelques années de cela, le cœur de métier
historique (les eaux minérales) présupposait
Ces paramètres ont eu pour effet d’orienter la
réflexion de GO vers une solution de prestation originale, ayant pour but premier de sécuriser l’approvisionnement de ses clients tout
au long de l’année : Le partenariat tripartite.
6 - EXW ou Ex-Works :
Incoterm (International
Commercial Term) définissant
une responsabilité du transport
de la marchandise, des risques
associés, de la maîtrise
technique et documentaire à la
charge de l’acheteur depuis les
locaux du vendeur.
7 - DDU ou Delivered Duty
Unpaid : Incoterm définissant
une responsabilité du transport
de la marchandise, des risques
associés, de la maîtrise
technique et documentaire à la
charge du vendeur jusqu’aux
locaux de l’acheteur.
69
Logistique & Management
Nous précisons dés à présent que le sens particulier donné à une relation tripartite dans ce
texte est celui d’un fonctionnement « en doublon » consistant à attribuer à deux partenaires
LLP8 des périmètres sensiblement comparables mais disjoints. Cette définition s’appliquerait par exemple à une entreprise
industrielle confiant à un prestataire logistique la gestion de la distribution vers une
partie de ses clients et à un second partenaire
la partie restante.
• la qualité reconnue du service et les diffé-
La stratégie adoptée par GO a consisté à proposer l’organisation de ses flux divisés en
deux lots distincts, confiés à deux prestataires
différents, de manière à se prémunir d’éventuelles défaillances (Incertitude marquée du
marché des transports) et de comportements
préjudiciables à ses intérêts (opportunisme
potentiel).
• La compatibilité des organisations en ter-
Nous précisons d’ores et déjà que les deux
entreprises prestataires ont été amenées à
répondre à un cahier des charges identique et
que dans une certaine mesure leurs périmètres
d’action sont intégralement interchangeables.
Etant entendu en cela qu’une totale équité
dans les deux périmètres distincts a été respectée. Les observations sur la confiance
durant les rapports ne pourront être imputées à
des inégalités initiales.
Recherche et sélection
des partenaires de la triade
Paramètres communs Ex Ante
8 - Lead Logistic Provider, ou
organisateurs de flux en
français : entreprise chargée de
l’affrètement et de l’optimisation
de la distribution des biens et
services au profit de ses clients.
Elles peuvent posséder une flotte
propre à même d’assurer la
distribution en intégralité (Third
Party Logistics ou 3PL) ou agir
en tant que commissionnaire de
transport (Fourth Party Logistics
ou 4PL).
9 - On peut souligner à titre
d’exemple qu’un des dossiers
pressentis lors de l’appel
d’offres a été écarté en raison de
l’inadéquation interpersonnelle
ressentie lors des négociations
préliminaires. Si la prise en
compte d’un quelconque
paramètre émotionnel peut
paraître injustifiée, il reste
certain que la bonne tenue d’un
partenariat doit énormément à
la confiance mutuelle de ses
acteurs, tant dans sa dimension
calculatoire que purement
intuitive.
70
Les paramètres traditionnellement évalués
lors de la phase de recherche d’un prestataire
peuvent être subdivisés en trois grandes catégories :
• Capacité technique.
• Proximité culturelle et organisationnelle.
• Aptitudes à la relation partenariale.
La capacité technique renvoie directement au
conditions d’établissement de la confiance
rationnelle et technique. La question posée ici
est de savoir si le partenaire sera à même de
remplir ses obligations contractuelles efficacement.
On retrouvera dans les critères de capacité
technique :
• la connaissance du marché concerné,
• la compétence technique,
• la complémentarité technique avec le partenaire,
• l’intégration et la maîtrise des systèmes
d’informations,
rentes certifications
• la santé financière de l’entreprise.
La proximité culturelle et organisationnelle
fait référence à la culture de l’entreprise et aux
similitudes dans les visions managerielles. On
peut aisément faire un parallèle entre ces paramètres et les caractéristiques de la confiance
sociale.
On trouve parmi ceux-ci :
mes de culture et d’affaires,
• L’adéquation des techniques et philosophie
de gestion du personnel,
• Les symétries entre les partenaires (réputa-
tion, taille, etc.)
