Le Chant du départ - Chacun devrait désormais se préparer au pire

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Le Chant du départ - Chacun devrait désormais se préparer au pire
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Le Chant du départ Chacun devrait désormais se préparer au pire, ou peut-être au meilleur, et
à envisager la nature du système de gouvernance de l‘après Belgique. Le
contexte semble particulièrement propice à un éclatement du pays :
complexité des coalitions gouvernementales, radicalisation de la presse et
du monde politique flamand et des opinions publiques de part et d’autre
de la frontière linguistique tout cela couplé à une grande faiblesse du
leadership et de la gouvernance fédéraux.
L’histoire nous montre que les Etats sont des entités vivantes, qui
naissent, évoluent, meurent et parfois renaissent. Alors que la situation
économique se détériore, que la population s’inquiète pour sa prospérité,
le monde politique belge est paralysé par les questions tribales et donne la
priorité au communautaire, sur le socio-économique.
Alors que les réformes de l’Etat successives n’ont pas permis d’assurer
une confiance entre communautés et pire encore ont inexorablement
créée moins de solidarité, il faut aujourd’hui oser marquer les orientations
francophones. Si les Belges francophones ne s’impliquent pas plus dans le
débat « institutionnel » c’est parce que justement ils ne sentent pas de
choix clairs et d’orientation définie de leurs représentants. Une succession
de négociations, de compromis et de marchandages. Ceux qui sont fiers
du « pays aux multiples compromis » devraient se rendre compte que ces
fameux compromis n’auront fait, pendant 35 ans, que noyer, goutte après
goutte, l’Etat Belgique. Aujourd’hui la population ricane de cette classe
politique qui s’étreint et qui s’écharpe. De ses 7 gouvernements, de ses 7
Parlements, de ses ministres de la Santé, de ses ministres de l’Economie,
de ses ministres des Affaires sociales et de ses jeux de coalitions
parfaitement partisans et sans aucune consistance. Si la Belgique a
l’habitude des tremblements institutionnels, aujourd’hui tous les records
sont battus. Etat sans gouvernement, revendications assassines, opinions
radicalisées, l’Etat tampon du Traité de Londres de 1831 est sans doute en
train de mourir. Alors que les acquis s’effritent et réduisent
continuellement les marges de manœuvres pour agir dans les politiques
concrètes qui déterminent le quotidien du belge, il est temps que la vraie
négociation s’engage. Et que les responsables politiques balisent l’avenir
institutionnel francophone. Parce que les Bruxellois et les Wallons méritent
mieux. Même si cela peut paraitre irréel, un Etat francophone devra voir le
jour et celui-ci devra dès lors se tourner non vers la Flandre mais vers la
Francophonie. Car aujourd’hui la situation démontre que les choix
communautaires nordistes ne se portent plus sur un approfondissement
de la fédération belge mais bien sur une désintégration de l’entité
Belgique. A contresens donc d’un quelconque confédéralisme.
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Les dernières péripéties de ce dialogue de sourds communautaire,
amènent les acteurs politiques, citoyens et observateurs du microcosme
politique belge à s’interroger sur la survie de l’Etat Belgique dans sa forme
actuelle. Face à l’urgence, deux Ministres d’Etat, Etienne Davignon et
Daniel Ducarme, se sont récemment exprimés dans la presse. Si le
premier pose de bonnes questions, le second apporte une réponse
définitive pour les Francophones à l’interminable agonie de la Belgique.
Davignon a mis à juste titre l’accent sur les sombres prévisions
économiques et l’inquiétude de la population. Tout cela devrait appeler
nos décideurs à une réaction. Si, comme il le dit la ‘Belgique ne peut se
passer d’une nouvelle réforme de l’Etat’, il rappelle également qu’elle ne
peut plus non plus se permettre d’être dans l’instabilité institutionnelle
permanente. Mais si l’Europe en voie d’unification ne peut prendre le relais
d’une Belgique en liquidation, quelle solution pour les francophones de ce
pays ? Sur cette question, les pistes de réflexions proposées par Daniel
Ducarme, seul homme politique francophone à porter son regard au-delà
de l’horizon, sont du grain à moudre, alors que l’on ne peut que déplorer
la timidité du rapport de la commission Busquin –Spaak sur l’avenir des
institutions francophones de Belgique.
