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DE LA RÉFORME
DU COLLÈGE AU
DÉBAT SUR L’ÉCOLE
NOTE n° 3 - Fondation Jean-Jaurès
Observatoire de l’éducation - 1 septembre 2015
Yves DURAND*
*Député du Nord,
président du Comité
de suivi de la loi de
refondation de l’école
de la République.
L
a réforme du collège a provoqué des réactions souvent polémiques, que ce soit de
la part de Bruno Le Maire1 qui a fait récemment des propositions, d’A lain Juppé
qui publie un livre sur l’école2 ou de journaux, d’hebdomadaires, classés plutôt
à droite. Même s’il est regrettable que ce retour se fasse à l’initiative de la droite, l’école
reprend sa place au centre du débat public et on ne peut que s’en féliciter. Elle constituera
même l’un des enjeux majeurs de la campagne électorale de 2017.
Or, même si François Hollande a fait de l’éducation sa priorité lors de la campagne de
2012, notamment lors de son discours à Orléans le 9 février 2012, la gauche et le Parti
socialiste abordent trop souvent les sujets éducatifs avec une certaine crainte. Mais ils
auraient bien tort de laisser le champ libre à la droite et aux conservateurs, qui en la
matière ne sont pas tous de droite, alors que la gauche s’est toujours identifiée à l’école
et à sa mission émancipatrice.
La loi sur la refondation de l’école de la République qui aurait pu tracer une vraie politique
éducative de gauche a été vampirisée par le débat sur la mise en œuvre des rythmes
scolaires – qui ne sont d’ailleurs pas dans la loi elle-même – et la réforme du collège a été
occultée par les propositions de nouveaux programmes, pourtant distincts de la nécessaire
évolution du collège.
Ces télescopages, volontairement provoqués par les conservateurs, ont empêché de dégager
la cohérence de ce que doit être une véritable refondation. Sans un véritable discours
politique sur l’école, capable de donner un sens aux dispositifs mis en place depuis 2012,
la refondation de l’école viendra allonger la trop longue liste de réformes avortées et les
conservateurs pourront imposer le retour en arrière que propose Bruno Le Maire sur le
collège.
1. Bruno Le Maire, « Remplaçons le collège unique par un collège diversifié », Libération, 15 mai 2015.
2. Alain Juppé, Mes chemins pour l’école, Paris, JC Lattès, août 2015.
L’Observatoire de l’éducation de la Fondation Jean-Jaurès se veut le carrefour qui rassemble tous ceux qui
réfléchissent et proposent des solutions concrètes à l’école du XXIe siècle. L’Observatoire, animé par la députée
Sandrine Doucet et le professeur de philosophie Julien Rabachou, réunit des enseignants, des historiens, des
responsables politiques, des universitaires.
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Observatoire de l’éducation - 1 septembre 2015
Bruno Le Maire part d’un constat juste et partagé par tous : 150 000 jeunes sortent du
système éducatif sans diplôme ni qualification. À peu près 25 % des élèves entrant en
sixième ne maîtrisent pas la lecture et sont donc voués à un échec inéluctable au collège.
C’est là que l’erreur est magistrale : il est faux d’imputer au collège un échec qu’il subit,
qu’il prolonge et renforce trop souvent aujourd’hui, mais dont il n’est pas la source. C’est
en effet dès la maternelle, et surtout dans les premières classes de l’école primaire, que
s’acquiert la maîtrise des fondamentaux et notamment de la langue écrite et orale.
D’ailleurs, depuis des années, de nombreux rapports – qu’ils soient issus de l’OCDE, de
l’Institut Montaigne3 ou du Conseil économique, social et environnemental (CESE) 4 –
préconisent de redonner la priorité au primaire en le recentrant sur les acquisitions des
savoirs fondamentaux. En effet, en 2009, un élève de primaire français « coûtait » 6 373
euros contre 7 762 euros en moyenne pour les élèves de primaire de l’ensemble de l’OCDE ;
un collégien français « coûtait » 9 111 euros contre 8 854 euros pour les collégiens de
l’ensemble de l’OCDE5. L’élève de primaire était donc bien le parent pauvre en France
alors que tout le monde reconnaissait que c’est précisément dans ces classes, où tout
commence, que tout se joue.
