Requins

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Requins
PRISE DE POSITION DU WWF
12
ème
session de la Conférence des Parties à la CITES (Convention internationale sur le commerce des espèces de
flore et de faune menacées d'extinction), Santiago, 3-15 novembre 2002
Requins
Prop. 35
L’Inde et les Philippines ont proposé d’inscrire le requin baleine (Rhincodon typus) à
l’Annexe II.
Recommandation du WWF concernant le requin baleine : En faveur
Prop. 36
Le Royaume-Uni, au nom de tous les États-membres de l’Union européenne, a proposé
d’inscrire le requin pèlerin (Cetorhinus maximus) à l’Annexe II.
Recommandation du WWF concernant le requin pèlerin : En faveur
En bref
Le WWF recommande vivement aux Parties à la CITES d’inscrire le requin baleine et le
requin pèlerin à l’Annexe II de la CITES pour les raisons suivantes :
• ce sont deux espèces d’animaux migrateurs d’une grande longévité, très sensibles à
la surexploitation ;
• ces deux espèces sont victimes d’une pêche non réglementée extrêmement nuisible
à leur population ;
• il est nécessaire de recueillir au plus vite des données fiables sur l’ampleur du
commerce international de ces espèces et ses conséquences ;
• l’inscription de ces deux espèces à l’Annexe II permettrait au commerce de continuer
tout en favorisant une coopération internationale qui encouragerait une gestion
durable et la limitation de la pêche à un niveau pouvant être maintenu indéfiniment ;
• cette inscription à l’Annexe II inciterait les Parties à respecter les recommandations
du Plan international d’action pour la conservation et la gestion des requins (PAIREQUINS) (1996) de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et
l’agriculture (FAO).
Analyse raisonnée
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1. Le rôle de la CITES dans la promotion de la conservation et de la gestion
durable des requins
De nombreuses espèces de requins dans le monde sont victimes ou ont été victimes
d’un grave déclin. Les principaux responsables de ce déclin sont les pêcheries non
gérées de façon durable pour répondre à la demande internationale de produits dérivés.
Les Parties à la CITES expriment depuis 1994 leur inquiétude sur les conséquences
potentielles de la surexploitation, avec la Résolution Conf. 9.17. Cette action de la CITES
sur les problèmes liés au commerce du requin a entraîné le développement et l’adoption
en 1999 de l’incontournable Plan d’action international pour la conservation et la gestion
des requins (PAI-REQUINS) de la FAO. Lors des débats de la CdP 11 et ailleurs, on
mentionnait le PAI-REQUINS de la FAO pour justifier l’absence d’actions
supplémentaires au sein du forum de la CITES, telles que l’inscription des espèces
appropriées. Cependant, l’analyse de l’impact du PAI-REQUINS démontre à quel point il
est nécessaire que la CITES joue un rôle dans la conservation et la gestion des requins.
S’il était unanimement et efficacement appliqué, le PAI-REQUINS apporterait sans aucun
doute de grandes améliorations dans la gestion des pêcheries de requins et les pratiques
de préservation. Malheureusement, la mise en œuvre du PAI par le biais de Plans
nationaux d’action (PNA) a échoué dans la plupart des États qui pratiquent la pêche et le
commerce des requins. Les États qui appliquent actuellement le PAI ont tous pour la
plupart déjà institué des mesures de gestion des requins, indépendamment de l’initiative
de la FAO. Pour l’heure, le PAI-REQUINS s’est montré inadapté aux graves menaces qui
pèsent sur les requins.
La mise en œuvre du PAI doit bénéficier d’un soutien actif de la part de la CITES pour
entraîner une gestion efficace et durable des populations de requins touchées par le
commerce international. Le PAI-REQUINS est entièrement volontaire et rares sont les
nations qui attachent une grande importance à sa mise en œuvre. Par contraste, la
CITES est un instrument réglementaire applicable à l’échelle internationale, qui a maintes
fois prouvé son efficacité. En outre, comme l’a démontré le succès remporté par
l’introduction d’une gestion multilatérale des pêcheries d’esturgeons suite à l’introduction
de cette espèce aux Annexes, la CITES peut être un outil extrêmement efficace pour
faciliter la gestion des stocks partagés des espèces marines pêchées à des fins
commerciales.