• Les relations interpersonnelles,
• La compatibilité des visions en terme de
développements futurs,
• Les expériences passées communes.
Enfin, l’aptitude à la relation partenariale fait
directement intervenir la capacité éprouvée
du partenaire à évoluer au sein d’une relation
de collaboration et sa connaissance des rouages complexes liés à la conduite d’une relation efficace. Les attributs recherchés
procèdent en partie des éléments prédisposant
à une confiance d’ordre éthique ou moral :
• La transparence dans la communication,
• La mutualité et la prédisposition à partager
avec le partenaire,
• Les expériences passées en terme de gestion partenariale,
• Le comportement éthique et moral,
• L’expérience de gestion de crises,
• La capacité à conduire des plans d’amélioration continue.
L’agrégation de tous ces paramètres permet
de postuler les bases d’une confiance fondée à
la fois sur la compétence, l’intégrité et la bienveillance. Sur ces points, on constate l’identité parfaite entre les mesures d’établissement
des prestations bipolaires classiques et celles
entreprises dans la création de partenariats tripartites.
Nous soulignerons qu’une partie implicite de
la recherche des futurs partenaires porte sur
l’appréciation de la qualité des rapports
inter-personnels. Cet aspect pouvant se forger
au travers de situation de succès et d’échec, il
n’en demeure pas moins l’expression d’une
confiance primitive et spontanée, d’un affect
positif entre les médiateurs d’une relation. En
effet, si ce paramètre s’envisage plus intuitivement dans la durée d’une relation et par
Logistique & Management
conséquent dans les opérations Ex Post, il
reste primordial lors des premières approches
entre firmes partenaires.
Le partenariat logistique, qu’il soit dyadique
ou pluripartite, s’inscrit au sein de règles économiques pour la plupart explicites mais ne se
restreint pas à un pur calcul rationnel. La
confiance est, comme nous avons pu le souligner, un sentiment multidimensionnel, ne
pouvant se séparer d’une forte composante
affective.
Si la confiance entre personnes est très souvent désignée comme un facteur facilitateur
de la coordination et de la compréhension lors
des transactions Ex Post, son rôle est aussi
perceptible durant la sélection Ex Ante.
Cette composante a lieu de s’exprimer lors de
la recherche et de la négociation, phases
durant lesquelles il apparaîtra important de
montrer l’adhésion à un ensemble de valeurs
individuelles communes9. Cette entente interpersonnelle préfigure d’un engagement significatif à la poursuite des objectifs mutuels et
d’une protection de la relation lors des périodes difficiles qu’elle ne manquera pas de traverser.
La recherche des partenaires, et notamment
l’établissement du cahier des charges a fait
l’objet d’un soin tout particulier en raison du
caractère inhabituel de la structure opérationnelle envisagée par GO.
Comme ont pu en témoigner de nombreux
intervenants des entreprises A et B, le sérieux
du dossier présenté initialement a permis à
chacun de percevoir plus nettement les enjeux
associés à la demande formulée et de mieux
définir les réponses à cette demande.
Loin de rendre la collaboration improbable,
un cahier des charges étoffé et maîtrisé est un
vecteur fort de l’établissement de la
confiance. Il témoigne directement de la compétence technique du partenaire et renforce la
crédibilité du décideur.
sible que l’entreprise décidant d’externaliser
un domaine de compétences ne possède pas
de bonnes facultés d’évaluation de la performance dans ce domaine. Ceci entraîne un
risque fort d’opportunisme de la part de son
partenaire, la mauvaise évaluation de la performance du partenaire favorisant l’émergence de l’opportunisme chez celui-ci.
En ce sens, les attentes claires et détaillées formulées par GO en matière de prestation ont
permis de convaincre ses futurs partenaire de
la crédibilité de leurs interlocuteur et du caractère stratégique de son choix d’externalisation
et des mesures de surveillance qui y seraient
associées.
Paramètres spécifiques Ex Ante
La recherche de deux partenaires distincts a
donné lieu à l’apparition d’attentes et de paramètres initiaux spécifiques, peu présents voire
absents dans les démarches de recherches
« classiques » :
• Capacité à assumer l’intégralité des périmètres proposés,
• Confidentialité totale des méthodes et
échanges entre chacun des deux partenaires.
