UN HOMME DEBOUT - Dossier pédagogique

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UN HOMME DEBOUT - Dossier pédagogique
UN HOMME DEBOUT - Dossier pédagogique
Texte Jean-Marc Mahy et Jean-Michel Van den Eeyden
Du mardi 2 au samedi 6 mars 10 – 20h30
(Mardi également à 14h)
A L’Ancre
Moment critique mercredi 2 mars
Moment rencontre jeudi 3 mars
Production L’ANCRE (Charleroi)
rue de Montigny, 122, 6000 Charleroi - T: 071 314 079 - F: 071 304 382 - www.ancre.be
UN homme debout
Texte
Jean-Marc Mahy
Jean-Michel Van den Eeyden
Mise en scène
Jean-Michel Van den Eeyden
Assistanat à la mise en scène et à l’écriture
Nicolas Mispelaere
Interprétation
Jean-Marc Mahy
Création vidéo
Kurt D’Haeseleer.
Production L’ANCRE (Charleroi) | Coproduction Théâtre national de la Communauté française
Wallonie-Bruxelles et Maison de la Culture de Tournai | Soutien GSARA et La Cité, Maison de Théâtre
& Compagnie (Marseille).
Prix des places
+ 26 ans
12 €
10 € en prévente
8€ abonné
- 26 ans/chômeurs
8€
6 € en prévente
5 € abonné
Groupe
(10 personnes)
9 € (adulte) 5 € (étudiant)
Abonnement à partir de 4 spectacles
Renseignements, dossier de presse et photos
Christine Claus
Gaël Bonci
[email protected] – 071/314 079
À 36 ans, Jean-Marc Mahy commençait enfin sa
vie… En prison depuis l’âge de 17 ans,
l’autonomie, la liberté, la société : tout lui était
étranger, ayant (selon ses propres dires) « vécu
comme un assisté durant près de 20 années,
derrière les barreaux… ».
Son urgence aujourd’hui ? Faire en sorte que d’autres jeunes ne connaissent jamais
son expérience, que d’anciens détenus s’en sortent une fois « sortis »… Ses outils ?
La rencontre et la parole. Parler de son parcours, de son vécu, de la prison, d’un
avenir possible dans une société qu’il aimerait « plus solidaire, plus à l’écoute »,
moins fabrique à exclusion et à marginalisation, une société, aussi, où la solution
carcérale serait davantage instructive et constructive que sanitaire, sécuritaire et
destructrice.
La prison est un lien direct avec la violence et la souffrance de notre société et du
monde. Les détenus sont des gens comme tout un chacun. Sauf, qu’à un moment
donné, leur vie a basculé dans la transgression et l’illégalité...
Dans une forme proche de la performance (où le filtre du personnage n’existe pas),
le metteur en scène Jean-Michel Van den Eeyden offre ici une autre dimension à
cette parole singulière et généreuse, en lui adjoignant d’autres points de vue et
regards, grâce au travail du vidéaste flamand Kurt d’Haeseleer…
Un hommage à une certaine détermination ou
force de vie, qui nous donne le courage de rester,
quels que soient les obstacles, « un homme
debout ».
Jean-Michel Van den Eeyden - texte et Mise en scène
Directeur artistique de L’Ancre depuis février 2008, âgé de 35 ans, Jean-Michel Van den
Eeyden est diplômé du Conservatoire Royal de Liège (Premier Prix et Prix supérieur classes de Max Parfondry et de Jacques Delcuvellerie). En tant qu’acteur, il a travaillé avec
Jean-Claude Penchenat, Michael Delaunoy, Marcel Delval, Jean-François Noville, As
Palavras, Arsenic, etc. Assistant de Charlie Degotte et de Nathalie Mauger, il signe sa
première mise en scène pour le Théâtre de la Guimbarde en 2005 avec Stone. En 2006, il
met en scène Push Up de l’allemand Roland Schimmelpfennig, dans le cadre du Kollectif Cie
Barakha, qu’il a fondé deux ans plus tôt avec Olivier Hespel, dramaturge, et Yannick Duret,
actrice.
Pédagogue et acteur culturel de terrain, il dirige des ateliers pour adolescents et adultes
au sein du Théâtre de la Guimbarde. Dans ce même cadre, il est chargé par le CGRI, en tant
que pédagogue invité à l’ISADAC (Ecole Nationale d’Art Dramatique du Maroc), de
collaborer au développement du théâtre jeune public dans ce pays. En 2007, il est chargé
d’ateliers dans différentes écoles supérieures de théâtre en Communauté française. La
même année, il est invité par La Charge du Rhinocéros à collaborer au Festival de Théâtre
des 4 chemins à Haïti.
Son travail de metteur en scène intègre différents média (musique live, vidéo, danse) et son
travail scénique est axé sur l’acteur et son imaginaire. Les interprètes et leurs propositions
scéniques ont une place centrale dans son processus créatif. Ils en sont la matière première,
faite de chair et de sang. Passionné par le travail physique de l’acteur, il développe sa
recherche artistique et pédagogique en considérant le corps de l’acteur comme véhicule de
sens.
Jean-Marc mahy - texte et interprétation
Jean-Marc Mahy a passé dix-neuf ans en prison : un jour, la petite délinquance de
l’adolescent a tourné à la tragédie, et deux hommes sont morts. Entré à dix sept ans, il en
sort à trente-six. Soucieux de désamorcer la fascination de certains jeunes devant l’image de
durs qui colle à la peau de ceux qui sont passés par une institution publique de protection de
la jeunesse (IPPJ) ou la prison, il n’a de cesse de témoigner de son parcours. Des gamins
qui ont fait l’expérience de l’incarcération crânent à leur sortie : face aux copains, ils ne diront
pas qu’ils n’en menaient pas large et qu’entrer en prison revient à vivre en enfer.
Aider les jeunes en difficulté à ne pas s'enliser dans la délinquance, prouver aux (ex-)
détenus que la réinsertion est possible à condition de la préparer : c'est le combat que mène
Jean-Marc Mahy depuis 2003, date de sa libération après dix-neuf ans de détention.
Vous l'avez peut-être déjà vu sur un plateau télé, entendu à la radio ou rencontré dans votre
école. A l'ombre des médias, il arpente également les couloirs des IPPJ, des unifs, des
ASBL qui aident à la réinsertion.
Désapprend-on jamais dix-neuf années de cellule, de vacarme qui conduit à se faire mettre
au trou pour trouver le silence, d’odeurs d’hommes entassés dans les établissements
pénitentiaires surpeuplés, d’humiliations de fouilles au corps, répétées parfois à dix reprises
lors des comparutions au Palais de justice ? Perd-on la mémoire d’une tentative de suicide,
de l’isolement où rode la folie ? Surtout peut-on enterrer les souffrances des familles de ses
victimes alors qu’elles vous accompagnent sans cesse ?
