Avec l`interdisciplinarité, le travail de groupe est, pour les TPE, le

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Avec l`interdisciplinarité, le travail de groupe est, pour les TPE, le
LE
TRAVAIL DE GROUPE
« On prétend nous former pour la société, et l’on nous instruit
comme si chacun de nous devait passer sa vie à penser seul dans sa cellule,
ou à traiter des sujets en l’air avec des indifférents. »
Jean-Jacques Rousseau, L’Émile.
Avec l’interdisciplinarité, le travail de groupe est, pour les TPE, le second
passage obligé. Et cela change très concrètement la situation d’apprentissage des
élèves et marque physiquement la rupture avec la classe frontale.
Est-ce dire pour autant que les professeurs de lycée doivent avoir d’abord une
pratique approfondie de la pédagogie de groupe pour pouvoir se lancer ensuite
dans les TPE ? Je ne le crois pas. Il semble qu’en étant attentif à quelques points
clefs qui vont être ici signalés, un enseignant peut utiliser à moindres frais cette
pédagogie. Par ailleurs, à des degrés divers, les professeurs ont tous une pratique
du groupe : soit ils ont été déjà amenés à la mettre en œuvre dans leurs classes de
travaux pratiques (TP), travaux dirigés (TD), modules, etc., soit ils ont pu en mesurer sur eux-mêmes les effets au cours de leur propre formation.
Maîtriser la gestion des groupes au travail permet au professeur de se placer
d’emblée dans une perspective constructiviste : il donne aux élèves le temps de
se poser des questions, de confronter leurs idées, la façon dont ils comprennent
les choses, la façon dont ils s’y prennent pour lire, rédiger, tracer, expérimenter,
faire des montages, etc. La pratique du travail de groupe – qui n’est pas exclusive de toute autre et doit s’harmoniser avec le cours magistral et le travail individuel – suppose que le professeur puisse résoudre un certain nombre de problèmes pédagogiques.
106
Chapitre
III
Des groupes pour apprendre. Le conflit sociocognitif
Avant toute chose, il faut ici poser cette interrogation première : le travail de
groupe est-il bien un outil pour apprendre ? Peut-on vraiment en groupe, faire faire aux élèves leurs apprentissages individuels ? Bref, le travail de groupe est-il efficace au point qu’il faille en passer obligatoirement par lui comme les TPE y
poussent ?
La réponse à la légitimité du recours au travail de groupe pour faire apprendre
les élèves a été apportée vers 1975 par les travaux de la psychologie génétique du
développement cognitif. Elle est venue de « l’école genevoise » dont les
membres se réclamaient de Jean Piaget : Anne Nelly Perret Clermont, Willem
Doise, Gabriel Mugny, etc. Ces travaux, associés à ceux de la psychologie sociale autour de Moscovici, ont mis en évidence les effets de l’interaction sociale sur
les apprentissages et le développement intellectuel des élèves.
Et ses effets, on a pu le mesurer alors, sont bénéfiques : tous les élèves, quel
que soit leur niveau progressent plus en situation interactive qu’individuellement. Et les sujets de niveau supérieur progressent davantage que les sujets de
niveau moyen ou inférieur. L’interaction dans le groupe est donc source de
progrès cognitif même si elle a lieu avec un partenaire moins avancé dans le domaine considéré. Pourquoi ? Parce qu’en situation interactive il y a confrontation de points de vue, ou conflit de centration, et que se crée chez l’individu un
déséquilibre cognitif, une décentration cognitive, propice à une nouvelle structuration du savoir et des représentations. C’est ce qui a conduit les chercheurs à
nommer ce phénomène conflit sociocognitif. Pour que ce « conflit » ait lieu, il faut
donc qu’il y ait hétérogénéité sociale et cognitive entre les individus en interaction. Mais en même temps, pour que ce déséquilibre cognitif existe et fonctionne positivement, il faut que le sujet l’aperçoive et en ait conscience. L’écart,
l’hétérogénéité entre les partenaires ne doivent pas être trop grands. Ceci aura
évidemment une incidence directe sur la composition des groupes et sur la façon dont ils doivent fonctionner.
Mais au-delà de ces considérations épistémologiques, demeurent encore parfois certaines réticences de nature individuelle chez les élèves, prises en relais par
les interrogations pédagogiques des professeurs face à cette pédagogie. On peut
se demander, par exemple, si le travail en équipe n’est pas l’occasion pour certains lycéens de se distraire de toute activité efficace ? Ne fait-il pas, notamment,
perdre leur temps aux « bons » en les ralentissant ? Enfin, ne pousse-t-il pas au
« parasitage » du travail des meilleurs, des plus travailleurs, par ceux qui sont
moins appliqués et moins productifs ?
Il peut même arriver que de bons élèves fassent de la résistance et traînent un
peu les pieds. C’est rare, mais cela se trouve. « Pourquoi vous nous faites travailler comme ça ? », sous-entendu : ils trouvent qu’ils apportent plus au groupe
que ce qu’ils en reçoivent.
Quelle pédagogie pour les TPE ?