• Confidentialité des résultats obtenus par
l’une ou l’autre des parties dans le cadre de
la relation.
• Dissemblance des organisations et structures des deux partenaires,
• Mise en place de points hebdomadaires de
compte-rendu de l’activité sur la base d’indicateurs de suivi opérationnels.
Il est capital de relever que dans le but de sécuriser le bon fonctionnement du partenariat tripartite, l’évaluation a porté sur la capacité
individuelle de chacun des deux partenaires à
pouvoir assumer au besoin la totalité des deux
périmètres. Dans le cadre de l’appel d’offre
de pilotage des flux, GO a ainsi exigé une proposition commerciale sur chacun des lots distincts.
Les études démontrent que la crédibilité est un
antécédent fort de la confiance (Brulhart,
1998) et qu’un renforcement de la crédibilité
perçue est de nature à réduire les coûts liés à
l’incertitude de même que la probabilité d’apparition de comportements opportunistes.
L’incertitude intrinsèque liée à la contractualisation des deux prestataires se trouve grandement réduite par cette démarche, l’un pouvant
se substituer à l’autre en cas de grave défaillance ou d’opportunisme avéré.
Comme vu précédemment l’externalisation
peut être envisagée pour minimiser les coûts
liés à une activité non stratégique. De même,
elle peut constituer une réponse stratégique
appropriée à une compétence très réduite dans
un domaine. Dans ce cas, il est compréhen-
En ce sens, ce potentiel d’absorption du périmètre de l’autre prestataire agit à la fois
comme une stimulation de la volonté des partenaires à s’engager fortement dans la relation
et comme limitation des risques moraux Ex
Post.
71
Logistique & Management
Le réalisme économique prévalant dans les
relations d’externalisation, il est naturel et
parfaitement éthique de laisser à chacun des
partenaires la possibilité de conquérir « à la
régulière » une part congrue de l’autre acteur.
Ceci favorise en théorie ainsi qu’en pratique
un haut niveau de performance de chacun des
intervenants, dans le but de s’arroger à terme
l’intégralité de la fonction externalisée.
En outre, le risque de voir sa part active diminuer dans la prestation évite en grande partie
l’opportunisme, qui serait sanctionné par un
retrait du marché.
Au travers de cet aspect de la recherche de
partenaires, on peut constater que le choix de
GO a été celui de la non-dépendance à un
prestataire unique, ce qui prévient nombre de
dérives associées à de tels cas.
On peut malgré tout s’étonner de cette incitation tacite à la compétition entre les partenaires. On peut argumenter aisément qu’un fort
niveau de contrainte sur la performance, couplé à un risque permanent de voir son activité
compromise présente tous les risques d’une
augmentation de l’incertitude et de la sélection adverse.
Ce serait faire abstraction des spécificités des
deux prestataires au sein de la relation telle
qu’elle a été envisagée. Les deux partenaires
de GO ont constitué un dossier leur permettant de postuler sur la totalité des lots proposés. Par définition de leur domaine d’activité,
s’ils collaborent sur la demande de GO, ils
n’en demeurent pas moins concurrents hors
du périmètre du projet.
On peut supposer que chacun d’eux aura la
volonté de tirer parti de la comparaison de sa
performance à celle de l’autre partie, afin d’en
retirer un bénéfice en terme d’image et de crédibilité. Cette volonté ne présente qu’un
risque très limité pour la conduite des opérations car englobée dans le contrôle de la régularité10 des actions entreprises.
La compétition se pratiquant entre les deux
parties hors du cadre partenarial, il est naturel
de tolérer celle-ci dans le cadre des échanges
liés au partenariat, dans la mesure d’un respect bilatéral des règles d’éthique propres au
maintien des relations de confiance.
10 - Tout comportement observé
relevant de la tricherie ou de la
dissimulation serait sanctionné
par la rétrocession d’une partie
de l’activité au profit de la
partie lésée.
72
Nous constatons que nombres des attentes et
règles instaurées lors de la phase Ex Ante
répondent à ce souci de mise en compétition.
Notamment, la confidentialité absolue sur les
méthodes, échanges et résultats des deux segments de la prestation externalisée.
