Menges Marie-Claire - CRISES
Transcription
Menges Marie-Claire - CRISES
1 MENGES Marie-Claire (1870 - ?) 1) Le témoin : Marie-Claire Mengès, née Marie-Claire Joséphine Henriette Duby, voit le jour le 14 Avril 1870 à Lapoutroie un petit village d’Alsace situé actuellement dans le département du Haut-Rhin. Quelques mois après sa naissance se déroule la bataille de Sedan, l’épisode décisif de la guerre franco-prussienne de 1870-1871, qui voit les troupes du Royaume de Prusse triompher de l’armée de Napoléon III. L’Alsace passe alors à la Prusse. Elle va à l’école où elle apprend le Français, son journal est d’ailleurs rédigé sur ses cahier d’écolière et avec une plume dite Sergent-major, typique des écoles françaises du temps. Malgré les efforts des occupants d’imposer leur langue en Alsace elle ne parle pas bien l’Allemand ou même l’Alsacien. Elle épouse Eugene-Gervais Mengès le 29 Aout 1896 et tout deux doivent germaniser leurs noms sous peine de déportation. Ils deviennent à partir de là Marie-Clara et Eugene-Gervasius Mengès. Lorsque la guerre de 1914-1918 éclate donc Marie-Claire Mengès est une femme de 44 ans ayant toujours habité dans une Alsace sous domination Prussienne. Son mari et elle ont quitté Lapoutroie, renommée Schnierlach par les Allemands, pour habiter à Mulhouse, une ville située dans le Rhin supérieur à une demie journée du village natal de l’auteure et qui est au centre des combats du front d’Alsace. Elle vit une vie de citadine normale : elle peut se permettre de déménager en ville et même d’envoyer un de ses enfants à Paris en 1919. Elle porte au monde une fille, Henriette Mengès morte une année après la guerre, et un fils Paul Mengès qui lui-même a un enfant, Jean-Paul Mengès qui hérite du journal de Marie et le publie en 2013. Son mari meurt en 1919 ; celons l’hôpital de Rouffach il décède de « mélancolie » suite à la mort affreuse de sa fille Henriette, brulée vive dans un accident à Paris 2) Le témoignage : Marie-Claire Mengès tient un journal intime à partir du 28 Juin jusqu’au 17 Novembre 1918. Avec l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand elle pressent être « à la veille de grands événements» ce qui la pousse à écrire. 2 Elle marque dans sa première page en guise d’intitulé, Guerre de 1914. Elle rajoute ce titre après la mobilisation du 2 aout. L’auteure revient d’ailleurs plusieurs fois sur ses écrits pour rajouter des détails ou corriger certains points, comme le prouvent clairement les premières pages de son journal, écrite au début de la guerre lorsque Marie-Claire avait encore de l’encre à sa disposition : plusieurs ajouts au crayon sont visibles, signe que l’Alsacienne les a rédigé vers la fin de la guerre. Vus le fait que les autorités allemandes interdisent aux Alsaciens de tenir des journaux de ce genre durant les années 14-18, surtout s’il sont rédigés en français, elle se garde bien d’écrire son nom ou celui de n’importe quel membre de sa famille. Le style de l’auteure varie beaucoup en fonction des conditions et du danger qui l’entourent : en effet M.C. Mengès se voit obligée, comme la plupart des Alsaciens, d’héberger un soldat allemand, ce qu’elle n’écrit jamais de peur d’être accusée d’espionnage si ses carnets sont confisqués. Ses comptes rendus des événements sont donc parfois brefs et imprécis. Mais dans bien des cas, surtout lorsqu’elle est témoins des nombreux combats aériens qui ont lieu prés de Mulhouse elle fait preuve d’une éloquence et d’une facilitée d’expression étonnante. Son écriture elle-même est claire, lisible et soignée, à l’exception des fois où elle doit se hâter au péril de sa vie de rédiger quelques mots. Elle attache énormément d’importance à la description des mouvements de troupes et s’y applique avec une minutie impressionnante : elle semble toujours capable de dénombrer les différents corps d’armées allant et venant du front. Mais malgré cet aspect purement descriptif on voit à plusieurs reprises la femme éclipser