La loi de refondation de l’école de la République votée en juillet 2013 opère un renversement
de cette situation en accordant, pour la première fois, la priorité au primaire :
• sur le plan budgétaire, en faisant de la loi une loi de programmation jusqu’en
2017. Sur les 54 000 postes créés dans l’Éducation nationale, 27 000 allant au
rétablissement de la formation des enseignants, 14 000 sur 21 000 enseignants
titulaires vont au primaire ;
• sur le plan pédagogique. L’effort nouveau en moyens humains et financiers
pour le primaire est au service de pratiques pédagogiques nouvelles, outre la
formation des maîtres, pour l’acquisition des fondamentaux. Ainsi, le dispositif
« Plus de maîtres que de classes », auquel 7 000 postes supplémentaires sont
consacrés, a pour objectif d’aider les élèves dans l’acquisition des apprentissages
fondamentaux.
Il est dommage que la droite, dont Bruno Le Maire, n’ait pas voté ce changement de cap qui
fait pourtant l’unanimité et qu’elle se soit mobilisée uniquement pour porter le fer contre
le collège unique, décidément bête noire des conservateurs. Mettre fin au collège unique,
comme le suggère Bruno Le Maire dans son entretien à Libération, est la revendication
constante de la droite et des conservateurs depuis 1975. Pourtant, le collège unique est une
création giscardienne : il a été initié par Valéry Giscard d’Estaing mais n’a pu voir le jour
que grâce au soutien de la gauche, comme certaines autres avancées politiques ou sociales.
3. Sandra Enlart, Choisir les bons leviers pour insérer les jeunes non qualifiés, Institut Montaigne, juin 2012.
4. CESE, Les inégalités à l’école, septembre 2011 ; CESE, Rapport annuel sur l’état de la France, 2014.
5. OCDE, Regards sur l’éducation 2012, septembre 2012.
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Le collège unique voit donc le jour avec la loi Haby du 4 juillet 1975, dont l’article 4 fixe
pour objectif que : « Tous les enfants reçoivent dans les collèges une formation secondaire.
Celle-ci succède sans discontinuité à la formation primaire en vue de donner aux élèves
une culture accordée à la société de leur temps ». Les conséquences sur l’organisation de la
scolarité obligatoire, sur la pédagogie et les programmes en découlaient tout naturellement.
Il s’agissait bien d’inscrire le collège dans la continuité de l’école primaire et non plus d’en
faire le « petit » lycée. En bouleversant ainsi la vision que se faisaient beaucoup de Français,
notamment les enseignants du système éducatif, Valéry Giscard d’Estaing et son ministre
René Haby ne faisaient que tirer les conséquences de l’ouverture à tous de l’enseignement
secondaire voulue déjà par le plan Langevin-Wallon à la Libération. Ils voulaient ainsi que
la France rejoigne les pays scandinaves qui démocratisaient l’enseignement secondaire en
ne se contentant pas de le massifier. Ils répondaient à une exigence économique d’élévation
du niveau de qualification du plus grand nombre et à une exigence sociale, en abolissant
le privilège du savoir par plus d’égalité devant la réussite scolaire et le diplôme. C’est sans
doute ce deuxième aspect qui a heurté les conservateurs.
Aujourd’hui, l’objectif de la loi Haby n’est pas atteint et toutes les réformes qui auraient
dû permettre d’appliquer son article 4 ont échoué. En 1989, la loi Jospin, qui met sur pied
les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) où tous les enseignants sont
formés, crée les cycles à l’école primaire et transforme les instituteurs en professeurs des
écoles pour les rapprocher des professeurs de collège, bute sur le collège. L’opposition
du Syndicat national des enseignements du second degré (SNES) tournera en conflit
personnel entre sa secrétaire générale Monique Vuaillat et le ministre Claude Allègre
quand celui-ci voudra reprendre en 1998 la réforme abandonnée en 1989.