Chacun des partenaires se voit maintenu dans
un fort degré d’incertitude mais considèrera
positivement la perspective de gains potentiellement supérieurs à ceux de l’autre prestataire. De plus, par la donnée même du schéma
adopté, les risques de voir l’un des prestataires se retirer du dossier diminuent considérablement puisque cela signifierait pour lui
perdre un marché au profit d’un concurrent
direct.
La question de l’impact d’une telle démarche
sur la confiance que les deux prestataires
témoigneront à l’égard de GO peut se poser.
Il ressort des divers témoignages au sein des
entreprises A et B qu’une telle structuration
de la prestation tripartite n’est pas perçue
comme une volonté malveillante de dissimuler ou manipuler l’information ni comme un
frein significatif à la confiance.
Si les coûts de retrait et redéploiement de l’externalisation vers un prestataire unique sont
réduits par rapport à une prestation classique,
ils ne sont cependant pas négligeables.
Chaque partenaire agit avec la conviction que
le mandant sera bien disposé à son égard sur le
prédicat d’une confiance rationnelle.
De plus, l’émulation par la compétition est
proche des conditions que chacun des prestataires rencontre sur le marché, sans pour
autant en percevoir une rente pérenne. Ceci
atténue une éventuelle perception négative
des intentions de GO.
La surveillance de l’intégrité des acteurs de la
prestation garantit une perception positive de
l’équité du jugement, élément d’autant plus
important qu’il est volontiers associé à la crédibilité acquise par GO lors de la phase Ex
Ante. Il ressort que la mise en place d’une
politique de vigilance et de pilotage de la relation au travers de réunions hebdomadaires
favorise la confiance et l’engagement des
prestataires en témoignant du souci apporté
au maintien de la relation.
Enfin le cloisonnement des activités de prestation incite les prestataires à concentrer leurs
efforts dans l’activité et son bon déroulement,
sans les conduire au doute en cas de réussite
particulièrement éclatante de l’autre partie.
L’incertitude inhérente à toute relation de partenariat est préférable à l’accentuation de la
pression subie par une mise en concurrence
explicitement comparative.
Nous retiendrons de ces témoignages que
l’approche privilégiée par GO ne créé pas un
frein significatif à l’établissement de la
Logistique & Management
confiance. Nous ajouterons que cette
approche constitue un complément original
aux mesures d’incitations et de pénalités traditionnelles. Si ces dernières existent dans la
relation, elles peuvent en cas de défaillance
être supplantées par un basculement radical
de nature à préserver la continuité du service
au client final sans coûts de redéploiement
rédhibitoires.
Mise en place et construction
du partenariat tripartite
A la sélection des prestataires succède la
phase de conception des processus et solutions logistiques. Nous choisirons de ne mentionner ici que les éléments Ex Post ayant trait
à la constitution de la confiance, à son renforcement itératif, voire aux perturbations qu’à
pu rencontrer l’établissement de la relation.
Nous maintiendrons le postulat de non-collaboration entre les entreprises A et B, de même
que nous garantissons le caractère négligeable de cet état de fait sur l’évolution de la
confiance entre chacun d’eux et GO.
Paramètres communs Ex Post
Parmi les actions mises en place durant la
phase projet, nous aborderons tout d’abord les
éléments présentant des équivalences dans la
construction des relations dyadiques.
Nous avancerons plus particulièrement les
trois éléments suivants :
• Collaboration des couches métier,
• Gestion des aléas rencontrés,
• Mise en place des systèmes d’information
11
au moyen de normes EDI
La collaboration des diverses couches métier
fait référence à la participation des intervenants de fonctions homologues sur les divers
aspects constitutifs de la prestation finale.
La mise en relation directe d’agents de firmes
différentes autour d’objectifs partagés est un
vecteur de création de la connivence interpersonnelle. Nous avons évoqué précédemment
l’importance de la confiance interpersonnelle.
La démarche de collaboration d’acteurs favorise sensiblement son apparition. Ceci étant
dit, il convient de dégager les spécificités de
cette structuration projet.
Cette mise en relation présente la particularité
de faire cohabiter des agents ayant une proximité technique, si ce n’est culturelle. La contribution de la proximité fonctionnelle et
culturelle fait appel à la projection compréhensible d’un agent sur un autre agent en vertu
des similitudes entre les postes qu’ils occupent. Ce mécanisme a été mis en exergue par
de nombreuses études (Brulhart, 1998 ; Detchessahar, 1998). La TCT postule aussi une
action bénéfique de la proximité qu’elle qu’en
soit l’origine. La similitude permet de dégager
de la relation des synergies et complémentarités, de même qu’elle structure fortement les
modalités de coordination.