l’observatrice et Marie-Claire décrit souvent ses émotions et ses sentiments face aux horreurs, mais aussi ses espérances, notamment les jours de fêtes. Elle prend aussi soin à recopier plusieurs lettres et articles de journaux importants à ses yeux comme une déclaration que le général Joffre fait afficher le 9 aout pour les alsaciens, ou la lettre d’un officier racontant aux parents d’un de ses hommes la mort de leur fils. C’est ce journal que le petit fils de Marie-Claire Mengès, Jean-Paul Mengès, hérite. Ce dernier le fait publier en Janvier 2013 par les éditions La Nuée Bleue sous le titre de Mon Journal de la Guerre de 1914-1918 sur le Front d’Alsace. Il laisse, au début et à la fin de l’ouvrage, des partis manuscrites du journal de sa grand-mère, tel qu’elle les a rédigées elle-même, mais il préfère tout de même recopier le tout en caractère imprimés. Il ajoute aussi beaucoup d’images et de documents issus des leurs « archives familiales ». L’ouvrage contient également une préface d’Alexandre Dumez, un professeur agrégé d’histoire-géographie. Il rencontre par hasard Jean-Paul Mengès qui lui raconte l’histoire de sa grand-mère. Il se trouve qu’Alexandre Dumaz habite au pied d’un lieu qui revient souvent dans le récit de Marie-Claire Mengès : le Hartmannswillerkopf. Suite à cette révélation il fait visiter le lieu à Jean-Paul Mengès et accepte d’écrire une préface au journal. 3 3) L’analyse : Il ne faut jamais perdre de vue, durant la lecture de ce journal, que Marie-Claire Mengès est en train d’enfreindre la loi. Les autorités Allemandes interdisent formellement aux Alsaciens de tenir des journaux où ils décrivent des mouvements de troupes et où ils incluent des journaux de soldats français. Marie-Claire fait les deux. C’est pour cette raison qu’elle se garde de nommer qui que se sois qui puisse faire l’objet de représailles si son journal est confisqué : elle utilise presque exclusivement la troisième personne du singulier et ce pour toute les occasions. Ainsi chaque fois qu’elle reçoit une information elle utilise des formes comme « une personne me raconte » page 116 ligne 5 ou « on lit », page 115 ligne 18. Ce qui est très intéressant c’est de voire quel groupes de gens elle inclue dans ces « on » : tout le long de son journal elle ne cache pas son attachement, très clair, à la France, pourtant à aucun cas ne dit-elle « on a gagné » ou « on a fait des prisonniers ». Elle prend bien soin de distinguer les français des Alsaciens et ne les met jamais dans le même groupe. Ce choix montre sans doute une certaine crise identitaire de la part des Alsaciens. Tout le long du journal il est évident que la grande majorité souhaite la victoire des français, et leur retour est accueilli par des hourras et des drapeaux tricolores. Mais les nombreuses années passées sous un régime différents leurs ont données une identité particulière et bien qu’ils se reconnaissent français, ils gardent tout de même une distinction dans leur tète. L’attitude de l’auteure face à la guerre est bien compliquée. Cela est dû au fait que Marie-Claire et le reste des Mulhousiens font théoriquement partie de l’arrière. Mais c’est un arrière de première ligne, car les combats se déroulent tout prés et parfois dans les rues même de Mulhouse. Cette proximité au front mène Marie-Claire à osciller entre l’apathie, l’horreur, mais parfois aussi l’excitation : Ce qui prime dans le quotidien des Alsaciens sont tout d’abords les incessants barrages d’artilleries. Rares sont les jours où le canon ne se fait pas entendre. Si bien que l’auteure semble s’y habituer au fil du temps et ne plus daigner que marquer « le canon tonne toute l’après midi », page 76 ligne 21 ou « les fr. bombardent les maisons avec des bombes à pétroles » page 64 ligne 17, pour décrire les bombardements. Mais parfois les mulhousiens vivent des instants de pur terreur lorsque les Français et les Allemands se battent dans les rues de leur ville : « Les morts et le