Où qu'il aille, Jean-Marc Mahy n'a de cesse de témoigner de son expérience et des
conclusions qu'il en a tirées : à ceux qui le croiraient encore, il explique que la prison ne rend
pas homme ; à ceux qui en ont fait l'expérience, il assure, qu'une vie après la prison est
possible. Que toutes les portes ne sont jamais définitivement fermées et que chacun est en
mesure de "remonter" sa vie, marche après marche.
C’est devenu son combat. Il veut aider les détenus à imaginer un avenir digne de ce nom :
« On ne parle pas assez des détenus qui s’en sortent. Les détenus eux-mêmes, eux surtout
peut-être, doutent qu’il soit possible de s’intégrer dans une société que l’on a quittée il y a si
longtemps. Il est important de leur montrer qu’il y a une vie après la prison. Bien sûr, cette
vie n’est pas facile, mais elle existe. Il est possible de trouver une autre issue que la récidive.
Seulement, cela se prépare. Il faut y penser longtemps avant de pouvoir sortir. Il faut se
former, réfléchir à ce que l’on veut faire ».
Par ailleurs, Jean-Marc Mahy a décroché un diplôme d’éducateur. Il veut empêcher les
jeunes en difficulté de tomber au fond du trou. Pour cela, il témoigne dans des écoles, des
lieux de retraite pour les jeunes… « Quand leurs profs leur disent d’arrêter les conneries, ils
haussent les épaules ; moi, je sais de quoi je parle et ils le savent ». « Chacun a son
handicap. Le mien ne se voit pas, mais il est là, pour toute la vie. Il faut vivre avec cela,
malgré cela et être utile. C’est ce que je dis aux jeunes » affirme-t-il. Jean-Marc espère
continuer ainsi, travailler, créer des liens et, un jour, oser prendre du temps pour lui-même. Il
conclut : « L'ex-ministre de la Justice disait que les détenus doivent quelque chose à la
société. C’est vrai. Mais pour cela, eux-mêmes doivent avoir reçu quelque chose. J’essaie
de donner un sens à ma vie et de ne pas tuer mes victimes une seconde fois. Je ne
demande pas que l’on me pardonne. Je paie le solde de ma dette ».
Le milieu carcéral mis en scène
L’objectif est de parler de façon contemporaine de la prison et de son impact
destructeur. Montrer sur scène, sans détour, la réalité de la condition carcérale, avec
toute la violence physique et psychologique qui y règne, et, sans doute la plus
terrible, la violence du temps perdu.
Le metteur en scène Jean-Michel Van den Eeyden transpose sur les planches le
parcours authentique de Jean-Marc Mahy, ex-détenu aujourd'hui éducateur, sur un
texte qu'ils cosignent. L'accent est porté sur la sensibilisation des jeunes, mais loin
d'adopter une posture moralisatrice, « Un homme debout » se veut aussi un éventail
de pistes sur les alternatives possibles, les issues à la violence.
La délinquance ne naît pas de nulle part. Elle est souvent la résultante d’une situation
sociale et d’une perte de repères dans la société. « Un homme debout » traduit le malaise
d’un ex-jeune dont la quête de lui-même s’est traduite par la violence. Construite comme une
succession d’instants réalistes vécus en prison, cette pièce permet au jeune spectateur de
mettre en perspective les conséquences du « parcours délinquant » et, nous l’espérons, de
s’interroger et être mieux outillé, ce en vue d’éviter l’expérience traumatisante de la prison.
Notre intention n’est certainement pas de lui infliger une leçon de morale mais plutôt de
l’aider à garder vivante sa capacité à interroger sa conscience et son imaginaire. Bousculant
les tendances à la victimisation et la dé-responsabilisation, la pièce développe des axes
forts: la quête de rédemption et le combat permanent mené pour devenir acteur de sa propre
vie. « Un homme debout » entend questionner avec pertinence le comportement de chacun
et ses valeurs, et au-delà de la prévention, ouvrir le débat sur la prison et la question de la
réinsertion.
C’est pourquoi nous vous suggérons de prévoir un moment de dialogue avec les jeunes
spectateurs à l’issue de chaque représentation pour entamer le dialogue. Ce moment pourra
éventuellement s’enrichir d’une rencontre avec le comédien. En amont, il sera également
possible de prévoir des interventions de Jean-Michel van den Eeyden et/ou Jean-Marc Mahy
pour ouvrir le débat sur les nombreuses notions questionnées par la pièce.
Ce dossier a été conçu comme un outil qui, nous l’espérons, vous permettra d’approfondir
les thèmes abordés dans le spectacle. N’hésitez pas à l’enrichir de vos expériences, votre
pratique et votre point de vue sur le spectacle.
Le germe de la violence
Pour ouvrir le débat…
-
Quels sont les facteurs qui poussent à un tel comportement ?
Quels besoins non satisfaits amènent la violence ?
La violence est-elle un choix ou une absence de choix ? Quelles autres
alternatives étaient possibles pour éviter d'avoir recours à la violence ?
En tout être humain peut germer une certaine forme de violence. Ce qui ne signifie pas que
tout le monde passe nécessairement à l’acte. Sommes-nous violents par nature ou dans des
contextes donnés ?
En comprenant les origines et les mécanismes du phénomène de violence, on peut être plus
apte à enrayer cette spirale parfois infernale.
Les psychologues humanistes considèrent que toute action, tout acte posé par un être vivant
n’a d’autre objectif que la satisfaction d’un (de) besoin(s).
- Besoins physiologiques: besoins vitaux de l’être humain tels que boire, manger,
dormir,…
- Besoins de sécurité: besoin de paix, de sécurité, de protection, de stabilité et
d’équilibre sur le plan matériel, dans la vie quotidienne comme dans les relations
interpersonnelles.
- Besoins sociaux : besoin d’amour, d’affection, d’appartenance à un groupe et à une
collectivité. Besoin de justice et d’équité.
- Besoins d’estime : besoin d’être reconnu, respecté et estimé, d’être fier de soi, de se
sentir compétent et maître de sa destinée (estime de soi, affirmation de soi).
- Besoins de réalisation : besoin de se réaliser, de s’épanouir, de développer ses
talents et de les mettre à profit de la manière la plus créative possible.
Tous ces besoins sont présents en chacun de nous. Aucun d’entre eux ne comporte
d’intention négative ou destructrice. Il est important de ne pas confondre ces besoins avec
les actes que nous pouvons poser pour les satisfaire. Par exemple, dire : « J’ai besoin de
vengeance », c’est confondre l’acte que l’on mettrait en place –la vengeance- pour satisfaire
un besoin – la justice par exemple.
Apprendre à nommer les besoins qui nous habitent, à découvrir que leur satisfaction dépend
parfois des autres, mais surtout de nous, est un premier pas que l’on peut tenter vers la
recherche de comportements non violents. Ensuite, examiner en quoi les actions que nous
menons sont à même de répondre, ou non, à nos besoins, permet de mesurer combien
certains actes sont parfois totalement inadéquats par rapport aux intentions qu’ils
poursuivaient.
