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émotion protection
De la barbarie
à l’incompréhension
’est une véritable scène d’horreur à laquelle José Derwa,
agriculteur belge, a assisté en
juin dernier. “En arrivant à
5 h 30, j’ai aperçu mon cheval
couché dans le pré.” Croyant d’abord à
une colique, il s’approche de l’animal.
Et là, l’abomination. “Il était mort. On
lui avait coupé les tendons des postérieurs. Sa poitrine était lacérée et il avait
reçu un coup au-dessus de l’œil”, raconte
José Derwa.
Chaque année, de nombreux propriétaires retrouvent leurs chevaux agressés. Une barbarie pourtant punie par
la loi. Le texte invoqué pour ce délit est
l’article 521.1 du Code pénal. “Le fait,
publiquement ou non, d’exercer des sévices graves, ou de nature sexuelle, ou de
commettre un acte de cruauté envers un
animal domestique, ou apprivoisé, ou
tenu en captivité, est puni de deux ans
d’emprisonnement et de 30 000 €
d’amende.” Si la loi ne fait pas de différence entre les agressions et les négligences (propriétaire qui délaisse ses
chevaux), elle distingue le caractère
volontaire de l’acte. “Il y a une différence entre le souhait affirmé de com-
Ph. Fotolia/sda
C
64 - Cheval magazine - septembre 2015 - n° 526
mettre l’acte et le fait de le faire inconsciemment, sans le vouloir vraiment, explique Maître Eric Alligné, avocat spécialiste du droit des animaux. Par
exemple, certains propriétaires qui n’ont
pas nourri leurs animaux expliquent
l’avoir fait en les pensant autosuffisants.” Pour les agressions, l’absence
de volonté reste difficile à imaginer.
Peut-on être barbare sans véritablement l’avoir décidé ?
Histoire de vengeance ?
José Derwa reste dans l’incompréhension. Sans une interpellation policière,
impossible d’interroger les auteurs de
l’agression et de connaître leurs motivations. “J’ai le sang chaud et je ne me
laisse pas faire, explique-t-il. Mais si
quelqu’un en a après moi, qu’il vienne directement me voir. Qu’il ne s’en prenne
pas à mes animaux.” Selon Isabelle
Chevrier, psychologue, la vengeance
fait partie des motifs qui peuvent pousser quelqu’un à commettre ce genre
d’agression. Au lieu de s’en prendre directement à la personne qui dérange,
l’agresseur choisit un moyen détourné.
“Toucher l’animal, c’est atteindre
Ph. DR
Si les chevaux sont reconnus depuis le début de
l’année comme des êtres doués de sensibilité,
certains humains ne semblent pas avoir assimilé
cette avancée législative. De nombreux chevaux sont
encore volontairement et gratuitement agressés.
En Belgique, un malheureux
cheval de la ferme Spéliers a
reçu un coup de hache sur le
côté de l’œil… S’il a survécu à
cet acte barbare, le gérant de la
ferme se demande comment
autant de méchanceté gratuite
est possible…
l’homme. L’agresseur souhaite faire du
mal à celui qui l’embête et créer le
manque chez le propriétaire.” D’autant
plus que s’en prendre à un être qui ne
peut exprimer ses sentiments ni se défendre est une solution de facilité.
Face à ce type d’agressions, les autorités sont souvent impuissantes. “On a
beau essayer de faire attention, on n’entend rien et on ne voit rien”, se désole
José Derwa. En Belgique, l’agriculteur
parle d’une recrudescence de ces
agressions. S’il est difficile de deviner
les motivations précises des bourreaux, la police belge émet une hypothèse. “Elle pense qu’il s’agit de jeunes
sous l’effet de stupéfiants, explique
l’agriculteur. Nous sommes sur l’axe qui
mène aux Pays-Bas où les drogues sont
vendues librement. En revenant, les
“drogués” s’arrêteraient et maltraitewww.chevalmag.com
Texte : Mélina Lhermite
Réduire les risques
d’agression
Visiter son cheval
régulièrement et à des heures
différentes.
Communiquer avec ses voisins
pour surveiller.
Mettre son cheval à l’abri la
nuit.
Retirer le licol de son cheval.
