FADS diagnostic UHU La Madrague

Transcription

FADS diagnostic UHU La Madrague
Fondation de l’Armée du Salut
Direction de Programmes « Exclusion »
Diagnostic participatif
de l’organisation et du fonctionnement
de l’Unité d’Hébergement d’Urgence (UHU)
La Madrague, Marseille
Rapport de synthèse
16 juin 2011
Thierry Delahaye – PANAMA Conseil
Tél/fax : 04 91 25 27 02 – Mobile : 06 03 63 78 59
Mail : [email protected]
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
2
Sommaire
Objectifs et réalisation du diagnostic
page 3
Première partie : Un tableau plutôt sombre
page 5
Le « dernier refuge »
page 5
Une difficile cohabitation des publics
page 6
Ni inconditionnalité ni continuité de la prise en charge
page 8
Des conditions d’hébergement insatisfaisantes
page 10
Des droits insuffisamment respectés
page 12
La faiblesse de l’accompagnement et de l’orientation des personnes
page 13
Un manque de cohésion et de cohérence entre les équipes
page 15
Des salariés fatigués, des conditions de travail pénibles
page 16
Un problème lié aux horaires
page 18
Deuxième partie : Sortir « par le haut » des problèmes de l’UHU
page 19
Saisir l’opportunité de changement et impliquer tous les acteurs
page 19
Réaliser le projet d’humanisation des locaux
page 20
Améliorer de façon continue les conditions d’accueil et d’hébergement
page 21
Rendre effectifs les droits des usagers
page 22
Rechercher des complémentarités, élargir les partenariats
page 23
Orienter les personnes vers des réponses adaptées
page 24
Réorganiser et professionnaliser les interventions
page 25
Élaborer et évaluer le projet d’établissement
page 26
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
3
Objectifs et réalisation du diagnostic
L’Unité d’Hébergement d’Urgence (UHU), créée en 1994, a dû faire face en 2010 au dépôt de bilan de
son gestionnaire, l’AICS. L’État et la Ville de Marseille, co-financeurs de la structure, ont choisi sur
appel d’offres la Fondation de l’Armée du Salut (FADS) pour la reprise au 18 mars 2011 de l’activité
d’hébergement d’urgence et des salariés concernés. Le centre de santé n’a pas été repris par la FADS
et son personnel a été licencié.
La mission demandée par la Fondation de l’Armée du Salut au cabinet Panama Conseil consistait à
réaliser un diagnostic participatif de l’organisation et du fonctionnement de l’UHU :
- en informant et en mobilisant les acteurs concernés (salariés, usagers, partenaires
opérationnels) ;
- en intégrant les obligations découlant notamment de la loi 2002-2, de la circulaire
« continuité » du 19 mars 2007 et de la refondation du dispositif Accueil, Hébergement et
Insertion ;
- en tenant compte du référentiel socle d’évaluation de la FADS et des recommandations de
bonnes pratiques professionnelles publiées par l’Agence nationale de l’évaluation sociale et
médico-sociale (ANESM) ;
- en proposant des changements dans l’intérêt des personnes accueillies.
Une réunion plénière de lancement avec les salariés de l’UHU a été organisée le 2 mai 2011 (31
participants sur 45 salariés), avec pour objets :
- présentation de la FADS et des conditions de reprise et de poursuite de l’activité ;
- présentation de la démarche de diagnostic : objectifs, intervenants, déroulement, calendrier,
grille de diagnostic ;
- réponses aux questions des salariés.
Début mai 2011, les réunions avec les salariés, les usagers et les partenaires ont été préparées :
information des personnes accueillies ; envoi d’invitations ; rencontre par les dirigeants de la FADS
des partenaires institutionnels (Préfet, DDCS, Ville de Marseille) et des têtes de réseaux associatifs ;
constitution du comité de pilotage (FADS ; direction, représentants du personnel et travailleurs
sociaux de l’UHU ; personnes hébergées ; financeurs ; principaux partenaires : Samu Social, FNARS,
URIOPSS, SIAO, 115…).
Les réunions de diagnostic ont été tenues entre le 12 et le 26 mai 2011 :
- 4 réunions avec des personnes accueillies à l’UHU (une réunion avec des femmes, deux
réunions avec des hommes, une réunion avec des personnes hébergées en stabilisation),
animées par Catherine Etienne (45 à 50 participants, soit environ un quart des personnes
accueillies cette nuit-là) ;
- 5 réunions avec les intervenants salariés de l’UHU, regroupés par équipes : nuit, après-midi,
stabilisation, services généraux, entretien (37 participants, dont 32 salariés de l’UHU et 5 du
Samu Social mis à disposition) ;
- 1 réunion avec les partenaires opérationnels (23 participants).
La grille de diagnostic comprenait trois dimensions :
- Les services proposés aux personnes accueillies : accueil, accompagnement, travail social,
durée de prise en charge, sécurité, conditions d’hébergement, humanisation des locaux,
repas, vie collective, mise en œuvre des droits des usagers, relations entre personnes
accueillies et salariés…
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
4
-
L’organisation du travail : horaires, liaisons entre équipes, procédures…
Le partenariat : image et place de la structure dans le territoire, articulations avec le SAMU
social, le 115 et le SIAO…
Selon la composition du groupe, l’accent a été mis sur telle ou telle dimension. Les participants ont
pu cependant aborder les autres points qu’ils souhaitaient.
Fin mai et début juin 2011, le consultant a réalisé des entretiens d’approfondissement avec des
partenaires (Mme Fassanaro et M. Moulin, DDCS ; M. Giancarli, responsable du Samu Social) et des
salariés (M. Chalopin, directeur ; M. Frache, directeur adjoint ; Mme Carreras, économe ; M. De
Matos, chef d’équipe). Un entretien téléphonique avec Mme Dugier, coordinatrice des postes d’AVDL
(accompagnement vers et dans le logement), a permis de recueillir la perception de l’UHU par les
plateformes locales du SIAO (Aix-en-Provence, Arles, La Ciotat, Salon-de-Provence).
En outre, le consultant a eu lors de ses présences sur site des entretiens informels avec une dizaine
de salariés, à leur demande, en avril et mai 2011.
L’ensemble des informations recueillies lors des réunions et des entretiens, formels et informels, et
des documents transmis par l’UHU (statistiques, procédures, fiches de poste…) ont servi de base à la
synthèse du diagnostic rédigée par le consultant. Les comptes rendus de réunions ont été présentés
au comité de pilotage, qui s’est réuni deux fois : le 25 mai 2011 (25 participants) et le 23 juin 2011
(…….. participants).
Les résultats du diagnostic et les préconisations ont été présentés lors d’une réunion plénière de
restitution avec les salariés, le 29 juin 2011 (…… participants) et lors d’une rencontre avec les
partenaires institutionnels (Etat et Ville de Marseille), le ……………………..2011.
Selon les décisions de la FADS, une deuxième phase de travail sera mise en place en septembre 2011,
centrée sur l’élaboration participative du projet d’établissement de l’UHU.
Avertissement : Les passages composés en italiques et entre guillemets reprennent les propos, idées,
critiques, suggestions exprimés par des participants (personnes accueillies, salariés, partenaires) lors
des réunions et des entretiens. Certains de ces propos peuvent sembler injustes, maladroits, outrés
voire inexacts. Ils rendent cependant compte des opinions et des ressentis des personnes rencontrées
et contribuent à dessiner une image de l’UHU, telle qu’elle est aujourd’hui.
Très classiquement, quand les réunions de consultation ne sont pas habituelles dans une institution,
elles génèrent une « inflation des remontées » : chacun a tendance à « maximiser » ses avis pour être
entendu. Ce phénomène s’estompe avec la pratique régulière de démarches participatives ; les
personnes et les groupes construisent davantage leurs analyses et leurs propositions s’ils voient que
leur parole a été entendue et suivie d’effets.
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
5
Première partie
Un tableau plutôt sombre
Le « dernier refuge »
L’Unité d’Hébergement d’Urgence (UHU), implantée chemin de La Madrague Ville, à Marseille, est
ouverte 365 jours par an. Elle « s’inscrit dans la continuité du SAMU social (et) occupe une position
essentielle au sein du dispositif de prise en charge des sans-abri sur la commune de Marseille » (Guide
de l’urgence sociale, Ville de Marseille).
L’UHU La Madrague est financée pour une capacité de 334 lits d’urgence, portée à 364 en période
hivernale. L’accueil est effectué « à la nuit » et, pour une grande part, « à la porte » : les personnes
se présentent à l’UHU à partir de 15h, voire plus tôt selon les conditions climatiques. D’autres sont
conduites à l’UHU par le Samu Social (dont elle « représente la destination première des transports »
qu’il effectue), la police ou les pompiers, jusque tard dans la nuit. Les horaires officiels d’ouverture
sont de 18h (avancé en pratique à 16h30) à 8h (avec une tolérance jusqu’à 9h30).
Actuellement, 16 personnes sont hébergées de façon continue sur des lits dits « de stabilisation »,
non reconnus ni financés en tant que tels. Ces personnes « stabilisées » bénéficient de la présence en
semaine de 8h à 14h d’un personnel mis à disposition par le Samu Social. Par ailleurs, deux lits sont
dédiés au 115, qui peut y orienter un couple ou deux femmes.
En moyenne, sur l’année 2010, l’UHU a hébergé 223 personnes par nuit (soit, rapporté à la capacité
d’accueil de 334 lits, un taux moyen d’occupation de 67%), avec une forte variation saisonnière : 200
personnes/nuit en moyenne au printemps et en été, 300 durant la période hivernale, avec un pic
d’activité en mars.
En 2010, l’UHU a accueilli 3594 personnes différentes et réalisé 81385 nuitées, soit une durée
moyenne de séjour de 23 nuits (les données statistiques existantes permettent d’opérer des tris plus
fins et d’effectuer des comparaisons si nécessaire) :
- 54% des personnes ont été hébergées de 1 à 3 nuits.
- 59% étaient des primo-arrivants sur la structure.
- 88% étaient des hommes.
- 53% étaient âgées de 26 à 46 ans, et 16% de 18 à 25 ans
Depuis plusieurs années, en période hivernale, l’UHU accueille toute personne isolée, homme ou
femme, et plus rarement des familles, sans condition de présence régulière sur le territoire français.
Du 1er avril au 31 octobre, les personnes françaises ou étrangères désirant être hébergées doivent
présenter des papiers d’identité ; un régime dérogatoire est prévu pour les situations d’urgence et
les cas particuliers sont étudiés par la direction. Des procédures écrites précisent les modalités
d’admission, d’accueil des primo-arrivants et d’enregistrement des personnes hébergées. L’UHU
dispose d’un chenil et accepte donc les animaux accompagnant les personnes hébergées.
De l’avis des partenaires opérationnels, l’UHU est « le plus important centre d’hébergement à
Marseille et dans le département ». Son intérêt majeur est « d’accueillir aussi bien des hommes que
des femmes, même accompagnés d’animaux, ce que ne font pas d’autres structures ». C’est le
« dernier refuge ». Sa mission première est « la mise à l’abri », mais la durée de séjour y est parfois
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
6
très longue (en 2010, 647 personnes y ont été hébergées plus d’un mois ; pour 96 personnes, la
durée de séjour était comprise entre 1 et 2 ans, pour 42 personnes entre 2 et 3 ans, et pour 60
personnes elle était supérieure à 3 ans).
A Marseille, l’UHU intervient « dans le même registre que l’accueil de nuit de Forbin » (280 places, et
un peu plus de nuitées qu’à l’UHU). Les deux structures « ne sont pas concurrentes, mais
complémentaires. Certaines personnes préfèrent aller à Forbin qu’à l’UHU » (l’inverse est également
exprimé). Elles reçoivent toutes deux des personnes en urgence, « dont une partie est hébergée
depuis des années. C’est pour cette raison que les deux structures ont voulu créer des places de
stabilisation ». Les services sociaux hors Marseille orientent peu vers l’UHU, du moins directement
(les plateformes locales du SIAO n’ont pas connaissance des orientations passant par l’appel du 115).