C’est quand on n’exprime pas ses émotions ou quand on ne les comprend pas qu’on se met
à développer des intentions malveillantes. « Je n’ai pas les mots pour dire ma tristesse, ma
colère ou ma peur, alors je déprime, je me drogue ou je frappe ».
Une fois l’acte violent commis, il y a de fortes chances pour que la personne soit punie et
qu’une sanction soit imposée. Le cercle se boucle, enfermant la personne dans la détresse
de ne pas avoir été comprise et dans la souffrance d’avoir été sanctionnée sans que son
besoin fondamental n’ait été ni exprimé, ni satisfait.
Dans de nombreux cas, la délinquance vient s’inscrire dans une problématique de
dysfonctionnement familial important : les jeunes ont connu et souffrent toujours de carences
affectives, éducatives, relationnelles,… Leur délinquance en est la trace, le symptôme. JeanMarc Mahy en témoigne : sa posture était celle d’un rebelle qui n’accordait pas le moindre
crédit au monde adulte parce qu’il considérait que ce monde n’avait jamais rien fait pour lui.
A l’âge de 8 ans, conditionné par la violence de son beau-père, la parole avait déjà perdu
tout sens, remplacée par les coups.
La question de la responsabilité
Pour ouvrir le débat…
-
Comment définiriez-vous la responsabilité ?
Qui est selon vous le vrai coupable ? Jean-Marc Mahy ? Le quotidien qui
a permis qu’il en arrive là ?
Qu’est-ce qu’être responsable ? Y-a t-il un âge pour être responsable ?
Pensez-vous que Jean-Marc Mahy était conscient de ce qu’il faisait ?
Quand pensez-vous être un citoyen responsable ?
Tout le monde est appelé dans sa vie, à un moment ou à un autre, à prendre des risques.
L’adolescence est une période de vie où l’on interpelle, provoque, bouscule les normes, les
limites et les principes avec d’autant plus de violence qu’elles paraissent étroites et rigides.
Responsabiliser n’est pas faire rentrer les jeunes dans des catégories bien nettes mais plutôt
les amener à réguler leurs propres prises de risque de manière à éviter l’escalade. Un jeune,
quelque soit son âge, doit prendre conscience de ses actes et doit, également selon son
âge, faire l’apprentissage des règles de vie en société et des responsabilités qu’il est amené
à prendre.
Partir à la recherche des responsabilités, c’est aussi partir à la découverte des différents
protagonistes, actifs ou passifs, présents ou absents. C’est pointer les droits et les devoirs
de chacun, c’est envisager des responsables plus abstraits comme le groupe, la
communauté, les institutions, la justice d’un pays,…
« Les parents et les enseignants ne peuvent abandonner au nom du principe de
liberté individuelle les limitations éducatives qui s’imposent. Ce rapport égalitaire,
cette symétrie dans les relations adultes-enfants peut effacer la perception des
besoins de l’enfant. Pour se développer, celui-ci a besoin de structures qui vont
contenir ses pulsions et l’anxiété qui en découle. La relation entre jeunes et adultes ne
peut que se fonder sur un rapport de force sans quoi la violence risque fort de se
développer. En d’autres termes, privilégier l’orientation communicationnelle doit
impérativement s’associer à la mise en place de structures éducationnelles ». J.-P.
Pourtois & H.Desmet, Université de Mons-Hainaut.
« Une société a les délinquants qu’elle mérite. Ce n’est pas en adoptant des attitudes
d’intolérance, d’exclusion et d’appauvrissement progressif que l’on parviendra à
réduire les phénomènes de délinquance, bien au contraire. Chacun à son niveau,
avec sa spécificité, ferait bien d’y réfléchir. » M.C. Crollen, directrice IPPJ de Brainele-Château.
« Mais l’adolescence est aussi charnière, étape intermédiaire, incessant va-et-vient entre ce
qui est et ce qui reste à inventer ; et elle l’est sans doute plus encore aujourd’hui car
ballottée, elle aussi, par les doutes et les interrogations qui traversent toute notre société ».
« On a les adolescents qu’on mérite. N’ayant plus en face d’eux des adultes fermes et
cohérents qui, dès la petite enfance, leur ont donné des repères flous et parfois pas
de repères du tout, les adolescents ne font plus leur crise d’adolescence mais sont
plongés dans la nôtre. La crise d’adolescence au sens classique du terme est
pourtant structurante, nécessaire et salutaire. Elle fait souffrir et nous sommes là, les
adultes pour les aider à faire ce deuil de l’enfance. Pour ce faire, ils ont besoin d’avoir
face à eux des adultes protecteurs mais pas trop, fermes sur les interdits inhérents au
vivre ensemble. Mais surtout des adultes qui sont eux-mêmes solidaires entre eux et
qui ne font pas avec les adolescents des alliances qui alimentent la confusion des
places. Ce n’est pas le rôle des adolescents de protéger les adultes parce qu’ils les
sentent fragiles ». Philippe Béague, Fondation Françoise Dolto.
L'originalité de la démarche repose sur l'intervention d'un tiers éducatif qui n'est pas perçu
comme un adulte de l'institution mais comme un « ancien jeune ». La relation de proximité
établie entre les jeunes et l'acteur contribue à rendre le projet plus authentique et crédible
aux yeux des jeunes. En effet, le témoignage percutant de Jean-Marc Mahy est nourri de ses
propres connaissances de la délinquance et peut donc renvoyer les jeunes à leur propre
parcours, par jeu de miroir. Le fait que l'acteur (dans la pièce aussi bien qu'en tant
qu'intervenant) parle de son propre vécu lui permet d'apparaître comme une personneressource positive, ce qui renvoie les jeunes à leurs propres responsabilités en générant
parfois une prise de conscience, un déclic. La relation didactique systématique ainsi rompue,
un dialogue sans tabou peut s'ouvrir sur les parcours respectifs de chacun.
Une société de droit
Pour ouvrir le débat…
-
Quels sont les droits et les devoirs des jeunes ?
Quels sont les facteurs qui poussent des jeunes vers des
comportements délinquants ?
A quoi et à qui servent les lois ?
Comment et quand, dans votre vie quotidienne, la loi vous concerne-telle ? Quand respectez-vous la loi, quand êtes-vous hors la loi ?
La délinquance, c’est l’ensemble des comportements antisociaux sur le plan légal. Ceux-ci
dépendent donc des lois d’une société et des moyens qu’elle met en œuvre pour les faire
respecter. Elle implique une intervention policière (plainte, arrestation) et une procédure
judiciaire destinée à établir ou non la culpabilité de l’accusé.
Toute société, tout groupe a besoin de règles de base, de lois pour organiser la vie en
commun et vivre en harmonie. Sans le respect des lois humaines universelles (l’interdit de
l’inceste, l’interdiction de tuer), les relations entre les gens dégénèrent en chaos. On ne peut
pas faire n’importe quoi, on n’a pas tous les droits. Un monde non balisé d’interdits
ressemblerait à une jungle.
Les familles posent leurs limites, l’école impose son règlement, les pays édictent des lois.