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On est en droit de répondre :
– Primo : une société – la classe par exemple – où l’on s’entraide, où l’on est solidaire et coopératif, est préférable à toute autre où les forts écrasent les faibles (et
n’est-on pas toujours le faible d’un plus fort ?), où l’on se tire dans les pattes et
même plus haut pour les coups bas, où en guise de groupes on fonctionne en
clans, où les « cancres » (on dit élèves en difficulté) s’épaulent et ricanent de
conserve au fond de la classe en attendant que ça se passe et le moment de rejoindre cités et HLM plus ou moins blêmes (on dit milieux défavorisés), où les privilégiés de la culture et les élèves-Camif (on dit têtes de classe ; jadis on disait forts
en thème, ce qui ne signifiait pas qu’en version ils fussent nuls…) accaparent les
doigts levés, la parole et les bonnes notes, en attendant les bonnes places. Dans
un univers social où dominent la violence, l’individualisme, la compétition, la
recherche du profit matériel immédiat et exclusif, il n’est pas inutile de mettre
en avant, en classe, les valeurs de coopération gratuite, de solidarité active et de
partage.
– Secundo : les forts quand ils expliquent aux plus faibles et les aident à apprendre, ne font pas que donner. Par la même occasion, ils confortent, stabilisent et approfondissent ce qu’ils savent. Ils apprennent ! Aider un camarade à
comprendre, lui expliquer ce qu’on a compris soi-même, ce qu’on a fait, c’est
aussi pratiquer la métacognition, c’est une manière concrète et profitable de réfléchir à ses propres procédures et aux moyens employés pour apprendre et
réussir, c’est un puissant levier d’apprentissage. Nous-mêmes enseignants, nous
avons appris beaucoup de notre discipline quand nous avons commencé à
l’enseigner. Le verbe apprendre a bien ici aussi deux sens : je t’apprends mais ce
faisant j’apprends aussi. Cela vaut pour nos élèves. Apprenons-leur à jouer aux
moniteurs. Institutionnalisons cette fonction et donnons-leur les consignes
d’usage (ne jamais donner la réponse, poser des questions, attirer l’attention sur,
rappeler une règle, un théorème, etc.). Je n’ai jamais vu un bon élève refuser cette marque de confiance…
– Tertio : l’apprentissage en groupe, parce qu’il repose sur la division du travail
et la coopération, permet des réalisations hors de portée d’un seul élève.
L’union fait la force de cet intellectuel collectif qu’est le groupe. Et « forts » ou
« faibles », si vous programmez correctement et judicieusement le travail des
groupes, les élèves comprendront très vite qu’ils ont tout intérêt à être solidaires et coopérer.
– Quarto : la pédagogie de groupe n’est pas totalitaire et le groupe n’est pas le
collectivisme forcené. L’élève qui ne veut pas appartenir à un groupe, qui veut
en sortir ou qui veut travailler seul doit pouvoir le faire. Mais l’expérience prouve que ce cas de figure se présente très rarement et pour une période très limitée.
Ce genre de réaction cache d’ailleurs chez l’élève des problèmes relationnels et
personnels qui n’ont généralement rien à voir avec le travail de groupe, ou du
108
Chapitre
III
moins dont le groupe se trouve être momentanément le lieu et l’occasion d’expression. Il convient donc de laisser du mou dans la corde de l’organisation de la
classe, et d’être patient. Car le caractère obligatoire et permanent du groupe est
tout relatif : il arrive très normalement – et c’est le propre de toute société humaine – que les groupes soient rééquilibrés et remaniés pour cause de divorce, de
séparation avec consentement mutuel ou non, de procès d’intention, d’incompatibilité d’humeur ou de cruauté mentale ! S’il n’est pas nécessaire de s’aimer pour travailler ensemble, un minimum d’atomes plus ou moins crochus est
souhaitable. Une erreur initiale sur ce chapitre doit pouvoir se rattraper. Il n’y a
rien de sacré ou de perpétuel dans ces unions-là…
Constituer les groupes TPE
Reste donc à organiser les choses et les conduire sur le plan pédagogique de
telle sorte que le travail de groupe soit effectivement une occasion de développement et de progrès pour chacun de ses membres.
Il faut constituer les groupes, bien repérer le statut qu’ils acquièrent avec les
TPE, les programmer, apprendre aux élèves à travailler en interaction, à jouer
certains rôles, à chercher, à produire et restituer. Les professeurs doivent également savoir quand et comment intervenir, aider et conseiller, évaluer, réguler et
noter le travail. Ils n’oublieront pas cependant qu’ils ne sont pas seuls dans
l’équipe pédagogique et éducative de la classe dont ils ont en charge nommément les TPE. Beaucoup d’apprentissages méthodologiques et d’assimilation de
connaissances indispensables aux élèves pour traiter leurs sujets peuvent être demandés explicitement aux disciplines qui ne participent pas directement aux
TPE, et peuvent donc être faits hors du temps imparti à ces derniers.
Vous avez déjà fait cette expérience. Prenez une classe. N’importe laquelle.