Excepté pour les communes proches de Marseille, les orientations semblent faites en priorité vers
des structures locales, d’autant que l’UHU « a une image très dégradée ». Dans « l’autre sens », la
DDCS signale « des habitués de l’UHU » qui préfèrent aller en période hivernale à l’auberge de
jeunesse d’Aix-en-Provence, par exemple.
L’UHU souffre en effet d’une image négative. C’est un « site particulier » qui « offre une ouverture
très large » au 115 : orientation jour et nuit, et accueil de « personnes dont plus aucune structure ne
veut ». Paradoxalement, c’est aussi un lieu stigmatisé (décrié y compris par des gens qui ne
connaissent pas la structure, qu’ils en soient usagers potentiels ou intervenants sociaux), vers lequel
certains partenaires orientent « en dernier recours ». La structure « renvoie aux personnes une image
d’elles dévalorisante ». Le problème numéro 1, c’est « la densité de personnes dans des situations
difficiles » qui génère de la violence ; « le bouche à oreille est négatif, les gens ne veulent pas y
aller ».Face aux problèmes d’insécurité, certaines personnes « disent qu’elles préfèrent dormir dans
la rue (mais c’est encore plus dangereux) ».
Des partenaires estiment que « c’est loin », c’est compliqué pour y venir, c’est excentré. En réponse à
ce problème, l’UHU et le Samu Social ont mis en place un système de navettes vers le centre-ville
depuis quelques mois, dont profitent 90 à 100 personnes par jour. L’Accueil de jour
Marceau/Consolat a établi une convention avec le Samu Social pour le transport des personnes qui
sont hébergées à l’UHU et fréquentent ses services en journée.
Une difficile cohabitation des publics
L’UHU accueille « des Marseillais et des gens de passage » ; pour certains partenaires, « c’est logique,
les pauvres sont attirés par la métropole », pour d’autres, l’UHU « ne peut accueillir tout le monde ».
« Même dans les structures à bas seuil d’exigence, il y a des limites ». L’UHU a été conçue « pour des
gens en survie ». Devant la défaillance des autres dispositifs, elle accueille des publics plus larges,
femmes et hommes, jeunes et grands marginaux, migrants et gens de la rue. Peut-on pour autant
refuser d’héberger quelqu’un « qui ne devrait pas être là » ? En ce moment (mai 2011), disent des
salariés, il y 220 à 230 personnes hébergées, « plus que d’habitude » : des gens « qui ne parlent pas
la langue », « des gens qui sont psy », « les flux de migrants », « tout ça, ce sont des difficultés pour
orienter les personnes ailleurs ».
La mixité des publics et la promiscuité induite posent des problèmes d’insécurité, pour les femmes
et les jeunes notamment. Les demandeurs d’asile qui viennent d’arriver n’ont pas d’expérience de la
rue. À l’UHU, « c’est un choc » d’être hébergé avec « des clochards et des drogués ». Pour les jeunes,
« c’est trop violent » ; « il ne faut pas qu’ils restent ». Les salariés expriment une vision proche :
« Pourquoi des gens sont là depuis dix ans ou quinze ans, dans leur chambre ? » « Les jeunes, on les
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
7
enfonce ; ça les incite pas à bouger. » « Cela a manqué de social. » « Le social, c’était l’autorisation de
rester en journée. » Au début, l’UHU, « c’était 3 nuits au maximum ». « Le premier jour, quand on a
ouvert, il y avait 100 personnes, c’était 100 clochards. » L’UHU accueille parfois des familles sur
décision du Préfet, mais « ça reste occasionnel ». « Les femmes accueillies au milieu des hommes,
c’est un problème ».
Des partenaires demandent « comment sont composées les chambres ? comment se fait la
répartition entre les différents publics ? ». « On a des directives pour remplir les chambres »,
expliquent des salariés. Il existe des rapports de force : « on ne peut pas mélanger les jeunes et les
vieux ». La répartition fait que « les gens sont bien dans leurs chambres, avec leurs copains » ; mais
cela crée « des clans » : « ils ont leur chambre, leur lit, si on change, c’est le bordel, ils refusent ».
« Les gens qui reviennent, on leur donne une chambre tranquille », « le problème avec certains, un
peu âgés, c’est que si on leur donne un lit du haut, ils se mettent quand même en bas ». « À une
époque, on réservait des places jusqu’à 20h, pour les habitués ». Peut-on attribuer les lits par ordre
d’arrivée : « chambre A, lit 1, lit 2…, puis on passe à la chambre B » ? « On travaille pour les hébergés,
il ne faut pas l’oublier », « même s’il est saoul, il faut l’accueillir ».
Le sentiment d’insécurité, disent les personnes accueillies, est lié à la cohabitation d'une grande
diversité de personnes, dont certaines très marginales : des personnes alcooliques (qui « ne tiennent
pas debout »), des personnes souffrant de maladies mentales, des personnes gravement malades. Il y
a donc des conflits fréquents, des bagarres, des agressions verbales « et même des menaces de
mort », des vols : « tout le monde dort habillé »…
D’où la tentation pour certaines personnes accueillies de demander une sélection, ou une
« ségrégation », et des exigences plus fortes : « Ils mélangent tout le monde », « Il faudrait qu'on
exige de souffler dans le ballon, d'avoir un comportement correct ». Les autres propositions sont de
ne pas accepter les personnes alcoolisées ni trop désocialisées, ne pas mélanger les publics, « faire
des petites divisions », « des petits centres » homogènes. « Les personnes très malades devraient être
dans un endroit où on les surveille davantage, il y a plein de handicapés ici ». « Les hébergés assidus
devraient être séparés de ceux du soir : dans le grand bâtiment, les habitués, et les Algeco pour ceux
du soir ». Il faudrait aussi « un côté hommes et un côté femmes », estiment des salariés.
Lors des réunions avec les personnes accueillies, ces tensions sont apparues entre jeunes et moins
jeunes, entre personnes hébergées « à la nuit » et personnes en stabilisation, considérées par
certains comme des privilégiées, entre personnes de religions différentes… Globalement, les
participants ont eu tendance à distinguer ceux qui « se la coulent douce » et profitent, de ceux qui
« méritent » et font des efforts.
Plusieurs salariés ont également dénoncé les « profiteurs du système », qui considèrent l’UHU
comme « un hôtel gratuit » (nuit, repas), mais « ne veulent pas être suivis par un travailleur social ».
En plus, « ça leur donne un certificat d’hébergement, pour la domiciliation ». « Il y a des gens qui ne
travaillent pas, qui arrivent à 22h et qui réclament à manger. Ce n’est pas repris le lendemain. »
« L’été, on reçoit les touristes, des jeunes du nord qui viennent à la plage », « deux mois de vacances
sans payer ». « Il y a de moins en moins de clochards, de grands marginaux. Avant, ils occupaient tout
le rez-de-chaussée. Aujourd’hui, ce sont des jeunes, qui profitent. » « Il faudrait faire payer le café, 50
centimes ». « Il y a aussi des gens polis, qui ne posent pas de problèmes et qui rentrent l’été dans leur
pays », « des ouvriers qui logent à l’UHU et envoient leur salaire au pays », « des personnes qui
touchent le RSA, vont à l’hôtel en début de mois et à l’UHU à partir du 20 ».
Cette opinion sur les « profiteurs » fait réagir d’autres salariés : « Ont-ils vraiment le choix de vivre
autrement ? », « Les personnes sont dans une situation urgente ; l’UHU n’est pas un endroit où une
personne aime rester, loin de sa famille ». « C’est leur vie privée, on ne sait pas ». Des salariés et des
8
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
partenaires ont soulevé la question de la participation financière des personnes à leur hébergement,
à l’instar de Forbin qui demande une somme modique. La DDCS rappelle que l’UHU n’a pas le statut
de CHRS (les règles de l’aide sociale à l’hébergement en matière de participation financière ne s’y
appliquent donc pas) et que « la gratuité est de tradition à l’UHU ». Au-delà, cette participation
pourrait-elle avoir une fonction « dissuasive » ou « éducative » vis-à-vis des « profiteurs » ?
« L’intérêt éducatif serait à étudier avec les travailleurs sociaux ».
Un autre groupe de personnes hébergées souffre d’une mauvaise réputation, les clandestins, les
sans-papiers accueillis en période hivernale qui jouiraient d’une grande impunité. Les caméras avec
écrans vidéo à l’accueil ont été supprimées en 2005. « Le centre est assez aéré », « pas comme
Forbin ». « Ici, c’est l’inverse de la prison : ils sautent par-dessus les murs pour entrer ». Il faudrait
« prendre la photo des gens pour éviter que ceux qu’on a exclus reviennent » et pour les sans-papiers,
ou ceux qui en ont mais ne les présentent pas. Les grands marginaux sont peu agressifs. « Les
habitués nous respectent ». Il y a bien un conflit de temps en temps, mais « on a l’habitude de gérer
ça », d’écouter ; « on est zen, mais il ne faut pas baisser la garde ».
Certaines personnes ne viennent pas pendant la période hivernale, par peur des autres hébergés.
« Les plus dangereux, ce sont les jeunes : ils ont la force, la jeunesse et le vice ». Certains salariés
estiment que « 80% des violences sont le fait des 18-25 ans » : « il faudrait interdire l’accès aux
personnes trop jeunes ». « Toutes les personnes exclues des autres structures se retrouvent à l’UHU ».
Cependant, les équipes ne disposent pas de statistiques sur les exclusions, ni sur le pourcentage de
sans-papiers et de jeunes concernés.
« Les directives gouvernementales amènent à la fermeture des lits en hôpital psychiatrique, et les
gens viennent ici », assurent des salariés. « Le public le plus gênant, ce sont les gens qui arrivent en
pleine nuit et qui foutent le bazar ». « La période la plus dramatique, ça a été le croisement des
Russes et des clandestins : ici, c’était l’Amérique, pour eux ». « C’est le melting-pot, c’est
catastrophique quand on augmente la capacité d’accueil, ça augmente le danger pour les accueillis
et le personnel ».
Ni inconditionnalité ni continuité de la prise en charge
« C’est pas de l’urgence, sauf l’hiver » ; « il faudrait écrire sur le bâtiment : Centre d’hébergement où
tu peux rester jusqu’à quand tu veux ». L’accueil inconditionnel et illimité, « est-ce de l’urgence ? »,
demande un autre salarié. L’UHU est « une soupape pour les autres structures ; il y a de plus en plus
de populations errantes, en situation irrégulière, accueillies à l’UHU », dit un salarié. Pour la DDCS,
l’UHU est un lieu d’observation des phénomènes de migration et de précarité. Une personne
hébergée en stabilisation ajoute que l’UHU accueille « tous ceux qu’on a refusés ailleurs » ; cet « effet
pervers de l’inconditionnalité » génère des tensions entre les personnes accueillies et serait cause de
violence. « Peut-on pour autant définir des critères d’admission ? », demande un salarié. En l’absence
d’éléments d’analyse sur la violence et sur la typologie des auteurs, on ne peut dire si l’accueil
inconditionnel, ou l’accueil de certaines populations, en est responsable. Les effets négatifs signalés
sont plutôt renforcés par la taille de la structure.