blessés, hommes et chevaux, couvrent la route. C’est sur des cadavres qu’on se poursuit, qu’on se bat, qu’on se tue. Un brouillard épais nous enveloppe. La canonnade après avoir été très violente s’apaise et s’arrête presque complètement sur toute la ligne. Il y a de l’émotion dans tous les cœurs. Le général passe, son cheval à l’arrière-train tout ensanglanté, laisse derrière lui une trace rouge. » Page 186 ligne 7-12. Ces assauts 4 sont rares, ce qui explique que l’auteure accorde tant de lignes sur eux : ce sont des événements exceptionnels qui marquent toute la ville. A l’inverse Marie-Claire est toujours ravie d’assister aux combats d’aviations qui se déroulent au dessus de Mulhouse, et cela malgré les bombes que lâchent les avions français : « …les frs. sont 14. Depuis longtemps on n’avait pas eu le plaisir d’en voire autant, ils s’avancent, on dirait une musique en l’aire sur la ville, le bombardement est intense. » page 202 ligne 20. « Sept aéroplanes français sont au dessus de nous. Ils scintillent, comme de l’argent. » page 211 ligne 27. ». Avec ces trois attitudes distinctes, chacune en rapports avec une arme différente, on peut faire l’observation suivante : il semblerait qu’il y ait un lien entre l’artilleur ou le pilote qui parle avec plus de libertés de ses actes, vu que les destructions qu’il inflige sont éloignées, et les civils. Les mulhousiens subissent des dégâts de ces deux armes mais Marie-Claire parle de manière assez neutre du canon, même lorsque des obus éclatent très prés de chez elle, et elle admire les pilotes français qui cependant font eux aussi des victimes parmi les habitants. La distance lui permet sans doute de mieux supporter les dégâts : les combats aériens doivent sembler bien nobles et gracieux vus du sol, surtout comparés aux horreurs des affrontements d’infanterie, elle n’assiste jamais directement d’ailleurs à la mort d’un pilote car ceux-ci s’écrasent loin de la ville lorsqu’ils sont touchés. Quant à l’artillerie elle se focalise plutôt sur des cibles plus militaires et lorsque la ville est en danger les habitants ont vite fait de se refugier dans leurs caves. Mais cette proximité des civils Alsaciens au front a aussi un autre effet : contrairement à la plupart des civils de France, loin derrière les premières lignes, ils n’idéalisent que très peu la guerre. C’est ainsi que Marie-Claire décrit avec dégout les résultats d’un des nombreux assauts qui ont lieu au Hartmannswillerkopf, une colline à quelques heures de marche de Mulhouse qui passe à tour de rôle aux mains des Français et des Allemands, toujours avec de grandes pertes : « un feu terrible, des bras, des têtes, des jambes, des lambeaux de chair pendent aux arbres. Les obus déterraient les anciens cadavres et les projetaient en l’air. Ce n’est plus une guerre, c’est une haine, un acharnement sauvage. » page 122 ligne 14. Cela permet donc aux soldats Alsaciens d’être honnêtes sur leurs expériences, ce que Marie-Claire ne manque pas de signaler. « en quelques mots, courts, il donne un faible aperçu de ce qu’il a du endurer durant ces deux mois de lutte, de batailles continuelles, toujours marcher en avant dans le feu, passer sur les cadavres, entendre à ses cotés les gémissements, les appels poignants des blesses. » page 48 ligne 13. De plus les Alsaciens doivent se battre aux côtes des Allemands, ce qu’ils font largement à contre cœur. Ils ne sont donc pas obligés, comme les Français, de se montrer patriotes envers les leurs. Le journal de Marie-Claire nous montre donc un lien plus proche et plus concret entre les soldats et les civils d’Alsace. 