un modele bi-objectif pour la conception de chaines logistiques vertes
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un modele bi-objectif pour la conception de chaines logistiques vertes
8e Conférence Internationale de MOdélisation et SIMulation - MOSIM’10 - 10 au 12 mai 2010 - Hammamet - Tunisie « Evaluation et optimisation des systèmes innovants de production de biens et de services » UN MODELE BI-OBJECTIF POUR LA CONCEPTION DE CHAINES LOGISTIQUES VERTES Wassila MTALAA, Riad AGGOUNE CRP Henri Tudor Technoport, Esch-sur-Alzette L-4002 – G.D.Luxembourg [email protected], [email protected] RESUME : La conception de chaînes logistiques vertes consiste en la considération de critères environnementaux lors de la prise de décisions stratégiques sur la localisation d’usines ou d’entrepôts logistiques. Dans ce travail, une approche multi-objective est développée pour l’optimisation simultanée des coûts économiques globaux ainsi que de l’impact environnemental des configurations des réseaux. L’idée est innovante à deux titres. Tout d’abord elle s’applique aux modèles de chaînes logistiques générales, qu’elles soient traditionnellement directes ou en boucle fermée, intégrant ainsi les opérations logistiques inverses. Par ailleurs, l’approche gère l’impact environnemental du transport dans le modèle global d’optimisation de la chaîne logistique verte. Plus particulièrement, en supplément de la fonction objective qui calcule les coûts économiques de la chaîne logistique, nous considérons une seconde fonction objective qui prend en compte les coûts externes du transport. Ces coûts représentent les dommages causés à l’environnement tels que la pollution atmosphérique qui n’étaient jusqu’alors pas payés et ont donc été négligés dans le processus de décision. Cependant, avec les nouvelles régulations concernant l’environnement, les entreprises ont à présent le devoir et l’obligation de tenir compte des changements climatiques dans leurs décisions commerciales de tous les jours. MOTS-CLES : Chaînes logistiques vertes, conception de réseaux, formulation multi-objective, coûts environnementaux du transport. 1 INTRODUCTION Avec les questionnements sur l’environnement de plus en plus présents ces dernières décennies, il y a une réelle prise de conscience de la nécessité de traiter des problèmes de la pollution environnementale qui accompagnent le développement en même temps que le processus stratégique de gestion de la chaîne logistique, ce qui mène à la gestion de chaînes logistiques vertes. Le phénomène de gestion des chaînes logistiques vertes est relativement récent dans le domaine de la recherche opérationnelle et de la gestion des opérations. Ces chaînes logistiques vertes peuvent être issues de l’optimisation des processus logistiques en utilisant des objectifs économiques et environnementaux. La gestion des chaînes logistiques vertes fait référence à tous les processus directs de la chaîne logistique comme l’achat de matières premières, la production et la distribution mais aussi aux processus inverses de collecte et de retraitement de produits déjà utilisés ou non afin d’assurer un équilibre économique et écologique durable. La gestion des chaînes logistiques vertes est apparue suite à la prise de conscience et la motivation des consommateurs ainsi que des régulations en matière d’environnement, spécialement en Europe. L’une des plus importantes régulation européenne concernant l’environnement est la directive Emissions Trading Scheme (ETS) sur la régulation des émissions de dioxyde de carbone basée sur le fameux protocole de Kyoto qui est le premier schéma internatio- nal d’échanges d’émissions des gaz à effet de serre. Cet ETS qui a pris effet en 2005, limite les émissions de dizaines de milliers d’usines dans le domaine du papier, de la raffinerie, du ciment, du verre, de l’acier et bien d’autres, et permet d’échanger et de marchander des permis d’émettre. 