Selon les partenaires, l’inconditionnalité, c’est d’abord « une attitude, une disponibilité à la demande
de l’autre, une façon d’accueillir ». L’inconditionnalité, telle qu’elle est pratiquée au Hameau par
exemple, suppose des moyens humains et matériels (et donc financiers) importants. « C’est une
remise en cause du travail social classique ». Poser la question de l’inconditionnalité concerne toutes
les structures, pas que l’UHU : c’est « un travail sur le sens de l’accueil d’urgence » pour lequel il
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
9
faudrait « avoir une vision globale du dispositif et de ses manques (en matière d’hébergement de
femmes, par exemple) ». Les partenaires évoquent « l’absence de réponse ailleurs », « la frilosité des
autres structures » dont certaines « sélectionnent à l’entrée », les « délais d’attente avant une
admission en CHRS »… « L’inconditionnalité est-elle pratiquée par les autres structures ?, s’interroge
la DDCS ; ce n’est pas sûr. » La mise en place du SIAO a permis des avancées à ce sujet, « avec une
meilleure réponse du réseau ». L’inconditionnalité de l’accueil doit s’évaluer sur le territoire.
La DDCS renvoie à l’article L345-2-2 du Code de l’action sociale et des familles : « Toute personne
sans abri (…) a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence (qui) doit lui
permettre, dans des conditions d’accueil conformes à la dignité de la personne humaine, de bénéficier
de prestations assurant le gîte, le couvert et l’hygiène, une première évaluation médicale, psychique
et sociale (…) et d’être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter
une aide justifiée par son état. » L’article suivant rappelle les dispositions de la loi DALO : « Toute
personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors
qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée ».
Des personnes accueillies estiment « pouvoir venir n'importe quand », et « tant qu'on veut » à l’UHU.
Pour certaines, qui fréquentent les accueils de jour, devoir quitter l’établissement le matin est « un
gage de liberté ». Pour d’autres, la structure doit évoluer vers un accueil en journée. Cela a été fait à
une époque, « en fonction des moyens, avec des animations, des ateliers… » selon des salariés. Les
réunions d’usagers font émerger « une incompréhension des critères d’accès à la stabilisation » et
des manifestations de jalousie.
« On s’est battus pour garder des personnes qui n’ont pas de place ailleurs, contre l’avis de la
direction de l’époque ; le gestionnaire suivant a accepté s’il y avait de l’argent et un projet, puis avec
le directeur actuel, on a réussi à garder les personnes en danger », racontent des salariés. Le
directeur a pris l’initiative de « faire des chambres de stabilisation». Il n’existe pas de critères
d’accès, mais « des procédures, une commission d’attribution avec l’avis du médecin et du social, un
règlement ». La stabilisation accueille des personnes « avec un projet de sortie » et de façon
ponctuelle « des gens en danger ». Mais il n’y a pas de financement : actuellement, « il reste 16
personnes, des personnes fragilisées, vulnérables ; les autres ont été orientées ailleurs ». « Comment
on redémarre ? ».
La « stabilisation » de l’UHU accueille « des gens qui n’ont pas d’autre possibilité (sans-papiers) et
d’autres qu’il ne faudrait pas sédentariser ». « On est devenus leur famille, ils prennent la place de
personnes qui pourraient être hébergées et accompagnées vers la sortie ». Il ne faudrait pas « garder
les personnes trop longtemps » mais les orienter. Il manque « un foyer de vie pour SDF vieillissants »,
à créer « mais pas au sein de l’UHU ». L’UHU, poursuivent d’autres salariés, « répond au temps de
carence entre les séjours » dans des structures d’hébergement ou médicales.
Le groupe en stabilisation se perçoit comme privilégié, des personnes qui disent s’entendre plutôt
bien, « comme une petite famille », « il y a de l’entraide » (repas, déplacements, promenades
communes aux Puces). « On est libre d’entrer et sortir comme on veut, du moment qu’on prévient
pour les repas ». Cependant, une personne souligne que « ce site n’a pas été conçu pour qu’on y
reste, c'est un lieu de passage pour passer une nuit en catastrophe ». Parmi les problèmes évoqués :
« On a besoin de plus d’humanité », une personne par chambre serait l’idéal, pouvoir « rentrer à la
maison », avoir sa clé. « On se sent agressé par les intrusions dans l’étage de personnes hébergées
pour la nuit », « On s’ennuie ! Pas d’activités, local TV fermé le week-end, salon fermé aussi à partir
de 14 h, on ne peut pas aller lire, ou se rencontrer », « Heureusement qu’on est dans le sud et qu’il y a
des bancs ! On glande, on lézarde au soleil ! ». Le manque de ressources est un obstacle qui empêche
de faire certaines démarches.
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
10
La salle de détente de la « stabilisation » est fermée à 14h et le week-end, en l’absence du personnel,
« à cause du manque de respect des hébergés, qui ne rangent pas », selon les salariés. Le week-end,
« ils n’ont rien à faire ». Le personnel du Samu Social est présent en semaine de 8h à 14h, « pour le
linge, la toilette, les repas, l’écoute et la discussion ». Pour la plupart, quand ils sont admis sur les
places de stabilisation, « les gens se lavent, prennent soin d’eux ». En journée, certains vont à
l’accueil de jour Marceau. « Ici, ils se sentent à l’abri », « ils sont en sécurité ». L’équipe propose et
envisage des activités : potager, loto, jeux de société, lecture, cuisine, activités manuelles, avec
l’appui de stagiaires. « Les personnes dorment dans la journée, d’ennui et de fatigue », « certaines ne
dorment pas la nuit à cause du bruit lié aux passages », « il n’y a pas assez de personnel pour
surveiller tout le monde ».
Des conditions d’hébergement insatisfaisantes
Au début, l’UHU « accueillait n’importe comment » pendant la période hivernale ; certains ont été
« surpris que ça perdure en fin d’hiver », disent des partenaires. Les locaux sont des préfabriqués,
« du provisoire qui dure », « ça renforce la stigmatisation ». « On a banalisé la mise à l’abri ».
L’hébergement est attribué nuit après nuit, les gens ne sont pas sûrs de conserver leur lit. Il faudrait
« sortir de l’urgence, mettre en place la stabilisation, travailler sur l’hygiène, aller vers l’extérieur ».
« Dans quelles conditions les gens mangent, dorment, se lavent ? » Pour certaines personnes, être
hébergé à l’UHU c’est « une dégradation » : dormir sans draps, ou après quelqu’un « sans savoir si le
lit a été refait ». Des personnes accueillies, des salariés et des partenaires dénoncent les conditions
d’hygiène à l’UHU : pas assez de douches, pas assez de kits hygiène, « c’est sale », « trop de monde
pour pouvoir se laver », « il y a la gale ». De ce fait, des personnes hébergées utilisent les douches
des accueils de jour.
Ces problèmes d’hygiène perdurent, malgré la qualité du service d'entretien et les traitements
réguliers. Il y a des poux, des cafards (à cause de la nourriture introduite dans les chambres, selon
des salariés), des moustiques, des rats « énormes, comme des lapins, les chats ne s'attaquent pas à
eux ! », et trop de chats, sans compter un problème d'évacuation des eaux usées dans le chenil. Des
personnes extrêmement désocialisées ne se lavent pas, « des gens à l'abandon, qui font sous eux ».
« 1 personne hébergée sur 3 seulement prend une douche » (« mais il faut voir l’état des douches ! »),
« c’est insupportable au réfectoire », ajoutent des salariés. « Peut-on obliger les personnes hébergées
à prendre une douche ? », demandent des salariés et des personnes accueillies. Si oui, il faut aussi
« ce qui va avec : des placards pour les vêtements, du personnel disponible… ».
Quand le Samu Social de la Ville ou celui de la Croix Rouge conduisent des personnes à l’UHU,
l’équipe de la stabilisation propose une douche, une coupe de cheveux : « ça fait du bien d’être
propre, de ranger sa chambre… » ; « parfois, des gens se braquent, ils se laissent aller ». En ce
moment, il n’y a « pas assez de temps d’infirmière, qui s’occupe de tel ou tel mais pas d’autres ». Le
suivi psychologique « est insuffisant », disent des salariés qui souhaitent un renforcement de la
présence des psychiatres (un médecin et une infirmière).
Le nettoyage est fait (« et bien fait ! ») le matin, mais, dit une personne accueillie, « au moment où
les personnes ont le plus besoin des sanitaires, douches et WC, qui sont donc indisponibles ». Par
contre, les locaux ne sont pas nettoyés durant la soirée : « le matin, on peut avoir envie de vomir en
allant aux WC ». Tout est propre à 16 heures, mais au bout d’une heure, « c’est Tchernobyl », selon
un salarié. « Il n’y a même pas une raclette pour nettoyer la douche ». Les toilettes pour les femmes
« sont mal placées, du côté des hommes », pense un salarié. Le ménage est fait, « pour les 10
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
11
premiers qui arrivent, c’est propre et cela devient sale très vite » : chambres, salle de petit-déjeuner…
Le réveil est fait à partir de 6h30. « On commence par les grands marginaux ». À 8h, tout le monde a
déjeuné ; « il en reste quelques-uns qui trainent jusque vers 9h ». Il faut laisser les chambres pour
l’équipe de ménage, « et il y a du travail : il faut voir ce que font les gens ! ». Les personnes accueillies
à l’UHU « sont en perdition totale ».
Participent au sentiment d’insécurité, « un certain manque de rigueur dans la surveillance des
bagages entreposés à l’accueil » : plusieurs personnes font état de la disparition de leur bagage, or
« c’est tout ce qu’ils ont » (papiers d’identité, médicaments, affaires personnelles…) ; l’absence de
personnel ayant une compétence médicale le soir et la nuit ; et plus globalement l'insuffisance de
personnel : « ils font leur travail, mais on ne peut pas mettre un gardien par résident ! ». Les
participants disent donc dormir mal. « Il y a trop de stress ici, on dort mal ». « On est nombreux, les
gens s'énervent, il y a des embrouilles ». « On n'est pas des bêtes ! ».
Les personnes accueillies citent cependant des points forts de l’UHU : globalement, un bon accueil ;
le soutien du personnel ; « avoir draps, savons, couvertures propres » ; l'entretien : nettoyage des
locaux, nettoyage des couvertures… ; la possibilité de demander à changer de chambre ; la salle TV et
la salle de détente en stabilisation ; le chenil. La localisation est jugée « correcte », « il y a la navette
du Samu Social et des bus ». « On entre 2 par 2, on nous donne un ticket avec toutes les
informations. »
Les améliorations récentes (Algeco, nouvelles douches, plantes, décoration…) sont jugées
insuffisantes au regard de l’ampleur des problèmes évoqués, et « les choses sont vite cassées ». Les
salariés expliquent que l’hiver, « il y a davantage de dégradations » (les chauffages, dans les Algeco),
« c’est dû à l’augmentation du nombre d’hébergés ». « On a amélioré les locaux, ils sont plus
accueillants, il y a davantage de respect depuis » ; mais « des locaux refaits ont quand même été
dégradés ». Dans les chambres des grands marginaux, « on a utilisé une peinture spéciale ». 4
chambres tests ont été ainsi traitées, « mais pas les autres, on attend l’argent pour le faire ». « On
hésite, on adapte les moyens, on cherche des trucs pour améliorer les conditions d’accueil ». Par
exemple, pour le papier toilette, les grands rouleaux sont volés, ou gâchés : « grillager les
distributeurs ? On ne va pas donner feuilles par feuilles, c’est humiliant ».
La salle TV, selon les personnes hébergées, est « agréable, mais trop petite, trop peu de chaises » ; il
y a seulement 3 chaînes « et le plus souvent TF1 » ; la télévision est éteinte à 22 heures quel que soit
le programme : « on ne connait pas la fin d’un film », « on ne voit pas la fin d’un match de foot ! ». En
outre, « les femmes n’y vont jamais ».