Par ailleurs, la définition d’objectifs à la fois
ambitieux et réalistes contribue directement à
une émulation inter fonctionnelle, garante
d’un accroissement significatif de la
confiance.
Ainsi le projet a vu l’émergence de plusieurs
situations de proximité entre agents qui ont
permis de désamorcer les crises qui auraient
pu voir le jour. De plus, la bonne entente des
homologues permet une réaction rapide et
coordonnée en cas d’alertes liées à l’exercice
de leur domaine de compétence.
D’autre part, la gestion des aléas inextricablement liés au déroulement d’un projet implique
l’évaluation directe de la capacité du partenaire à faire face aux crises. Les objectifs des
entreprises engagées dans la relation d’échange n’étant pas confondus et la rationalité
des acteurs étant par essence limitée, il est
important de jauger le comportement des partenaires tant en situation de divergence d’intérêt qu’en situation d’urgence. La confiance
permet de minimiser la gravité des conflits
rencontrés en cas de désaccord, chaque partie
étant encline à laisser le bénéfice du doute à
ses partenaires. De plus, la gestion des situations d’urgence renforce la conviction qu’un
partenaire pourra réagir de façon appropriée,
souvent sans contrôle préalable.
L’apprentissage des comportements liés aux
situations de conflits permet de réduire sur la
durée la fréquence et l’impact des désaccords.
Enfin, la mise en place de systèmes d’échange
de données informatiques contribue à la mise
en action de compétences techniques des
intervenants dans un cadre normatif et contrôlé. Cette expérience particulière renforce la
perception de la compétence des partenaires
en contribuant à une amélioration de la
confiance.
Paramètres spécifiques Ex Post
De par l’intervention de plusieurs partenaires
autour de la construction de processus communs on peut observer plusieurs effets induits
par la relation tripartite.
11 - L’EDI ou Échange de
Données Informatisé ou
Electronic Data Interchange est
le terme générique définissant
le moyen pour deux entités
d’échanger des informations
selon un format standardisé, et
par le biais d’outils
informatiques. Ces standards
permettent de réduire les
interventions humaines de
traitement de l’information.
73
Logistique & Management
Parmi ceux-ci on retrouve plusieurs éléments
distincts :
• L’assimilation synthétique et l’apprentis-
sage partagé,
• Le report de perception,
• Les risques de mauvaise évaluation de la
performance,
• Les risques de perversion de la relation
contractuelle.
Pour appréhender les phénomènes d’assimilation synthétique et d’apprentissage partagé,
il est nécessaire de se référer au cadre bien
particulier qui a lié les entreprises A et B à GO
durant l’établissement de leurs solutions spécifiques.
La confidentialité des échanges lors de la
construction d’une réponse globale aboutit
naturellement à une impossibilité de proposer
une réflexion commune afin de traiter les problématiques d’un seul tenant.
Néanmoins, la scission pratiquée dans les flux
en aval revêt un caractère artificiel du point de
vue de l’exécution. Les clients sous la gestion
de l’entreprise A ont des niveaux d’attente
identifiables à ceux dépendant de la gestion
opérée par l’entreprise B. De ce point de vue,
il ne semble pas possible de laisser les entreprises A et B construire des solutions radicalement différentes.
Pour garantir l’adéquation des processus et
structures adoptés, la cellule projet GO a
développé une compétence d’assimilation des
processus avancés par les entreprises A et B
afin de s’approprier les idées et d’en restituer
une synthèse faisant intervenir les meilleures
pratiques. Par chance, les méthodologies
employées par les entreprises A et B ont été
sensiblement complémentaires. Pour illustrer
par l’exemple, le parti pris par l’entreprise A a
été d’avancer des solutions en environnement
idéal pour se concentrer ensuite sur les modes
dégradés à adopter tandis que parallèlement,
l’entreprise B veillait à détailler précisément
chaque processus mis en jeu en envisageant
tous les aléas probables. Cet interpénétration
des méthodes de travail a permis de transposer
les éléments pertinents d’un partenaire sur la
méthodologie de l’autre prestataire.