2008 correspond au début de la seconde phase de cet ETS, ce qui implique que les entreprises de transport sont à leur tour sollicitées pour payer des crédits pour leurs dépassements d’émissions de CO2 par rapport à leurs permissions d’émettre. Les sociétés de toute l’union européenne doivent tenir compte des changements climatiques dans leur décisions commerciales quotidiennes, et faire preuve d’initiatives innovantes pour réduire leurs émissions, voir (Lemathe et Balakrishnan, 2005). Les preneurs de décisions ont donc dorénavant à faire face à un nouveau problème lors de la conception de leur chaîne logistique. Le critère environnemental doit être pris en compte au même titre que la faisabilité économique. Le but de ce travail est de proposer la conception d’une telle chaîne logistique qui englobe aussi bien les critères économiques que les critères écologiques. La méthodologie utilisée mène à un modèle multi-objectif qui a pour but l’optimisation des coûts économiques ainsi que la minimisation des émissions totales de dioxyde de carbone dues au transport dans la chaîne logistique. Cet article s’articule comme suit. Nous présentons en premier lieu le domaine de l’étude et nous donnons une description générale des problèmes de conception de chaînes logistiques. La section suivante est dédiée aux MOSIM’10 - 10 au 12 mai 2010 - Hammamet - Tunisie problèmes logistiques inverses ainsi qu’aux chaînes logistiques en boucle fermée. Dans la quatrième partie de ce travail, un modèle bi-objectif pour la conception de chaînes logistiques vertes est présenté. La dernière partie conclut l’article et apporte des directions pour des recherches futures. 2 DOMAINE DE RECHERCHE Le domaine de la gestion des chaînes logistiques durables est vaste, voir (Bloemhof et Van Nunen, 2005). Dans ce travail, nous ne prenons pas en compte la dimension sociale du développement durable, voir (Seuring et Müller, 2008). Les pratiques relevant du comportement environnemental au sein de l’entreprise ou les achats verts ne sont pas plus considérés ici puisque les problèmes sont plus d’ordre opérationnel que stratégique et risquent de ne pas être significatifs dans le cadre de la conception de chaînes logistiques vertes. Nous ne prenons pas non plus en compte l’écologie industrielle et les écosystèmes industriels. Nous sommes plus intéressés par la conception de chaînes logistiques, les problèmes de localisation, les chaînes logistiques inverses ou en boucle fermée ainsi que par les coûts externes du transport. Ces derniers correspondent aux coûts des dommages sur la société, qui ne se reflètent pas en termes de prix mais qui sont bel et bien engendrés par le transport, voir le site www.externalcosts.eu. Ces dommages sont nombreux et comportent notamment les encombrements des routes, le bruit, les accidents, les dommages causés à la route et enfin les émissions qui contribuent à la pollution de l’air ou à l’effet de serre pour les plus significatifs, voir (Quinet, 2004). Dans ce travail, nous nous concentrons sur les émissions de CO2 dues au fret routier pour les raisons suivantes. Tout d’abord, sur les six gaz à effet de serre couverts par le protocole de Kyoto, le CO2 est le plus important vu qu’il compte pour 80% du total du potentiel global de réchauffement de ces gaz. De plus, par rapport aux autres modes de transport la route est de loin la source majeure d’émissions de gaz carbonique. En effet, en 2005, 73% des marchandises au niveau interne au sein de l’Europe des 27 (en tonnes.km) était affrété par route, voir (Eurostat, 2007). Entre 1995 et 2005, le transport des marchandises dans l’union européenne a progressé de 31.3% et cette progression est en voie de continuer. Les émissions de CO2 du secteur routier sont 30% plus importantes qu’en 1990 et le transport est l’unique secteur de l’économie pour lequel les émissions vont continuer à croître dans le futur, selon les prévisions du “Greening Transport Communication” daté du 8 Juillet 2008, voir le site www.worldenergyoutlook.org. Enfin, en Juillet 2005 le système européen d’échange des permis d’émissions de CO2, Emissions Trading System (ETS) est entré en application. Dans le cadre du protocole de Kyoto l’union européenne a promis de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8% par rapport à celles de 1990 dans la période 2008-2012. Le système “cap & trade” régule une allocation annuelle des permis d’émissions et le droit d’émettre une quantité particulière de CO2 devient une marchandise à part entière. 