Faites-lui faire la rentrée de septembre. Dès les premiers jours, elle va s’organiser
spontanément. Des réseaux d’amitié, de répulsion, d’intérêt, de jeu, de travail,
d’amour, de chahut, de foot, de jeux de rôles, etc., se constituent, pas toujours
visibles pour les professeurs. Les phénomènes de la dynamique des groupes
humains s’y expriment à plein : leaders (vrais, faux ou silencieux), adjoints ou
porte-flingues, boucs émissaires, marginalisés, hors castes, etc. Le statut personnel des élèves dans cette microsociété est l’objet d’une transaction continue
en classe et hors de la classe. C’est avec ces groupes invisibles ou souterrains qu’il
va falloir composer.
Si vous vous contentez de les laisser s’auto-organiser par « proximité », au
« hasard » (il y a peu de hasard dans la répartition géographique des élèves en
classe…), par « affinités », etc., vous vous exposez par la suite à devoir constater
et vivre un certain nombre de dérives.
Avec les TPE, la constitution des groupes doit se faire évidemment autour des
sujets que les élèves vont choisir à partir du ou des thèmes proposés. Et ce n’est
Quelle pédagogie pour les TPE ?
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donc qu’une fois les sujets choisis que les regroupements vont se faire. Cependant si vous avez annoncé, dès le départ, et comme il se doit, les règles du jeu des
TPE, les élèves vont choisir aussi les sujets un peu en fonction de leurs affinités.
Il est donc préférable de traiter ce problème dès le début.
Les critères de constitutions des groupes sur lesquels il convient d’avoir avec
eux un échange préalable peuvent être les suivants :
– La nature du sujet retenu : dans un groupe, les sujets retenus peuvent être les
mêmes pour tous les élèves, mais il est souhaitable d’attirer leur attention qu’il
est bon que chacun d’eux ait son questionnement, sa problématique propre qui
personnalise sa recherche et sa production. Bien entendu, on acceptera, surtout
en première qui est une année d’initiation, des sujets formulés à l’identique dans
un groupe donné.
– Les affinités électives : c’est à eux de les dire et d’en tenir compte. On n’intervient évidemment pas dans ces choix-là.
– La mixité : ce brassage est nécessaire pour parer à certaines dérives sexistes
consécutives à la remarquable propension des élèves à s’assembler par genres féminin ou masculin. Parce que les élèves sont plus âgés, on pourrait croire qu’au
lycée cette caractéristique s’atténue, mais il n’en est rien…
– Les compétences scolaires : le critère prioritaire étant le sujet choisi, celui du niveau des élèves demeure ici au second plan. Demandez-leur d’en tenir compte,
mais sans plus. Puis laissez-les faire. Il faut se dire que l’échelle des valeurs scolaires peut être un peu modifiée avec les TPE qui mettent en œuvre des compétences moins prisées classiquement. Ce ne sera pas forcément les meilleurs qui
seront ici les plus performants.
– L’accès à Internet et à l’équipement informatique : il faut le dire et le redire :
l’équipement de la plupart des lycées s’avérera certainement insuffisant à partir
de janvier 2001 et pour un temps assez long encore. Tous les rapports de l’expérimentation 1999-2000 font état de la gêne que ce sous-équipement provoque pour l’accès aux CDI, aux salles de travail de groupe, aux salles informatiques, aux connexions à Internet, etc. Et à cela s’ajoute l’insuffisance toujours
constatée du nombre d’enseignants documentalistes dont le rôle pour les TPE
est tout à fait décisif. La généralisation de janvier va provoquer certainement un
engorgement des ressources et dans chaque lycée, dans chaque classe, dans
chaque groupe il faudra mettre « l’imagination au pouvoir » en sachant que le
meilleur des mondes des lycées branchés et connectés n’existe pas.
Alors il est préférable que tous les élèves qui ont des outils.com chez eux ne se
mettent pas forcément ensemble. Mais, c’est entendu, les sujets choisis priment sur toute autre considération, et le critère de l’équipement personnel ne
sera pas premier dans la formation des groupes. Quoique…
– La zone géographique d’habitation des élèves : il convient de prendre en compte le fait que les élèves d’un même groupe auront à se rencontrer pour travailler
110
Chapitre
III
hors de la classe et de l’établissement, au domicile des uns ou des autres, et en divers lieux comme bibliothèques, médiathèques, musées, etc. La proximité d’habitation fait aussi partie des « affinités ».
– Le nombre : binômes, trios ou quatuors. En principe. Bien entendu, il faut négocier tous les aménagements nécessaires consécutifs aux critères précédents.
Mais il convient d’attirer l’attention des élèves sur la dimension « économique » de l’effectif d’un groupe : les échanges et les trouvailles sont plus riches
et plus fournis à quatre qu’à deux. Et puis l’union faisant la force des groupes, le
partage des tâches est moins lourd si on est plus nombreux, et les talents plus divers dont tout le monde peut profiter. (Inutile bien évidemment de leur parler
de la productivité et du conflit sociocognitif !)
