Chirurgie MHCCR - Société Marocaine de Chirurgie

Transcription

Chirurgie MHCCR - Société Marocaine de Chirurgie
Référentiels Marocains de Chirurgie
Cancérologique Digestive
Chirurgie des métastases hépatiques des cancers colorectaux
Pr Belkouchi - Pr Chihab - Pr Zentar - Pr Benkabbou
1. Introduction
La présence de métastases hépatiques (MH) de cancer colorectal (CCR) fait classer les patients
en M1 du TNM et au Stade IV de la classification UICC/AJCC. Elles sont observées dans 40 à
60 % des cas (synchrones dans 25 % des cas). Sur 100 patients atteints de cancers
colorectaux, 15 à 20 ont des métastases hépatiques synchrones et 20 auront des métastases
hépatiques métachrones dans les 5 ans.
Le progrès du traitement médical (chimiothérapies et biothérapies) ne doit pas faire oublier
que seule la résection chirurgicale offre une possibilité de guérison au patients atteints de
MHCCR.
Les recommandations suivantes ont été établies sous l'égide de la Société Marocaine de
Chirurgie et la Société Marocaine de Chirurgie Digestive. La méthodologie d'adaptation a été
utilisée, telle qu'elle a été proposée et décrite par le groupe ADAPTE Collaboration
(www.adapte.org). Elles sont issues de l'adaptation au contexte Marocain des
recommandations pour la pratique clinique des sociétés savantes françaises (SFCD, ACHBT,
FFCD).
2. Eléments nécessaires à la décision thérapeutique
Examen clinique complet comportant un toucher rectal, la palpation des aires
ganglionnaires et l'évaluation de l'état général selon le grade OMS.
Coloscopie si la précédente date de plus de 3 ans ou a été incomplète, notamment si
préparation insuffisante.
Marqueurs ACE, CA 19-9.
Scanner thoraco-abdomino-pelvien avec injection, si possible multi-barrettes.
Volumétrie hépatique par scanner si doute sur le volume du futur foie restant.
IRM hépatique avec injection de gadolinium si le scanner avec injection est contreindiqué ou échoue à caractériser un nodule.
Ponction biopsie en foie non tumoral si doute sur hépatopathie associée.
Ponction biopsie en foie tumoral si doute sur la nature métastatique du (des) nodules
hépatiques après imagerie optimale.
PET scanner : il est recommandé avant résection des MHCCR car il peut modifier la
stratégie thérapeutique. Sa prescription doit être discutée au cas par cas en RCP en tenant
compte de son accessibilité.
Bilan d’opérabilité en concertation avec l’anesthésiste : biologie standard, bilan hépatique,
EFR, gazométrie, ECG, échocardiographie…
3. Définition de la résécabilité
La résection des métastases hépatiques, qui reste le seul traitement permettant des guérisons,
doit toujours être discutée et rediscutée en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP)
comprenant au moins un chirurgien, un oncologue et un radiologue expérimentés en
pathologie hépatique. La discussion repose sur le rapport risque/bénéfice de la résection.
i. Critères de résécabilité
Carcinologiques:
pas de localisation tumorale extra hépatique non résécable en totalité.
pas de progression sous chimiothérapie.
NB : une chirurgie hépatique première (et/ou une radiofréquence) sans chimiothérapie
préopératoire peut être discutée quand les métastases sont infra-centimétriques et localisées
dans un segment difficile à repérer et à reséquer.
Techniques:
possibilité de laisser en place un parenchyme hépatique avec sa propre
vascularisation et son drainage biliaire.
possibilité de laisser un volume ≥ 25% à 40% de foie sain et/ou un volume de foie
sain ≥ 0,5 % du poids corporel (Exemple : volume de foie sain ≥ 350 ml
(correspondant à 350 g) pour un sujet de 70 Kg).
NB : lorsque le volume de foie restant est insuffisant, une embolisation portale préopératoire
doit être envisagée. En pratique, il s’agit le plus souvent d’une embolisation portale droite
avant hépatectomie droite ± élargie au segment 4. Si des métastases sont présentes dans le
foie gauche et compte tenu du risque de croissance tumorale dans le foie non embolisé, une
résection (chirurgie en 2 temps) ou un traitement par radiofréquence des lésions du futur foie
restant est conseillé avant l’embolisation portale.
ii. Difficulté de la résection
Deux niveaux de difficulté de résection hépatique sont définis:
• Classe I
Evidente par une hépatectomie classique (4 segments ou moins, laissant plus de 40 % de
parenchyme résiduel).
• Classe II
Possible par une hépatectomie complexe ou très large (plus de 4 segments) requérant une
procédure difficile et/ou risquée (par exemple hépatectomie centrale sous exclusion