2008 correspond à la seconde période de promesse ce qui entraine que c’est au tour des entreprises de transport routier en supplément du secteur industriel de payer des crédits pour leurs dépassements d’émissions de CO2. C’est dans ce contexte que le concept de logistique verte a été lancé par plusieurs entreprises de logistique. Cela implique la réduction significative des émissions de dioxyde de carbone causées par le transport. Généralement trois axes principaux de travail sont investigués par ces entreprises: l’amélioration des itinéraires et des voyages en limitant par exemple les trajets à vide, l’optimisation des modes de transport en mettant sur la route des véhicules de plus en plus performants ou enfin en optimisant les réseaux et les flux. Nous investiguons dans ce travail, cette dernière possibilité pour la limitation de l’empreinte carbone du transport dans la chaîne logistique. Afin d’aider à l’optimisation des réseaux et des flux au niveau stratégique de la prise de décision, nous proposons une formulation d’un problème de conception qui vise à la minimisation des émissions de carbone dues au transport. Plus précisément, en plus de la fonction objective classique qui calcule les coûts, nous considérons une seconde fonction objective qui représente les émissions totales de CO2. La quantification des émissions de CO2 liées au transport n’est pas une tache aisée vu le grand nombre de paramètres qui influencent ces émissions. Néanmoins il existe un certains nombre d’outils qui permettent aux entreprises de faire l’inventaire de leurs émissions annuelles. Ces outils ont pour la plupart été développés dans le cadre plus général des inventaires d’analyse de cycles de vie. En général ils consistent en un programme dans un tableur avec plusieurs feuilles associées à divers modes de transport. Celui qui est utilisé ici est la méthode de quantification développée conjointement par l’ADEME et EpE (Entreprises Pour l’Environnement) (voir le site www.epeasso.org). C’est ainsi qu’est formulée la seconde fonction objective dans la cinquième partie de cet article. Afin d’aboutir à la conception de chaînes logistiques vertes nous proposons d’abord de définir ce en quoi consiste la conception de chaînes logistiques. Nous considérons ensuite les flux inverses de produits ce qui nous mène à d’autres types de chaînes logistiques soucieuses du respect de l’environnement. 3 CONCEPTION DE CHAINES LOGISTIQUES Une chaîne logistique est un réseau de fournisseurs, d’usines de fabrication, d’entrepôts et de chaînes de distribution qui s’organisent pour acquérir des matériaux, les convertir en produits finis et les distribuer aux clients pour satisfaire à leur demande. Une conception et une gestion efficace de la chaîne logistique permet la production et la livraison d’une variété de produits à un coût avantageux, de bonne qualité et dans des temps défiants toute concurrence. Il y a un certain nombre d’aspects à prendre en compte pour la conception et le pilotage de la chaîne logistique qui peuvent être stratégiques, tactiques ou opérationnels, voir (Goetschalckx et al., 2002). MOSIM’10 - 10 au 12 mai 2010 - Hammamet - Tunisie Les décisions au niveau stratégique comprennent la conception du réseau logistique qui passe par le choix de la localisation et des dimensions des usines et du nombre optimal de fournisseurs, distributeurs et usines de la chaîne. Cela implique également les plans d’actions d’achats et de déploiements pour toutes les usines, distributeurs et clients. A ce niveau de décision sont définis les nœuds et les arcs du réseau logistique ainsi que leurs liens. Les décisions au niveau stratégique interviennent sur le long terme et sont prises au bout de quelques années, par exemple lorsqu’une firme tient à se développer, voir figure 1. Chaînes directes Achats Production Distribution Refabrication Remise à neuf Ventes Chaînes inverses Recyclage Long terme Moyen terme Court terme Réutilisation Conception de chaînes logistiques vertes Planification globale de la chaîne logistique Gestion et Planification des approvisionnements Planification de la production Planification de la distribution Ordonnance ment Planification du transport Prévision de la demande Prévision des ventes Figure 1 : Niveaux hiérarchiques du processus de décision Le niveau tactique de décision implique principalement l’organisation des fournisseurs ce qui inclut l’optimisation des flux de produits et de services tout le long du réseau logistique. Les décisions au niveau tactique sont des décisions sur le moyen terme qui sont prises typiquement sur une base mensuelle. L’organisation au niveau opérationnel est une planification à court terme qui