Les avis diffèrent sur la qualité de la nourriture : pour certains correcte, pour d’autres, pas
satisfaisante. Par contre, il y a consensus sur le manque de diversité : « des saucisses de dinde à
plusieurs repas », « jamais de porc ». Le repas n’est peut-être pas suffisant pour les hommes jeunes
qui sont dans la rue et dont c’est parfois le seul repas de la journée. Le problème de cohabitation se
retrouve à table avec des personnes qui « sentent très mauvais », même si certains sont parfois
invités à manger dehors… Selon des salariés, la restauration pourrait « évoluer vers un self-service,
une cafétéria ».
À l’UHU, un service médical/infirmier est « indispensable » selon les partenaires, quelle qu’en soit la
forme, « vu l’état dans lequel arrivent les personnes » et les pathologies de la grande précarité. Il
faudrait « un référent sanitaire », une « vigilance médicale » assurée par « un médecin qui connaît
bien les publics », un pharmacien, un psychiatre. « On est tous malades ! », dit une personne
hébergée. « Il y a des gens qui sont morts dans nos bras », affirme un salarié. Sur la fiche d’accueil, il
n’y a pas d’informations médicales ; « en cas d’urgence, il faudrait pouvoir communiquer le code
d’accès au dossier médical à un médecin, aux pompiers ».
12
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
Des droits insuffisamment respectés
Des personnes accueillies expriment un sentiment, résigné, de devoir toujours attendre : « Faut
toujours faire la queue ! », attendre pour entrer, pour avoir accès au restaurant, pour la douche ou
les WC, pour la navette du SAMU social, pour des papiers…
Les locaux ne sont pas adaptés ni respectueux de la dignité et de l’intimité de chacun. Les personnes
accueillies dénoncent la promiscuité (les chambres qui peuvent regrouper, en lits superposés, jusqu’à
10 personnes en période hivernale, le manque d'intimité, les tensions, les agressions qui en
résultent) ; le manque d'isolation phonique ; une grande insuffisance au niveau des sanitaires, pas
assez nombreux (« 12 douches pour 300 personnes ») et jamais tous en état de marche, salis par les
personnes accueillies et pas nettoyés dans la soirée et la nuit (« c'est dégradant ») ; le sas d’entrée,
où un grand nombre de personnes doit attendre avant de se faire enregistrer et attribuer un lit au
sein de la structure. Pour le moment, seules quelques personnes hébergées en stabilisation ont la clé
de leur chambre, ainsi que les occupants de la chambre « 115 ». Des raisons de sécurité sont
avancées par des salariés pour expliquer la remise, ou non, des clés (personnes malades ou âgées qui
risqueraient de s’enfermer et que l’on ne pourrait secourir en cas de besoin).
Les femmes regrettent de ne pas disposer d'une structure qui leur soit propre ; elles se sentent
particulièrement menacées dans leur intimité par la présence, massive, des hommes sur le même
site : « on est 25 à 30 pour 300 hommes, donc considérées comme des bêtes curieuses ». Elles ne
fréquentent pas la salle TV, et se réfugient dans leur chambre à 16h30. Elles apprécient de bénéficier
du privilège, avec une des équipes d'accueil, de pouvoir entrer les premières dans la structure,
parfois même un peu avant 16h30, ou de pouvoir s'installer au restaurant avant les hommes. Elles
disent mal supporter de devoir « manger à côté de personnes qui ne se lavent pas ». Elles soulignent
l'existence d'une bibliothèque, d'un vestiaire, ainsi que la venue d'apprentis coiffeurs tous les 15
jours. Elles apprécient de « pouvoir se confier » aux salariées femmes, et de « trouver une oreille
attentive ». Mais, ajoutent des salariés, « cela manque de femmes à l’accueil (des femmes qui ont le
cœur bien accroché) », « le rapport des hébergés ne serait pas le même avec des femmes », « cela
réduirait peut-être les agressions contre les femmes hébergées ».
Le livret d’accueil, « on ne voit pas de quoi il s’agit », disent des personnes accueillies. « Ça serait
bien d'avoir des informations à l'arrivée pour se repérer ». Le règlement est affiché, et rédigé en
arabe aussi, ce qui est jugé positivement, mais il y a des gens qui ne savent pas lire. Il faudrait
expliquer oralement les règles, systématiquement, « on pourrait être mieux informé ». Il n’y a pas de
réunions d’hébergés, sauf ponctuellement : « ce serait bien ». En fait, des outils existent (livret
d’accueil, enquête de satisfaction…). Le règlement de fonctionnement est titré règlement intérieur ;
très détaillé, il comporte des dispositions qui ne sont pas respectées (douche obligatoire, par
exemple) et des imprécisions (signalement éventuel du harcèlement sexuel, droit d’expression limité
à l’accès au dossier individuel). La démarche d’humanisation mise en place du temps de l’AICS est
présentée dans plusieurs documents.
Selon des salariés, l’UHU accueille « des gens qui ont perdu tout repère », elle « subit des exodes de
personnes qui ne sont pas éduquées ». Mais si le règlement était trop strict, « on mettrait trop de
personnes dehors » (« tous ceux qui ne voudraient pas respecter les règles »). « C’est un microcosme,
il faut un minimum de règles », « si tout le monde fait ce qu’il veut… ». Le manque de personnel « est
un vrai problème ». Il faudrait « que ce soit plus structuré ». Forbin n’est « pas aussi souple qu’ici, et
les gens doivent payer (0.50 €) », du coup, les gens « vont au plus facile ». « Établir des règles » : visDiagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
13
à-vis des sans-papiers, de l’alcool, des animaux… L’UHU est la seule structure qui offre un chenil,
« mais il faut être très présent pour que les maîtres s’occupent de leurs chiens ».
« On a très mauvaise réputation ; à une époque, il y avait des salariés qui bastonnaient, qui
rackettaient, expulsaient ; ces personnels ont été virés ou sont partis au fur et à mesure. » Il y a eu à
l’UHU des salariés qui entretenaient « des relations sexuelles avec des hébergés », poursuivent
d’autres salariés, « des problèmes de maltraitance ». « Faire preuve d’autorité est nécessaire,
mais... ». Selon l’avis de partenaires, des personnes sont exclues de l’UHU « sans motif expliqué » ;
leurs plaintes ne seraient pas écoutées, « il n’y a pas de procédure pour se plaindre » même en cas
d’agression par un autre hébergé. « Des personnes accueillies disent avoir peur de représailles si elles
se plaignent ». À l’inverse, sont signalés des attitudes de « copinage », un « manque de distance »
avec les hébergés.
Il faudrait « mettre en place des procédures car selon les chefs d’équipe, les consignes ne sont pas les
mêmes » ; « ça peut être dangereux si les consignes ne sont pas appliquées dans le même sens » ; il
faut « appliquer le règlement ». En matière de sanction, « les chefs d’équipe ont tout pouvoir (ce
n’est pas une critique) pour décider, exclure, interdire d’entrer ». Il faudrait tenir compte « de la
gravité des fautes », « chacun a son interprétation, et tient compte ou pas des situations
individuelles ». Une formation collective sur la violence « aiderait les salariés par rapport à ces
situations de conflit ». Aujourd’hui, il y a « davantage de tolérance », dit un salarié. Les personnes
hébergées doivent avoir quitté la chambre avant 9h, mais certaines restent dans les chambres,
« elles trichent ».
Le règlement doit être expliqué aux nouveaux arrivants, « mais ce n’est pas toujours fait » et il y a
des gens qui ne parlent pas français, « des clandestins qui ne parlent pas la langue ». Le règlement
« a été imposé aux salariés et aux hébergés ». Pour les personnes accueillies, le règlement est trop
strict et son application trop soumise à l’appréciation de chaque salarié : « Dommage qu'on n'ait plus
le droit de sortir à 16h30, sauf pour aller chercher des clopes à un agent d'accueil! », « On n'est pas
en prison, on pourrait être plus souple sur les horaires », « On laisse entrer des personnes défoncées
alors qu'elles ont été vues avec de l'alcool, et d'autres sont virées », « On laisse des personnes
apporter de la nourriture dans les chambres », « Il faudrait interdire de fumer des pétards dans les
chambres ». S’y ajoute le sentiment de ne pas être respecté par certains personnels, même si
globalement l’accueil est jugé bon.
La faiblesse de l’accompagnement et de l’orientation des personnes
Les nouveaux « doivent voir l’assistante sociale », et si ce n’est pas possible « ils vont à l’accueil de
jour Marceau » ou à Édouard Toulouse. En 2010, 234 personnes ont été reçues par le service social
de l’UHU après renseignement du questionnaire prévu, soit 6,5% des personnes ayant fréquenté
l’UHU. Parmi ces 234 personnes, figuraient 183 primo-arrivants, soit 8,6% des personnes
nouvellement hébergées à La Madrague. En outre, 144 personnes ont été reçues en entretien social
sans questionnaire, ce qui porte à 378 le nombre de personnes hébergées ayant eu un entretien,
dont 221 ont eu un seul entretien. Ces chiffres, qui peuvent sembler faibles, s’expliquent en partie
par le licenciement économique de deux des trois membres du service social durant l’été 2010 par le
précédent gestionnaire. « On nous a bassinés avec ici, c’est pas un CHRS, on s’est caché derrière
l’urgence : pas d’accompagnement, pas de superflu », dit un salarié ; « les salariés sont davantage
portés vers la surveillance que vers le social ».
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
14
Les personnes accueillies, les salariés et les partenaires regrettent l’absence de travailleurs sociaux :
depuis, les accueils de jour sont très sollicités par les personnes directement, ou par les équipes de
rue, pour ouvrir les droits à l’AME, faire des domiciliations. « Quand il y a des travailleurs sociaux, la
tension baisse, la confiance augmente chez les salariés », explique le directeur. L’embauche récente
de travailleurs sociaux à l’UHU ne semble pas connue de tous les partenaires. Le nouveau service
social de l’UHU est en train de rédiger son projet de service. Son fonctionnement et ses horaires
recherchent la meilleure adaptation aux attentes et aux besoins des personnes.
Les personnes accueillies sont en attente d’un accompagnement plus approfondi, avec une équipe de
professionnels plus étoffée. « Ici, la tradition, c’était plutôt l’assistance : il faudrait davantage faire
avec les gens, et non faire à leur place. Et ça prend du temps ! Mais, sinon, ils risquent de ne plus rien
faire, d’être complètement assistés. On est coupés du monde, dépendants, toujours à devoir
demander pour téléphoner, pour une démarche ». « Un genre de tuteur, quelqu’un qui nous explique,
qui nous accompagne jusqu’au bout de notre projet ». « Qu’on nous explique ce que nous on doit
faire et ce que, eux, ils font. Il y a un certain nombre de choses qu’on peut faire nous-mêmes. Pour ça
il faudrait plus de communication, plus d’explications ». Plusieurs partenaires (Jane Pannier, l’ASMAJ,
l’ANEF…) tiennent des permanences régulières à l’UHU pour faciliter l’accès aux droits et informer les
personnes des possibilités d’hébergement ou de logement. La complémentarité avec l’intervention
du Samu Social et la participation de l’UHU à la veille sociale départementale ont également
contribué à structurer l’accompagnement des personnes.
Pour des partenaires, il « est difficile de positionner un service social dans un accueil d’urgence, car
l’évaluation et le suivi de la situation des personnes pourraient être faits ailleurs ». « Tous les services
orienteurs peuvent poser un diagnostic. Ils peuvent aussi le faire avec les travailleurs sociaux de
l’UHU », ajoute un partenaire. Pour les salariés, « des personnes sortent, et après on les voit revenir »,
il y a « un manque de suivi extérieur ». Le SIAO et le travail en réseau pourraient aider, mais « je suis
pessimiste » quant à ce fonctionnement. Il faudra « faire un diagnostic fin, avoir une bonne
connaissance des personnes ». Il y a « beaucoup de refus de placements en EHPAD, en FTM ». Le
personnel « s’épuise au téléphone avec des partenaires pour trouver des solutions ». Ces situations
devront être signalées au SIAO.