En 2005, le rapport Thélot demandé par Luc Ferry prévoit l’instauration du socle
commun de connaissances et de compétences repris dans la loi d’orientation de 2005.
Mais l’inertie du nouveau ministre Fillon et l’opposition du SNES n’ont pas permis de
l’appliquer réellement. L’objectif de la continuité éducative voulue par René Haby se heurte
depuis quarante ans à la conjonction des conservatismes. L’éclatement de la Fédération
de l’Éducation nationale (FEN) dans les années 1990 qui portait cette exigence d’une
continuité école/collège a d’ailleurs été à la fois la cause et la conséquence du renoncement
à l’application de la loi Haby. Depuis cette fracture de la FEN, la culture du primaire ne
cohabite plus avec la culture du secondaire pour un projet commun mais elles s’opposent
dans une surenchère trop souvent corporatiste. La réforme du collège veut sortir de ce
renoncement pour construire une vraie démocratisation de la réussite scolaire en passant
de la massification à la démocratisation.
Que révèlent les propositions sur le collège de la droite dont Bruno Le Maire s’est fait le
premier porte-parole ? Livrons-nous pour mieux comprendre à une comparaison avec la
réforme que le gouvernement de Manuel Valls entend mettre en œuvre.
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La principale proposition de la droite : un collège
« diversifié »
Derrière cette expression de collège « diversifié » se cache mal le retour à l’orientation
précoce de la sixième, même si Bruno Le Maire ne va pas jusqu’à réclamer le rétablissement
d’un examen d’entrée en sixième, comme Jean-François Copé l’avait envisagé il y a
quelques années.
En fait, la définition d’un tronc commun (et non plus d’un socle commun) ne comportant
que le français, les mathématiques, l’histoire et une langue étrangère est en contradiction
avec l’ambition totale d’offrir à tous les élèves un socle commun de connaissances, mais
aussi de compétences et de culture. Ce que Bruno Le Maire appelle le tronc commun
doit être acquis dès l’école primaire, comme la loi de refondation lui en a donné la mission.
Le collège diversifié serait donc le lieu du tri dès la sixième entre les élèves qui devraient
poursuivre au collège l’acquisition des seuls fondamentaux, comme si pour eux l’école
s’arrêtait à fin du CM2 (!), et les autres pour lesquels s’ouvriraient les portes de la culture
et des compétences. Le collège diversifié « façon Le Maire » renonce ainsi à l’augmentation
de la qualification du plus grand nombre et nie le rôle essentiel de l’école primaire dans
l’acquisition des fondamentaux.
La scolarité ne commence ni ne s’arrête au collège et toute réforme de celui-ci doit s’intégrer
dans une vision globale du système éducatif. Tout au contraire, l’actuelle réforme du collège
adossée à la refondation de l’école primaire reprend l’ambition du collège unique de la
loi Haby de 1975 et les conclusions du rapport Thélot de 2005 : la création d’un cycle
commun CM1/CM2/sixième (cycle 3) et du conseil école-collège, la formation commune
des enseignants du primaire et du secondaire dans les Écoles supérieures du professorat
et de l’éducation (ESPE), la réflexion sur des programmes qui s’échelonnent du CP à la
troisième sont des éléments constitutifs de la continuité école-collège pour l’acquisition
d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture. La transversalité
des disciplines, qui permet à des enseignants de disciplines différentes d’en dégager la
complémentarité – donc le sens –, est un levier de rapprochement pédagogique entre le
primaire et le collège.
