CLAUDE NOUGARO

Transcription

CLAUDE NOUGARO
T
out comme Jacques Brel et Serge Gainsbourg, il est respecté et aimé par la génération Salut Les Copains puis par les auditeurs
du Pop Club. En effet, Claude Nougaro a l’art de
faire entrer le jazz dans la chanson française tout en
étant apprécié par les fans de rock. Une jolie victoire pour ce fils de Pierre Nougaro, premier baryton à
l’Opéra de Paris, et de Liette (née Tellini), professeur
de piano, Premier prix du Conservatoire de Toulouse. Claude naît le 9 septembre 1929 à Toulouse. Il
aura deux sœurs cadettes, Aline et Hélène. Les
activités musicales de ses parents les obligeant à
de fréquents déplacements, il est élevé par ses
grands-parents paternels, Alexandre et Cécile Nougaro. Pour s’évader, Claude dessine et surtout lit,
« Cyrano De Bergerac » d’Edmond Rostand, puis
Victor Hugo, les poètes Paul Verlaine et Arthur Rimbaud, avant de se plonger dans Antonin Artaud et
Jean Cocteau. Il aime déjà la consonance des mots
tandis que, grâce à la radio, il découvre le jazz, de
Louis Armstrong à Glenn Miller en passant par les
grandes chanteuses du genre, Bessie Smith et Ella
Fitzgerald. Côté français, l’immense Edith Piaf lui
montre la voix à suivre, celle de l’émotion pure. Ces
choix vont à contre-sens de ceux de ses parents,
portés sur le répertoire classique.
CLAUDE NOUGARO
DU JOURNALISME A LA CHANSON
Elève peu studieux, fasciné par le monde artistique,
Claude Nougaro poursuit sa scolarité au gré des
pensionnats d’où il est régulièrement renvoyé. Passionné de jazz et de littérature, il termine ses études
à Cusset, dans un collège près de Vichy. Il écrit alors
ses premières chansons, utilisant pour cela des
musiques de Maurice Ravel et du saxophoniste
Don Byas. Après son échec au bac, il devance l’appel et part faire son service militaire au Maroc, à
Rabat. Particulièrement indiscipliné, il passe plus de
la moitié de son temps aux arrêts sur 18 mois. A
son retour en France, au lendemain de la guerre, il
s’essaye au journalisme, tout d’abord à Vichy puis
en Algérie, à Alger et Constantine. En 1952 il arrive
à Paris. Aux Deux Magots, à Saint-Germain-desPrés, il rencontre Jacques Audiberti à l’occasion
d’un article sur cet écrivain qui lui conseille d’écrire
d’une manière plus directe. Claude, enthousiasmé,
se plonge dans les livres, ce qui lui indique la
voie/voix à suivre, « Le Maître De Milan », « Les Jardins Et Les Fleuves », « Le Mal Court », etc. Peu
après, il fait la connaissance de Georges Brassens
qui l’encourage à interpréter ses chansons en
public. En 1953 il débute donc au Lapin Agile, un
fameux cabaret de Montmartre, où il déclame ses
poèmes, tel « Pégase ». En 1954 il entre à la Sacem
et commence à écrire des morceaux pour les
autres. En 1955, sur des musiques de Jean-Michel
Arnaud, Marguerite Monnot, Jacques Datin, Jimmy
Walter, Claude Nougaro signe des titres pour les
chanteuses Odette Laure et Lucette Raillat. Puis il
devient l’un des paroliers-fétiche de Marcel Amont,
lui offrant « Le Balayeur Du Roy » (1958), « Le Barbier De Séville » (1960), « Le Porte-Plume »
(1961), « Le Tango Des Jumeaux », « Le Jazz Et
La Java », « Le Monsieur Qui Volait » (1962)... Il
en fait de même pour Philippe Clay, au sommet de
sa gloire, avec « Joseph » (1958), « Il Y Avait Une
Ville » (1960), « La Sentinelle » (1961), « Je Suis
Sous... » (1964), etc. En 1958, le jeune Stephen
Bruce met en boîte un autre de ses titres, « Maman
M’La Dit ». En 1959, Claude écrit avec le chef d’orchestre Christian Chevallier « Au Fond De Mon
Cœur » pour Richard Anthony. En 1960, avec Jean
Constantin, il signe « Les Pantoufles A Papa »,
succès également inscrit au répertoire des Frères
Jacques. Mais, surtout, en octobre 1958, il enregistre chez Président un 25 cm, passé alors inaperçu, dont la photo de pochette le montre au piano
dans une attitude très studieuse.
25 CM PRÉSIDENT
Pour ce disque produit par Ted Moura, Claude Nougaro est l’auteur de toutes les chansons. Avec
Jimmy Walter, compositeur et chef d’orchestre, il
écrit « Il Y Avait Une Ville » (qu’il reprendra en
1964, après Philippe Clay), « Marguerite », « Maman M’La Dit », « Serge Et Nathalie » et « Toutes
Les Musiques ». Pour « Vachement Décontracté » et « Tiens-Toi Bien Mon Cœur » il collabore
avec le pianiste Michel Legrand avec qui il adapte
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SING
SING
SONG
« Le Piano De Mauvaise Vie » d’après « Jeru » du
jazzman Gerry Mullligan. Enfin « Les Anges » est dû
à une participation avec Henri Salvador qui préface