À l’UHU, sont hébergées des personnes très marginalisées qui sont là depuis longtemps, « depuis 20
ans » ; d’après les partenaires rencontrés, « elles ont du mal à aller ailleurs » : « ici, on en prend
soin », « la tolérance de l’UHU fait que les gens restent là », « il y a des gens qui ne pourraient être
nulle part ailleurs qu’à l’UHU ». Selon eux, il faudrait agir contre cet « effet d’installation », qui est
aussi un « enfermement ». « Il faut ouvrir, que les gens puissent sortir ». Le travail social a une
fonction « d’activation » : à l’UHU, « en l’absence de dimension contractuelle, les gens se
désactivent ». Quand les gens sont hébergés à l’UHU, « on les perd ».
De l’avis général, des personnes qui continuent à fréquenter l’UHU devraient être en maison de
retraite, d’autres relèvent de services de psychiatrie « où la personne ne pourrait pas s’échapper » ;
ici, « elle n’est pas tranquille », elle a besoin de soins. Il n’y a pas assez d’orientation vers les LHSS,
qui sont pourtant « en première ligne » pour la santé des personnes en grande difficulté. Les
statistiques 2010 du service social font état de 71 personnes « sorties – fin d’accompagnement »,
dont 17 orientées vers une autre structure d’hébergement d’urgence, 8 en CHRS, 3 en centre de
stabilisation, 2 en maison de retraite et 1 en résidence sociale. Pour une partie des personnes, la
situation n’a pas évolué : retour à la rue (2), exclusion de l’UHU (1), arrêt de prise en charge (4), ou la
destination est inconnue (11).
« Il n’y a pas de places, il faut attendre un ou deux ans ». « Le problème numéro 1, c’est qu’ici ils ne
payent rien ; en maison de retraite, ils devraient payer (certaines personnes hébergées ont des
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
15
revenus (RSA, retraite…) », expliquent des salariés. En fait, l’impossibilité d’orienter certaines
personnes serait due à plusieurs facteurs :
- leur statut administratif (absence ou perte de papiers, entrée irrégulière sur le territoire,
détenteurs d’une carte de séjour délivrée par un autre pays européen, « touristes ») ;
- leur âge et/ou leur absence de ressources financières ;
- leur refus de payer une participation à des frais d’hébergement en structures spécialisées
(maison de retraite, maison relais voire CHRS) ;
- leur état de santé physique ou psychique ;
- leur rejet de règlements jugés trop contraignants.
Il faudrait ajouter à cette liste, selon un partenaire, « l’absence de logements très sociaux
compatibles avec les faibles ressources des personnes », et, pour certaines, « le manque de savoir
habiter, qui demanderait un accompagnement dans le logement ».
Les femmes hébergées à l’UHU « ne croient pas qu’elles pourraient avoir une place en CHRS ».
Cependant, il y a deux ans, l’UHU était en travaux et des femmes ont été orientées vers d’autres
structures, « et ça a marché pour certaines : les personnes ont un potentiel qu’on n’imagine pas »,
souligne un directeur de CHRS. L’hétérogénéité des publics rend complexe la possibilité d’apporter
des réponses adaptées. Mais « l’expérience du Hameau montre que c’est possible ».
Un manque de cohésion et de cohérence entre les équipes
Plusieurs salariés ont sollicité individuellement le consultant, en-dehors des réunions, pour faire état
de « l’existence de clans » au sein du personnel, de « favoritisme », « d’arrangements », signaler que
des salariés « ne respectent pas les personnes accueillies », ou encore se plaindre de certains qui
prendraient plus de pouvoir qu’ils ne le devraient, ou de cadres qui ne seraient pas assez impliqués.
Des salaires inégaux, des fiches de poste différentes, génèrent des jalousies. Lors des réunions et des
entretiens avec les salariés, certains de ces points ont également été abordés, témoignant d’un
malaise qui semble remonter à loin.
De l’avis d’un partenaire, les premières embauches n’ont pas été assez réfléchies. « À un moment, dit
un salarié, ici les salariés étaient en autogestion, sans direction présente, ils se sont autoproclamés
responsables. Cela n’existe plus, mais il reste peut-être des gens qui ont connu cette situation. » « En
l’absence de la direction, des salariés essaient de tricher ». « Les membres d‘une équipe se couvrent
les uns les autres ; ils veulent garder leurs habitudes », « des salariés ne reconnaissent pas l’autorité
du directeur adjoint ». À l’arrivée du directeur, « c’était une zone de non-droit ». « Au fur et à mesure,
il y a eu une remise en ordre. Ça s’estompe ». « Les directions sont allées au bout des choses, en
respectant les procédures ». Cette attitude « indépendantiste » s’est aussi traduite par l’idée que
« nous, les salariés, on essayait de résoudre les problèmes des hébergés sans trop tenir compte des
directives du gestionnaire si on les jugeait inhumaines. » D’autres salariés insistent sur le fait que
« tous les 5 ans, on change de gestionnaire », « un éternel recommencement », il y a besoin de
« continuité d’un centre ».
« Il y a beaucoup de choses à changer », « il faut reprendre tout à zéro : les conditions d’accueil et
d’hébergement, l’attitude du personnel envers les hébergés ». « Certains n’en ont rien à faire des
SDF », affirment des salariés. Dans toute la structure, hébergés et salariés, il y a « deux clans : ceux
qui respectent le règlement, et ceux qui font ce qu’ils veulent », disent d’autres salariés. Il faut « une
réorganisation complète »
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
16
Il y a « un manque de cohésion entre les équipes ». Les tables et les plateaux ne sont pas toujours
lavés, « c’est un manque de respect pour le personnel et pour les hébergés », disent des salariés. Il
existe des procédures, « mais chacun fait comme il veut ou ce qu’il peut ». Selon les équipes, « les
consignes sont respectées ou pas, les messages passent ou pas » ; « on s’adresse au directeur pour
être sûr que ça passe ».
Il n’y a « pas de liaison, pas de communication » entre les équipes : par exemple, en cas d’exclusion
d’un hébergé. Il y a des « inégalités de traitement », « chaque chef d’équipe fait à sa façon »,
« chaque équipe aborde l’accueil à sa manière ». « Il faudrait que les deux équipes travaillent
ensemble ». Aujourd’hui, « la présence de la direction le week-end fait un peu de lien ». Pour favoriser
les liaisons entre équipes, « avant, on était à cheval sur la période 23h/minuit ». Il y a une main
courante sur laquelle inscrire les informations, « mais elle court vachement vite », « on n’a pas le
temps ». « Il n’y a pas de notes de services, les informations sont données oralement, et donc ceux qui
étaient absents… ».
« En l’absence de service général, on monte au directeur ». « Le directeur est dérangé toutes les 2
minutes », « les gens vont voir le directeur sans passer par le chef d’équipe ». L’UHU a « un bon
directeur, mais très mal entouré » ; « le directeur est respecté par la majorité des salariés », « il ne
nous a pas abandonnés entre juillet 2010 et mars 2011 ». « Il faudrait donner plus de responsabilités
aux chefs d’équipe : pouvoir autoriser une absence, gérer son équipe, avoir les clés, prendre une
décision en l’absence du directeur… » (une fiche de poste existe et prévoit ces délégations). Le bureau
des chefs d’équipe est « grand comme une table » : souhait de disposer de deux bureaux, un pour les
chefs d’équipe d’après-midi, l’autre pour ceux de nuit.
Des personnes en stabilisation évoquent des circuits de décision peu identifiés ; non sans humour,
elles décrivent la manière dont un dysfonctionnement qu’elles veulent signaler est pris en compte :
le circuit semble long… « on s’adresse à celui qui passe, qui transmet au chef d’équipe qui transmet
à… et ainsi de suite… » et leur impression est que les décisions se prennent trop lentement.
Des salariés fatigués, des conditions de travail pénibles
Aujourd’hui, l’équipe d’entretien comprend 6 personnes au lieu de 4 ; « elle a été renforcée par 2
agents d’accueil volontaires ». L’équipe travaille de 7h à 14h. Quand elle prend son service, il reste
« environ 30% des hébergés ». Des locaux collectifs peuvent être nettoyés (salle TV, salle du
personnel…), puis les chambres. Les personnes en stabilisation utilisent les locaux « toute la journée ;
cela ne gêne pas dans l’absolu, mais ça se salit vite ». Il faudrait que « les équipes d’accueil contrôlent
davantage : entrées dans l’hébergement avec des plateaux repas, cendriers, alcool, sacs… ».
Des photos ont été prises « pour témoigner de la dureté du travail ». « C’est la seule équipe qui fasse
un travail quantifiable », un « travail physique ». « On aménage les tâches de chacun pour tenir
compte de la pénibilité ». L’équipe se réfère « aux normes des produits hospitaliers », mais en ce
moment « on a tous le même produit » (pH 7). Pour la « remise en état, il en faut trois ». « On
manque de microfibres, de lingettes, du matériel n’est pas conforme » : il y a sur ce point un
désaccord entre les salariés sur les fournitures mises à disposition du personnel. Le matériel est
distribué une fois par semaine, « pour la responsabilisation de chaque salarié » quant à sa gestion.
Faut-il envisager « une astreinte d’entretien », comme dans les lieux recevant beaucoup de public ?
À l’UHU, « avec 300 personnes qui vont 3 fois aux toilettes, ça équivaut à 900 passages en 3 cycles ».
« On nettoie, et on renettoie quand c’est sale ». « L’équipe de nuit devrait faire un nettoyage au
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
17
moment de sa prise de poste ». Si on augmente le nombre de toilettes, « on augmente les problèmes
d’entretien », eu égard « au comportement des personnes hébergées ». « Certains marginaux ont le
pouvoir d’exister en détruisant quelque chose, ils laissent des traces, c’est comme une revendication
d’existence ». Pour nettoyer les excréments dans les douches, l’équipe utilisait un tuyau d’arrosage.
Mais « les murs seraient pleins d’eau à cause de cela (alors qu’ils sont carrelés) et on ramasse les
excréments à la main puis on lave au seau d’eau ». Cela génère de la fatigue « et une faible
efficacité ». Les infiltrations proviendraient de l’absence de drainage du terrain lors de la
construction des Algeco ; il y a de « l’eau stagnante dans le vide sanitaire, d’où les moustiques ».
« On a vécu une période très dure », durant laquelle « personne ne s’est mis en arrêt maladie, le
personnel a acheté lui-même des produits d’entretien ». « Notre but, c’est de rendre service aux
gens ; il faut pour cela un minimum d’effectifs, de moyens, de produits ». L’hypothèse de
l’externalisation du ménage a été étudiée, mais « le coût est très élevé ». D’autres salariés disent que
si on veut l’accueil inconditionnel, il faut « améliorer les conditions de travail ».
Pour les personnels des équipes d’après-midi, depuis l’AICS, il y a eu « une réduction du personnel ».
Avant, il y avait 22 personnes (dont des CDD et des CES), aujourd’hui « maximum 8, parfois 7 ou 6,
selon maladie ou absence de collègues ». Selon les équipes, manque d’effectif : « 8 postes
théoriques, dont le chef d’équipe et le responsable de cuisine ». Les membres des équipes n’ont « pas
les mêmes fiches de poste » : il y a « des agents de service, des surveillants, des référents d’accueil ».
« C’est injuste », « à la tête du client », il faut « remettre à plat ». Un salarié demande ce qui est
prévu dans le cahier des charges : quel ratio de personnel par rapport au nombre d’hébergés ?
