Conservatoire du littoral

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Conservatoire du littoral
2006
Les dossiers...
...de VivArmor
Un littoral pour demain !
Dossier nature
Le Conservatoire de l'Espace
Littoral et des Rivages Lacustres :
Un littoral pour demain !
par Julien Houron
Remerciements
Camille BLOT, chargée de mission SIG (cartographie) à la délégation Bretagne du Conservatoire du Littoral.
Denis BREDIN, délégué régional du Conservatoire du Littoral en Bretagne.
Louis DUTOUQUET, responsable de la réhabilitation écologique des îlots en Bretagne à la délégation Bretagne
du Conservatoire du Littoral.
Dominique HALLEUX, chargé de mission pour les Côtes-d’Armor à la délégation Bretagne du Conservatoire
du Littoral.
Le Conservatoire de l'Espace Littoral et des
Rivages Lacustres (CEL) est un établissement public
national, créé le du 10 juillet 1975 par le Parlement et
placé sous la tutelle du Ministère de l'Écologie et du
Développement Durable.
Cet établissement a pour mission de mener une
politique foncière de préservation des espaces naturels
des rivages maritimes et lacustres d'intérêt écologique
et / ou paysager. De manière concrète, son rôle est
d'acquérir des terrains sur les rivages français abritant
un patrimoine naturel ou paysager des plus riches, fragile et menacé, afin d'assurer leur protection définitive.
Par la suite, et en application de la loi de 1975, il veille
en collaboration avec ses partenaires (associations,
communes, collectivités locales, autres organismes
publics) à la gestion patrimoniale des richesses naturelles et culturelles des sites acquis.
À l'origine du Conservatoire du Littoral il y a en
fait une double conviction : la première est que, pour
protéger le littoral des pressions exceptionnelles auxquelles il est soumis, fixer les règles du jeu ne suffit pas.
L'État ne peut se contenter d'être régulateur et doit
aussi être acteur. La seconde conviction est que la protection ne se limite pas à interdire : elle exige d'impliquer une personne ou un organisme ayant un intérêt à
agir dans le sens de cette protection. Ces deux convictions se rejoignent alors dans la décision de recourir à
la maîtrise foncière pour assurer cette protection active
et définitive (GARRETA, 2005).
L'établissement dispose de 3 modes d'acquisition des terrains : à l'amiable, par préemption1 , ou
exceptionnellement par expropriation dans le cadre
d'une déclaration d'utilité publique. Par ailleurs, les élus
locaux sont impérativement impliqués dans le proces2
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sus de décision : les acquisitions sont en effet décidées avec avis des Conseils municipaux, après
consultation des Conseils de Rivages, composés
exclusivement d'élus départementaux et régionaux,
et par un Conseil d'administration composé pour
moitié d'élus locaux et nationaux.
Le Conservatoire du Littoral a compétence
géographique en métropole, dans les communes
riveraines des estuaires, des deltas et des lacs de
plus de 1000 hectares, ainsi que dans les départements d'Outre-mer. Le CEL s'organise alors en
neuf " délégations de Rivages ", chacune ayant des
compétences sur une ou deux régions administratives.
C'est ainsi que la délégation Bretagne, localisée à Plérin, sur l'un des quais du port du Légué,
assure l'intervention du Conservatoire du Littoral
dans les quatre départements bretons (2730 Km de
côtes, soit le tiers du linéaire côtier français hors
outre-mer). Ce sont alors 11 professionnels, sous
la direction de Denis Bredin, délégué régional, qui
y oeuvrent quotidiennement. Ils y travaillent en
collaboration permanente avec les différents partenaires du CEL pour ménager notre littoral.
Après trente ans d'actions dans la région,
112 périmètres d'intervention foncière ont été
autorisés, permettant à ce jour la protection d’environ 10% des côtes bretonnes. Ce qui représente
6300 hectares de terrains acquis.
Ne pas confondre…
…Conservatoire du Littoral et Loi Littoral !
Promulguée le 03 janvier 1986, la Loi Littoral
n'a ni été initiée, ni été décrétée par le CEL,
même si celle-ci peut constituer un renfort derrière lequel peut se protéger l'établissement.
puisque, déjà, de nombreux sites naturels littoraux
des Côtes-d'Armor, dont les plus menacés et fragilisés (Ploumanac'h, Tertre Corlieu, Sillon de
Talbert), peuvent à présent bénéficier d'une protection inaliénable et de la bienveillance du chargé
de mission et des gestionnaires de sites (associations, communes, collectivités, autres établissements publics). C'est aussi le cas de l'Île Milliau,
de l'Abbaye de Beauport, de la forêt de PenhoatLancerf dans l'estuaire du Trieux…
Les sites du Conservatoire du
Littoral dans le Département
des Côtes-d'Armor
Comme le montre la carte de l'ensemble
des périmètres autorisés dans le département
(figure ci-dessous), l'intervention foncière du
CEL sur le littoral costarmoricain est importante
Figure n° 1 : Carte des
périmètres d’intervention du Conservatoire
3
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contribuent également à la vie sur site (accueil du
public, animations), aux suivis scientifiques et
administratifs, à l'entretien et à l'aménagement du
site. Ces personnels sont recrutés par les différents
gestionnaires de sites, illustrant ainsi le fonctionnement bien fondé du Conservatoire du Littoral sur
le partenariat et démontrant in fine que le CEL est
une structure très ancrée dans la réalité locale.