Au moment de la formation des groupes, j’insiste, il faut veiller cependant à
l’intégration de tous les élèves et y regarder de très près. Les TPE laissent la possibilité – tout à fait heureuse – aux élèves de travailler seuls, en individuels. Mais
si l’expérimentation des TPE a prouvé que ce sont des cas minoritaires, l’expérience des groupes nous convainc aussi que c’est souvent moins un choix délibéré de la part de l’élève que le signe d’une difficulté à s’intégrer voire le signe
d’un rejet par les autres. Et avec les TPE, le prétexte du sujet individuel que l’on
« choisit » de travailler seul risque fort de n’être qu’un cache misère. Les professeurs auront à aider à s’intégrer à une équipe des isolés, des marginalisés dont les
autres ne veulent pas. Il est hors de question d’accepter, ici comme ailleurs,
l’exclusion. Comment faire ? Au feeling. Question de contact, de dialogue. Ne jamais imposer : l’alchimie du groupe risquerait de ne pas prendre. On reste dans la
transaction et on n’oublie pas que la pédagogie de groupe se donne aussi pour
but la socialisation en action des élèves. Voilà une excellente occasion de voir très
concrètement que la dimension sociale de la structuration de la classe a une incidence directe sur les apprentissages, et que là pas plus qu’ailleurs, il n’est question pour les professeurs d’avoir à choisir entre socialiser et enseigner. (Ceci à l’intention de ceux qui se lamentent de n’avoir pas été « recrutés pour ça ».)
Apprendre d’abord à travailler en groupe
Une fois les sujets choisis et les groupes formés, il ne suffit pas de leur donner
rendez-vous dans un mois pour un premier bilan de leurs recherches ! C’est faire
l’hypothèse toujours infirmée que les élèves savent déjà travailler en groupe,
s’organiser et produire. Il ne faut jamais faire cette hypothèse, même avec des
adultes, même avec des enseignants en stage de formation ! Ce n’est ni dans les
gènes ni, généralement, dans la scolarité antérieure des élèves. Partons du principe
qu’ils ne savent pas travailler en groupe et apprenons-leur tout. Si l’on veut que les
groupes soient des lieux d’apprentissages et de production pour eux, il ne suffira
pas de leur donner des consignes de travail précises et détaillées. Il convient, en
plus, de leur faire éprouver et vivre cette situation d’apprentissage si spécifique.
Quelle pédagogie pour les TPE ?
111
Comment le faire avec seulement une heure-prof TPE par semaine ?
C’est là qu’on peut faire appel à la solidarité de toute l’équipe pédagogique de
la classe et demander que quelqu’un veuille bien faire faire cet apprentissage méthodologique aux élèves pour les préparer à travailler en groupe en TPE. On rencontrera encore le besoin de cette coopération de tous les enseignants de la classe avec d’autres apprentissages que les élèves doivent faire dans les cours
« ordinaires » : outre la recherche documentaire et la précieuse collaboration
avec les documentalistes, il faudra songer aussi à apprendre aux élèves à rédiger
une présentation de leur produit, à donner à voir et-ou à entendre leur production avec des outils spécifiques, à prendre la parole en public, à utiliser les instruments de la communication moderne, à surfer sur Internet, etc. Si on part du
principe, et il faut raisonnablement partir de là, que toutes ces compétences sont
à acquérir et non à exiger a priori des élèves, on comprendra vite que les deux
professeurs TPE de l’année scolaire – et l’année prochaine ce sera toi, cher collègue,
mon semblable, mon frère (ou ma sœur) – ne pourront jamais à eux deux faire faire tous ces apprentissages dans le peu de temps qui leur est imparti…
Bien entendu, rien n’interdit aux professeurs qui ont en charge les TPE d’apprendre eux-mêmes à leurs élèves à travailler en groupe pendant les heures de
cours de leur discipline. Il y aura même là comme une cohérence interne et une
facilité pour faire transférer aux élèves les compétences acquises et guider ensuite leurs activités proprement TPE.
Et si cet apprentissage peut se faire – et c’est même préférable – indépendamment des sujets TPE, il convient qu’il soit réalisé à l’occasion des activités ordinaires de la classe, articulé sur des tâches qui « comptent », sur des contenus
identifiés comme faisant partie des programmes. Les apprentissages « méthodologiques » faits hors de la classe et sans lien direct avec les préoccupations scolaires des élèves sont mal ressentis.
Comment s’y prendre ?
Considérons le tableau de la page 112 où sont consignés les différents types de
groupes que l’on peut construire de façon pragmatique dans une classe ordinaire. Voici un scénario possible pour toute discipline :
– Soit vos six ou sept groupes de hasard de quatre ou cinq élèves chacun. Mettez-les autour de deux tables rapprochées. (Autour d’une seule, ils interpénétreraient leurs « bulles » sociales et penseraient à autre chose…)
– Objectifs d’apprentissage de la séquence et tâches : que voulez-vous qu’ils sachent et qu’ils sachent faire à la fin de la séquence ? Très précisément quel(s) apprentissage(s) visez-vous ? Isolez clairement, pour vous-même, un ou deux objectifs centraux. Cela suffit. Assurez-vous des prérequis nécessaires pour que les
élèves puissent apprendre et travailler : ont-ils les outils conceptuels et méthodologiques pour faire le travail demandé ? Il faut aussi se souvenir qu’en règle
112
Chapitre
III
Les différents groupes
que l’on peut construire
dans une classe ordinaire
NOMS
FORMATION
Constitués dans une classe pour toutes
les disciplines. Environ deux semaines
après la rentrée.