vasculaire, hépatectomie droite élargie, reconstruction vasculaire).
4. Recommandations techniques
a. Exploration
L’intervention débute par l’exploration complète de la cavité abdominale puis l’exploration
visuelle et manuelle du foie complétée par l’échographie peropératoire. Celle ci est
recommandée car elle peut modifier la stratégie thérapeutique. Tout tissu extrahépatique
suspect doit être prélevé et examiné en extemporané si la positivité change la stratégie
thérapeutique.
b. Résection hépatique
Les techniques de résection hépatique dépendent de la taille, du nombre et de la topographie
des métastases. L’étendue de la résection doit mettre en balance l’impératif carcinologique
d’obtenir une marge R0 avec le volume hépatique résiduel.
Une résection atypique (non anatomique, «wedge») offre les mêmes chances de guérison
qu’une hépatectomie anatomique si les critères de qualité suivants sont respectés:
Marge de sécurité de foie sain R0 d’au moins 2 mm.
NB : Une résection R1 « de nécessité » n’est pas une contre indication à la résection.
Limitation des pertes sanguines.
c. Rôle de la laparoscopie
La laparoscopie exploratrice est indiquée s’il existe une forte suspicion de carcinose
péritonéale et/ou de non résécabilité hépatique (écholaparoscopie). La résection hépatique par
voie laparoscopique est envisageable si les critères de qualité d’exploration
(écholaparoscopie) et de résection hépatique (marges, limitation du saignement) sont
respectés.
d. Rôle de la radiofréquence
En peropératoire : l’utilisation de la radiofréquence est recommandée dans certaines
conditions (lésions < 3 cm et à plus de 0,5 cm des voies biliaires) si elle permet d’élargir
les indications de résection hépatique.
En percutané : la radiofréquence n’est recommandée de façon exclusive que lorsqu’il
existe une contre indication à la résection hépatique.
NB: un antécédent de dérivation bilio-digestive n'est pas une contre-indication absolue à la
radiofréquence, mais le risque d'abcès est important (40 à 50 %).
5. Situations particulières
a. Métastases hépatiques techniquement non résécables en 1 ou 2 temps
Il est recommandé de discuter et rediscuter le dossier en réunion de concertation
pluridisciplinaire (RCP) comprenant au moins un chirurgien expérimenté en pathologie
hépatique de façon à évaluer la possibilité d’une résécabilité secondaire après chimiothérapie
d’induction.
b. Disparition d’une métastase en imagerie après chimiothérapie
Il est recommandé que la résection hépatique intéresse, lorsque cela est possible, le site initial
de la lésion disparue ; en effet en cas de réponse complète radiologique il n’y a une réponse
histologique que dans moins de 20% des cas.
c. Métastases synchrones avec tumeur primitive en place
Si la tumeur primitive est peu/pas symptomatique, une chimiothérapie est recommandée avant
toute chirurgie (colorectale et/ou hépatique).
Si la tumeur primitive est peu/pas symptomatique avec des métastases hépatiques justifiant
une résection de classe II, la résection hépatique peut être envisagée avant la chirurgie
colorectale (stratégie «reverse»).
Si la tumeur primitive n’est pas compliquée (occlusion, perforation,…) avec des métastases
justifiant une résection de classe I, une chirurgie combinée colorectale et hépatique peut être
envisagée. Dans cette situation, l’anastomose digestive doit être réalisée avant la résection
hépatique.
Dans le contexte de tumeur primitive compliquée d’occlusion, la mise en place d’un stent peu
limiter le recours au bevacizumab (risque de perforation).
d. Site extrahépatique synchrone
Un site extra hépatique associé aux métastases hépatiques ne constitue pas une contre
indication à la résection hépatique si le site peut être réséqué en totalité.
i. Adénopathies pédiculaires ou coeliaques
Un curage ganglionnaire systématique ou la réalisation d’un picking ganglionnaire ne sont pas
recommandés. Lorsqu’il existe une adénopathie pédiculaire positive et que la résécabilité des
métastases hépatiques est de classe I, la chirurgie avec curage ganglionnaire ne peut être
contre-indiquée.
En présence d’une adénopathie coeliaque positive, ce d’autant que la résécabilité est de classe
II, la chirurgie n’est pas recommandée.
ii. Métastases pulmonaires résécables associées
La résécabilité pulmonaire doit être évaluée en RCP par un chirurgien thoracique. La résection
hépatique doit être réalisée avant la résection pulmonaire (2 à 3 mois plus tard).

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