implique l’ordonnancement de la production dans toutes les usines heure par heure. A chaque niveau de décision correspond des modèles et des procédures de résolution bien spécifiques. Des décisions à certains niveaux deviennent des contraintes à satisfaire ou des objectifs à atteindre à des niveaux inférieurs. Ces considérations apparaissent dans la plupart des manuscrits et articles de journaux en logistique et en gestion de production comme ceux de (Vidal et Goetschalckx, 1997) et (Schmidt et Wilhelm, 2000). Dans la littérature en gestion de la chaîne logistique, les termes conception de réseaux et conception de chaînes logistiques sont parfois employés en tant que synonymes de planification stratégique de la chaîne logistique, voir (Chopra et Meindl, 2007). Les entreprises peuvent être confrontées aux problèmes de localisation d’usines ou de conception de chaînes logistiques dans diverses situations comme lors d’une extension de leurs activités à de nouveaux horizons géo- graphiques, lorsque les capacités limites d’une usine sont atteintes, dans le cas où une usine devient obsolète, lorsque la demande décline ou enfin dans le cas d’une fusion de deux sociétés. Dans tous les cas, la planification sur le long terme est crucial, voir (Thanh et al., 2008). En fait, vu les larges investissements normalement associés à ce type de décisions, la stabilité de la configuration du réseau logistique est l’objectif majeur. L’étude de la conception de systèmes de distribution a commencé relativement tôt, avec le travail original de (Geoffrion et Graves, 1974), mais sans considérer la chaîne logistique totale. Les premières recherches se sont intéressées aux problèmes de localisation-allocation (de ressources) d’une usine puis de plusieurs usines. Nous référons le lecteur intéressé à (Klose et Drexl, 2005) et (ReVelle et al., 2008) et les références qui y sont citées pour une revue complète des problèmes de localisation d’usines. Il existe une quantité de réseaux logistiques d’entreprises si grande qu’aucun modèle ne peut s’adapter à tous. Cependant, les modèles les plus récents intègrent des critères additionnels dans le but de correspondre au mieux aux réseaux réels. Parmi les caractéristiques principales de ces récents modèles sont les suivants: - Chaînes logistiques avec de multiples échelons: fournisseurs, usines, entrepôts, clients, etc, voir (Sahin et Süral, 2007). - Problèmes de localisation d’usines multipériodes, voir (Melo et Saldanha-da-Gama, 2006). - Plusieurs produits ou familles de produits. - Nature déterministe/stochastique des données comme les coûts et les demandes, voir (Snyder, 2006). - Variété des contraintes: contraintes de capacité, contraintes budgétaires, etc. - Structure complexe des coûts: coûts fixes et coûts variables, coûts linéaires ou non-linéaires. - Modèles hybrides stratégique/tactique ou stratégique/opérationnels: problèmes de localisationtournées de véhicules voir (Nagy et al., 2007) pour un état de l’art récent de ces problèmes. Problèmes de localisation avec inventaires, voir (Shen et al., 2003): niveau de stock moyen, stocks de sécurité, niveau de stock cyclique. Choix entre différents modes de transport et capacités. Agencement d’entrepôts et gestion des entrepôts. Choix entre différentes techniques de production. Ce type de problèmes hybrides au sein de la chaîne logistique sont traités de manière itérative ou intégrée, voir (Goetschalckx et al., 2002). - Flux de produits complexes: plusieurs niveaux d’usines et d’entrepôts. Echanges de produits entre usines et entrepôts, livraisons directes aux clients, refabrication, retraitement, logistique inverse, etc. MOSIM’10 - 10 au 12 mai 2010 - Hammamet - Tunisie C’est sur ce dernier point que nous désirons nous pencher dans la partie suivante. 