GPI
Critères :
– affinité ;
GROUPES
– mixité ;
– proximité d’habitation ;
PERMANENTS
– niveau scolaire.
INTER Carnet de bord pour la régulation et le
DISCIPLINAIRES
suivi.
Structure stable qui nécessite parfois
des changements.
GROUPES
DE
HASARD
GROUPES
DE
PROJET
(TPE)
GROUPES
DE
BESOINS
(+/– MONITEUR)
GROUPES
DE
COMMUNICATION
TÂCHES
DONNÉES
• Découverte-repérages initiaux
des savoirs, savoir-faire, savoir-être.
• Accès direct sans passer d’abord
par le cours du professeur.
• Applications du cours, préparations.
• Projets divers nés dans le groupe.
• Remédiations : en fonction
des capacités dans le groupe.
• Transferts interdisciplinaires
contrôlés.
Proximité dans le groupe-classe :
constitution rapide.
Courte durée.
Ils prennent souvent la forme
de binômes.
Activités très ponctuelles et courtes :
petites recherches pendant le cours,
exercices d’application, etc.
Les élèves se regroupent autour de
projets de :
– recherche ;
– production ;
La recherche, la production achevées,
le groupe disparaît.
C’est le groupement TPE.
• Travail de recherche qui fédère
des choix individuels ou de groupe.
• Élaboration d’un produit (dossier,
montage, exposition, etc.) qui requiert
des compétences « déjà là » : favorise
les transferts et la stabilisation
des savoirs.
• Groupes de « travail autonome ».
Sur l’état présent des élèves : besoins
repérés par le professeur lors
des contrôles ou du travail en classe.
Il constitue lui-même ces groupes
à géométrie variable pour le jour
de la « correction ».
Le groupe disparaît avec le besoin.
Le rôle du moniteur doit « tourner »
et être précisé par des règles
et des consignes.
• Remédiations, soutien, corrections,
révisions, renforcements,
approfondissements.
• Structure de différenciation
simultanée dans la classe, alternative
aux groupes de niveaux.
• Formés en début d’année
pour apprendre aux élèves à travailler
en groupe.
• Peuvent être réunis pour réguler
la dynamique des groupes.
Centré sur l’apprentissage
du relationnel, du vécu du groupe,
des rôles dans l’équipe : animateur,
rapporteur, etc.
générale il est bon de donner au groupe des tâches un peu plus difficiles à réaliser que celles que l’on donnerait à un élève seul. On peut donc élever le niveau ! La
dynamique des échanges sera plus forte, les aides mutuelles plus sollicitées, et en
cas d’échec celui-ci est mieux « digéré » en groupe que l’échec individuel. La première fois donnez-leur une tâche strictement reliée aux activités ordinaires de la
classe et des programmes : problème à résoudre, sujet à analyser, lecture de
Quelle pédagogie pour les TPE ?
113
carte, explication de textes, etc. Ils vont apprendre à travailler… en travaillant.
Discours, fiches méthodes, admonestations magistrales ne sont ici d’aucune efficacité. Ne perdez pas votre temps : donnez-leur avec l’énoncé quelques
consignes écrites pour qu’ils puissent démarrer :
• Désigner un animateur-maître du temps qui veillera au calme, à la parole, à ce
que chacun puisse s’exprimer et au temps imparti par le professeur pour faire le
travail donné. Il lui faut une montre.
• Faire un rapport écrit de leur travail. Un rapporteur aura à faire un compte rendu oral à toute la classe. Ce sera la restitution qui sera l’exact entraînement des
élèves à la soutenance des TPE. Le rapporteur doit donc savoir :
– Prendre des notes. (Nous donnerons plus loin des indications à ce sujet.)
– Utiliser un média support (affiche, transparent, tableau noir, etc.) sur lequel au
minimum il aura porté le plan de son exposé. Il est très important que les exposés des élèves n’imitent pas le caractère strictement verbal, le plus souvent, de
la parole magistrale expositive… Ils satisfont ainsi et les « auditifs » et les « visuels », et ils apprennent à utiliser des outils de présentation.
– Prendre la parole devant toute la classe : cet exercice forme à une compétence
majeure qui sera directement évaluée lors de la soutenance des TPE. Parler en public s’apprend. L’école est le lieu idéal pour faire cet apprentissage. Et observez cependant ici que cette compétence, placée très haut sur l’échelle taxonomique des
capacités à acquérir, n’est que rarement évaluée à un examen. Les oraux du bac,
par exemple, sont des entretiens et non des prises de parole devant un auditoire.
Apprendre à parler en public – épreuve redoutable pour les élèves de lycée –
prépare donc bien à tous les oraux possibles. Et notamment à celui des TPE…
• Découpage et rythme de la séquence : elle peut se construire sur le schéma de la
page 114. Il faut avoir une idée claire du rythme temporel de la séquence et des
situations de travail successives où va se trouver la classe. Les temps sont donnés
ici à titre indicatif pour une heure de cours à l’emploi du temps ordinaire. Mais
il faut savoir que le travail de groupe, surtout au début, « consomme » à peu près
deux fois plus de temps que le cours magistral.