Cela paraît sans doute contraignant mais c’est sans doute indispensable. Souvent rejetée, la
contrainte a son utilité dans l’éducation et la construction d’un individu.
Livré à lui-même, l’enfant n’a d’autre guide que sa satisfaction immédiate, il vit dans l’illusion
de la toute-puissance. Les « non », les interdits, les sanctions lui apprennent à mettre des
limites à ses pulsions, à se contrôler, à dépasser le plaisir immédiat, à respecter les autres.
Ils lui permettent de s’humaniser: il n’est pas un animal qui règle ses problèmes à coups de
dents. Ils lui font réaliser ce qu’est la loi.
La loi est le tiers auquel on fait appel pour régler les conflits sans recourir à la violence. Elle
est ce que tout le monde respecte, même en cas d’absence de « gardien de l’ordre ». Les
comportements jugés antisociaux sont sanctionnés par la Justice. En Belgique, c’est le
Tribunal de la Jeunesse qui juge les mineurs de moins de 18 ans qui ont commis des
infractions.
Certains jeunes n’acceptent plus aucune règle ou ne prennent pas conscience des
conséquences possibles de leurs actes. Certains préfèrent, pour être reconnus par leurs
pairs, se mettre en avant en « déconnant ».
Si la Justice semble efficace en Belgique face à la délinquance de jeunes en crise
d’adolescence et en recherche de limites, elle semble avoir moins de réponses face aux
jeunes qui commettent des délits parce qu’ils n’ont intégré aucune règle (banalisation de
l’acte commis) ou qui se révoltent contre une société qui ne leur laisse pas de place ou
d’avenir.
Le système belge
Pour ouvrir le débat…
-
Quelles distinctions entre les jugements des jeunes et ceux des
adultes ?
Quelles seraient selon vous les meilleures façons de sanctionner les
comportements délinquants ?
-
Comment réagiriez-vous si Jean-Marc Mahy était proche de vous (ami,
membre de la famille) ? S’il vous était inconnu ?
Comment réagiriez-vous si la victime était proche de vous ?
« La délinquance des jeunes est un sujet chaud. Depuis toujours. Et plus encore avec la
création d’Everberg. Sans cesse, il met et remet sur le tapis les mêmes questions, les
mêmes divergences, les mêmes appels à faire mieux comme si la société était incapable
de trouver le juste équilibre entre sanction et éducation car les deux sont évidemment
complètement nécessaires et nécessairement complémentaires pour construire une
réponse cohérente ». Colette Leclercq
En Belgique, le législateur a longtemps insisté sur la protection du jeune mineur. La loi de
1965 sur la protection de la jeunesse repose sur l’idée que la délinquance de certains
jeunes, l’absentéisme scolaire, le non respect de l’autorité (parentale ou autre) sont autant
de signes de l’inadaptation de ces mineurs. Le modèle protectionnel proposé par le
législateur se présente donc comme un modèle « thérapeutique » dans lequel le juge
appliquera, avec un certain paternalisme, des « remèdes » à ces jeunes ou aux parents qui
mettent en danger leurs enfants.
Le décret du 4 mars 1991 a permis de différencier un mineur délinquant d'un mineur en
danger ; axé sur la protection des droits de l'enfant, il répond à une série de dérives de la loi
de 1965, qui négligeait en général la prévention et avait trop généralement recours au
placement en cas de problème. De même, une forme d'ingérence judiciaire étouffait
complètement toute possibilité d'action sociale pour le jeune prévenu.
Puis l’évolution de la délinquance a incité le gouvernement à mettre en place un modèle plus
sanctionnel (ouverture en 2002 du centre Everberg, prison pour mineurs). La loi du 1er mars
2002 relative au placement provisoire de mineurs ayant commis un fait qualifié infraction
marque un glissement : la protection du mineur cède la place à la protection de la société qui
justifie l’enfermement du jeune délinquant.
Actuellement, les discussions s’orientent vers un modèle qui allierait protection et sanction
dans une optique réparatrice. Cette justice réparatrice ne cherche pas à infliger une peine ou
à rééduquer ou à appliquer un traitement par le biais de mesures mais bien à réparer les
dommages subis par la victime.
Le déroulement d’une procédure
De manière concrète, lorsqu’un jeune est appréhendé pour un délit par la police, le
Procureur du Roi peut saisir le tribunal de la jeunesse.
S’ouvre alors une phase préparatoire de six mois pendant laquelle le juge de la jeunesse
pourra :
- « réprimander » le jeune (le rappeler à l’ordre)
- faire procéder à des investigations sur le milieu de vie du jeune
- prendre des mesures provisoires (soit un placement provisoire dans une institution de
l’aide à la jeunesse, soit une mesure de surveillance ou de guidance du jeune dans
sa famille)
Pour des faits graves ou répétés, le juge de la jeunesse pourra placer le jeune dans un
centre fermé et, exceptionnellement, dans un centre public fédéral (Centre Everberg, qui
deviendra Saint-Hubert en 2010) pour une période limitée.
A la fin de cette période préparatoire, le dossier du mineur est fixé en audience publique.
Lors de cette audience, après un débat contradictoire où sont convoqués le jeune de plus de
12 ans, ses parents, son avocat et la Procureur du Roi, le tribunal de la jeunesse statue sur
les faits mis à charge du jeune et éventuellement sur les montants réclamés par les parties
civiles. Le juge prononce alors une mesure de garde ou d’éducation. Celles-ci sont presque
identiques à celles prévues lors de la phase préparatoire :
- la surveillance par le Centre d’orientation éducative (C.O.E.) ou par le service
d’aide et d’intervention éducative (S.A.I.E.) ;
- la guidance du jeune en famille effectuée par le délégué au service de protection
judicaire
- la prestation d’intérêt général qui consiste en un certain nombre d’heures à prester
gratuitement par la collectivité (x heures de déménagement gratuit, l’aide aux
personnes âgées, l’aide en milieu hospitalier, etc.) ;
- le placement du mineur dans une famille d’accueil ou dans une institution d’aide à la
jeunesse ;
- le placement du jeune en I.P.P.J. (Institution publique de protection de le jeunesse)
à régime ouvert (Wautier Braine et Jumet pour les garçons ou St Servais pour les
filles) ou fermé (Braine le Château et Fraipont) ;
- enfin, si le juge estime que les mesures protectionnelles sont devenues inadéquates
pour un mineur qui a commis un ou des délits après ses 16 ans, il peut se dessaisir
du dossier et le renvoyer vers le tribunal correctionnel. Le mineur est dès lors jugé
comme le serait un adulte, comme ça a été le cas pour Jean-Marc Mahy.
Le Quotidien en milieu carcéral
Pour ouvrir le débat…
-
Comment imaginez-vous une journée en prison ?
Pensez-vous qu'il est facile d'entretenir le contact avec l'extérieur ?
Que feriez-vous dans une cellule ?
Comment vous conduiriez-vous vis à vis du personnel pénitentiaire ?
Vis à vis des autres détenus ?