5 Face à l’autorité allemande les Alsaciens font preuves d’une grande hostilité. Mais celle-ci ne débouche que rarement en actes. Les atrocités des allemands sont un aspect récurrent dans le journal de Marie-Claire. Celle-ci d’ailleurs, qui se distingue par son rejet de la propagande, tant allemande que française, « la peur de dire la vérité à l’Est et à l’Ouest est la même » page 164 ligne 17, tombe dans le piège lorsqu’elle se laisse entrainer par sa colère face aux exactions : elle cite à la page 128 un journal français, Le Matin, qui décrit comment un officier allemand tranche la gorge à un enfant de 12 ans qui s’amusait dans les rues d’Amsterdam un jour seulement après les massacres de la ville. Il est peu probable qu’un enfant s’amuse ainsi au milieu des ruines et des cadavres que le journal décrit. Mais tous les alsaciens n’ont pas la même attitude face à l’Allemagne. A la page 48 on peut trouver un passage dont l’importance est soulignée par le fait que c’est un des très rares moments où la narratrice parle d’elle-même à la première personne. Elle raconte qu’une femme au marché parlait français, malgré l’interdit allemand. Sur-ce une personne, dont Marie-Claire ne précise même pas le sexe, l’apostrophe, en allemand, en disant « Ne savez-vous pas qu’il est défendue de causer le français, nous sommes allemands et nous resterons allemands. Allez-vous en sale française » ligne 20. Comme Marie-Claire a l’habitude de nous faire savoir si une personne est allemande ou française il est possible d’avancer que cet individu était alsacien. Cependant la plus grande majorité des habitants semble être, celons l’auteure, profrançaise. Mais la discipline que fait régner l’empire est écrasante : les mulhousiens qui ont accueilli avec joie la brève occupation française de la ville aux premiers jours de la guerre sont exécutés. Et l’incorporation de force des alsaciens dans les Landsturm ne se déroule absolument pas comme le départ en pompe des français des gares de leurs villes. C’est « le cœur brisé » page 44 ligne 8, que les soldats partent. C’est par la force donc que les Allemands vont contraindre les Alsaciens à se battre. Ce manque d’enthousiasme est la raison pour laquelle les allemands s’efforcent de créer un patriotisme collectif, ou du moins, à pousser par un moyen quelconque les Alsaciens à participer aux mouvements de masses que connaissent les pays comme la France ou l’Allemagne elle même. C’est pourquoi les fêtes Allemandes sont célébrées avec pompe, page 222. Mais cela ne fait qu’attiser la colère des habitants et provoque aussi la raillerie de la narratrice. : « Aujourd’hui on fête le 70e anniversaire du fameux Hindenburg. Les enfants n’ont pas d’école à l’occasion du Hinderburgsfecer. Sa belle tête collée presque à chaque coin de rue a été arrachée et souillée. Quelle profanation ! » page 222 ligne 6. Les habitants semblent cependant être sensibles aux paroles de leurs clercs et l’empire utilise cela. Ainsi à la page 113 il est dit que dans toute les églises est organisée une quête pour aider les fugitifs et à la page 173 on peut voire comment les Allemands essaye d’utiliser les églises à leur avantage : « A chaque messe, on invite souscrire pour le 5e Emprunt […], c’est un pieux devoir pour chaque fidèle » ligne 5. Les allemands donc, incapable de pousser les alsaciens au patriotisme tente de créer une autre forme de pression sociale : en France l’homme qui 6 ne vas pas au front est aux yeux de la société un lâche, en Alsace celui qui ne verse pas d’argent pour le Reich serait impie. Mais malgré l’hostilité des Alsaciens envers l’Allemagne la façon dont ils voient les soldats du Reich n’est pas toujours négatives. Et à l’inverse la façon dont la narratrice voit les français et leurs alliés n’est pas toujours positive. Commençons par ces derniers : Marie-Claire ne manque jamais de nous signaler les pertes civiles causées par les avions et les canons français. A la page 239 elle écrit « …3 aéroplanes fr. revenant, dit-on, de Fribourg, jettent 3 bombes qui frappent malheureusement une famille à la Chaussée de Dornach, près des établissements Gerer. Le mari, en permission, a la tête enlevée, sa femme, les deux jambes coupées, un enfant de 8 ans échappe au malheur. Ces malheurs et ces nouvelles vous démoralisent complètement » ligne 18. En ce qui concerne les