4 CHAINES LOGISTIQUES INVERSE ET EN BOUCLE FERMEE 4.1 Chaînes inverses La réutilisation de produits ou de matériaux n’est pas un phénomène nouveau. Dans tous les cas, les opportunités liées à la réutilisation sont à l’origine d’un nouveau flux retour de matière de l’utilisateur final vers les producteurs. La gestion de ce flux de matière dans le sens opposé au flux conventionnel de la chaîne logistique est l’objet d’un nouveau domaine de travail appelé “logistique inverse”. Le conseil exécutif américain sur la logistique inverse définit cette logistique inverse, voir (Rogers et Tibben-Lemke, 1998) comme: “Le processus de planification, d’implémentation, et de contrôle du flux rentable et efficace de matière première, d’inventaires de process, de produits finis et d’informations du point de consommation au point d’origine dans le but de recapturer de la valeur ou dans le but d’un traitement convenable des déchets”. Différente de la traditionnelle logistique directe, la logistique inverse réfère aux activités dédiées au traitement des produits retournés jusqu’à ce qu’ils soient récupérés de manière satisfaisante ou mis au rebut de la chaîne logistique. Ces activités comprennent la collection, le nettoyage, le désassemblage, les tests et le tri, le stockage, le transport et les options de récupération, comme la réutilisation, la réparation, la remise à neuf, la refabrication, la cannibalisation et le recyclage. Trois grands arguments expliquent le besoin croissant en activities inverses: l’intérêt économique, comme la possibilité de recapturer de la valeur sur des produits utilisés, les directives gouvernementales comme la directive européenne WEEE référencée 2002/96/EC sur les déchets issus des équipements électriques et électroniques, et les pressions des consommateurs pour le retour des produits utilisés ou défectueux, voir (Srivastava, 2008). En effet, plusieurs pays ont renforcé la législation sur le respect de l’environnement, en rendant les producteurs et fabricants responsables de leur produit tout au long de son cycle de vie. Les obligations de reprises sont à l’exemple des mesures prises. Mais même si la législation est moins rigide, la motivation des consommateurs impose une pression sur les entreprises pour la prise en compte des questions environnementales. Une image “verte” est devenue un argument commercial important. Cette évolution est à l’origine pour beaucoup d’entreprises de la recherche de possibilités de reprise pour traitement de leurs produits. D’un autre côté, il existe également des activités économiques dont le but est essentiellement la recapture de valeur encore incorporée dans un produit usagé (par exemple la refabrication à l’aide de pièces détachées). Les aspects écologiques et économiques sont souvent liés. Par exemple, augmenter les coûts de récupération des déchets engendre une réduction effective de ces déchets, et les consommateurs soucieux de l’environnement représentent une nouvelle opportunité de marché. Les activités de logistique inverse sont effectuées dans des usines spécifiques qui peuvent être de deux types, voir (Melo et Saldanha-da-Gama, 2009): les centres de collection (c'est-à-dire les endroits où les consommateurs viennent déposer les produits usés) et les sites de retravail (les centres de refabrication et centres de réparation et de remise à neuf), voir (Rappold et Van Roo, 2009). C’est dans ce contexte que la structure même du réseau doit être étendue avec des liens pour le transport des flux retours allants des consommateurs jusqu’aux sites où ont lieu les réparations, les refabrications, et/ou les activités de recyclage (par exemple les entrepôts, les usines de refabrication). Lorsque l’on modélise une chaîne logistique inverse, seul le flux inverse doit être considéré. Un ensemble de localisations possibles pour les différents types d’usines est donné et un choix doit être effectué. Les articles collectés peuvent être véhiculés via des itinéraires différents. L’optimisation intervient au niveau des coûts de la chaîne logistique, généralement fixes et des coûts variables pour les usines et les transports intermédiaires. La programmation linéaire en nombres mixtes est la technique la plus répandue et la plus utilisée. Parfois, les localisations sont imposées ce qui conduit à un problème de programmation linéaire. D’un point de vue mathématiques, les modèles sont standards, voir (Krikke et al., 2003) et les références qui y sont faites. Une caractéristique particulière à prendre en compte dans la conception de chaînes inverses est le grand degré d’incertitude accompagnant le retour des produits usagés par les consommateurs non seulement en termes de quantité mais aussi en termes de qualité. Les produits de grande qualité peuvent avoir un coût de transport plus élevé (et donc être à l’origine d’un réseau centralisé), alors que le transport étendu de produits de petite valeur n’est pas économique. Par ailleurs, les produits peuvent également