Le travail est différent au portail, à l’accueil, en cuisine. Certains postes sont plus difficiles. Il faut
« faire du social et faire de la répression », « on surveille des personnes qui ont des problèmes
(psychiatriques) », « notre travail est ambigu », il faut « faire respecter les règles ». « Il y a des
problèmes de sécurité » : « on désamorce des situations difficiles tous les jours ». Les jeunes « nous
considèrent comme des matons ». Les personnels n’ont pas reçu de formation, et acquis de
l’expérience « sur le tas, dans le temps ». « C’est usant ». « L’hiver a été dur ». Il y a eu des agressions
à l’arme blanche et parfois l’introduction d’armes à feu. Devant les agressions, « aucune cellule
psychologique, c’est pas comme à la RTM », « pas de remerciements », « pas de reconnaissance ». La
structure « génère la violence », car elle est « concentrationnaire ».
Les équipes de nuit déplorent également le manque d’effectif. « On a allongé la durée du travail, on
a ajouté du travail, et on a réduit les effectifs » « Il y 6 postes de prévus, mais nous sommes 4, ou 3
quand un collègue est en congés ». « Au réfectoire, un seul salarié ». « On n’arrive pas à prendre les
congés trimestriels ». Des salariés expriment « une grande fatigue physique et morale ». « Si c’est
calme, c’est le fruit de notre travail ». « On fait l’éducateur, le psychologue, le ménage… et la
surveillance ». Pour être disponibles auprès des personnes, « il faudrait être au minimum 8 ». Quand
on rentre chez soi, « il faut libérer toute la pression ».
Le Samu Social amène des personnes jusque vers 1h, puis la police ou les pompiers (environ 10
personnes l’été) : « on leur donne à manger et on les accompagne jusqu’à leur chambre ». « A Forbin,
ils les choisissent ; ici, c’est le dépôt, c’est la casse ». « Il faudrait venir passer 2 ou 3 après-midi de
suite et 2 ou 3 nuits à l’UHU avec l’équipe pour se rendre compte du boulot ». « Cette nuit, il y avait
plus de 220 personnes ». « On fait tout : hôte d’accueil, médiateur… ». Un salarié prépare le petit
déjeuner à partir de 5h30. 1 ou 2 tournent dans les bâtiments : « Où est la surveillance ? ». « Quand
on arrive à minuit, ça devrait être propre, et prêt, qu’on se concentre sur la surveillance ».
« On n’est pas reconnus » : « quand l’AICS a planté, tout le monde était là », « on a acheté les petits
déjeuners pour 300 personnes à l’épicerie du coin ». « On aime le travail qu’on fait », « on est félicités
par des hébergés ». Des salariés demandent si la FADS prévoit un poste de responsable des
18
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
ressources humaines, à qui « on puisse expliquer les difficultés ». Il faudrait une procédure de recours
« quand on n’est pas d’accord avec le directeur ».
Au réfectoire, « on est seul au milieu des hébergés » ; la machine à café « devrait être derrière une
banque, comme les autres machines » ; « on est vraiment exposés » depuis 5 ans. En outre, se pose
un problème d’hygiène, « si un gars éternue, il le fait sur toute la nourriture qui n’est pas protégée »,
« on stocke le pain là où on met les poubelles, au milieu des rats ». Il faudrait revoir comment c’est
organisé, aller vers un self-service ? Les personnes accueillies prennent leur petit-déjeuner dans le
réfectoire, ou sur les tables installées dehors. « Quand ils ont fini de manger, c’est le Kosovo ». Les
placards à produits de nettoyage « ont été supprimés » (ainsi que le local du personnel, « où on
pouvait se poser la nuit »). À la Madrague, « ils ont fait à l’envers ; jeté la vaisselle durable pour
prendre du jetable », de la vaisselle en plastique.
Les personnels n’ont pas de tenue de travail. « On salit nos tricots personnels ». Il y a « la gale, des
maladies ». Chaque jour, il faut laver tous ses vêtements. « Il faut qu’on soit en sécurité pour assurer
la sécurité des personnes accueillies. ». Même si « l’équipe est solidaire », « une des sécurités, c’est le
nombre effectif de salariés » : 5 la nuit, l’hiver, et 4 l’été. Il faudrait être deux pour régler les
problèmes d’agression. 10% seulement des personnes hébergées sont agressives : « il n’y en a pas
beaucoup parce qu’on les a exclues ». La police connaît la structure : quand on fait appel à elle, « elle
vient ou pas ».
Un problème lié aux horaires
« L’ancienne direction trouvait que les équipes ne faisaient rien de 8h à 10h et de 14h à 16h »,
rappellent des salariés. « Aujourd’hui, c’est un roulement normal, les équipes d’après-midi font de la
décontamination et du nettoyage complémentaire ». L’équipe de nuit prépare le petit déjeuner et
nettoie la cour et les poubelles. « Il a été demandé à ces équipes de contribuer à l’entretien, mais le
problème c’est leur absence de conviction » (et « il n’y a pas eu d’avenant de signé aux contrats »).
Les équipes d’après-midi travaillent 10 heures consécutives, de 14h à minuit. Avant, elles
commençaient à 16h. « On nous a demandé de faire du ménage ». En fait, explique un salarié, « c’est
une sanction » : pour pallier les jours de carence en cas d’arrêt maladie, « on a demandé aux équipes
de faire 3 vacations de plus par mois en venant à 16h » ; il y a eu désaccord et donc « on vient à 14h
et on fait le ménage ». Le directeur rappelle que cette décision du gestionnaire précédent a manqué
de préparation et d’accompagnement, malgré un essai de trois mois. Une prime avait été promise
aux agents qui ne s’absenteraient pas pour maladie ; quand l’expérimentation a été stoppée, certains
ont touché la prime et « cela a été ressenti comme une inégalité par d’autres ».
Les équipes de nuit travaillent elles aussi 10 heures consécutives, de minuit à 10h. Les personnes
hébergées partent au plus tard à 8h30. De 8h à 10h, l’équipe de nuit « fait du ménage ». « On cumule
les fonctions : surveillants de nuit et hôtes d’accueil, agents d’entretien ou de service ». Pendant une
dizaine d’années, leur travail prenait fin à 9h ; quand cela a été modifié, « on n’a pas eu trop le
choix ». Selon que l’on raisonne en horaires annualisés ou en horaires au mois, finir à 9h « tombe
juste » ou pas. Les horaires des chefs d’équipe ne sont pas alignés (décalage d’une demi-heure pour
faire la liaison avec l’équipe d’après-midi). « Plutôt que de travailler de minuit à 10h, il faudrait aller
vers un service de 23h à 9h ».
Dans l’hypothèse d’un resserrement des horaires, et donc d’une augmentation du nombre de
vacations, « le ménage pourrait être absorbé par l’équipe d’entretien ». « Il faut restructurer le
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
19
service de jour » (7h à 14h) : entretien, ménage, maintenance, « revoir les tâches réelles et l’utilité
des postes ». Pour les équipes d’après-midi, « plutôt que l’alternance petite semaine/grande
semaine, faire 3 jours de travail et 3 jours de repos, en commençant à 15h ou à 16h ». Autre
proposition : « puisqu’on est là à 14h, on pourrait ouvrir plus tôt ». Selon les décisions prises, il faudra
« annoncer les horaires réels d’ouverture dans le règlement ».
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
20
Deuxième partie
Sortir « par le haut » des problèmes de l’UHU
Saisir l’opportunité de changement et impliquer tous les acteurs
La reprise de l’UHU par la FADS s’est faite dans le cadre de la délégation de service public accordée
en 2008 pour une durée de 5 ans ; la FADS est donc gestionnaire de l’UHU jusqu’en 2013 selon un
avenant à cette convention. Les propositions émises lors du diagnostic sont rappelées ci-dessous et
assorties de préconisations formulées par le consultant ; certaines de ces préconisations visent à
introduire des améliorations à court terme, d’autres à préparer l’élaboration durant l’automne 2011
du projet d’établissement de l’UHU et, ce faisant, à envisager les chantiers et les transformations
nécessaires à moyen et long terme.
Lors d’une réunion du comité de pilotage, la Ville de Marseille et l’État ont réaffirmé leur intérêt
pour la démarche de changement lancée par la FADS. La Ville de Marseille « cautionne
complètement la démarche » et rappelle son attachement au partenariat et à la mutualisation, qui
permettent « la mise en ligne de moyens privés et publics » pour répondre aux problématiques des
personnes en grande précarité. « Dans la longue période agitée vécue par l’UHU, la Ville et l’État ont
fait beaucoup d’efforts. Les résultats du diagnostic permettront d’améliorer notre politique de
solidarité en direction des plus démunis ». La Ville adopte « une posture volontariste » et invite les
partenaires à « être ensemble autour du projet ». La DDCS (Direction départementale de la Cohésion
sociale) partage cette position ; la FADS « est un partenaire de poids, qui saura garder une distance
avec le contexte local ».
Pour les réseaux associatifs, « il ne faut pas s’empêcher de penser ». La taille de la structure lui
donne « un impact sur l’ensemble du département », dont il faudra tenir compte. La FNARS et
l’URIOPSS, auxquelles l’UHU a demandé son adhésion, ont interpellé conjointement la Ville et l’État
par rapport aux conditions d’accueil des personnes à l’UHU. « Les réponses sont à rechercher en
termes d’ouverture, d’élargissement des partenariats ; il faudra envisager une meilleure inscription
de l’UHU dans le territoire ».
Les participants aux réunions de personnes accueillies ont quelques difficultés à s’autoriser à rêver :
les aménagements souhaités sont souvent « modestes », on constate un certain fatalisme… mais
aussi des espoirs d’amélioration, la Fondation de l’Armée du Salut étant considérée comme un
gestionnaire solide qui pourra mettre en œuvre des changements. Les participants ont souhaité être
associés à d’autres temps de réflexion organisés dans le cadre de l’élaboration du projet social. Trois
personnes hébergées en stabilisation ont accepté de participer au comité de pilotage. Les personnes
en stabilisation ont souhaité des « réunions régulières », comme celle destinée au diagnostic, « à
condition qu’elles débouchent sur des améliorations ».
Les salariés déclarent « attendre beaucoup » du nouveau gestionnaire, et se sont montrés intéressés
par la démarche participative de diagnostic qui correspond à « un besoin de parler ». Comme ils le
rappellent eux-mêmes, leur attitude positive pendant la crise de l’automne et de l’hiver derniers,
alors qu’ils n’étaient plus payés, montre « leur attachement à l’UHU ». « Le moment est favorable » si
« tout le monde fait un effort ». Des salariés ont exprimé leur envie de « recentrer le travail sur les
problèmes des hébergés », qui sont « la raison d’être » de la structure. Les associer à la relance du
projet de l’UHU, c’est aussi reconnaître leur contribution à son bon fonctionnement.
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
21
Préconisations
 Poursuivre la démarche participative engagée pour la réalisation du diagnostic avec les
personnes accueillies, les salariés et les partenaires opérationnels.
 Pérenniser le comité de pilotage et lui donner une fonction de suivi des changements
apportés à l’organisation et au fonctionnement de l’UHU.
 Rencontrer régulièrement les partenaires institutionnels pour sécuriser le budget de l’UHU,
étudier le financement et faciliter la mise en place des projets d’humanisation et
d’amélioration.
Réaliser le projet d’humanisation des locaux
« Il faut faire de l’UHU un lieu de vie », demande une personne accueillie. Un projet d’humanisation
est en cours. Il sera financé à hauteur de 2 millions d’euros et portera « sur la réduction du nombre
de lits dans les chambres, l’alimentation et la présence d’infirmières ». « On va repartir sur des bases
saines », « aller vers des changements de structures », « pas à l’économie » : la Ville de Marseille a
assuré le comité de pilotage de « sa détermination politique » et de « son engagement durable ».