En revanche, sans méthode acceptable d’orientation de la réflexion fournie par les prestataires, il convient d’envisager le cas où l’un
et l’autre décideraient d’avancer simultanément dans des directions distinctes.
74
Le problème manageriel qui se poserait alors
serait l’arbitrage entre les méthodes privilégiées par l’un et l’autre.
Si l’un des deux partenaires se révèle plus en
phase avec les attentes de son client, ce dernier prend alors un risque non négligeable. La
répartition équitable des méthodes et processus par un comportement d’assimilation et de
restitution synthétique de solutions jugées
moins efficientes serait de nature à miner la
confiance de l’entreprise qui avancerait les
meilleures pratiques.
A l’inverse, la prise en compte stricte des
meilleures pratiques contribuerait à saper la
confiance du prestataire voyant ses solutions
radicalement remises en question. Cet effet
semble d’autant plus pervers qu’il ferait vraisemblablement émerger la crainte de l’éviction de la relation, conduisant à une économie
de l’engagement et à une escalade conduisant
inévitablement à un comportement opportuniste qui ruinerait la relation.
Le phénomène reste cependant difficile à
envisager en pratique, car une telle problématique supposerait qu’un partenaire n’est pas
en mesure de faire face à la compétence de
l’autre partie, ce qui signifierait qu’une étape
de la sélection des partenaires aurait dû faire
émerger la possibilité de ne choisir en définitive qu’un seul partenaire d’échange.
Il peut être noté que tôt dans la démarche de
sélection des prestataires, GO a fait le choix
de privilégier des profils types d’entreprises
dissemblables, sujettes à présenter des méthodes de travail différentiées.
La possibilité de faire intervenir des référents
extérieurs pouvant témoigner des organisations de projet serait une possibilité acceptable pour se prémunir d’un risque de
dissolution de la relation par l’arbitrage
conflictuel.
L’idée du report de perception procède de la
même façon des dissemblances existantes
entre les partenaires. Dans le cadre d’un projet
double, mené en parallèle par deux prestataires, il est important de remarquer que les conflits et aléas perçus dans l’exercice de la
relation sont très souvent reportés à l’identique sur l’autre partie. En effet, les problèmes
rencontrés par un prestataire dans un domaine
particulier de l’établissement de la solution
sont souvent perçus comme des signaux
d’une difficulté nécessitant l’intervention
plus active du client. La conséquence directe
est de multiplier les alertes perçues par le
client, qui se doit d’identifier rapidement les
Logistique & Management
complexités afin de permettre la bonne
marche du projet. Ceci conduit à une vigilance accrue et à une diminution de la
confiance, paradoxalement exagérée et décorrélée d’éléments fondateurs justifiés.
De plus nous avancerons qu’un tel fonctionnement d’alerte permanente est consommateur de ressources et contribue à augmenter
les coûts liés à l’exécution de la prestation. Un
intervenant de GO illustrait avec justesse le
dilemme en avançant qu’il était préférable de
multiplier les coups dans l’eau plutôt que de
ne pas anticiper un écueil préjudiciable à la
mise en place réussie de l’externalisation.
Par ailleurs, l’effet inverse peut être observé.
La gestion efficace d’un aspect du projet par
un des deux partenaires pourra poser des problèmes au second. En l’absence de signaux
d’alerte, la vigilance pourra se trouver
amoindrie et conduire à une réaction tardive,
impropre à désamorcer la crise. Il en découle
une diminution de la confiance dans l’agent
ayant été incapable de régler un problème que
l’autre partie aura su résoudre.
Les risques de mauvaise interprétation de la
performance rejoignent les problématiques
d’incertitude globale sur la performance globale des partenaires. Comme nous l’avons
souligné précédemment, la crédibilité
impulsée initialement dans le dossier permet
de renforcer la crédibilité de GO. Cependant,
il n’est pas acceptable de supposer qu’un
client, aussi crédible soit-il sur un dossier
d’externalisation, soit en mesure de jauger
avec précision les actions de ses partenaires.