Après avoir tout d'abord fait l'objet d'un
bilan patrimonial, puis d'un plan de gestion2 , chacun de ces sites - tout en étant bien entendu ouvert
au public dès lors que cette ouverture est compatible avec leur préservation - est finalement soumis
à une réglementation particulière. Pour les Côtesd'Armor, 18 personnes employées par les gestionnaires dont des “gardes du littoral”, agissent ainsi
en faveur du respect de cette réglementation, mais
Figures nos 2 et 3 : Intervention du CEL sur la Côte de Granit Rose : l'exemple du site naturel de LandrellecBringuiller, géré par la commune de Pleumeur-Bodou.
ment sollicité depuis sa genèse lors d'une période
précédant la dernière glaciation, et souffrant d'une
sous-alimentation chronique en matériaux lithiques
de granulométrie suffisante, le sillon apparaît de
nos jours fragilisé. C'est alors qu'en 1999 il est proposé au Conservatoire du Littoral de prendre en
charge la gestion du site afin de concilier le maintien des habitats naturels d'intérêt européen et le
développement économique du site. Toutefois,
pour mener avec cohérence toute intervention sur
le Sillon de Talbert et définir une gestion dynamique du site, il a fallu replacer dans un premier
temps cette accumulation dans son système dynamique. C'est ainsi qu’après un diagnostic et des études de faisabilité réalisées de 2001 à 2003, des travaux de restauration ont été entrepris au cours de
l'année 2004 devant ainsi permettre au sillon de
retrouver sa souplesse naturelle et donc sa réactivité face aux phénomènes naturels qui l'ont construit
et le régulent. Les enrochements frontaux (artificiels) localisés sur le flanc ouest ont donc été enlevés et concassés sur place en matériaux grossiers
pour édifier des cordons discontinus sur le revers
du cordon, et la partie dunaire a été aménagée afin
de la pérenniser dans sa position actuelle ;
Les grandes actions
de restauration et de protection
du Conservatoire du Littoral
en Côtes-d'Armor :
l'exemple du Sillon de Talbert
(Pleubian)
La restauration du Sillon de Talbert, entreprise par le Conservatoire du Littoral en 2004, est
une image forte dans le département -mais aussi à
l'échelle nationale- et représente une considérable
démonstration de ce que peut entreprendre
l'Etablissement dans le domaine de la protection
du littoral.
Outre ses qualités écologiques indéniables3,
le Sillon de Talbert présente des caractéristiques
remarquables sur le plan physique : c'est un grand
édifice géologique (unique pour la Bretagne et
assez rare à travers le monde) qui, de plus, possède
un rôle protecteur essentiel pour l'arrière-pays en
constituant une barrière naturelle et protégeant
ainsi des tempêtes d'ouest l'île de Bréhat et les rivages bas de la presqu'île de Lanros fortement agricole et urbanisée (CEL, 2005). Toutefois, constam4
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Finalement, un chenal de vidange entre le sillon et
l'île Blanche pour l'évacuation des eaux marines a
été restauré. Les données géomorphologiques les
plus récentes (2005) ont, entre autres, montré que
le sillon est insubmersible sur les 2/3 de sa longueur (alors que depuis les années 1970, la fréquence des submersions s'était accentuée), et que
l'enlèvement des enrochements semble bénéfique
au Sillon de Talbert qui peut actuellement réagir
librement face aux agents dynamiques.
En juin 2005, au cours d'une rencontre
entre la délégation Bretagne du CEL et le Conseil
Régional, la proposition de classer le Sillon de
Talbert en “Espace Remarquable de Bretagne”
forme bretonne des Réserves Naturelles
Régionales est rendue officielle.
Anglais (Puffinus puffinus), nicheur en 1981 sur
Tomé, et la venue de l'Océanite tempête
(Hydrobates pelagicus) sur l'île. Cet enjeu est renforcé
par la proximité de la Réserve Naturelle des SeptÎles, localisée à quelques kilomètres au nord de
Tomé.
Pour assurer la première dératisation de
l'île Tomé par le CEL (05 septembre- 04 octobre
2002), 620 stations de piégeage (dont 190 sur l'estran), devant être relevées quotidiennement, ont
été mises en place après la création de layons (sentiers) dans la végétation, le protocole4 de dératisation préconisant l'installation de pièges mécaniques (ratières) tous les 30 mètres. C'est alors,
qu'au terme de cette première campagne d'éradication, près de 600 individus ont été capturés (avec
une soixantaine de captures par jour les trois premiers jours !). Des résultats d'autant plus satisfaisants que, outre la multiplication5 des effectifs de
passereaux nicheurs sur l'île, trois nouvelles espèces de passereaux ont niché sur Tomé, et le Puffin
des Anglais a été de nouveau contacté par les
responsables scientifiques et naturalistes de l'opération.