Notons que la pratique du travail de groupe conduit, là aussi, à faire le
contraire de ce que l’on fait habituellement : le cours magistral vient à la fin,
après que les élèves ont travaillé sur les concepts à apprendre. On peut alors
constater une nette amélioration de l’audimat professoral…
Nous avons ici l’image même de la pédagogie différenciée par les situations
d’apprentissage (ou groupements d’élèves) dans lesquelles la classe et les groupes
se retrouvent successivement. Et s’il est vrai que différencier la pédagogie passe
par le fait d’avoir à diversifier les types d’exercices et de devoirs, les rythmes d’acquisition, les dispositifs d’évaluation et de notation, etc., cela passe d’abord par
l’obligation de faire varier les situations concrètes d’apprentissage dans lesquelles on place les élèves en classe.
114
Chapitre
III
▼ TRAVAIL DE GROUPE : DÉCOUPAGE ET RYTHME D’UNE SÉANCE D’UNE HEURE
SITUATIONS D’APPRENTISSAGE
QU’Y
ET TEMPS
FAIT-ON ?
Collective
5 minutes
Réflexion individuelle
5 minutes
Binômes de proximité
5 minutes
Passation des consignes
et
énoncés.
Approche rapide des problèmes centraux
de la tâche à résoudre.
Ne jamais sauter cette phase.
Même travail, mais à deux.
Phase optionnelle.
À utiliser pour des tâches plus difficiles.
TRAVAIL DE GROUPE
15 minutes
On donne la totalité de la tâche.
Exigences de plus haut niveau.
Rapports et discussion
10 minutes
Limiter le temps de parole
et fixer la nature du média à utiliser :
affiche, transparent, etc.
Évaluation
Notation
5 minutes
Associer la classe à l’évaluation du travail
de chaque groupe. L’évaluation est validée
par le professeur et la notation lui est réservée.
15 minutes
Si nécessaire, le professeur fait alors la « leçon »,
formalise les acquis.
Restructuration.
Synthèse
Cours magistral
Et le travail de groupe est un moment de cette différenciation dans le dispositif de la classe. Pour bien fonctionner, il doit y être intégré, préparé et exploité :
« Le groupe se profile maintenant comme une méthode parmi d’autres, à l’intérieur d’un dispositif pluriel ; il requiert qu’on lui fixe des objectifs précis d’apprentissage et que l’on évalue ses acquisitions ; il exige que l’on reconsidère son mode de
fonctionnement de telle manière qu’il se fasse au profit de chacun de ses membres.
Au sein de l’école plurielle, comme en celui de la classe plurielle 13, l’on ne peut instaurer de groupe de travail que dans ces conditions. »
(Philippe Meirieu, Apprendre en groupe ? tome I, Chronique sociale, Lyon, 1985.)
13. La thèse d’université de Philippe Meirieu (Apprendre en groupe ? 1 : Itinéraire des pédagogies de groupe et 2 : Outils
pour apprendre en groupe) demeure par excellence l’ouvrage de référence, tant pour son cadre épistémologique
que pour ses contenus théorico-pratiques. Meirieu, et notamment dans l’extrait cité ici, a voulu acclimater le qualificatif de « plurielle » pour cette pédagogie. Ce fut « différenciée » qui prévalut. En revanche, l’épithète « plurielle » devait trouver, quelques années plus tard, une autre niche sémantique, mais dans le domaine politique et
pour désigner autre chose…
Quelle pédagogie pour les TPE ?
115
« Vingt fois sur le métier… »
Boileau exagérait certes un peu, mais il parlait de poésie. Pour le travail de
groupe, il ne faut pas s’attendre cependant que, d’un seul coup d’un seul, tous les
savoir-faire soient assimilés par les élèves après une première séance. Il est bon de
répéter l’expérience et de leur faire éprouver d’autres situations de groupe.
Le plus efficace serait évidemment de structurer la classe en GPI, groupes permanents interdisciplinaires (utilisables dans plusieurs disciplines) qui deviennent alors pour les élèves la deuxième structure d’appartenance et de référence :
ils sont élèves d’une classe donnée et membres d’un groupe clairement identifié
et qu’ils ont choisi. Ces GPI ne se confondront pas avec les groupes de projet, des
TPE par exemple, qui sont constitués plus tardivement dans l’année et dont
l’existence prend fin avec la soutenance.
Mais les groupes de besoin que l’on peut créer dans le cadre de la préparation etou de la correction des devoirs et des contrôles, dans le cadre aussi de l’aide individualisée où le petit groupe avec moniteur élève est un relais efficace de la médiation du professeur, les groupes de communication, tout à fait adaptés à des
séquences de régulation de la dynamique et des problèmes relationnels et de
comportement comme l’heure de vie de classe, tous ces types de groupes offrent
des possibilités variées et adaptées à chaque situation.
Alors les élèves vont apprendre peu à peu à travailler en équipe, à s’écouter, à
prendre en compte et en note les arguments et idées des autres, à établir un plan
de travail ou ordre du jour, à faire un tour de table, une synthèse, à se diviser le
travail et les rôles spécifiques que chaque tâche suppose : documentaliste, graphiste, dessinateur, vérificateur des résultats, metteur en page, metteur en scène,
responsable au calme, rédacteur, agent de liaison, observateur, etc. La maîtrise de
l’ensemble de ces tâches constitue un programme complet d’apprentissages
méthodologiques. Et quand ces habitudes de travail sont prises, quand la mise
en groupe n’est pas chose exceptionnelle et expérimentale, on est toujours
étonné de la rapidité avec laquelle les élèves sont capables d’investir la nouvelle structure de travail, de la faire fonctionner et surtout d’y apprendre.
