Petits écarts, gros bénéfices

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Petits écarts, gros bénéfices
Petits écarts,
gros bénéfices
Idées clés
• S’acheter un cadeau quand on est à plat remonte le moral !
• Un tel achat se fait en général de façon raisonnable et sans aucun remord
occidentales
Jusqu’ici, le shopping impulsif et imprévu a le plus
souvent été appréhendé de façon négative, avec
l’accent mis sur ses aspects les plus excessifs et
nuisibles : la complaisance dans l’alcool ou la
drogue, la perte de contrôle des dépenses…. Mais
Selin Atalay et son associée en recherche Margaret Meloy se sont intéressées à l’aspect positif de
la question et ont prouvé que la consommation
était aussi un comportement constructif et sain.
Face aux sautes d’humeur auxquelles personne
n’échappe, le shopping et le plaisir d’un cadeau
pour soi reflètent un instinct humain d’autocorrection. Atalay et Meloy appellent ce type d’achat
la ”gâterie pour soi” et précisent qu’il n’entraîne
pas de conséquences nuisibles. Bref, la gâterie
pour soi imprévue déclenche des bénéfices pour
le consommateur… et, par conséquent, pour le producteur.
LA MAUVAISE HUMEUR, FACTEUR
DE BUSINESS
La recherche sur les comportements liés aux changements d’humeur a démontré de façon systématique et documentée que la mauvaise humeur a un
”effet de débordement”. Ainsi, une mauvaise humeur
vécue au restaurant ou en vacances induira des souvenirs négatifs sur les lieux en question. En revanche,
cette corrélation n’existe pas dans le cas de petits
achats impulsifs réalisés pour le plaisir.
• Une personne de mauvaise humeur ne projette
pas de sentiments négatifs sur ses achats. Et elle
n’en éprouve pas de regret non plus.
• Les managers n’ont donc pas à s’inquiéter d’une
quelconque corrélation entre coup de blues et perception négative de leurs produits.
• Bien que le plus souvent imprévus, ces petits
plaisirs sont néanmoins des objets dont l’acheteur
a besoin, qu’il désire et qu’il peut se payer. Ces
achats se font après réflexion, analyse et reconnaissance d’un potentiel de développement de sentiments positifs (amélioration de l’humeur) suite
à ces achats.
UN COMPORTEMENT INSTINCTIF ET ACQUIS
Atalay insiste sur la différence entre l’instinctif et
l’impulsif. Alors que ce dernier implique un manque
de contrôle et l’absence de toute raison, son étude
met en valeur l’intelligence de l’instinct humain
ainsi que la capacité des consommateurs à gérer
leurs actions de façon efficiente. Une personne à
plat va se tourner vers des activités pour améliorer son humeur, et celle qui est déjà de bonne
humeur recherchera à prolonger cet état. Mais à
savoir :
• L’achat pour fêter un événement heureux comme
une promotion ou la réussite d’un projet, avec l’objectif instinctif de faire durer le bonheur, est souvent plus important qu’un achat destiné à stimuler
l’humeur.
L’étude d’Atalay montre également un effet
apprentissage dans l’association entre achat instinctif et amélioration de l’humeur :
• Toute personne cherche à apprendre ce qui peut
l’aider à améliorer son humeur. Si elle constate
que la modération dans le shopping est une valeur
positive dans sa quête de bonne humeur, elle sera
à la fois capable et satisfaite de se comporter ainsi.
À noter : l’étude a été menée aux États-Unis
mais l’amélioration de l’humeur suite à la ”gâte-
BIOGRAPHIE
Selin Atalay est devenue
professeur assistant
de marketing à HEC
Paris en septembre
2008. Elle est titulaire
d’un doctorat (PhD)
en marketing de
l’université de Penn
State, ainsi que d’une
maîtrise (M.A.)
en psychologie de
l’université de Denver.
Elle a occupé
des postes de conseil,
de marketing et dans
l’enseignement
en Turquie et aux
États-Unis.
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• Le cadeau pour soi comme remontant est une pratique caractéristique des cultures
octobre-novembre 2008
• recherche@hec V
recherche
hec
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Selin Atalay et Margaret Meloy ont mené trois études complémentaires sur le cadeau pour soi : une étude de marché dans un centre commercial américain, regroupant 220
consommateurs de 18 à 80 ans ; des expériences en laboratoire sur 44 étudiants universitaires pour étudier l’impact du genre, la motivation et l’autorégulation ; l’évaluation
à partir de 2 journaux de consommation des bénéfices à
court et à long terme des petits plaisirs imprévus.
rie pour soi” reflète l’ensemble des cultures occidentales, qui valorisent beaucoup les possessions
matérielles et la satisfaction individuelle.
L’ÂGE OU LE GENRE ONT-ILS UN IMPACT ?
À l’inverse de la sagesse populaire et à la surprise
des chercheurs, les hommes sont en réalité tout
aussi susceptibles que les femmes de rechercher
les bénéfices sur l’humeur d’une thérapie par le
shopping : ” la gâterie pour soi est un phénomène
robuste pour les deux sexes”, écrivent les auteurs.
De même, ni l’âge, le revenu ou l’éducation ne sont
significatifs. ”Le seul élément permettant de pré-
MAIS ATTENTION : ÉTHIQUE
Satisfaite de remettre les pendules à l’heure en
démontrant que la consommation et la complaisance pouvaient être des comportements parfaitement sains et constructifs, Atalay insiste sur la
dimension éthique du résultat de ses travaux. Elle
appelle les managers à ne pas se servir de cette
information à mauvais escient et affirme que son
étude ne doit pas être interprétée comme une approbation de la surconsommation, comme un encouragement à l’achat impulsif ou comme une justification
à la manipulation des consommateurs…
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z MÉTHODOLOGIE
sager un petit plaisir imprévu était une passe de
mauvaise humeur”.
• La motivation est un processus cognitif qui est
stable sur le long terme.
• Le sexe n’a d’importance que dans la nature des
achats : alors que les femmes se font plaisir avec
des vêtements ou des accessoires, les hommes se
penchent plutôt vers l’électronique ou le sport…
D’après une interview de Selin ATALAY, professeur
assistant de marketing à HEC Paris, et son article
”Retail Therapy : a Positive Consumer Behavior” de
Selin Atalay et Margaret Meloy. À paraître dans le
mensuel américain Psychology & Marketing.
APPLICATIONS POUR L’ENTREPRISE
• Choix de la taille du produit : pour se remonter le moral, le client recherche des ”petits
plaisirs” qui lui permettent à la fois de se sentir bien et de justifier facilement sa dépense.
Les entreprises pourraient donc s’en inspirer pour offrir des packages plus petits de leurs
offres traditionnelles.
• Le design et le marketing produit : il est certainement possible d’attirer l’attention de
ces clients sur l’expérience produit. Ils ne recherchent pas un objet particulier, mais une
expérience qui les rendra heureux tout de suite… et plus tard encore !
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recherche@hec
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octobre-novembre 2008