À court terme, le projet d’amélioration des conditions d’accueil (en attente d’une réponse positive de
l’ANAH) se traduira par la rénovation des locaux collectifs et le passage à des chambres de 4
personnes. Cette avancée « ne correspond cependant pas aux critères d’humanisation (application
des normes du logement-foyer), qui auraient trop réduit la capacité d’accueil ». À moyen terme, pour
la Ville, le projet est de « réaliser un hébergement moderne répondant aux critères d’humanisation »
et de penser à des « unités de vie » ou à d’autres formes d’hébergement ailleurs et en parallèle,
notamment pour les femmes et pour les jeunes.
« L’État ne rêve pas trop, mais accompagnera le plan d’humanisation », a déclaré la DDCS. Le projet
social et « l’humanisation du fonctionnement » devront accompagner le projet d’humanisation des
locaux (cf. circulaire du 16 juillet 2010) ; « il faut accepter de perdre des places pour que les gens
soient mieux accueillis et sortent de la chronicisation ». Pour compenser cette diminution, des places
pourraient être installées dans une ancienne école : « en période hivernale afin de rétablir la
capacité d’accueil et/ou pour accueillir le public jeunes qui n’est pas celui de l’UHU ».
Parmi les salariés, la réduction de places sur le site de La Madrague est souhaitée. Il faudrait « aller
vers des petites structures », pour améliorer la sécurité et pour davantage de dignité. Pour humaniser
l’UHU, il faut « diminuer la capacité de cent places, spécifier l’urgence, faire une branche pour les
grands marginaux », « faire un staff central et les services autour, un directeur avec des sousdirecteurs ». D’autres ajoutent que le projet d’humanisation, « c’est le même plan depuis 7 ans »,
« c’est politique » : « où est la vérité ? ». Des salariés s’inquiètent : « Et la pérennité du centre
d’hébergement ? » « Si on transforme en petites unités, garder le personnel, même si ça coûte plus
cher ».
Les avis des acteurs sont partagés sur l’opportunité « pour refaire l’UHU ailleurs », ou la menace,
résultant de l’implantation de l’UHU dans le périmètre du programme urbain Euroméditerranée. De
ce fait, « ils vont pas nous refaire l’UHU », ou « une rénovation minimum », selon des salariés.
Marseille 2013 est aussi vécu comme un risque potentiel : « on va nous amener tous les clochards de
la Canebière » qui, d’habitude, ne vont pas à l’UHU, car « il y a un règlement : il ne faut pas boire ».
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
22
Pour les partenaires, il ne faut pas réfléchir à la structure sans les personnes accueillies : « elles sont
en capacité de se prononcer sur les conditions d’accueil qu’elles souhaitent ». Il faut envisager
« d’autres façons d’héberger, pas autant de personnes concentrées », des structures d’accueil
d’urgence dédiées aux femmes victimes de violence, « des chambres réservées aux jeunes ». « Avec
deux structures de 100 places chacune, on peut faire mieux qu’avec une structure de 300 places ».
Préconisations
 Vérifier la pertinence et la cohérence du projet prévu avec les attentes et les besoins des
personnes accueillies.
 Réaliser les travaux d’humanisation le plus rapidement possible.
 Lancer dès maintenant l’étude d’une ou plusieurs structures nouvelles et en monter le
dossier technique et financier.
Améliorer de façon continue les conditions d’accueil et d’hébergement
L’humanisation, dans l’immédiat, ce serait de « réparer les rideaux qui ne ferment pas, de remettre
des ampoules, de dératiser (rats dans le réfectoire, sous les Algeco, au chenil) », déclare un salarié.
Dans l’attente de la réalisation du plan d’humanisation, les premières mesures peuvent s’inspirer des
souhaits d’amélioration exprimés par les personnes accueillies :
• des conditions d’hébergement plus décentes : moins d’occupants dans chaque chambre, pas de
lits superposés, des placards fermés à clé dans les chambres pour pouvoir y laisser des affaires ;
• des sanitaires plus nombreux, en état de marche, nettoyés plus souvent, avec des
aménagements pratiques (crochets ou tablettes pour poser ses vêtements) ;
• une bagagerie pour ne pas être obligé de porter ses affaires sur son dos toute la journée ;
• une laverie pour pouvoir nettoyer les vêtements, avec « une petite participation de 1 ou 2 € » ;
• une cabine téléphonique ;
• des prises de courant pour recharger les téléphones mobiles ;
• une restauration offrant une plus grande diversité de plats équilibrés, davantage de brocs à eau,
des plats chauds, des portions plus importantes le soir, une collation pour les plus jeunes ;
• des fontaines à eau actionnées au pied et accessibles toute la journée ;
• des distributeurs de café plus abordables : « 50 centimes, c’est trop cher » ;
• un nettoyage plus fréquent de la structure (avis partagé par des salariés) ;
• plusieurs salles de détente ou d’activités : TV avec d’autres chaînes, accessible jusqu’à la fin d’un
programme (film, match) ; un lecteur DVD, des vidéos, une console de jeux, un babyfoot ; des
jeux de société et de cartes ; une salle de gym pour s'entretenir ; organiser des activités en
s'appuyant sur les compétences des personnes (potager, ateliers, activités artistiques,
créatives…) ; ouverture du salon « stabilisation » toute la journée ;
• des postes informatiques, surveillés, pour accéder à Internet, faire certaines démarches, jouer.
Des salariés et des partenaires ont également proposé des améliorations pouvant être mises en
œuvre rapidement :
• « une caisse noire, pour acheter des cigarettes, des rasoirs, aux hébergés qui n’ont pas de
ressources » ;
• l’intervention de bénévoles pour animer des temps de vie collective et de détente ;
• l’achat de vaisselle en dur ;
• l’attribution des lits en Algeco aux femmes et aux jeunes, afin de conserver le bâtiment en dur
pour les grands marginaux ;
• la poursuite d’un service médical et infirmier, rendu indispensable par la situation sanitaire des
personnes accueillies, avec la présence d’un « médecin social » qui connaisse le public ;
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
23
•
l’augmentation du nombre de travailleurs sociaux et la présence de psychologues.
Une partie de ces propositions figure également dans un « document sur la démarche qualité » pour
l’année 2011, élaboré par la direction de l’UHU et communiqué au consultant.
Outre l’aide matérielle et morale qu’il a apportée pendant la « crise » de l’hiver 2010-2011, le Samu
Social a déjà contribué à l’amélioration de l’accueil et se déclare prêt à poursuivre cette collaboration
(accompagnement physique y compris des personnes « mal en point que les pompiers ne veulent pas
prendre en charge », liaisons avec les équipes d’accueil « pour prévenir de l’arrivée de personnes et
de leur état »…). D’autres partenaires pourraient sans doute être sollicités.
Préconisations
 Constituer un groupe restreint mixte (personnes accueillies, salariés de l’UHU, partenaires
opérationnels) chargé d’étudier les améliorations prioritaires et de suivre les mises en
œuvre.
 Programmer ces améliorations en conciliant la nécessité de mieux accueillir et leur faisabilité
technique et financière.
 Étudier avec le Samu Social les améliorations pouvant être apportées à la dépose de
personnes, à leur attente et à leur accueil physique (sas, grilles…).
Rendre effectifs les droits des usagers
Le référentiel national des prestations du dispositif AHI (juillet 2010) rappelle que « le seul critère de
l’accueil est celui de la détresse sociale. Aucune exigence particulière ne peut être invoquée pour
contourner l’obligation générale d’accueil (…) l’aide sociale à l’hébergement ne requiert pas la
régularité du séjour sur le territoire. Tous les publics sans discrimination aucune doivent pouvoir être
informés, accueillis et orientés. » Il prévoit également que « les conditions d’accueil respectent les
libertés et garanties accordées à tous les citoyens : liberté d’aller et venir ; conditions matérielles
dignes et confortables ; droit à l’intimité et à un espace privé ; droit à la sécurité ; droit à une vie
familiale ».
Le référentiel national stipule aussi que « L’exigence d’un respect des règles de vie collective, à
condition que celles-ci fassent l’objet de règlements de fonctionnement transparents, publics,
discutés avec les personnes accueillies et validés par les pouvoirs publics, est partie intégrante du
maintien de la citoyenneté. Cette exigence implique en retour des moyens de médiation et de recours,
en cas de manquement de la part des personnes comme de la part des personnels. »
Les personnes accueillies ont demandé « davantage de professionnalisme » : une équipe mieux
coordonnée autour d'une application du règlement rigoureuse (« connaître le pourquoi des règles et
que ce soient les mêmes pour tout le monde ») et de valeurs communes : « un respect réciproque, un
peu plus de convivialité » mais « pas trop de familiarité », « aller vers les personnes », « attendre
avant d’entrer dans les chambres (stabilisation) » ; « une formation des personnels, qui n'ont pas été
formés au social ».
Les outils 2002-2 (règlement de fonctionnement, livret d’accueil, document individuel de prise en
charge, projet d’accompagnement personnalisé, CVS (conseil de la vie sociale), questionnaire de
satisfaction…) existent pour une part. Leur actualisation ou leur mise en place effective ont été
prévues dans le cadre du nouveau service social. Un travail important reste à mener pour rapprocher
le fonctionnement de l’UHU des références et critères définis dans le référentiel d’évaluation
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
24
élaboré par la FADS, dont la première visée est de « placer la personne accueillie au centre de son
action et de développer un environnement bientraitant ».
Préconisations
 Développer une culture de la bientraitance, des procédures de traitement des situations et
des pratiques respectueuses des personnes, en s’appuyant sur la réflexion du groupe
national « Éthique » et sur les actions d’autres établissements de la FADS.
 Porter systématiquement plainte en cas de maltraitance ou d’agression, quels qu’en soient
l’auteur et la victime, salarié ou personne accueillie.
 Définir un barème de sanctions appliquées de la même façon ; revoir la procédure de
sanction inscrite dans le règlement de fonctionnement.
 Rappeler l’article 13 du règlement intérieur des salariés qui définit le comportement attendu
envers les hébergés ; proposer si nécessaire aux personnels un temps de formation sur ces
relations.
 Mettre en conformité les modalités d’accueil et les conditions d’hébergement avec les
exigences du référentiel national des prestations.
 Rendre l’accueil inconditionnel et rendre effectif le principe de continuité.
 Modifier les procédures d’admission et d’accueil, et les fiches de poste des agents d’accueil
selon les décisions prises en matière d’inconditionnalité de l’accueil.
 Offrir aux personnes accueillies la possibilité de réserver pour la nuit suivante (sur une partie
des places) et de laisser des affaires à l’UHU.
 Réviser le règlement de fonctionnement pour y introduire les nouvelles dispositions et le
rendre plus explicatif.
 Associer les personnes accueillies à l’élaboration et à la réactualisation des outils 2002-2.
 Vérifier les procédures garantissant la confidentialité des informations personnelles et
médicales.
Rechercher les complémentarités, élargir les partenariats
De l’avis de partenaires, l’UHU s’est et a été marginalisée selon les périodes et les responsables
(gestionnaire, directeur) ; « elle est mise un peu à part », « elle a été créée à part ». Initiative du
maire de Marseille pour venir en aide aux gens à la rue, la structure ne s’est pas inscrite dès le début
dans le partenariat local. Le directeur actuel a cherché « à mettre l’UHU dans le dispositif ».
Après la rupture, le redémarrage. « Il faut regagner la confiance des partenaires », d’où « l’intérêt de
cette rencontre (la réunion de consultation) ». Le diagnostic de l’UHU est l’occasion de mener « un
travail de fond pour l’ensemble des structures ». Il y a un travail important à effectuer avec le SIAO, il
faut « intégrer l’UHU dans le dispositif du SIAO », « développer la complémentarité entre les
travailleurs sociaux de l’UHU et ceux du SIAO », « sans oublier le relais pris par les accueils de jour ».