Le WWF conseille vivement aux Parties à la CITES d’entreprendre une action efficace
lors de la CdP 12 afin de faire progresser la gestion et la conservation des requins :
• le WWF encourage les Parties à considérer les points positifs des Résolutions
proposées par l’Australie et l’Équateur en matière de gestion et de commerce des
requins ;
• TRAFFIC, Notification (2002/42), sur le rôle de la CITES dans la conservation et
la gestion des requins ;
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nous encourageons vivement l’établissement d’un dialogue officiel entre la CITES
et la FAO afin de progresser sur le terrain de la conservation des requins ;
nous encourageons vivement la mise en place d’une procédure d’examen des
espèces de requins, y compris :
examen par le Comité pour les animaux, pour chaque CdP, de la progression
globale des Résolutions et Décisions en matière de pêcheries et commerce de
requins, telles que Déc. 11.94 et Déc. 11.151 ;
examen par le Comité pour les animaux, en collaboration avec les organismes
intergouvernementaux et scientifiques, du statut biologique, commercial et de
gestion des espèces de requins particulièrement sensibles à la surexploitation ;
nous encourageons vivement les CdP à la CITES à soutenir les Parties qui
proposent d’inscrire à l’Annexe II les espèces de requins répondant aux critères
d’inscription appropriés. Lors de la CdP 12, nous conseillons vivement aux
Parties à la CITES de soutenir les propositions d’inscription du requin baleine et
du requin pèlerin à l’Annexe II, afin de promouvoir la gestion durable des
populations de requins et le commerce durable de leurs produits.
2. Prop. 35 : le requin baleine
Le requin baleine est courant, mais inégalement distribué dans les eaux tropicales
chaudes (à l’exception de la Méditerranée) de la planète. Cette espèce ovovivipare se
nourrit de plancton. Avec une longueur allant jusqu’à 20 mètres et un poids allant jusqu’à
34 tonnes, c’est le plus grand poisson du monde. Les requins baleines peuvent vivre
jusqu’à 100 ans. Ce sont de grands migrateurs qui parcourent des milliers de kilomètres
entre les différentes zones d’alimentation et traversent les eaux de plusieurs pays, ce qui
rend les protections locale et nationale inefficaces sans une coopération internationale
pour la protection et la gestion durable de cette espèce.
La principale menace qui pèse sur le requin baleine est le développement des pêcheries
non gérées de façon durable. Ces pêcheries exploitent la viande, la peau, les ailerons et
l’huile de foie de ces animaux pour les exporter vers les marchés de l’Asie orientale. De
par son habitat côtier, son comportement alimentaire et son caractère placide, le requin
baleine est très exposé aux captures. Des études réalisées en Chine, aux Philippines,
aux Maldives, en Inde et à Taiwan au cours de ces quelques dernières dizaines d’années
révèlent que la diminution du nombre de requins baleines est liée à la surexploitation
locale. En outre, la diminution observée dans des zones où cette espèce n’est pas
capturée est sans doute due à la surexploitation de cette espèce migratrice dans d’autres
régions de son aire de répartition.
Dans certaines zones de l’aire de répartition de cette espèce, on assiste à l’apparition de
nouveaux projets inspirés de l’écotourisme. Il arrive même que ces projets prennent la
place des pêcheries traditionnelles. Le caractère placide, la taille imposante et la
curiosité naturelle du requin baleine en font une attraction incontournable pour les
plongeurs. L’écotourisme est déjà une industrie qui rapporte des millions de dollars dans
de nombreuses régions et qui s’avère bien plus rentable que les pêcheries de requins
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baleines. Son potentiel de développement durable est énorme. Les Philippines et
l’Australie, entre autres pays, ont établi des protocoles pour assurer la réussite continue
de ces activités sans compromettre le statut des populations de requins baleines. Ce
type de protocole devient indispensable avec l’augmentation de l’écotourisme. Par
exemple, le nombre de visiteurs qui viennent admirer les requins baleines à Ningaloo
Reef, en Australie, a augmenté de 300 % entre 1993 et 1996. On estime à 7 millions de
dollars le revenu généré par le requin baleine en Australie et l’écotourisme basé sur cette
espèce contribue largement aux économies locales en Thaïlande (3 millions de dollars
rien que pour Phuket) et au Mexique (1,5 millions de dollars en 2001). L’impact des
captures non réglementées, qu’elles soient proches ou lointaines, préoccupe plusieurs
États de l’aire de répartition du requin baleine engagés dans l’écotourisme.
Rares sont les pays qui bénéficient d’une législation et de mesures de gestion permettant
de réglementer la capture et le commerce des requins baleines. Même dans les pays où
des mesures ont été mises en place, comme en Inde ou aux Philippines, la pêche et le
commerce illicites continuent. Des chargements illicites en provenance des Philippines et
à destination de Hong Kong et de Taiwan ont été interceptés en 2000.