Nous faisons remarquer ici que malgré les
démarches de répartition équitable réalisées
dans l’attribution des périmètres, la pratique
prouve qu’il est impossible de scinder son
activité en lots comparables à tous points de
vue. Les zones de transports ne connaissent
pas les mêmes engorgements, la demande est
par nature volatile et ne s’adaptera jamais à
une répartition symétrique. Les points de
divergences des domaines d’action des deux
prestataires sont innombrables. De cette asymétrie de la répartition des périmètres découle
une asymétrie des efforts et investissements à
fournir par l’une des deux parties pour égaler
la performance de l’autre. Selon le soin intitial
apporté à la répartition des lots, cet effet
pourra être négligeable durant un temps.
Néanmoins, tout ajustement futur, toute variation de la consommation des produits risquera
de fragiliser la répartition sur laquelle repose
la cohérence du système de prestation.
Dans le cas où cette problématique ne serait
pas anticipée, le risque est d’imputer à une
économie anormale des efforts la dissemblance des résultats, et de diminuer la
confiance dans un partenaire victime d’une
répartition ayant dérivée. Ce phénomène a
néanmoins été bien anticipé par les équipes
GO qui veillent à l’équivalence des périmètres
d’action de leurs deux prestataires.
Enfin, nous aborderons brièvement la problématique de la perversion contractuelle qui a
été rencontrée dans le courant du projet. En
raison d’ajustements somme toute compréhensibles et relativement fréquents dans l’établissement des relations contractuelles, un des
partenaires a perçu la non contractualisation
comme une menace directe à son engagement.
En effet, l’entreprise A agit aussi en qualité de
prestataire de stockage pour le compte de GO.
Devant le retard pris dans la contractualisation, l’entreprise B a craint de voir son travail
repris en main par l’entreprise A qui jouissait
d’un relatif confort, son engagement dans la
partie stockage lui garantissant un maintien à
moyen terme dans le projet.
Ce point a pu connaître une résolution satisfaisante pour chaque partie et par le biais de la
signature de lettres d’intention, la participation de chacun a pu être maintenue.
A l’issue de cette étude, nous aurons pu caractériser certaines des pratiques à intégrer dans
le but de proposer une externalisation logistique innovante. Cependant, la prise en
compte des coûts de transaction associés à
l’existence de plusieurs partenaires poussent à
s’interroger sur la validité du choix stratégique. En effet, par réduction des périmètres
d’action des prestataires, la charge de travail
se retrouve grandement accrue, les marges
perçues pour la prestation augmentées et la
scission des périmètres interdit la mise en pratiques de synergies qui seraient autrement tout
à fait exploitables (flux de retour, etc.).
L’impératif de sécurisation de l’activité
durant une période de forte consommation
alliée à la volonté de ne pas se rendre dépendant d’un partenaire potentiellement opportuniste sont des données importantes qui
appellent à une réflexion en profondeur pour
valider ce schéma de fonctionnement.
Conclusion
L’évocation des différentes problématiques
liées à la construction des relations tripartites
illustre toute la difficulté et la richesse des
relations de prestation, tant il est difficile de
75
Logistique & Management
prédire avec certitude les motivations réelles
des actions des agents impliqués.
mies et Sociétés, Série Sciences de Gestion,
n° 15, mai 1990, pp. 137-161.
On constate qu’à de très nombreux niveaux, la
confiance qui se créée et se renforce entre les
participants des relations tripartites répond à
des thématiques tantôt proches, tantôt entièrement différentes. Il n’en demeure pas moins
que la confiance reste un des fondements principaux du succès des partenariats logistiques
et des relations d’externalisation dans leur
ensemble.
Coase R. (1937), “The nature of the firm”,
Economica, 4, 386-405.
Confrontée à la rationalité limitée et à la
nature potentiellement opportuniste de
chaque agent économique, la confiance constitue bien souvent le seul rempart contre l’incertitude et le doute, garantissant pour grande
partie le succès de relations d’externalisation
ambitieuses. Les considérations liées à sa
mise en place et à son maintien, au vu de la
tendance exacerbée à l’impartition des activités non stratégiques devraient présenter un
des défis manageriels majeurs des futures
années.
Références Bibliographiques
Anderson, J. C., and Narus J. A. (1984), A
Model of The Distributor’s Perspective of
Distributor-Manufacturer Working Relationships, Journal of Marketing, 62-75.
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