On ne peut qu’être surpris par une des propositions de Bruno Le Maire qui détonne avec
l’idée même du collège diversifié : créer un seul corps du CP à la fin du collège. Quelle
contradiction, puisque la rupture et la sélection se fait dès la sixième ! Deux explications
peuvent être données à cette proposition étonnante. La première serait que Bruno Le
Maire lance cette idée d’autant plus facilement qu’il sait lui-même qu’elle est irréalisable
à court terme. Mais il n’est peut-être pas inutile pour un conservateur d’apparaître comme
un révolutionnaire en bravant la colère des syndicats ! La deuxième explication est que
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cette proposition cache peut-être un dessein encore plus conservateur qu’il n’y paraît : la
création d’un corps unique du CP à la fin de la troisième pour les élèves orientés dès la
sixième vers ce qu’il faut bien appeler de la pré-professionnalisation. Le corps actuel des
certifiés serait maintenu pour enseigner aux élèves orientés vers des études générales, les
agrégés étant affectés au lycée. Ce ne serait plus le collège diversifié mais le collège éclaté,
entre un enseignement primaire supérieur rappelant les anciens cours complémentaires
pour les enfants du peuple et les collèges redevenus des « petits lycées » pour les enfants
des classes culturellement favorisées.
L’autonomie : un mot piège
Dans son entretien à Libération, Bruno Le Maire est d’une vacuité totale sur l’autonomie des
établissements. D’autres que lui à droite ont été plus précis : l’autonomie des établissements
serait le seul réel moyen de faire réussir les élèves. La gauche ne dit pas le contraire. Et
pourtant…
Il y a une évidence à considérer que l’on n’enseigne pas de la même manière dans un
collège de centre-ville et dans un collège de banlieue où la population est culturellement
défavorisée. C’est à partir de ce constat qu’A lain Savary avait conçu dès 1982 la politique
d’éducation prioritaire qui a créé les Zones d’éducation prioritaires (ZEP). L’éducation
prioritaire ne se réduit pas à l’allocation supplémentaire de moyens pour les collèges qui
reçoivent une majorité d’élèves en difficulté, même s’il est vrai que c’est plutôt devenu le
cas au fil des années sous les gouvernements de droite. Mais il s’agissait surtout d’engager
les équipes éducatives à élaborer un projet d’établissement susceptible de répondre aux
besoins des élèves, prenant en compte leur situation familiale, sociale et culturelle pour
les amener tous au même niveau de connaissances.
Le projet d’établissement constituait une véritable révolution dans la conception
centralisatrice de l’école et devait ouvrir la voie à un changement en douceur mais
fondamental de logique : mettre l’établissement et les équipes pédagogiques au cœur
de la réussite scolaire, donner aux établissements l’autonomie nécessaire pour s’adapter
à leur environnement afin d’atteindre l’objectif commun que la République assigne à
l’école. L’autonomie par le projet d’établissement est donc le moyen de porter tous les
élèves au même niveau.
La conception que la droite et les conservateurs se font de l’autonomie des établissements
est très exactement inverse : reconnaître que la diversité des élèves n’est plus le moyen
de les mener tous vers le même niveau mais de les trier dès la sixième, comme le propose
Bruno Le Maire. Là où l’autonomie est au service d’une ambition, elle devient pour les
conservateurs le moyen du renoncement ! Le même mot peut recouvrir deux réalités
contraires, deux projets totalement antagonistes. Il n’est donc pas étonnant que les
gouvernements de droite aient abandonné l’ambition d’A lain Savary en dévoyant le mot
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« autonomie ». Il n’est donc pas étonnant non plus que la droite fasse de l’autonomie des
établissements le point central de son projet éducatif.
Mais quelle autonomie ? Chaque chef d’établissement aurait la liberté totale (que ne fait-on
pas au nom de la liberté !) de recruter ses enseignants, de choisir ses élèves, transformant
ainsi l’établissement scolaire en entreprise. La logique de cette conception de l’autonomie
est d’instaurer immanquablement la concurrence entre établissements, chaque famille
allant « faire son marché » à la fin de chaque année scolaire. Un pas de plus, que la droite ne
franchit pas encore, nous amènerait au « ticket scolaire », vieille revendication de l’extrême
droite et inscrit dans le programme du Front national. La mise en concurrence entre
établissements qui figure dans les propositions de François Fillon aboutirait inévitablement
au creusement des inégalités scolaires dont la France est déjà l’une des championnes. Il
n’est donc pas étonnant enfin que la droite attaque le projet de réforme proposé par le
gouvernement et la ministre de l’Éducation nationale.