Il existe peu d’informations disponibles pour permettre une estimation fiable des
populations de requins baleines. La Résolution Conf. 9.24 prévoit qu’en cas de doute, les
Parties doivent agir dans le meilleur intérêt de l’espèce. L’exploitation massive et la
demande internationale de produits dérivés restent une menace en raison des
caractéristiques biologiques du requin baleine. Il est facile de comprendre pourquoi son
inscription à l’Annexe II est essentielle à la limitation de la pêche de manière qu’elle ne
menace pas ces populations. Un guide d'identification, en cours de préparation par
l'Australie, devrait faciliter l'inscription de l'espèce à l'Annexe ; d'autre part, des méthodes
ADN permettraient d'identifier les produits aujourd'hui disponibles. L'inscription à
l'Annexe serait également facilitée par le fait que des spécimens de requin baleine soient
vendus comme produits de cette race et non comme du requin en général et ils
pourraient donc être facilement reconnaissables.
3. Prop. 36 : le requin pèlerin
Présent dans toutes les eaux tempérées du globe, le requin pèlerin est le deuxième plus
grand poisson ; il peut atteindre 10 mètres de long pour un poids de sept tonnes. Les
requins pèlerins présentent les caractéristiques typiques d’une espèce sensible à la
surexploitation : faible taux de reproduction et de croissance, longue période de gestation
et maturité tardive.
Les requins pèlerins sont exploités dans les pêcheries ciblées sur les requins depuis de
nombreuses années. Ces pêcheries se développent de manière non durable, avec des
prises initiales élevées, suivies par la fermeture des pêcheries. Le redressement des
populations est extrêmement lent et certaines d’entre elles semblent avoir d’énormes
difficultés à se reconstituer, même quelques dizaines d’années après la fin des
opérations de pêche. Bien que la plupart des pêches ciblées sur le requin pèlerin aient
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cessé en raison de l’effondrement du stock ou de la protection légale, une pêcherie
norvégienne continue son activité, même si ses prises sont en déclin. Cependant, la
demande de produits dérivés du requin pèlerin signifie qu’en cas de prise délibérée ou
accidentelle, lorsque le requin s’emmêle dans les filets de pêche, on garde le requin
plutôt que de le libérer vivant.
Aujourd’hui, il subsiste une demande pour l’huile de foie de requin pèlerin, pour sa viande
et son cartilage, mais le commerce international est centré sur les ailerons, très
recherchés, qui peuvent atteindre jusqu’à deux mètres de longueur. De grands ailerons
entiers atteignent des prix élevés : en 2000, les ailerons d’un seul requin avaient une
valeur d’environ 2 300 dollars. La demande d’ailerons augmente actuellement de 5 % par
an. Même en imposant, par la législation, la coupe des ailerons sur terre afin d’éviter le
rejet du reste de l’animal à la mer, on ne parviendrait pas à protéger les espèces les plus
recherchées sur le marché. Pour l’heure, seules six nations ont interdit la coupe des
ailerons en mer et certains pays rencontrent des difficultés dans l’application de la
législation. La CITES serait un instrument puissant pour promouvoir la généralisation de
l’interdiction de la coupe des ailerons en mer.
L’auteur de la proposition a inscrit le requin pèlerin à l’Annexe III, mais cette inscription
n’a qu’un impact limité, puisque aucun avis de commerce non-préjudiciable n’est requis
et que la Norvège et le Japon ont émis des réserves à propos de cette inscription.
Les pêcheries ciblées sur le requin pèlerin sont responsables du déclin rapide de cette
espèce et ces populations ont des difficultés à se reconstituer. Ces facteurs, associés à
la vulnérabilité biologique de ces espèces, justifient leur inscription à l’Annexe II,
conformément à la Résolution Conf. 9.24, Annexe 2a, Bi : « Il est établi, déduit ou prévu
que le prélèvement de spécimens dans la nature aux fins de commerce international nuit
ou pourrait nuire à l'espèce car il excède, sur une longue période, le niveau pouvant être
maintenu indéfiniment ». Vu le manque d’informations sur cette espèce, le principe de
précaution peut également être utilisé pour justifier cette inscription. La mise en œuvre
de cette inscription sera assistée par un guide d’identification établi par l’auteur de la
proposition et en cours de préparation, ainsi que par des techniques d’identification ADN
en cours de développement.
La mission du WWF est de mettre un terme à la dégradation de l’environnement
WWF International
naturel de la planète et de construire un avenir dans lequel les humains vivront en
Programme Espèces
harmonie avec la nature, en :
Panda House, Weyside Park
•
préservant la diversité biologique du monde ;
Godalming, Surrey GU7 1XR
•
assurant l’utilisation continue des ressources renouvelables ;
Royaume-Uni
•
encourageant la réduction de la pollution et du gaspillage.
E-mail : [email protected]
www.panda.org/species
Symbole Panda © 1986 WWF ® WWF marque déposée Imprimé sur du papier recyclé 100 % déchets de post-consommation
Numéro de projet 1506/Septembre 2002
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