être retournés pendant leur cycle de vie (retours commerciaux, garanties, réparations), à la fin de leur utilisation, ou en fin de vie ce qui nécessite de considérer les caractéristiques des produits retournés afin d’optimiser le processus de récupération de la valeur. Enfin, les marchés de fin de vie des produits retournés ne sont pas toujours bien connus. Une autre particularité des chaînes inverses est la dépendance aux acteurs intervenants dans la chaîne. En effet, une spécificité de la logistique inverse est que certaines compétences et expériences sont indispensables ce qui impose des contraintes sur les acteurs possibles pour les activités de réutilisation qui peuvent être aussi bien le fabricant ou alors un prestataire de service, voir (Min et Ko, 2008). Ceci ajoute des contraintes quant à la possibilité d’intégrer les activités logistiques directes et inverses, ce qui représente un véritable challenge pour la conception de systèmes de distribution, voir (Fleischmann et al., 1997). MOSIM’10 - 10 au 12 mai 2010 - Hammamet - Tunisie 4.2 Chaînes logistiques en boucle fermée Les chaînes logistiques en boucle fermée ressemblent fortement aux chaînes logistiques inverses, mais optimisent simultanément le réseau direct et inverse. Deux types de flux doivent être considérés en même temps, les flux directs qui correspondent à la distribution traditionnelle des marchandises, et les flux inverses qui correspondent à la collection des produits retournés par les clients, voir figure 2. Les sites logistiques peuvent servir à la fois de lieux d’origine mais aussi de points de destination, et les axes de transport peuvent être aussi bien une part du réseau direct que du réseau inverse ce qui améliore l’efficacité mais rend également le système plus complexe. L’optimisation des chaînes logistiques en boucle fermée peut intervenir sur l’impact économique et sur l’empreinte environnementale. L’ajout du critère environnemental représente une difficulté supplémentaire dans la fonction objective. Par exemple, centraliser les usines de production peut engendrer une baisse totale des coûts de la chaîne logistique (au cas où les économies d’échelle sont plus importantes que l’augmentation des coûts de transport), mais entraîner un impact environnemental désastreux de la chaîne logistique (plus d’émissions de CO2 dues à un transport accru). D’un autre côté, mettre en place des systèmes logistiques inverses peut entrainer la réduction des coûts de traitement des déchets ainsi que leur quantité. Finalement, en dépit d’avancées récentes dans l’intégration de considérations environnementales dans la gestion des chaînes logistiques, voir par exemple (Lu et Bostel, 2007) et (Sahyouni et al., 2007), seuls quelques articles proposent des modèles complets avec des flux directs et inverses (des réseaux en boucle fermée). En fait, l’organisation stratégique des chaînes logistiques pour les réseaux de récupération présente de grandes ressemblances avec les activités de planification d’un réseau direct. Les différences principales sont que les flux sont inverses et que le type d’usine change. Par ailleurs, la plupart des études considère les bénéfices environnementaux issus des activités liées aux flux inverses et/ou la conception de produits verts (par exemple la conception de produits faciles à démonter). Excepté celui de (Hugo et Pistikopoulos, 2005) qui considère une chaîne directe et celui de (Krikke et al., 2003) qui considère une chaîne logistique en boucle fermée, rare sont les recherches qui intègrent une fonction multi-objective qui inclut à la fois les performances économiques et écologiques. C’est pour cela, qu’une procédure générale pour la conception efficace des chaînes logistiques avec de multiples objectifs peut aider aux prises de décisions stratégiques en même temps qu’être d’un impact écologique significatif sur les chaînes logistiques traditionnelles directes, et également satisfaire aux critères environnementaux des chaînes logistiques en boucle fermée. En d’autres termes, l’enjeu principal est de développer la conception de chaînes logistiques (de n’importe quelle nature), plutôt que de se limiter à la conception de chaînes logistiques classiques inverses ou en boucle fermée. 