Une fois que l’UHU « sera remise en ordre de marche », il serait utile que les accueils de nuit (Forbin
et l’UHU) se retrouvent pour « mettre en place des pratiques qui vont dans le même sens ». « Il faut
s’appuyer sur les partenaires de l’urgence », dit la DDCS.
Les partenaires proposent également de mobiliser l’ensemble des acteurs chargés de l’urgence
sociale sur l’accès aux droits comme vecteur de citoyenneté, via la tenue de permanences ; de
rechercher les complémentarités entre accueil d’urgence, accompagnement social (à partir du
diagnostic posé par les travailleurs sociaux de l’UHU) et accompagnement juridique (idem en
psychiatrie) ; de formaliser les partenariats avec les LHSS (Fontainieu et Jane Pannier).
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
25
L’accueil inconditionnel est un principe fort de l’action de la FADS, même si des contraintes peuvent
limiter cette inconditionnalité : « l’UHU sera un lieu le plus ouvert possible, à tout public en grande
difficulté ». Mettre en œuvre l’inconditionnalité est une responsabilité collective. « On aimerait que
l’UHU réponde à tous les problèmes, dit une directrice de CHRS ; il faut penser la continuité de la
prise en charge avec les partenaires, et donc inciter les personnes à sortir de l’urgence et de l’UHU ».
La Ville insiste sur la participation des communes qui orientent des personnes vers Marseille et l’UHU
à la recherche de réponses à l’urgence. Il y aurait également des liens à faire « entre publics relevant
du Conseil Général et publics relevant de l’État ».
Pour la DDCS, la continuité de la prise en charge à l’UHU 24 heures sur 24 n’est pas forcément utile
pour les grands marginaux, ni souhaitée par eux : « Face à l’errance, à l’urgence organisée, chacun
développe sa stratégie, SDF comme structures ». Il faudrait plutôt poursuivre et formaliser la
continuité assurée par plusieurs partenaires, comme cela est fait actuellement par l’UHU, le Samu
Social et des accueils de jour. Cela amènerait à considérer l’UHU comme « un lieu qui facilite la vie
pour les personnes en errance chronique ».
Préconisations
 Créer un groupe de travail avec les acteurs de l’urgence : 115, Samu Social, SIAO, Accueil
Saint-Jean-de-Dieu, accueils de jour, Service Plus…
 (Ré)inscrire l’UHU dans les dispositifs de veille sociale, dans le Plan départemental AHI et,
plus largement, dans les instances de consultation et d’élaboration des politiques publiques.
 Inviter les salariés de l’UHU à participer aux commissions thématiques de la FNARS et de
l’URIOPSS et aux rencontres d’échange et de réflexion qu’elles organisent.
 Formaliser les conventions avec les partenaires opérationnels : mise à disposition de moyens,
orientation et suivi des personnes.
 Poursuivre et étoffer les permanences tenues au sein de l’UHU par des partenaires (accès aux
droits, santé, hébergement et accès au logement, publics spécifiques : jeunes, femmes…).
Orienter les personnes vers des réponses adaptées
Selon la DDCS, « le SIAO peut créer du lien, donner de la visibilité sur le parcours des personnes ».
L’enjeu est de « créer de la fluidité » dans la suite du travail entrepris avec le SAHIB (présentation des
acteurs du schéma AHI des Bouches-du-Rhône : www.sahib.fr), outil de connaissances partagées des
dispositifs d’hébergement et de logement adapté. La réorientation des personnes « risque de se
heurter à la saturation du dispositif, qui génère des files d’attente car les durées de séjour en CHRS
s’allongent », reconnaît la DDCS, et l’horizon des maisons relais et résidences accueil « est saturé sur
le département ». Pour autant, la région PACA et les Bouches-du-Rhône « bénéficient d’une remise à
niveau de leurs crédits » et les logements programmés par le plan de relance devraient être livrés ces
prochaines années. Par ailleurs, « des gains sont possibles avec le SIAO, qui devrait mieux connaître
les situations ».
Les personnes accueillies sont en demande d’un accompagnement social plus approfondi et de
davantage de propositions d’orientation. Concernant les personnes en stabilisation, « il faut savoir
passer le relais », « voir du côté de l’expérimentation housing first menée par HAS ». En parallèle au
croisement des données, il faut donc « professionnaliser le service social de l’UHU », « créer du lien
et des réseaux avec les autres dispositifs » afin de « bénéficier de l’expérience et du professionnalisme
des autres structures », disent des partenaires et la DDCS. « Il manque un vrai chef de service social »,
auxquels seraient rattachés les personnels, y compris les agents d’accueil « qui pourraient entamer
une VAE ou suivre une formation complémentaire ».
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
26
Des salariés proposent par ailleurs de « dresser l’état des personnes qui sont là depuis x mois et qui
n’ont pas eu d’entretien ou qui ne sont pas sortis », « d’interroger les personnes qui ont dormi une
seule nuit à l’UHU pour connaître les raisons de leur refus d’y séjourner davantage », d’attendre trois
jours pour faire l’entretien d’orientation « puisque 50% des gens ne restent pas au-delà de cette
durée » (et que le nombre de primo-arrivants semble augmenter en mai 2011).
Préconisations
 Finaliser le projet du service social, puis le communiquer aux autres équipes de l’UHU et aux
partenaires externes.
 Se rapprocher du SIAO pour organiser le recueil des informations, ainsi que la transmission
des demandes et des propositions d’orientation.
 Orienter les personnes actuellement en stabilisation vers des réponses mieux adaptées à leur
situation, en coopération avec les partenaires concernés.
 Réaliser une étude des refus d’entrée (en lien avec Service Plus) et des exclusions pour en
comprendre les motifs.
 Rapprocher les équipes d’accueil du service social par des temps de travail en commun.
 Étudier la pertinence et la faisabilité de la création d’un poste de chef de service socioéducatif.
Réorganiser et professionnaliser les interventions
Le budget actuel de l’UHU est de 2,8 millions d’euros, apportés pour moitié par la Ville de Marseille
et pour moitié par l’État. Pour la DDCS, ce budget, rapporté au taux d’occupation moyen, place la
structure dans la fourchette haute des accueils d’urgence, avec plus de 10 000 € par place et par an,
à rapprocher du coût moyen à la place en CHRS qui était de 15 000 € en 2008 et a baissé depuis. Une
analyse plus fine de la structure des charges permettrait d’apprécier le niveau du groupe II (dépenses
afférentes au personnel). « Plus que d’un problème de budget, l’UHU souffre d’un problème
d’organisation ». Pour la DDCS, il faut « faire bouger les équipes », « supprimer le système d’arrêts
maladie et d’heures supplémentaires » mis à jour par l’audit effectué par le cabinet Deloitte avant la
reprise de l’UHU. À ce sujet, il y a « un risque d’épreuve de force » selon ce que va faire la Fondation,
dit un cadre ; pour le moment, « c’est l’attentisme ».
Durant les premiers mois de la nouvelle gestion, la FADS a dû traiter de multiples problèmes
administratifs, techniques et juridiques : contrats et horaires de travail, application de la convention
collective, relations avec les fournisseurs… Cette remise à plat de l’organisation doit être poursuivie
pour pallier également des dysfonctionnements apparus lors ou à l’issue de « la crise » : manque de
fournitures, types d’achats à privilégier, vérification des inventaires (plusieurs salariés ont évoqué
lors d’entretiens informels des problèmes, voire des soupçons de « surfacturations de fournisseurs,
des achats demandés mais non réalisés, des utilisations abusives »).
Dans la recherche d’une meilleure organisation, « il faut être prudent dans la comparaison entre des
structures qui marchent bien et l’UHU », explique un cadre. Ici, « il n’y a pas d’animation, pas assez
de travail social et une grande hétérogénéité des publics ». L’UHU s’est structurée progressivement :
il a d’abord fallu arrêter la violence qui était plus présente il y a dix ans : « le savoir-faire acquis par
l’équipe lui permet de prévenir et faire face », expliquent des salariés. « Si on accueille des personnes
dans la journée, refaire la formation sur la communication et la gestion de la violence » (formation
collective de 120 heures). Il faudrait « davantage de formations au management pour les chefs
d’équipe », « inscrire des formations collectives dans le plan de formation pour obliger entre
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
27
guillemets des salariés à suivre les formations indispensables à l’accueil des hébergés ». La FADS a
présenté début mai 2011 les possibilités de mobilité interne.
« Si on évolue dans la professionnalisation, il faut embaucher des femmes dans les équipes d’accueil
et de nuit », « les hommes (hébergés) auraient davantage de retenue devant des femmes (salariées)
en cas de conflit, ça apaiserait », « des femmes au sein des équipes de soirée pour accueillir,
expliquer, rassurer… convaincre les hébergés d’aller vers le service social, calmer l’agressivité », « ça
permettrait aux équipes d’être moins machos et d’accueillir mieux les femmes hébergées ».
Préconisations
 Analyser et comparer la structure des charges de fonctionnement de l’UHU au regard de la
masse salariale et des prestations délivrées aux personnes accueillies.
 Appliquer à l’UHU les procédures d’audit interne et de contrôle de gestion utilisées dans les
autres établissements de la Fondation.
 Rappeler et appliquer le règlement intérieur des salariés, qui prévoit notamment les
conditions dans lesquelles peuvent être effectuées des heures supplémentaires et le port
d’une tenue vestimentaire fournie par l’établissement en fonction des postes de travail.
 Rechercher une solution négociée pour la remise à plat des horaires des équipes d’accueil,
afin de réduire l’amplitude de travail et la fatigue générée.
 Mettre en conformité les fiches de poste et les procédures de travail des cadres et chefs
d’équipe avec le référentiel managérial de la FADS.
 S’appuyer sur les procédures de GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences) pour encourager la professionnalisation, la formation et la mobilité des
personnels.
 Animer une réunion régulière des chefs d’équipe et de la direction afin d’améliorer les
liaisons entre équipes et de renforcer la complémentarité des interventions.
 Revoir les procédures de travail existantes avec les salariés concernés.
Élaborer et évaluer le projet d’établissement
L’élaboration du projet d’établissement permettrait de faire la synthèse des projets et actions
décrits dans les points précédents, et de diffuser au sein de l’UHU les principes et les missions du
service social.
Cela fournira l’occasion de faire entrer l’UHU dans la logique du référentiel national des prestations
du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion, qui « propose une vision harmonisée de
l’ensemble des actions menées dans le dispositif (…) en retenant une approche centrée sur la réponse
aux besoins de prise en charge des personnes sans-abri ou mal-logées » (circulaire du 16 juillet
2010). Le projet d’établissement de l’UHU expliquera quelles sont les prestations rendues et à
quelle(s) catégories(s) de personnes : alimenter, mettre à l’abri et/ou offrir un « chez soi », évaluer et
proposer / orienter…, en dépassant les anciennes appellations d’urgence ou de stabilisation.
Préconisations
 Élaborer le projet d’établissement de l’UHU avec des groupes thématiques, composés de
salariés, de personnes accueillies et de partenaires.
 Suivre les recommandations de bonnes pratiques professionnelles édictées par l’ANESM,
notamment celles concernant le projet d’établissement ; la conciliation de la vie en
collectivité et de la personnalisation de l’accueil ; l’ouverture à et sur l’environnement.
 Réaliser l’évaluation interne en 2013, avant le terme de la délégation de service public.
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
28
Diagnostic participatif UHU La Madrague, Marseille – Rapport de synthèse – 16 juin 2011
Thierry Delahaye – Panama Conseil pour la Fondation de l’Armée du Salut
29