Les 20 % du temps d’enseignement dans le respect des horaires disciplinaires consacrés à
un apprentissage différent des fondamentaux avec de nouvelles modalités d’enseignement
(notamment les enseignements pratiques interdisciplinaires) reprennent, prudemment,
l’idée du projet d’établissement, puisqu’il appartiendra aux équipes éducatives de choisir
les thèmes d’étude et les méthodes de travail en équipe.
Il est dommage que l’objectif principal de cette réforme – le retour à l’ambition du projet
d’établissement – ait été occulté par des débats périphériques comme le maintien des
classes bilangues ou la place du latin et du grec dans les programmes de collège !
Nul doute que l’autonomie des établissements animera le débat présidentiel de 2017.
Souhaitons qu’il puisse se dérouler avec pédagogie, clarté et honnêteté intellectuelle de
toutes parts.
L’appel aux exemples étrangers
Les enquêtes PISA6 ont amené chaque pays à comparer l’efficacité de leurs systèmes
éducatifs respectifs. En France, l’école étant encore sujet de conflit politique, chaque
camp y a trouvé l’exemple à suivre et, depuis des années, l’A llemagne était la référence
pour tous les conservateurs et pour la droite.
6. Enquêtes PISA (« Program for International Student Assessment » ou Programme international de suivi
des acquis) de l’OCDE de 2010 et de 2013.
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Qu’en est-il vraiment ? La comparaison entre la France et l’Allemagne rencontre une
première difficulté puisque l’éducation relève des Länder et non de l’État fédéral, chaque
Land ayant donc un système propre. Néanmoins, la plupart d’entre eux pratiquaient une
sélection précoce. Les élèves étaient, dès la sixième, envoyés en Gymnasium vers des
études longues pour les meilleurs, à la Hauptschule pour des études courtes pour les
moyens et vers la Realschule pour les moins bons, vers une forme de pré-apprentissage.
Le système semblait donner toute satisfaction et les résultats économiques de l’A llemagne
d’après-guerre confortaient les Allemands dans l’idée que leur système éducatif préparait
au mieux les jeunes Allemands à la vie professionnelle. Bruno Le Maire en est sans doute
resté là lorsqu’il déclare : « Notre objectif ne doit pas être 80 % d’une classe d’âge au
baccalauréat mais 100 % avec un emploi ».
Pourtant, l’avant-dernière enquête PISA avait plongé l’A llemagne dans la stupéfaction : le
système éducatif allemand tant loué par nos conservateurs français se retrouvait dans le
fond du classement. Dès lors, après un an de débat public, l’Allemagne a totalement changé
de logique et la plupart des Landër a abandonné l’orientation précoce pour revenir à une
« école fondamentale » – une sorte d’école du socle comme la loi de refondation de l’école
de 2013 le suggère ! Ainsi, le pays a retrouvé la première place dans le classement PISA
(contrairement à la France), rejoignant ainsi les pays qui fondent leur système éducatif
sur une continuité scolaire entre 5-6 ans et 16-18 ans sans sélection précoce, comme la
Finlande ou la Pologne, pour ne prendre que des pays européens.
La droite en ce domaine n’est plus conservatrice mais étymologiquement réactionnaire.
Le débat sur l’école mérite mieux que des positionnements politiciens, non seulement
parce qu’il s’agit de l’avenir de l’économie et de la cohésion sociale, mais aussi parce que
l’école a besoin de sécurité et de temps. La multiplication des locataires de la rue de
Grenelle n’est d’ailleurs pas le meilleur exemple de stabilité et de constance donné aux
enseignants et aux parents.
AVERTISSEMENT : La mission de la Fondation Jean-Jaurès est de faire vivre le débat public et de concourir
ainsi à la rénovation de la pensée socialiste. Elle publie donc les analyses et les propositions dont l’intérêt du
thème, l’originalité de la problématique ou la qualité de l’argumentation contribuent à atteindre cet objectif,
sans pour autant nécessairement reprendre à son compte chacune d’entre elles.
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