On constate également une forte motivation pour ce type d’activité quand
elle est bien organisée et perçue comme telle par les élèves. Le défi pédagogique, pour le professeur, est de savoir maintenir cet intérêt et de résoudre les
problèmes techniques et relationnels qui ne manquent jamais de se poser. Car le
travail de groupe, plus que tout autre, plus encore que le travail individuel,
doit être « encadré » par les professeurs. Et il est vrai que si on laisse les choses
s’agencer spontanément, on observe des dérives de toute sorte :
– Dérive fusionnelle et bavarde : le groupe est la matrice de la fratrie, on s’y
sent bien au point d’avoir très spontanément envie d’y être en communication
interpersonnelle plus étroite avec les autres membres, et d’y communiquer
non pas tant sur des objets de travail que sur soi-même.
116
Chapitre
III
– Dérive productiviste et parasitaire : le groupe s’organise pour faire produire par
ceux de ses membres qui ont déjà les connaissances ou les savoir-faire. Les
autres font ainsi l’économie et des apprentissages visés par l’enseignant et de la
production elle-même.
– Dérive autoritaire et conflictuelle : tout groupe est traversé par une dynamique
qui met rapidement en évidence des phénomènes bien connus en psychologie
sociale. Le leadership en est un et très récurrent. Si le maître n’aide pas le groupe
à gérer ces phénomènes tout à fait naturels, on risque dans certains cas de voir
un leader exercer sur le groupe un ascendant quelque peu destructeur qui produit des conflits et de l’exclusion.
– Dérive sélective et excluante : elle se produit notamment quand on laisse les
équipes se former sur la seule base des affinités. Certains élèves de la classe se
voient alors rejetés, non intégrés. On doit ici se donner les moyens d’une régulation efficace. C’est un problème d’éthique qu’il ne faut pas hésiter à aborder
avec la classe entière au moment de la constitution des groupes.
Où travailler en groupe ?
Ces alertes une fois posées, l’équipe pédagogique TPE « encadrera » donc les
groupes, surtout lors des premières séances où l’objectif sera aussi de leur apprendre à travailler de la sorte.
Se présente alors la question des salles où travailler en groupe. Faut-il exiger
d’avoir autant de « salles de groupes » que d’équipes d’élèves ? Il est irréaliste
d’attendre que tous les CDI soient jouxtés de ces salles pour commencer à travailler et faire des TPE. L’expérience prouve que le travail de groupe peut sans inconvénient majeur se dérouler dans une salle de classe ordinaire et non spécialisée dont on aura, avec les élèves, modifié la disposition des tables et des
chaises. Ça prend deux minutes au début et à la fin de chaque séance. Car le plus
important est que l’on soit présent pour aider à la programmation du travail de
chaque groupe. Et il n’est pas recommandé, surtout dans les premières séances,
de disperser les groupes dans des salles prévues à cet effet.
Le travail en groupe d’apprentissage est différent de ce que l’on fait faire aux
élèves en TP ou TD disciplinaires. Avec les TPE, se sont les élèves qui définissent
leur travail et le programment. Et le problème pédagogique central à résoudre
pour les professeurs est de s’assurer que tout en travaillant collectivement dans le
groupe, chaque élève fait ses apprentissages et sa production individuelle.
Le carnet de bord sera l’outil de cette régulation et de cette programmation.
Nous verrons dans le chapitre suivant comment faire produire un carnet de
bord qui puisse être à la fois celui du groupe et celui de l’élève. Pour l’heure, soulignons trois exigences de ce suivi, par le professeur, du travail de groupe TPE :
1. Il doit être en mesure de repérer « qui a fait quoi » pour attribuer à chacun la
part de mérite ou de critiques qui lui revient et éviter la dérive « parasitaire ».
Quelle pédagogie pour les TPE ?
117
2. Il faut pouvoir exiger la rotation des rôles dans le groupe lors des séances de
travail afin de lutter contre l’utilisation systématique des compétences en place :
que ce ne soit pas toujours le même, parce qu’il dessine, écrit, parle bien, sait
chercher sur Internet, traiter l’info, etc., qui soit en charge des mêmes tâches.
Mais pour pouvoir exiger et contrôler cette rotation dans chaque groupe, le carnet de bord s’avère ici incontournable. Sans cette « mémoire » du groupe, ce qui
s’y passe deviendrait rapidement opaque.
3. L’addition : avec les TPE, on peut faire en sorte que le produit du groupe ne
puisse être réalisé que par l’apport de chacun. Il sera alors la résultante du travail
d’apprentissage de chaque élève du groupe. Mais on ne peut pas toujours
mettre en place ce dispositif. Pour des tâches complexes et linéaires, les élèves
doivent les accomplir en totalité dans leur enchaînement logique ou rédactionnel. Le tout n’est pas toujours égal à la somme de ses parties… Par exemple,
on ne peut résoudre un problème en donnant une question à chaque élève du
groupe. Rédiger un texte en se répartissant les différentes parties est parfois
possible, mais il faut ensuite les « coudre » ensemble et ça ne va pas de soi…
Que vont-ils pouvoir faire en groupe ?