Déroulé horaire d'une journée :
6h30 : lever
En matinée : 1h de préau
Repas de midi apporté par un détenu : viande, légumes, pâtes, pommes de terre
14h30-17h : 1h de préau (par groupe).
17h : repas du soir : eau chaude, charcuterie, poisson, pain et fromage
21h30 : dernier contrôle des barreaux par le personnel pénitentiaire + souhait de bonne nuit
Pendant la nuit, contrôle chaque heure par œilleton
La rigidité du cadre se révèle un véritable frein à l'initiative, car il est facile de se laisser
porter par ce déroulé horaire systématique. L'institutionnalisation de la prison entraîne très
facilement une complète déresponsabilisation du détenu si ce dernier n'y prend pas garde.
Bien évidemment, cela pose problème à la réinsertion, car le détenu ne se projette pas plus
loin dans l'avenir « dehors » que sur le parking de la prison. La récidive est fréquente du fait
de cette absence de préparation à la réinsertion des prisons, qui se contentent de « mettre
sur la touche » les prisonniers, sans chercher à les aider à déconstruire les anciens repères
qui les ont menés en prison pour en construire de nouveaux.
Dans une cellule de prison peuvent cohabiter 3 détenus, il est impossible pour eux d’être
tous debout à marcher entre les lits en même temps, tant l'espace est exigu. La cellule est
meublée d'un lit superposé, ce qui implique que l'un des détenus dorme sur un matelas à
même le sol. La promiscuité permanente rend tout possibilité d'intimité complètement
inexistante dans un tel espace (exemple : toilettes) ; quelques détenus doivent encore
s'arranger avec un seau en guise de pot de chambre pendant la nuit. La tension est continue
du fait de la surpopulation carcérale, ce qui amène à une véritable course à la domination
pour avoir le choix du programme de télévision, ne pas dormir sur le matelas au sol, etc. Les
odeurs sont particulièrement difficiles à supporter, certains choisissent même délibérément
le cachot pour pouvoir respirer et se retrouver seuls, au calme.
Les seuls « loisirs » ou manières pour l'esprit de s'évader en prison sont la lecture, la
télévision, les jeux vidéo, et malheureusement les médicaments et la drogue. Les suicides
sont fréquents ; les missions des services sociaux et psychosociaux des prisons ont été
réduites en même temps que le personnel, jusqu'à être réduites à néant, ce au profit de
mesures sécuritaires.
La question de justice
Pour ouvrir le débat…
-
Dans quelle mesure une peine de prison permet-elle ou empêche-t-elle
de réparer une faute ?
Comment rendre justice sans simplement punir ?
Les conditions de détention ne permettent pas aux détenus de réfléchir à leurs actes dans
des conditions décentes. Comme le souligne Jean-Marc Mahy, le temps de la peine de mort
n'est pas si loin, et la justice est toujours punitive ; le système est désormais plus hypocrite,
car tout le monde ferme les yeux sur les conditions de détention, caché derrière la bonne
conscience de n'avoir tué personne au sens littéral. Les derniers remaniements budgétaires
des prisons, sur décision de l'état, font passer en dernier plan les volets de prévention /
sensibilisation. Il existe pourtant des alternatives à cette logique purement répressive,
sécuritaire.
La justice réparatrice
Quand un délit est commis, l’auteur et la victime, qui évoluent au sein de la société, vont l’un
et l’autre en subir les conséquences. Celles-ci peuvent être directes et indirectes, par
exemple : blessures, handicaps, dépression, traumatisme psychologique, pertes
financières… Après le délit, la société va intervenir pour protéger la victime et punir l’auteur.
Cependant, la condamnation seule ne permet pas nécessairement à l’auteur et à la victime
de se reconstruire. La justice réparatrice propose de mettre en relation l’auteur et la victime
afin de trouver ensemble le chemin d’une guérison morale et psychique.
A ce stade, un médiateur va se mettre en relation avec les deux protagonistes et, avec leur
accord, établir un programme réparateur axé sur quatre éléments essentiels :
- La rencontre: créer un espace de parole pour les victimes, les délinquants et les membres
de la communauté afin de discuter du délit et de ses conséquences.
- La réparation: inciter les délinquants à entreprendre des actions pour réparer le dommage
causé.
- La réintégration: rendre à la victime et au délinquant leurs places respectives dans la
société, où chacun a un rôle et se sent solidaire de l’autre
- L’inclusion: permettre à chacun de prendre part à la résolution des problèmes engendrés
par le délit.
Les travaux d'intérêt général
Cette mesure permet un travail sur la conscience pour le prévenu. Un triple-but est poursuivi:
permettre au tribunal d’éviter de prononcer une peine de prison de courte durée lorsque
celle-ci ne s’avère pas indispensable; sanctionner le justiciable en l’obligeant à effectuer une
activité utile au profit de la communauté tout en lui donnant la possibilité de continuer à
exercer ses responsabilités familiales ou professionnelles; donner à la communauté
l’occasion de contribuer positivement à l’action de réinsertion sociale des délinquants.
L’échec positif
En quelques mots, c’est : repartir sur de nouvelles bases, après avoir tiré les leçons des
expériences négatives vécues ; construire du positif à partir des éléments négatifs de son
passé…
Cette méthode prévoit d’utiliser ses échecs pour aller de l’avant, dépasser ses limites, pour
réussir de nouveaux défis, faire de ses expériences une force. Cela passe par accepter
l’échec pour ensuite le surmonter. Bien sûr, il n’est pas facile de surmonter, parfois seul, tous
ses échecs. C’est pourquoi il est nécessaire pour le jeune d’avoir dans son entourage des
personnes qui aident à comprendre les accidents de parcours, à progresser et à aller de
l’avant. Compter sur la famille, les éducateurs, les assistants sociaux, les psychologues, les
enseignants, les amis…
Rééducation du mineur délinquant
La rééducation du mineur délinquant exprime, en général, une triple action menée à l'égard
du sujet. Action thérapeutique ; il faut lui appliquer les thérapeutiques médicales et
psychologiques (psychothérapie individuelle et de groupe) de nature à améliorer son
comportement. Action de préparation professionnelle ; il faut le mettre en état de gagner sa
vie en lui faisant effectuer, après sa scolarité, l'apprentissage d'un métier, souvent même, en
menant de front la formation professionnelle et l'enseignement scolaire, le plus grand
nombre des adolescents délinquants étant en rupture avec le système scolaire. Action
éducative enfin tendant à ce que le mineur se réconcilie avec lui-même et avec autrui, à ce
qu'il se maîtrise, à ce qu'il parvienne à son autonomie et l'assume, à ce qu'il s'intègre dans la
communauté.
Il est indispensable que le milieu satisfasse les besoins bio-affectifs essentiels de l'enfant :
Besoin d'amour qui n'est satisfait que si l'on sait créer autour du jeune une atmosphère
d'intimité, de sympathie compréhensive, d'amitié, de confiance. Il importe de reconstituer
autour de l'enfant un climat familial lorsqu'il ne peut pas être maintenu dans son milieu
d'origine.