C'est ainsi que chaque année, à la belle saison, les postes anti ré-infestation disposés sur l'île
sont contrôlés par le Conservatoire du Littoral, qui
procède en parallèle à de nombreuses séances
d'observations de l'avifaune sur Tomé.
Autre intervention
de l'établissement sur le littoral
costarmoricain : la tentative
d'éradication du Surmulot (Rattus
norvegicus) sur l'île Tomé
Le Surmulot est une espèce allochtone
(exogène) présente sur bon nombre de sites insulaires. Il est considéré par beaucoup comme ayant
l'impact le plus néfaste sur le fonctionnement des
écosystèmes qu'il colonise. Entre autres, il peut
empêcher l'installation de certaines espèces d'oiseaux marins par compétition pour l'habitat
(notamment avec des espèces cavernicoles) mais
aussi directement par prédation en consommant
œufs et oisillons (CEL, 2003). L'enjeu principal de
cette éradication, effective depuis septembre 2002,
est donc de favoriser le retour du Puffin des
Figure n°4 : Piège type utilisé pour la capture .
L'implantation dans le début des années 80 d'une délégation du Conservatoire
du Littoral en Bretagne n'est pas le fait du hasard. L'importance des rivages bretons (richesse écologique et paysagère) et les enjeux de leur préservation (biodiversité, activités économiques traditionnelles, accessibilité au public) justifient pleinement l'intervention de l'établissement dans notre région.
Depuis, plus de 6000 hectares de terrains littoraux ont été acquis, ce qui représente pour la délégation un acte d'acquisition tous les deux jours. L'objectif étant
de contribuer, à l'échelle nationale, à la reconquête du tiers-sauvage d'ici les 30
années à venir.
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Dossier nature
Pour découvrir les sites du Conservatoire du Littoral
en Bretagne et en savoir plus sur la structure :
CONSERVATOIRE DU LITTORAL, 2005 - La Bretagne entre terre et mer / 30 balades sur les sites
du Conservatoire du Littoral. Dakota Éditions. 160p.
LEWINO F, D. ARRIVET, 2005 - Dossier spécial sur le Conservatoire du Littoral. In : Le Point n°1710.
76-91.
TERRE SAUVAGE, 2005 - Côtes sauvages : Beautés secrètes du Conservatoire du Littoral. Hors série
" Littoral ". 146p.
http://www.conservatoire-du-littoral.fr/
http://www.bretagne-environnement.org/
Notes
(1) Jusqu'à présent le CEL pouvait préempter, par substitution aux départements, les ventes de terrains situés
dans les zones délimitées au titre des " Espaces Naturels Sensibles ". Depuis la loi du 27 février 2002 relative
à la démocratie de proximité, le CEL peut également demander directement l'établissement de périmètres de
préemption en dehors de ces zones si les communes ne s'y opposent pas dans un délai de trois mois.
(2) Outil pratique définissant les objectifs et les orientations selon lesquels un site doit être géré. Il est établi
à partir d'un bilan écologique et patrimonial ainsi que des protections juridiques existantes (CEL, 2004).
(3) Présence de nombreux habitats d'intérêt communautaire, développement d'une végétation spécialisée à
forte valeur patrimoniale (Chou marin, Panicaut maritime, Morelle douce-amère variété maritime), haut lieu
d'hivernage (Bruant des neiges) et de nidification (Sternes naine et pierregarin, Gravelot à collier interrompu).
(4) Le protocole de dératisation du Surmulot dans les espaces naturels insulaires a été énoncé par Pascal et al.
en 1996, à l'Institut National de Recherche Agronomique de Rennes. Il comprend trois phases : piégeage
mécanique tout d'abord, lutte chimique ensuite, et finalement, contrôle après dératisation durant 1 an.
(5) Par 3 ou par 5 selon les espèces.
Bibliographie
CONSERVATOIRE DU LITTORAL, 2003 - Tentative d'éradication du Surmulot sur l'île Tomé. In :
Le Fou n°59. GEOCA, 9-11.
CONSERVATOIRE DU LITTORAL, 2004 - Plans de gestion du Conservatoire du Littoral /
Document interne. Conservatoire de l'Espace Littoral et des Rivages Lacustres. 6p. + annexes.
CONSERVATOIRE DU LITTORAL, 2005 - Le Sillon de Talbert : "Espace Remarquable de Bretagne".
Conservatoire du Littoral. 14p + annexe.
GARRETA C., 2005 - Le Conservatoire a 30 ans : bilan et perspectives. In : Découverte / Revue du Palais
de la découverte n°s 326-327. Palais de la découverte, 42-50.
OFFICE NATIONAL DES FORÊTS, 1998 - Guide de la flore des dunes littorales de la Bretagne au
sud des Landes. Éditions Sud-Ouest. 169p.
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