Parole à l`artiste Pierre Courtois
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Parole à l`artiste Pierre Courtois
50 Les Cahiers de l’Urbanisme N° 76 Octobre 2010 Pierre Courtois01 Artiste 50 Parole à l’artiste Pierre Courtois Lorsque je mène un projet d’intégration, il est capital pour moi de rester avant tout cohérent avec ma démarche artistique tout en répondant parfaitement au cahier des charges et à la fonction du lieu où doit s’inscrire l’ouvrage. Il est certain que pour mener à bien ce type de projet, l’artiste, individualiste par excellence, doit apprendre à composer avec l’ensemble des intervenants et sans doute avaler quelque peu son ego ! J’ai conçu deux interventions artistiques pour des bâtiments du SPW : l’une pour l’ancienne maternité provinciale de Salzinnes, l’autre pour la bibliothèque centrale, à Jambes. En cours de réalisation, divers facteurs sont venus perturber mes projets initiaux. Ainsi, entre la gestation du projet et sa mise en œuvre, plusieurs années peuvent s’écouler, au cours desquelles votre démarche artistique évolue, de même que… le prix des matériaux. Les dossiers architecturaux remis lors des concours, quant à eux, ont révélé quelques surprises, soit parce que la réalité du terrain ne correspondait pas toujours aux plans reçus, soit parce que certaines données manquaient aux plans d’origine ! Et puis, comment répondre aux adaptations du gros-œuvre, aux techniques spéciales qui me sont signalées en cours de chantier, à ces modifications qui risquent de parasiter mon projet ? Commence alors une phase importante dans les relations entre l’architecte, le maître de l’ouvrage et l’artiste, celle des concessions, des compromis et parfois même des remises en question. Si je peux me montrer souple à ce sujet, je ne veux cependant pas me plier aux tentatives de certaines entreprises de me faire modifier des éléments parfois fondamentaux, simplement par manque de compétences et/ou par facilité. C’est à ce moment que la Commission a son rôle à jouer, ce qu’elle fait par ailleurs très bien. D’autres problèmes surgissent, lorsqu’une partie du travail est exécutée par l’entreprise générale ou ses sous-traitants. Ainsi, à Salzinnes, pour le montage des 75 panneaux peints en atelier sur le mur de l’atrium, j’ai été dépendant d’une main-d’œuvre que je ne pouvais maîtriser, peu ou pas qualifiée. À Salzinnes encore, les murs végétaux à doubles parois n’ont pas résisté à une erreur de montage en amont du circuit d’alimentation en eau. Outre les conséquences sur la pérennité de l’œuvre, tant l’intégration artistique que ma crédibilité ont subi un réel préjudice, car ce travail n’a pas pu être présenté ni à la presse ni au public… et cet aspect n’est pas négligeable, lorsque l’on sait que l’enveloppe budgétaire d’un concours, compte tenu du travail et de la responsabilité que cela sousentend, n’est aucunement proportionnelle aux prix d’œuvres vendues en galerie… Dans ce type d’entreprise, le soutien d’une équipe est nécessaire. Tant à Salzinnes qu’à Jambes, j’ai pu m’appuyer sur les compétences et le savoir-faire de mes deux fils, Julien et David, ainsi que sur le réconfort de mon épouse. Pour conclure, même si cette double expérience fut pour moi source de tracasseries, de soucis et de désenchantements, l’intégration dans un bâtiment public reste pour moi une expérience positive non négligeable parmi les champs d’intervention possible de l’artiste. Participer à un concours, d’abord être retenu, puis l’étudier, le concevoir, l’apprivoiser dans sa tête, le faire sien, le réaliser en équipe, enfin le savoir achevé, puis le «lâcher» pour qu’il poursuive son chemin auprès du public, telles sont les satisfactions d’une expérience artistique personnellement réussie. 01 www.pierrecourtois.be