5 FORMULATION DU MODELE 5.1 Modèle mathématique 5.1.1 Présentation du problème Dans cette partie, une formulation mathématique du problème est présentée. Les éléments du modèle sont d’abord définis. Le réseau est décrit dans la figure 2. Nous nous intéressons au flux d’un produit pour lequel les demandes des clients sont connues à l’avance et déterministes. Dans le cas d’un flux direct, la chaîne logistique se compose d’usines, de centres de distribution et des clients finaux. Dans la chaîne inverse, les produits à la fin de leur cycle de vie sont repris des clients vers les centres de collection, puis sont emmenés vers les usines de retraitement. Les produits sortant de ces usines peuvent être introduits comme nouveaux produits dans la chaîne directe pour former une chaîne en boucle fermée. Figure 2 : Diagramme du modèle illustrant le problème de localisation 5.1.2 Ensembles et indices Les ensembles et indices du modèle sont les suivants: k K, indice des localisations possibles pour les usines et usines de retraitement, j J, indice des localisations possibles pour les centres de distribution et de collection, i I, indice des clients, v V, indice des véhicules (les poids lourds sont rangés selon leur Poids Total Autorisé en Charge), D : flux direct, R : flux inverse. Les paramètres et variables du modèle sont présentés dans ce qui suit. MOSIM’10 - 10 au 12 mai 2010 - Hammamet - Tunisie 5.1.3 Paramètres du modèle et variables de décision fkD = coûts fixes d’implantation d’une usine au site k, fkR = coûts fixes d’implantation d’une usine de retraitement au site k, fjD = coûts fixes d’implantation d’un centre de distribution au site j, fjR = coûts fixes d’implantation d’un centre de collection au site j, lk= paramètre régulant les coûts d’ouverture d’une usine agissant également en tant qu’usine de retraitement au site k, cijvD = coûts de transport du centre de distribution j au client i par le véhicule v, cijvR = coûts de transport du client i au centre de collection j par le véhicule v, cjkvD = coûts de transport de l’usine k au centre de distribution j par le véhicule v, cjkvBF = coûts de transport de l’usine de retraitement k au centre de distribution j par le véhicule v, cjkvR = coûts de transport du centre de collection j à l’usine de retraitement k par le véhicule v, dij= distance du client i au centre de distribution ou de collection j en km, djk= distance du centre de distribution ou de collection j à l’usine de retraitement ou l’usine k en km, Mj= capacité maximale du centre j, Mk= capacité maximale de l’usine k, hi= demande totale de produit au site du client i, ri= taux de flux retour de produit par le client au site i, ev= facteur d’émission par tonne.km du véhicule v en kg CO2eq/ton.km, evkm= facteur d’émission par véhicule.kilomètre en kg CO2eq/km, efab= émissions liées à la fabrication du camion v en kg CO2eq, evv= émissions lorsque le véhicule v est vide en kg CO2eq/km, evpc= émissions lorsque le véhicule v est plein en kg CO2eq/km, tdv= taux de distance effectuée par le véhicule v à vide, trm= tonnage moyen pour le véhicule v en charge divisé par la charge utile moyenne, tm= tonnage moyen pour le véhicule v en charge en tonnes. Les variables de décision pour le modèle sont: YkD =1, si une usine est localisée et implantée au site candidat k, 0, sinon, YkR =1, si une usine de retraitement est localisée et implantée au site candidat k, 0, sinon, YkBF=1, si une usine servant également d’usine de retraitement est localisée et implantée au site candidat k, 0, sinon, YjD =1, si un centre de distribution est localisé et implanté au site candidat j, 0, sinon, YjR =1, si un centre de collection est localisé et implanté au site candidat j, 0, sinon, XijD flux de produit du centre de distribution au site candidat j au client au site i, XijR flux de produit du client au site i au centre de collection au site j, XjkD flux de produit de l’usine au site k au centre de distribution au site candidat j, XjkBF flux de produit de l’usine de retraitement au site k au centre de distribution au site candidat j, XjkR flux de produit du centre de collection au site candidat j à l’usine de retraitement au site k. 5.1.4 Fonctions objectives Le problème de localisation multi-échelons d’usines avec limite de capacité consiste à minimiser: Z1 f jD YjD f jR YjR f kD YkD f kR YkR l k YkBF jJ jJ kK kK kK D R BF (c ijv X ijD c ijv X ijR ) (c Djkv X Djk c Rjkv X Rjk c BF jkv X jk ) vV iI jJ jJ kK Sachant que X D ij hi X R ij M j YjR , jJ iI X jJ (X