allemands il y a plusieurs épisodes qui prouvent que les Alsaciens pro-français n’éprouvent pas vraiment de haine envers eux : à la page 120121 Marie-Claire semble approuver les paroles d’un officier nommé von Rath qui, le soir de Noel 1915, dit qu’il souhaite prendre Belfort, mais dans la convention de paix et non par les armes. A la page 33 elle assiste à des mouvements de troupes allemandes et affirme qu’il est « triste de les voir marcher anéanties par la marche et la grande chaleur. » ligne 16. A la page 42 elle décrit un régiment Allemand qui revient après une victoire « a 1 heure et demie, on voit rentrer l’infanterie, ils ne font pas mine d’avoir été victorieux, les pauvres soldats, ils sont harassés, exténués… » ligne 10. Le témoignage de Marie-Claire Mengès, civile Alsacienne, semble se démarquer donc de celui d’un civil français : elle parait plus au courant de la guerre et l’idéalise moins, elle est plus prudente face a la propagande, elle ne tient pas de propos de haines, malgré les nombreuses fois où elle perd son sang froid, et elle est consciente des dégâts que causent les français sur les habitants d’Alsace. Cependant elle aussi se laisse à plusieurs reprises séduire par les discours de patriotisme, de bravoure, de gloire et de justice. Comme il a été déjà dis Marie-Claire recopie plusieurs lettres et articles dans son propre journal. Les deux plus importantes se trouvent aux pages 52-53 et 217. Dans la première un officier français raconte au père d’un de ses homme la mort de son fils et affirment qu’il « serez justement fier […] d’apprendre la mort glorieuse de [son] vaillant garçon qui honore sa famille, son escadron et son régiment » ligne 7. Jean-Paul Mengès ajoute à la fin de l’ouvrage une copie de la page écrite de la main de sa grand-mère. On peut y distinguer les traces des larmes qu’elle verse. La page 17 contient un long article écrit par l’as français Georges Guynemer qui décrit les allemands comme arrogants et leur jette tout le blâme de la guerre. Les alsaciens ne sont donc pas tout à fait immunisés contre les sentiments qui animent la France. Malgré leur proximité avec la guerre et leur regard beaucoup plus réaliste ils prisent eux aussi l’amour de la patrie et le sacrifice bien plus 7 que les soldats eux même : à la page 104 Marie-Claire nous dit que « on raconte que les 190e au Hartmannswillerkopf ont tiré sur leurs officiers et se sont rendus » ligne 13. Ce journal de la guerre de 14-18 permet donc de voir les spécificités des civils d’Alsace à travers les yeux de Marie-Claire Mengès. Bien qu’elle fasse parti de l’arrière, la narratrice se trouve en fait en première ligne. Son regard vers la guerre donc est moins idéalisé que ne l’est celui d’un citoyen français vivant loin du front. Elle est horrifiée par les horreurs des combats de rues et des affrontements d’infanterie. Elle est hautement hostile envers les allemands qu’elle voit comme des oppresseurs, mais cela ne l’empêche pas de s’apitoyer sur leur sort. Cette proximité avec la guerre permet aux alsaciens combattants d’être plus ouverts et honnête avec leurs familles sur les affres de la guerre. L’auteure nous montre également les problèmes d’identité des Alsaciens : la plupart sont pro-français, mais certains se croient bel et bien allemands et Marie-Claire elle-même distingue bien les Français des Alsaciens malgré son amour pour eux. Mais toutes ces spécificités n’empêchent pas M.C. Mengès de tomber parfois dans le même état d’esprit qu’un citoyen de Paris : elle admire grandement l’aviation française dont les combats se déroulent bien loin d’elle, et elle est émue aux larmes par le discours d’un officier sur l’honneur de la famille. Quant aux allemands, ils se voient incapables de s’assurer l’amour et le patriotisme des alsaciens, ils essayent donc de leur imposer d’autres moyens de pressions sociales, comme la piété, pour les pousser à aider le Reich. Sotirios PEITHIS (Université Paul-Valéry, Montpellier)