Besoin de sécurité qui exige que le milieu soit apte à exprimer la stabilité, la fermeté et la
solidité, à offrir un cadre de vie dont ne sont exclues ni les règles ni les normes ni les
formules qui souvent doivent être apprises et vécues avant d'être discutées, à soutenir
physiquement et moralement l'enfant en lui procurant tout autant un havre qui ne soit pas un
sable mouvant que des réponses valables à ses tourments et à ses curiosités.
Besoin d'affirmation et d'expansion du moi, besoin de conquête et de possession du
monde, besoin de se sentir cause agissante, autant de besoins que seul peu satisfaire un
système de libéralisme éducatif préconisant la confiance, le self-government, la libre
discussion, le dépassement de soi et s'appliquant à réaliser des conditions de milieu qui ni
n'oppriment, ni n'étouffent le sujet.
Besoin d'appartenance qui amène l'enfant à découvrir des satisfactions affectives dans le
fait d'appartenir à un groupe, d'avoir un métier, de posséder un monde à soi, d'adhérer
étroitement à des parcelles de l'univers humain ou physique.
Besoin d'identification qui conduit l'enfant à se tourner vers un modèle, un camarade aîné
ou un adulte, et à désirer vivre la vie même de ce modèle prestigieux.
Le milieu doit s'appliquer à susciter des possibilités d'appartenance et d'identifications en
veillant à ce qu'elles ne paralysent pas, par un excès de fixation affective, l'enfant dans son
épanouissement.
Réinsertion de l'ex-détenu
Pour élargir le débat…
-
Comment pensez-vous que l'on prépare sa vie après la prison ?
Comment réagiriez-vous en apprenant le passé carcéral d'une personne que
vous côtoyez régulièrement ?
Pensez-vous qu'un ex-détenu a les mêmes chances qu'un autre citoyen dans
sa recherche de logement / d'emploi ?
Beaucoup de détenus sortent de prison pour rentrer dans un monde qui leur est devenu
étranger (inculturation pénitentiaire, évolution rapide de la société, changement de situation
familiale, obligation de quitter un milieu criminogène – mais pour aller où ?-…), hostile
(stigmatisation, rejet,…), incompréhensible (mais où est-ce que je tombe, qu’est-ce que je
dois faire ?), un monde dans lequel toute relation sera à construire et/ou à reconstruire
(qu’elle soit conjugale, familiale, amicale, professionnelle, sociale,…). Bref, souvent l’exdétenu se demande : « quels repères avoir, quelles priorités mettre, quelles énergies
dépenser et pour quoi ? » Aussi, la société à tout à gagner lorsqu’elle investit dans la
reconstruction de liens qui ont été coupés, détériorés, anéantis. Elle a à soutenir
humainement les ex-détenus qui ont envie de (re)vivre leur vie autrement ; le bilan d'une
détention aboutira sinon immanquablement à un constat d'échec. Sans possibilités de
réinsertion, sans nouveaux repères, reste la possibilité de récidive...
Obstacles à la réinsertion
Sur les murs de la prison de Schrassig au Grand-Duché de Luxembourg, deux inscriptions
rappellent aux détenus comment la société les considère : « Entrez ici comme un lion, sortez
comme un mouton » et « Ici, vous trouverez tout, sauf de l’aide ». Dans l’opinion publique,
on observe un désintérêt pour le développement de l’éducation dans les prisons, ce qui se
traduit par l’opposition à l’affectation de moyens financiers et humains pour améliorer les
conditions de vie des personnes incarcérées. Personne n’aide le détenu, par exemple, à
prendre contact avec les services sociaux extérieurs. L’état de carence du système
pénitentiaire et le contexte économique s’opposent à la réinsertion. Le casier judiciaire,
l’absence de diplômes rendent la recherche d’un emploi très difficile. Sans argent et sans
travail, il est impossible de se loger.
L’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe dans sa recommandation 1741 relative à
la réinsertion des détenus souligne les causes de la récidive. Elle rappelle que « l’éducation
est un droit fondamental de l’être humain et qu’à ce titre, les autorités carcérales devraient
prévoir des mesures appropriées d’éducation pour les prisonniers » […]. L’institut pour
l’éducation de l’Unesco insiste également sur la nécessité de l’éducation. L’Atelier
d’éducation permanente pour personnes incarcérées (Adepi) est une initiative positive.
« La mission de l’administration pénitentiaire est quadruple : protéger la société, assurer la
punition du condamné, favoriser son amendement, et permettre sa réinsertion. Les deux
premières missions sont assurées avec succès ; les deux suivantes ne sont pas du tout, ou
si peu assurées ». 1
La plupart des projets soutenus par le Forum européen pour l’emploi des délinquants
« restent d’ampleur modeste et sont mis en place, puis administrés par des ONG 2 ». Un
partenariat européen, le projet Insert, a vu le jour il y a quelques années, mais ses résultats
sont en demi-teinte d’après la Ligue des droits de l’homme 3 .
La notion de valeurs
Pour ouvrir le débat…
-
Quelles sont les valeurs qui vous parlent aujourd’hui ?
Que mettez-vous derrière les mots respect, honnêteté ?
Par quels moyens affirmer ses propres valeurs ?
On parle de plus en plus d'Éducation à la citoyenneté, à ces valeurs qui fondent notre vie en
commun et au nom desquelles nous accueillons la différence. Cet enseignement a pour
finalité de préparer tous les élèves à être des citoyens et êtres humains responsables,
capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et
ouverte à la différence.
« J'ai récemment accepté de me rendre dans une classe d'un lycée de Mons pour y
tenir une petite conférence à des élèves de rhétorique qui avaient assisté, durant une
journée, à un procès d'assises. Le but était de répondre à leurs questions sur la
Justice et, par là, de les sensibiliser à la citoyenneté.
Le contact a d'abord été difficile, les jeunes étant sans confiance, ni espoir envers
l'institution judiciaire. Ces jeunes étaient prêts à envoyer l'accusé à la potence sans
même s'interroger sur les raisons de son acte, sa vie, son histoire, ses problèmes, le
comment et le pourquoi.
Et me voilà en train de plaider pour la défense de mes convictions. La discussion fut
vive mais, apparemment, efficace. Ils reconnaissaient enfin la nécessité de ne pas
juger un fait mais bien un homme, d'où l'importance, même pour un coupable, de faire
un procès, de creuser et de chercher à comprendre, pour sanctionner adéquatement.
Dans les semaines qui ont suivi, les étudiants ont dû rédiger, deux par deux, de petits
textes, dont certains ont été publiés dans un journal régional.
Cela a été une grande satisfaction de constater à quel point leurs idées avaient pu
évoluer sur quelques heures. Le résultat était favorable à mes convictions, la plus
belle cause à mes yeux. De nombreux avocats donnent ainsi de leur temps afin de
rendre confiance en la Justice et éviter les jugements hasardeux et catégoriques,
cultiver l'esprit critique nécessaire à chacun ».