kK R jk D jk X iI R ij ri X ijD (X kK D jk X M k YkR , jJ R jk D X BF jk ) M j Yj , M k YkBF D X BF jk ) X ij YkBF YkD X ijD 0 , X iI iI YkBF YkR X ijR 0 , X Rjk 0 X BF jk 0 i I , j J (1) iI R ij j J , k K (2) X Rjk j J (3) kK k K (4) X Djk 0 , i I , j J , k K YkD , YkR , YkBF , YjD , YjR {0,1} (5) j J , k K (6) Les contraintes (1) stipulent que les demandes pour les produits et articles retournés doivent être entièrement satisfaites. Les contraintes (2) sont des limitations de capacité d’usine. Les contraintes (3) représentent les relations entre les flux directs et retours. Les inéquations (4) sont des contraintes de liaison. Les contraintes (5) spécifient l’obligation de non-négativité pour tous les flux de produits. Enfin les contraintes (6) sont des contraintes binaires. La première fonction objective minimise la somme des coûts fixes d’ouverture des usines et des centres ainsi que les coûts de transport. Traditionnellement, en gestion de la chaîne logistique, minimiser les coûts ou maximiser le profit en un seul objectif est souvent le problème majeur d’optimisation. Cependant d’autres critères doivent également être pris MOSIM’10 - 10 au 12 mai 2010 - Hammamet - Tunisie en compte dans la formulation du modèle de la chaîne logistique même s’ils sont difficiles à quantifier en terme de valeur monétaire dans la fonction objective. Dans ce travail, nous ne voulons pas internaliser les coûts externes du transport puisque le prix d’une tonne de carbone se base sur les résultats des prévisions des marchés des permis échangeables mis en place par le ETS européen. Il existe de fortes différences dans ces prix qui sont issues du fait que les arrangements institutionnels qui seront implémentés sont pour l’instant incertains et donc les prix peuvent fortement osciller. C’est pour cela que nous avons choisi d’écrire une seconde fonction objective dans le but de minimiser la quantité totale (exprimés en tonnes de CO2) d’émissions dues au transport dans le réseau, voir (Ademe, 2007) pour plus de détails. Z 2 e v dij (XijD XijR ) d jk (XDjk X Rjk X BF jk ) vV jJ kK iI jJ où ev e vkm /(1 t dv ) / t m et e vkm e fab e vv ( e vpc e vv ) * (1 t dv ) * t rm 5.2 Optimisation multi-objective Pour un problème multi-objectif la notion d’optimalité n’est plus aussi évidente que lorsque l’on traite un problème à un seul objectif. En l’absence de critères de préférence, il n’existe pas une valeur absolue qui caractériserait la qualité de la solution. Il est pour cela souhaitable et préférable de générer les solutions sous forme d’un ensemble Pareto-optimal d’alternatives de conception représentant des choix entre les différents objectifs plutôt qu’une unique solution. Pour ce faire, notre idée est d’utiliser des méta-heuristiques comme les algorithmes génétiques (MOGA) ou le recuit simulé (MOSA), voir (Jones et al., 2002). C’est ce qui sera investigué dans de futurs travaux. 6 CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES Dans ce travail, nous avons proposé un modèle pour la conception de chaînes logistiques vertes. La fonction objective qui représente la performance de la chaîne logistique est évaluée en considérant non seulement les coûts globaux mais aussi les coûts environnementaux du transport en matière de dioxyde de carbone. Une future étape du travail consiste en l’optimisation du problème. Ceci permettra de gérer l’objectif écologique menant à un ensemble de solutions Pareto-optimales sur lequel s’appuyer pour la prise de décision. REMERCIEMENTS Ce travail de recherche a été financé par la bourse PDR08-039 du Fonds National de la Recherche du Luxembourg. Nous remercions le FNR pour ce soutien. REFERENCES Ademe, 2007. Bilan Carbone « Entreprises » et « Collectivités ». Guide des facteurs d’émissions-version 5.0. www.ademe.fr. Bloemhof, J., Van Nunen, J., 2005. Integration of Environmental Management and Supply Chain Management. ERIM Report Series Research In Management, ERS-2005-030-LIS. Chopra, S. and P. Meindl, 2007. Supply Chain Management: Strategy, Planning and Operations. Prentice Hall, New Jersey. Eurostat and the European Commission, 2007. Energy, transport and environment indicators. Eurostat Pocketbooks, ISSN 1725-4566. Fleischmann, M., J. M. Bloemhof-Ruwaard, R. Dekker, E. Van der Laan, J. A. E. E. Van Nunen and L. N. Van Wassenhove, 1997. 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