Une fois ces précautions minimales d’apprentissage et d’organisation prises,
le travail de groupe TPE est alors le lieu où l’élève va pouvoir trouver, du début
jusqu’à la soutenance finale, aide, soutien et motivation à continuer sous le
double regard de ses pairs et de ses professeurs.
Il pourra en effet :
1. Travailler à élaborer son sujet, à le préciser, à le reformuler et le problématiser
tout au long de la phase de recherche initiale. Notamment établir en commun
un plan du TPE à faire qui permette de s’en partager la réalisation finale et d’en
personnaliser la part de chacun. Il est très important que pour la production finale on puisse distinguer sans ambiguïté ce qui revient à chaque membre du
groupe et que l’évaluation que l’on en fait soit bien individuelle.
2. Apporter au groupe le résultat de ses recherches documentaires et profiter
de celles des autres membres.
3. Procéder à la critique des sources des documents trouvés (surtout ceux
d’Internet…) et les valider.
4. Expérimenter à partir de montages effectués dans le groupe avec l’aide
des professeurs et des agents de laboratoire.
5. Échanger les savoir-faire techniques pour l’informatique, l’Internet, les
outils de présentation, l’audiovisuel, etc.
6. Coopérer pour rédiger la présentation rapide finale et le dossier si cette forme
est choisie (et elle l’est encore majoritairement…). Le groupe fonctionne alors
comme un comité de rédaction et peut aider à l’écriture et à la réécriture. Bien
entendu le professeur de français, dans toutes les séries, a pour mission
118
Chapitre
III
d’entraîner les élèves à la production de ce type de textes. Les professeurs en
charge des TPE peuvent expressément le solliciter : c’est son programme… le
plus officiel.
7. Le groupe lui permettra, vers la fin de la phase de réalisation, de s’entraîner
à la soutenance. Si aucune autre discipline ne leur donne l’occasion de le faire
(« prendre la parole en public » ne fait partie jusqu’à présent que des capacités à
évaluer en TPE…), il trouvera là, auprès de ses pairs, une simulation de « jury »
qui pourra lui donner cet entraînement.
8. Lier avec ses camarades de groupe des relations dont ils seront seuls à partager la qualité et qui sont très naturellement soustraites à tout regard extérieur,
professoral ou autre. C’est une aventure qui donne la trame des souvenirs que
l’on garde et qui colorent ensuite les années lycée…
Pour un dernier regard sur la problématique du travail de groupe, donnons la
parole à quelques auteurs praticiens :
« Pour un grand nombre d’apprentissages, intellectuels notamment, le groupe
peut être précieux en organisant le conflit socio-cognitif, en multipliant les points de
vue et par là en facilitant le jeu des facultés déductives, inductives, dialectiques ou
en éveillant les ressources créatives. Dans un tel dialogue, dans une telle collaboration authentique, les ressources des participants ne s’additionnent pas mais se
multiplient ! »
(Michel Barlow, Le travail en groupe des élèves, Armand Colin, Enseigner, 1993.)
« Le plaisir d’apprendre constitue un corollaire de l’apprentissage en groupe qui se
vit à travers des relations de partage des idées et des responsabilités, et de complicité entre les associés dont les actions suscitent une estime et un respect mutuels. Les
attitudes envers l’apprentissage deviennent plus positives lorsqu’on découvre qu’il
peut être passionnant de discuter ensemble et de collaborer à un produit original et
de qualité. C’est ici que la motivation intrinsèque prend sa place, sans aucune influence extérieure, mais seulement comme un effet du plaisir éprouvé. »
(J. Reid, P. Forrestal, J. Cook, adapt. Louise Langevin,
Les petits groupes d’apprentissage dans la classe, Chronique sociale, 1993.)
« Nous avons été amené à suggérer le modèle d’une “ école plurielle ” dans laquelle puissent s’articuler la rigueur indispensable et la mise à distance où s’insinue
la liberté. Nous avons vu que seule la proposition de plusieurs méthodes pouvait y
permettre la réussite du plus grand nombre et que seule l’alternance de celles-ci pouvait garantir la conquête progressive de l’autonomie. Tout cela nous a permis de
conclure que les pratiques de groupe devaient être reconsidérées comme des outils,
faire l’objet d’un travail de recherche dans le cadre d’une équipe accordée sur des
objectifs et acceptant d’investir le domaine didactique en utilisant toutes les ressources à sa disposition. »
(Philippe Meirieu, Apprendre en groupe ? 2 : Outils pour apprendre en groupe,
op. cit.)
Quelle pédagogie pour les TPE ?
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Avec l’arrivée des TPE dans l’univers pédagogique du lycée, voici donc venu le
moment pour les équipes pluridisciplinaires, « accordées sur des objectifs communs », d’utiliser le travail de groupe comme l’une des « ressources » majeures
« à sa disposition ».