Céline Parisse, avocate, dans La Libre Belgique – 29 juillet 2005
1
Prison, « La réinsertion des personnes détenues », http://prisons.free.fr/reinsertion.htm
Interview de Mike Stewart, « Tous les ex-détenus traînent leur casier judiciaire », Nouvelles
du réseau, n° 116 - janvier/février 2006, dossier « Quel avenir pour les ex-détenus? ».
3
Chronique de la Ligue des droits de l’homme 107, p. 7.
2
Parler aux jeunes est important, car au-delà de la question de la prévention / sensibilisation,
il y a beaucoup de préjugés à casser. Dans les médias, c’est toujours l'horreur des crimes
qui est mise en avant, ce qui étouffe les facteurs de la violence. Le meurtre passe alors pour
gratuit, acte simplement sauvage, donc tout bonnement impardonnable. Dès lors, la Justice
considérée sous le seul angle de la répression est acceptée comme « normale », logique.
La prison ne doit pas être une solution de dépit où on met le citoyen en sécurité en plaçant le
fautif dans un espace hors jeu, exclu du monde. La prison doit amener des solutions en
devenant un lieu où l'on peut réfléchir dans des conditions décentes à la portée de ses actes,
leurs conséquences (outre l'incarcération elle-même, justement), où l'on peut réapprendre à
se forger des repères en vue de réintégrer la société, un lieu où l'on apprend à devenir un
citoyen responsable. Ce qu’elle est aujourd’hui, c’est un lieu où les prisonniers sont
simplement contenus et d'une certaine façon entretenus, confortés dans un climat de
violence sans dialogue possible. Mais faire de la prison un lieu de réhabilitation sociale, non
un lieu de suicide social, cela passe aussi par l'éducation citoyenne, en montrant la
possibilité de reconversion, sans enfermer un ex-détenu dans un mauvais rôle en arguant
qu'il a « le vice dans la peau ».
En classe, le travail peut déboucher sur un dialogue invitant les jeunes à formuler leurs
valeurs, ce qui fait sens pour eux, et voir comment ils confrontent leurs idéaux à la réalité de
la société. Le simple fait d'accorder du crédit à leur parole permet de réinstaurer un climat de
confiance avec le monde adulte : ne pas nier leur subjectivité, comme on nie celle d'exdétenus qui ne peuvent pas avoir de considération sans attestation d’une tierce autorité. De
cet échange, le jeune apprend en partant de son parcours, ses erreurs, ses envies, pour
ensuite voir comment s'intégrer à la société en accord avec ses valeurs, sans se laisser
phagocyter. L'objectif d'une discussion ouverte avec les jeunes est de chercher la ressource,
le potentiel chez un jeune, et l'aider à développer ses compétences. Le sortir de son rôle de
mauvais, de nuisible, le stéréotype du jeune délinquant qu'il entretient parfois lui-même
inconsciemment, conditionné par un rôle social qu'il a intégré.
Débattre des valeurs des jeunes pour qu'ils puissent, aussi, se décentrer de leurs seuls
points de vue, se mettent à la place des autres acteurs de la société. Qu'ils tirent des leçons
de leurs propres réflexions, sans qu'on les leur impose.
ANNEXES
La population carcérale à un sommet historique
Avec 10.159 détenus, la population carcérale a enregistré à nouveau, début 2009, un
sommet historique. Le budget 2009 de la Justice est en hausse de 5,7% par rapport à 2008.
Le nombre de magistrats dépasse presque les 2.500 personnes et le personnel administratif
compte plus de 8.000 collaborateurs, selon "Justice en chiffres 2009", une publication du
SPF Justice, dès à présent disponible en ligne. De l'ensemble du budget, 74% sont dévolus
au personnel et 26% aux moyens de fonctionnement.
Le nombre de magistrats dépasse presque les 2.500 personnes. La proportion entre
hommes et femmes est quasi en équilibre. Sur le plan matériel, le réseau judiciaire dispose
de "pas loin de 15.000 ordinateurs". Les justices de paix traitent annuellement un nombre
d'affaires presque aussi important que celui des affaires introduites.
Cours du travail
Près des cours du travail, le nombre de nouvelles affaires et d'affaires clôturées en 2008
enregistrent une baisse respectivement de 28 et 21% par rapport à l'année de référence
2000. Par contre, en 2008, 39% supplémentaires de nouvelles affaires ont été inscrites
auprès des tribunaux du travail. Ce qui s'expliquerait en partie par le règlement collectif de
dettes qui a été transféré aux tribunaux du travail.
Cette mesure se ressent aussi dans les tribunaux civils de 1e instance, où tant le nombre de
nouvelles affaires que celui des affaires clôturées ont baissé de 6% par rapport à l'année
précédente. Auprès des cours d'appel, le nombre d'affaires civiles pendantes poursuit sa
descente, soit une baisse de 38% sur la période 2000-2008.
Hausse de 73% pour les parquets de police
Les parquets de police connaissent une hausse de 73% du nombre de citations,
augmentation à imputer aux perceptions immédiates non payées et aux propositions
d'extinction de l'action publique par le paiement d'une amende (EAPS). La baisse de 32%
enregistrée en 2008 au niveau des nouvelles affaires, et par rapport à l'année 2000, peut
s'expliquer par l'application généralisée des PV simplifiés (PVS). La tendance à la hausse de
ces derniers se marque également au parquet correctionnel.
Entre 2003 et 2007, le flux des entrées (input) et le flux des sorties (output) des parquets
correctionnels ont été caractérisés par une forte baisse, stabilisée en 2008.
Aux parquets de la jeunesse, nulle trace d'une augmentation de la délinquance juvénile au
cours des 40 dernières années. A l'inverse, une tendance à la hausse de la signalisation des
problématiques vécues par des mineurs.
Plus de condamnés
On constate aussi une hausse linéaire du nombre d'incarcérations durant les trois dernières
années. Pour ce qui est de la population carcérale, début 2009 enregistre un nouveau
sommet historique, avec 10.159 détenus. Une hausse principalement due au nombre de
condamnés. Dans une tendance générale à la baisse du nombre d'élargissements, on note
cependant une hausse du nombre des libérations des prévenus ainsi que des condamnés
arrivés en fin de peine.
En 2008, les maisons de justice ont connu une augmentation sans précédent du nombre de
leurs missions. La place que prend sur le terrain la peine de travail ne cesse d'augmenter et
la surveillance électronique est en pleine expansion. "Justice en chiffres 2009" est disponible
sur le site du SPF Justice (www.just.fgov.be).(belga/chds)
26/08/09 12h26
Source :
http://www.7sur7.be/7s7/fr/1502/Belgique/article/detail/981117/2009/08/26/La-populationcarcerale-a-un-sommet-historique.dhtml
Systèmes alternatifs à l'incarcération
La surveillance électronique est née aux États-Unis où elle s'est fortement développée au
cours des dix dernières années ainsi qu'au Canada où quatre provinces ont actuellement
des projets de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice. En
Europe, l'Angleterre et le Pays de Galles sont les premiers à avoir utilisé cette technologie à
partir de 1989, puis la Suède à partir de 1994, les Pays Bas depuis 1995 et la Belgique en
1998. Ce système reste assez peu fréquemment utilisé : cela représente aujourd'hui 3% des
détenus.