le verso de pochette : C’est la première fois que je
prends la plume pour présenter quelqu’un et j’en
suis très fier, car celui que vous allez entendre a
avec lui ce que Paris demande à un artiste, c’està-dire la fougue, la rage, la souffrance. Il a passé par
ce dur chemin où l’on est sûr que ce que l’on fait
est bon et que personne ne comprend ; les portes
qui vous claquent à la figure, le rire narquois des
imprésarios, le public qui n’applaudit pas, et les
larmes seul dans une chambre de ce Paris que l’on
maudit. Enfin, après ces épreuves on est mûr pour
que le monde entier vous acclame et dise « C’est
un artiste de Paris ». Et c’est Claude Nougaro. Des
louanges un peu précoces mais qui se révèleront
bien réelles. Parallèlement à ce disque, très rare,
quatre morceaux sont commercialisés sur un super
45 tours tout aussi introuvable, « Vachement
Décontracté », « Tiens-Toi Bien Mon Cœur »,
« Toutes Les Musiques » et « Maman M’La Dit ».
La pochette, avec un portrait en noir et blanc,
annonce fièrement la couleur : Son premier disque,
son nom ! Claude Nougaro (écrit en rose à l’image
de la ville de Toulouse qu’il chantera si bien plus
tard). En 1963, suite à son succès chez Philips, le
25 cm Président se mue en 30 cm pour sa réédition chez National, accompagné d’un autre EP où
« Vachement Décontracté » est remplacé par
« Marguerite », avec un portrait très coloré de Nougaro, utilisé également pour le 33 tours mais avec
le visage inversé. Mystère de l’imprimerie ! Dans la
foulée, en 1959, Claude Nougaro part en tournée.
Il se produit en première partie de Dalida, avec
Frank Gérald et Paola. Ces années de galas-galères
forgent son style qui, déjà, ne s’inscrit plus dans la
chanson française traditionnelle. A la croisée d’un
répertoire digne de Charles Aznavour, gourmand
de coucher sa passion pour les femmes dans le
vinyle, il va ainsi faire son chemin malgré la déferlante de la vague rock’n’twist de 1961-62 puis du
phénomène yé-yé.
Maître des mots.
A l’instar de Georges
Brassens, Claude
Nougaro est l’un
des plus fins
orfèvres de la
chanson française.
Un parangon,
dont l’intégrale
CD est récemment
parue. De 1958 à
ce tragique 4 mars
2004, son
phénoménal talent
a allié le jazz à sa
verve linguistique,
faisant swinguer
une langue dont on
dit qu’elle ne s’y
prête guère.
Nougaro apporte
la preuve par
l’absolu de
l’incroyable
communicabilité
de la langue
française mise
en musique.
Merci à lui.
UNE PETITE FILLE
En 1961, Claude Nougaro héberge Jacques Audiberti chez lui, dans son appartement de l’avenue
des Ternes. L’écrivain, en remerciement, signera le
texte de présentation de son premier disque chez
Philips en 1962. Au printemps 1961 il part en tournée avec Marcel Amont, Jean-Jacques Debout et
Jocelyne Jocya. Comme chez Président aucune
suite n’a été donnée à son premier 25 cm, Claude
Nougaro rompt son contrat et, en 1962, devient un
artiste Philips, sous la direction de Claude Dejacques, fort d’un magot riche en nouvelles chansons ne demandant qu’à éclore et se multiplier
dans le jardin d’une poésie bien vivante. En septembre son premier super 45 tours est un vrai festival de titres immortels : « Une Petite Fille », « Le
Jazz Et La Java » (écrit avec Jacques Datin, aussi
enregistré par Marcel Amont et Yves Montand),
«Les Don Juan» (le mot femme le fait vibrer) et «Le
Cinéma » (composé avec Michel Legrand). Tous
sont réalisés avec un esprit jazz, loin des carcans
de la variété. Ces quatre classiques sont orchestrés
par Michel Legrand qui réalise de son côté le EP
« Joue Claude Nougaro » (Philips 432 768) avec
« Le Cinéma », « Les Don Juan », « Le Jazz Et La
Java » et « Où (Allez-Y Les Bergères) ». Dès ses
débuts, Claude a l’art de faire swinguer les mots
grâce à un style d’écriture particulièrement ciselée,
jugez plutôt : Une petite fille en pleurs dans une ville
en pluie/ Et moi qui cours après au milieu de la nuit...
ou Sur l’écran noir de mes nuits blanches... D’abord
un gros plan sur tes hanches, soutenus par les
meilleurs musiciens de jazz. Après Jimmy Walter, il
y a ici Eddy Louiss (orgue), Guy Petersen (basse),
Christian Garros ou Gus Wallez (batterie), Emile
Serré (percussions), Michel Legrand (piano et arrangements) avant l’arrivée de Maurice Vander. Le 8
octobre 1962, Claude Nougaro interprète « Une
Petite Fille» et «Le Cinéma» à Toute La Chanson,
émission télévisée d’André Salvet, avant de se produire à l’Olympia. Ces quatre titres figurent également sur son nouveau 25 cm, avec cinq nouvelles

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