Entretien avec Bruno Coulais
Transcription
Entretien avec Bruno Coulais
Entretien avec Bruno Coulais De la musique de Microcosmos à celle des Choristes , en passant par les bandes originales de Himalaya, Comme un Aimant, Le Petit Prince a dit, Don Juan, Les Rivières Pourpres ou Le deuxième souffle, Bruno Coulais est l’un des compositeurs les plus créatifs et polyvalents du cinéma français. Petite rencontre avec l’homme aux trois Césars et aux deux Victoires de la musique. La Fête de la Musique rend hommage à la musique de film. Cela vous inspire quoi? Bruno Coulais: Les images ont pris de plus en plus d’importance dans notre vie, il en va de même pour la musique qui les accompagne. Certaines musiques ne peuvent fonctionner sans les images, d’autres sont si riches qu’elles peuvent parasiter le film. Il est intéressant d’entendre comment ces compositions prennent leur autonomie à l’occasion de concerts, comme ceux du 21 juin. Quel est pour vous le rôle d’une musique de film? Bruno Coulais: Je ne conçois pas la musique comme une surenchère descriptive. Elle ne doit pas non plus donner un sens psychologique aux images. Elle est plutôt une voix autonome qui révèle un pan secret du film, quelque chose qui n’est pas directement visible, plutôt de l’ordre de l’inconscient. Avez-vous une méthode type de travail? Bruno Coulais: Sur scénario, j’appréhende mal ce que sera le film. En lire un a longtemps été un pensum. L’histoire n’est pas ce qui m’intéresse le plus. J’ai souvent besoin de visionner les premiers plans pour percevoir un climat. Pour moi, la musique de film, les tonalités choisies sont plus liées à la lumière, à une atmosphère qu’à la narration. C’est souvent au début du montage que me viennent les premières idées d’orchestration. Ensuite, je vois le film avec le metteur en scène pour repérer les moments de musique. Je regarde ensuite plusieurs fois chaque séquence sur laquelle je dois travailler. J’écris ensuite sans la revisionner. La réinterprétation de la mémoire est plus intéressante que l’exacte réalité. Il y a aussi des cas où la musique fait partie intégrante du scénario, je l’écris alors très en amont. C’était le cas pour Les Choristes , ça l’est aussi pour le nouveau film de Benoît Jacquot, Villa Amalia, où Isabelle Huppert joue le rôle d’une pianiste-compositrice. Quel type de relation aimez-vous avoir avec un réalisateur? Bruno Coulais: Je ne pourrais pas travailler avec quelqu’un qui ne ferait pas confiance. Les meilleurs sont ceux qui vous font croire que vous êtes la personne idéale pour la musique de leur film. On ne les croit pas vraiment mais ça donne des ailes. J’ai remarqué que plus ils vous laissent libre et plus vous vous rapprochez de leur propre univers. Même si, au bout du compte, vous serez toujours trahi. C’est un métier où il vaut mieux laisser son ego de côté. Avez-vous l’impression d’appartenir à la grande tradition des compositeurs français de musique de film? Bruno Coulais: Je les admire beaucoup mais ils sont rattachés à une tradition d’écriture savante dont je préfère m’éloigner. Je préfère m’aventurer vers d’autres univers. La musique de film n’est pas un genre en soi. J’ai eu la chance de travailler avec des genres musicaux très divers. J’ai côtoyé des chanteurs de rock, des rappeurs, un groupe de polyphonie corse comme A Filetta. Je trouve les gens de la variété beaucoup plus créatifs en studio que ceux du classique. Chaque film devrait être un champ d’expérimentation pour le compositeur. Au départ, ce métier de compositeur pour films était-il une vocation? Bruno Coulais: Je ne me destinais pas aux musiques de film, je ne voyais pas cela comme un genre noble. Je m’intéressais surtout à la musique contemporaine. Et puis un jour, au début des années 1970, j’ai rencontré François Reichenbach qui, sur ma bonne mine, m’a confié plusieurs musiques de ses documentaires. Au début, j’y suis allé un peu malgré moi, je me suis ensuite aperçu à quel point le cinéma m’ouvrait sur le monde. 27e Fête de la Musique – samedi 21 juin 2008 – Tout le programme sur www.fetedelamusique.culture.fr 12