Sandro A gustoni, aumônier de prison

Transcription

Sandro A gustoni, aumônier de prison
Iris Andrey et Luc Ruedin :
écouteurs de rue
U N E J O U R N É E AV EC…
« L’écouteur de rue est une présence gratuite de l’Eglise,
avec la gare à Fribourg, comme circonscription.
Nous ne portons pas de signe distinctif. Les jeunes
qui nous connaissent savent que c’est à la gare qu’ils
nous trouvent. » Iris Andrey et le Père Luc Ruedin sj,
œuvrant dans la pastorale de rue, témoignent de cette
présence de l’Eglise auprès des jeunes.
PROPOS RECUEILLIS PAR VÉRONIQUE BENZ
PHOTOS : VÉRONIQUE BENZ, DOMINIQUE GROBETY
Il est 15h. Avant de partir pour
la gare de Fribourg, Iris prend
un petit temps de prière dans
l’oratoire du Centre Sainte-Ursule. « J’aime confier au Seigneur
les gens que je vais rencontrer,
ce dont nous allons parler. Nous
n’allons pas seuls auprès des
jeunes. Nous sommes envoyés. »
Après ce petit temps de prière,
nous nous dirigeons vers la gare.
C’est là qu’Iris, trois jours par
semaine – lundi, jeudi et vendredi
durant trois heures (de 15h à 18h
environ) –, se met à l’écoute des
autres.
Devant la gare, une jeune femme
s’approche de nous. Iris la salue
Iris Andrey à l’écoute d’une personne de passage à la gare de Fribourg.
X
L’E SS E N T I E L
et me présente. Si la conversation débute par des banalités,
très vite, la jeune femme aborde
l’essentiel. Elle confie son chagrin suite à la perte d’un de ses
animaux. Plus loin, Iris voit un
jeune qu’elle connaît, elle va à sa
rencontre. Elle se promène partout dans la gare, devant, derrière
et sur les quais. Tout se vit dans
la spontanéité. « Je viens d’entamer ma troisième année, parmi
tous les jeunes que j’ai rencontrés, un seul m’a dit qu’il n’avait
pas besoin de mon écoute. » La
plupart du temps, elle soutient
les jeunes dans le domaine de
la relation à l’autre, parfois au
Tout Autre, mais aussi dans le
domaine de l’estime de soi. Elle
leur transmet des valeurs qui
peuvent les aider à se construire.
Il y a aussi des jeunes en situation
de précarité et certains qui ont
des problèmes liés à la consommation d’alcool ou de drogue.
« L’une des prémisses de notre
travail à la pastorale de rue est
le non-jugement. Ce principe
est fondamental. Sans le non-jugement nous ne pouvons pas
réellement accueillir l’autre tel
qu’il est là où il en est de son parcours de vie, dans un mouvement
U N E J O U R N É E AV EC…
Luc Ruedin et Sœur Véronique.
Biographies
Iris Andrey est maman de trois
enfants. Psychologue, elle suit,
à temps partiel, des études de
théologie à l’Université de
Fribourg. Elle est au service
de la pastorale jeunesse durant
la pause de midi au Centre
Sainte-Ursule et écouteuse
de rue à la gare de Fribourg.
Neuchâtelois d’origine, Luc
Ruedin est prêtre. Il a été
travailleur social avant d’entrer
dans la Compagnie de Jésus sj.
Après plusieurs expériences
autour du monde, il est en
Suisse, à Notre-Dame de la
Route, depuis cinq ans. Il est
accompagnant spirituel au
CHUV, écouteur de rue à la gare
de Fribourg et formateur
d’adultes, notamment pour les
Exercices spirituels selon saint
Ignace.
d’empathie et de bienveillance
authentiques. » Iris avoue que les
jeunes font confiance et sont souvent très reconnaissants. « Je me
nomme, je dis que je viens de la
part de l’Eglise. C’est important
qu’ils sentent que nous sommes
là comme représentants de
quelqu’un de plus grand. C’est un
témoignage évangélique en soi. »
Iris me confie : « Nous sommes
là gratuitement pour écouter les
jeunes. » « Le fait qu’ils ne nous
doivent rien est quelque chose de
particulier pour eux, car souvent
ils sont passés dans des lieux où
il n’y avait rien de gratuit », poursuit le Père Luc Ruedin.
Soudain Iris regarde sa montre.
Elle a rendez-vous avec une
jeune qu’elle suit de manière plus
régulière. « Ces jeunes-là, je leur
donne rendez-vous autour d’un
verre. J’ai la joie d’avoir pu voir
de belles évolutions. »
Le Père Luc Ruedin a lui aussi
son petit rituel lorsqu’il se rend
à la gare. Il s’assied sur un banc
et prend 10 à 15 minutes pour
méditer, afin d’être disponible à
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l’accueil de l’autre. Le but est de
pouvoir offrir une écoute bienveillante et bien-aimante essentiellement aux jeunes. « Je commence
par saluer les personnes que je
croise. J’entre en contact avec
elles, par des moyens détournés.
Tout à coup, on ne sait pas pourquoi, les gens abordent les questions existentielles. » Le Père Luc
pratique aussi un accompagnement spirituel dans la rue. « Il y a
un travail d’écoute et de prise de
conscience. Je me rends compte
que cela marque les personnes. »
Pour Luc Ruedin, être aumônier
de rue, c’est écouter la rue, écouter
ceux qui sont dans la rue, écouter
le travail des esprits et ouvrir un
espace de parole.
Pour Iris, être écouteuse de rue,
engagée par l’Eglise, c’est monter
dans le char de l’autre comme
l’eunuque dans la Bible. « Dans
la rue, nous n’allons pas pour
donner ; dans la relation à l’autre,
nous sommes d’égal à égal. Nous
recevons tout autant que nous
donnons. Je suis habitée par une
joie qui me dépasse. Ces rencontres provoquent un élargissement de mon cœur et ça me
permet de grandir en humanité. »
A côté d’Iris et du Père Luc, plusieurs bénévoles assurent une
présence à la gare. Ce jour-là,
je fais la connaissance de Sœur
Véronique, religieuse de SaintVincent de Paul.
« A l’aube quand s’éteint la nuit,
dans l’immensité perdue au creux
du vide, vient enfin l’aurore,
là se trouve et s’éprouve, zébrant
l’espace, la lumière qui luit. »
Luc Ruedin sj,
poème composé dans la rue
XI

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