De l’incompréhension
Plus tôt, cette année, la ferme Spéliers
en Belgique a également connu l’horreur. “Deux de nos chevaux ont été
agressés dans leur pré à trois semaines
d’intervalle, se souvient le gérant. On a
retrouvé le premier avec une plaie au
membre de 8 centimètres de largeur et
13 centimètres de longueur. Au début,
nous pensions à une simple coupure.”
Jusqu’à la seconde agression sur un
autre cheval : un coup de hache sur le
côté de l’œil. Le vétérinaire est formel :
c’est un acte barbare et volontaire.“Les
deux chevaux ont survécu, mais on ne
comprend pas. C’est de la méchanceté
gratuite”, se désole le gérant.
Mais un homme, sain d’esprit, peut-il
agresser un cheval sans exprimer le
moindre remord et sans raison apparente ? Non, selon Isabelle Chevrier.
“Lorsque l’auteur revient sur les faits, on
se rend compte qu’il existe un élément
déclencheur : une querelle, un problème
personnel, l’alcool…” Rares seraient
donc ceux qui agissent sans motiva-
“Lorsque l’auteur revient
sur des faits de barbarie
sur un cheval, on se rend
compte qu’il existe un
élément déclencheur :
une querelle, un problème
personnel, l’alcool…”
ISABELLE CHEVRIER, PSYCHOLOGUE
tions. “Si les agresseurs n’émettent
aucun remord et qu’ils ont tué sans raison de façon totalement barbare, c’est de
la perversion.” Expliquer de tels actes
reste donc une opération délicate.
Et définir le profil des agresseurs semble un exercice aussi difficile. “Dans ce
type d’affaire, on retrouve tout genre de
profil, explique Eric Alligné. En général,
les auteurs n’ont pas d’antécédents avec
la justice. S’ils commettent ce genre
d’horreur, c’est qu’ils croient qu’ils sont
en droit de le faire. Ils pensent pouvoir
disposer des chevaux comme ils le veulent.” Pourtant, comme le reconnaît la
loi depuis janvier 2015, l’animal est un
être sensible. Ce n’est pas une chose.
“Toute l’éducation est à faire. Il faut faire
comprendre aux gens qu’ils ne peuvent
pas disposer des animaux comme ils
l’entendent.” Pour Eric Alligné, les tribunaux doivent jouer le rôle d’éducateur. “Nous avons les outils nécessaires
pour punir. Une mise en place régulière
fera passer le message. La réponse sociale
et judiciaire doit être ferme.”
Des actes favorisés par l’évolution de la société ?
Isabelle Chevrier, psychologue, revient sur l’influence de l’évolution de
notre monde sur les actes barbares envers les chevaux : “Il y a une
différence entre l’envie et le passage à l’acte. Quelque chose nous retient.
Il s’agit de la loi symbolique (on ne frappe pas les animaux, on ne frappe pas
les enfants). Un mur invisible et inconscient qui retient nos gestes. Chez les
agresseurs, cette loi symbolique n’existe pas. C’est propre à leur histoire
personnelle, mais c’est également un concept de plus en plus flou. Depuis
1950, la société s’accélère. Il faut toujours avoir plus et vite et les libertés se
multiplient. Le cadre symbolique du passé qui permettait d’encadrer les
citoyens disparaît. Les jeunes doivent désormais apprendre à composer
avec de nouveaux moyens et un nouveau cadre.”
Ph. Fotolia/jaranjen
raient les bêtes sans réelles raisons.” Pour
Isabelle Chevrier, l’influence toxique
est valable, mais ne correspond pas
forcément à une volonté directe de
blesser le cheval. “Au départ, cette personne se dirige peut-être vers l’équidé
simplement pour le toucher, sans mauvaise intention.” Le cheval, en se révélant peu coopératif, ne se soumet pas
à la volonté de l’homme et crée, selon
la spécialiste, une frustration. “C’est insupportable pour lui et il se venge en blessant celui qui l’a rejeté.”
Il est préférable d’enlever le licol aux chevaux qui vivent au pré, il sera ainsi plus
difficile aux éventuels agresseurs de les attraper et de se défouler sur eux.
Réagissez ! Que pensez-vous de ces actes odieux sur des
chevaux ? Votre cheval a-t-il été déjà maltraité ? Partagez vos
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septembre 2015 - n° 526 - Cheval magazine - 65

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