La libération conditionnelle
Qu’est-ce que c'est ?
La libération conditionnelle est un dispositif qui permet à un condamné de sortir prison avant
la fin de sa peine. La personne en liberté conditionnelle doit respecter un certain nombre
d’obligations pendant une période de temps déterminée (délai d’épreuve) et se soumettre à
des mesures d’aide et de contrôle. Si le condamné respecte ses obligations, la peine sera
considérée comme définitivement terminée à la fin de la période d’épreuve. Si au contraire il
ne respecte pas ces obligations, il perd le bénéfice de la libération conditionnelle et doit
retourner en prison pour terminer sa peine.
Articles 729 et suivants, D.520 et suivants du Code de procédure pénale
Quand peut-on demander une libération conditionnelle ?
La libération conditionnelle peut être accordée aux condamnés qui ne sont pas en état de
récidive légale lorsqu’ils ont exécuté au moins la moitié de leur peine : ils ont accompli une
durée d’incarcération égale à celle qu’il leur reste à subir. Les récidivistes peuvent quant à
eux obtenir une libération conditionnelle après avoir accompli les deux tiers de leur peine.
Ces délais se calculent en fonction des réductions de peine et des grâces accordées qui
modifient la date de fin de peine.
Les parents d’un mineur de moins de dix ans bénéficient d’un régime plus favorable.
Lorsqu’un condamné exerce l’autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans, et à
condition que cet enfant ait eu sa résidence habituelle chez lui, il peut prétendre à une
libération conditionnelle sans attendre la moitié ou les deux tiers de la peine. Il faut pour cela
que la peine prononcée soit inférieure ou égale à quatre ans ou bien qu’il lui reste moins de
quatre ans d’incarcération à subir. Ce régime n’est cependant pas applicable aux personnes
condamnées pour un crime ou un délit commis à l’encontre d’un mineur.
Les personnes condamnées à une peine de réclusion à perpétuité doivent quant à elles
purger quinze années d’incarcération avant de pouvoir déposer une demande de libération
conditionnelle. En cas de réclusion à perpétuité assortie d’une période de sûreté de plus de
quinze ans, la libération conditionnelle doit être précédée d’une semi-liberté. Enfin, les
condamnés qui subissent une période de sûreté ne peuvent pas demander de libération
conditionnelle avant le terme de celle-ci.
Articles 132-23 du nouveau Code pénal, 720-5, 729 et 729-3 nouveau du Code de procédure
pénale
Quels sont les critères d’octroi de la libération conditionnelle ?
Le détenu doit manifester « des efforts sérieux de réadaptation sociale ». C’est le cas
notamment lorsqu’il suit avec assiduité une formation professionnelle, un enseignement, un
stage ou un emploi temporaire « en vue de sa réinsertion sociale ». C’est également le cas
lorsque le détenu apporte la preuve qu’un emploi lui est destiné à l’extérieur (mais il ne s’agit
pas d’une condition obligatoire), que sa participation à la vie de famille est essentielle ou qu’il
doit suivre un traitement médical. Le juge doit aussi prendre en compte l’effort accompli pour
indemniser les victimes. Il ne s’agit là que d’exemples fournis par la loi. L’autorité
compétente peut s’appuyer sur d’autres considérations plus subjectives. Dans tous les cas,
le fait de remplir ces critères ne fournit pas au condamné un droit d’obtenir une libération
conditionnelle, dont l’octroi est laissé à la libre appréciation de l’autorité compétente.
Articles 729 du Code de procédure pénale (article 126 de la loi sur la présomption
d’innocence)
Qui décide d’accorder la libération conditionnelle?
Le juge de l’application des peines (JAP) est compétent pour accorder la libération
conditionnelle à partir du 1er janvier 2001, lorsque la ou les condamnation(s) prononcée(s)
n’excède(nt) pas dix ans d’emprisonnement ou, quelle que soit le peine prononcée, lorsque
la durée de détention qui reste à subir ne dépasse pas trois ans.
Une nouvelle juridiction, la « juridiction régionale de libération conditionnelle » est
compétente en ce qui concerne les personnes condamnées à plus de dix ans de prison et
auxquelles il reste plus de trois ans de détention à subir.
Cette nouvelle juridiction est constituée auprès de la Cour d’appel et est composée d’un
magistrat de la Cour d’appel (président de chambre ou conseiller de Cour d’appel) et de
deux JAP. La compétence du Garde des sceaux est donc supprimée.
La saisine du JAP ou de la juridiction régionale de la libération conditionnelle a lieu soit à la
demande du condamné, soit sur réquisition du procureur. Les décisions en matière de
libération conditionnelle doivent désormais être obligatoirement motivées et précédées d’une
procédure contradictoire (audience du condamné assisté de son avocat et audience du
procureur de la République). Le JAP doit également entendre l’avis d’un représentant de
l’administration pénitentiaire (directeur de l’établissement, responsable du service
pénitentiaire d’insertion et de probation, ou autre). La juridiction régionale doit quant à elle
demander l’avis de la commission d’application des peines.
Article 730 modifié du Code de procédure pénale
A quel contrôle est soumis tout condamné libéré sous conditions ?
A sa sortie, le libéré conditionnel dispose d’un délai de 24 à 48 heures pour se présenter au
juge de l’application des peines (JAP) désigné pour suivre la mesure. Il s’agit en général du
JAP du lieu de résidence du condamné. Ce délai est indiqué sur la carte de libéré
conditionnel remise à la sortie de prison.
Une fois libéré, le condamné est placé sous la surveillance et le contrôle du JAP et du
Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP). Le juge le reçoit, lui rappelle ses
obligations et lui indique les mesures de surveillance dont il fera l’objet. Un travailleur social
du SPIP rencontrera périodiquement le libéré conditionnel et s’assurera du respect de ses
obligations. Le condamné doit habiter au lieu fixé par la décision de libération et doit
répondre aux convocations du JAP ou du SPIP. Il doit également recevoir les visites du
travailleur social et lui communiquer tous les documents et renseignements qui permettent
de vérifier qu’il respecte ses obligations. Il doit prévenir le travailleur social de tout
changement d’emploi et obtenir l’autorisation du JAP quand le changement d’emploi
envisagé peut empêcher le bon déroulement de ses obligations. Enfin, le libéré doit obtenir
l’autorisation du JAP pour tout déplacement supérieur à quinze jours, ainsi que pour tout
déplacement à l’étranger. Le SPIP peut aider le condamné à réaliser certaines démarches,
ainsi que lui accorder une aide matérielle ou demander à tout organisme d’assistance de le
faire.
Articles 731, D532 à D.534 du Code de procédure pénale

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