Beaucoup de Francophones se rendent compte qu’ils n’ont pas vraiment
intérêt à faire de l’acharnement thérapeutique sur une fédération au bout
du rouleau et à s’avilir davantage devant une Flandre au totalitarisme
linguistique et à l’appétit institutionnel sans limite. Qu’aurons-nous à
gagner d’une Belgique confédérale provisoire, avec un pouvoir commun
résiduel plus que jamais dominé par des Flamands, couplé à un
assèchement du financement de la Wallonie et de Bruxelles au profit de la
seule Flandre ? Pour paraphraser W. Churchill en d’autres circonstances :
entre le déshonneur et la rupture, vous avez choisi le déshonneur, et vous
allez avoir la rupture…
En réponse à un constat d’échec irrémédiable du dialogue entre le nord et
le sud de la Belgique, ce qui n’est désormais qu’une question de temps, la
piste d’une association de la Belgique francophone avec la République
française, loin d’être déraisonnable, sera la solution de bon sens. Les
relations politiques, culturelles et économiques anciennes et profondes qui
nous lient à la France nous orientent tout naturellement vers un
partenariat renforcé avec la République. La nature juridique exacte de la
relation entre les provinces francophones et l’Etat français devra être
définie dans le respect de l’identité de nos régions, fait régional auquel la
France accorde déjà une importance croissante via sa politique de
décentralisation. La France n’est plus l’Etat jacobin de jadis et une forme
de gouvernement indirect des provinces francophones belges nous semble
également tout à fait envisageable. Le régime juridique du protectorat
n'existe plus officiellement, et est historiquement lié à la période
coloniale: tous les portectorats ayant soit été intégrés au sein de
nouvelles entités soit ayant accédés à l'indépendance. Lorsqu'il résulte
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d'un accord équilibré et librement contracté, il constitue une solution
équilibrée, étant une formule intermédiaire entre le gouvernement direct
par la puissance protectrice et l'indépendance totale des régions auquel il
peut être appliqué. Le protectorat diffère de l'administration directe pure
et simple en ce que les institutions existantes, y compris la nationalité,
sont maintenues sur un plan formel, la puissance protectrice assumant la
gestion de la diplomatie, des relations internationales, du commerce
extérieur et de l'armée de l'Etat protégé. Ce type de lien juridique, qu'on
l'appelle protectorat ou autrement, pourrait être la solution toute trouvée
pour une "Belgique française". On ne prend pas beaucoup de risques en
disant que la désintégration plus ou moins organisée de la Belgique est
certainement suivie avec beaucoup d'attention dans les chancelleries et la
presse européennes, et a fortiori à Paris.
Alain Peyrefitte, dans son livre d’entretiens avec de Gaulle nous rappelait
ces propos au vitriol du Général, mais au combien visionnaires :
"Beaucoup de Wallons pensent qu'ils seraient mieux traités par la France
que par la Flandre. C'est probable. Ils retrouveraient au sein de la France
la fierté d'appartenir à une grande nation, la fierté de leur langue et de
leur culture, le goût de participer aux grandes affaires du monde et de se
battre pour de grandes causes humaines. Toutes choses qu'ils ont perdues
dans leur association contre-nature, imposée par les Anglais, avec les
Flamands qui ne les aiment pas et qu'ils n'aiment pas. Pour les besoins de
l'unité de la Belgique, on a raboté ce qu'ils avaient de différent. Ils en sont
frustrés."
Le ‘Chant du Départ’ est un chant révolutionnaire, écrit par Étienne Nicolas Méhul, un wallon de Givet, et MarieJoseph Chénier (frère du poète André Chénier) en 1794. Il fut l'hymne officiel du Premier Empire, époque
illustre où nos provinces actuelles étaient encore des départements français.
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