Les D}au}îrs en med,ectne - Pratiques, les cahiers de la médecine

Transcription

Les D}au}îrs en med,ectne - Pratiques, les cahiers de la médecine
Lescnhiersdela medecine
unpique
DOSSIER
tl
o
Les D}au}îrsen med,ectne
T
.-
I
RT
IO1'| l'|A
Dossier : Les pouvoirs en médecine
3
tA NÉBULEUSE
DESPOUVOIRS
Plaldoyer pour le pouvoir 4
Pouvolrs d'argent sur fond de mort
5
Pouvoirs obscurs mis en scène a
Deux ou le contraire de un 9
Le pouvoir de dire oul - Le pouvolr de dire non lO
Pouvolr quand tu nous tiens 11
Se retourner 13
En Chine comme ailleurs 16
Nous avons lu pour vous 20
Exproprier et réapproprier 2L
Décider de son pouvoir sur la maladie 25
INERTIES,COLTUSIONS
ET USURPATIONS
Visages 26
Des pouvoirs à n'en plus savoir 27
Les prescriptions mode d'emploi 29
Pouvoirs masqués 30
Publlcité et. télé-médecine"
Une mise en scène du pouvolr 32
Une justlve qui aveugle 34
Malgré I'Ordre, protéger et soigner 35
Non au contrôle des médeclns patronaux 37
A qul profite le crlme ? 38
Arrêt de travail légitime 3A
Rôle des déterminants économiques 39
L'avis d'expert 40
CONTRE-POUVOIRS
Vlsages 44
L'école du diabète 45
L'outil du partage 47
L'histoire des luttes de pouvolr autour de I'IVG 49
Comment trouver la bonne.. prise ,' ? 52
Le pouvolr des malades : mlrthe, danger ou utopie ? 55
Mise en scène 59
ElisabethMaurel-Arriehi
Anne-Maric Pabois
Anrc-Maric Pabois
SyluinLagabricllc
SylainCognaril
Bertrand Riff
Philippe Réfabert
luan P. Kam.enaroait
Jean-LucBoussard
ChristianeVollaire
Martine Lalande
Sylai.eLagabriellc, CatherineJung
AnræPerraut Soliueres
Syluic Simon
Patrice Mullcr
ChristinePorcher
Anne-lWarinPabois
YaelincFrilay
Martine Lalanile
Martine Deuri.es
Martine Dearips
Pinrre Volouitch
Chrktian Lehmann
Pinrre 4., Martine Laland.e
VincentColfuhe
Euelynede Wildeman
JoëllnBruneric
Philippe Pi6narre
Jean-Paul Gauilillière
ElisabethMaurel-Arri,ehi
Rubriques
Édftorial 6 l
Actu politico-médicale : Résister et construire 62
Lettre à un ami médecln catalan 63
Construlre une chatte éthlque
de la Formation Médlcale Continue 64
Quelles économies ? 65
Un jugement décisif 67
lmages du corps : Le haut débit des télé-corps 69
lVG, trente ans après : L'avortement en ville, un progrès ? 72
Courrler des internautes 73
Courrler des lecteurs 7 4
Nous avons lu pour vous 7 5
Coup de gueule : trente ans après... le recul ? 76
Le médlcament : Montrer patte blanche 7A
Un forum sous influence 79
Publicité pharmaceutique BO
Santé publique : Des allergies tout en couleur A2
Aireurs,
autres,.ffU-l*'#il*îL: :ffilï"îl;
;
A6
90
ElisabethPénidc
Diàicr Ménard.
Maric Kayser
Eli"sabethPénid,e
Maily Denantes
MoniqueSiraril
MartiræLalnwle
lVlarip-Jeanne
Martin
FrançoiseDucos,Patrù:eMullnr
DenisLabaylc
PhilippeMasqueli.er
Luc Beaumadi.er
Jean-PierreLellouche
Anni.eLobé
JacquesRichaud
Marin-ChristinePouchelln
t t
Les pouvoirs en médecine
le pouvoir en médecine, c'est aujourd'hui le penser au pluriel, car le .. pouvoir médlcal ', n'est plus
lsolé, mais il s'articule et se <onfronte avec d'autres pouvoirs plus ou moins occultes que nous allons estayer
l-enser
de mettre à jour.
Bien sûr, il reste encore l'intime de la relation entre médecin et patient, un pouvoir lié aux enjeux de vie et de
mort, fait selon les cas d'humanité ou d'arrogance. Mais le pouvoir médical a changé, il a reculé pour de
bonnes et de moins bonnes raisons. Les bonnes, on les connaît, ce sont les combats d'associations d'usagers
en lien avec des professionnelr minoritaires autour, par exemple, de la contraception, du VIH ou de l'amiante.
Les moins bonnes, elles sont Ià masquées, mais redoutablement présentes, ce sont les collusions de ceux qui
font de la médecine un marché économique et un espace de mystification pour toute la société.
Qui sont les acteurs de cette usurpation ? Comment cela retentit sur le soin et la société ? Comment se positionnent les soignants ? Quels Gontre-pouvoirs peuvent s'élaborer ? Voilà les questions que Ge numéro veut
poser.
Ceur qui aujourd'hui influent contre le soln, ce sont les firmes pharmaceutiques, les technocrates qui décident
à mille Iieues du vécu des gens, les gestionnaires qui ont une vision comptable à très couft terme, les politiques
qui veulent privatiser la Sécurité sociale, les agsureurs privés qui profitent
l'institution
du déremboursement des soins,
judiciaire qui croit pouvoir se substituer à l'absence de dialogue et de réflexion collective. Voilà
pour le soin.
Mais il y a aussi tout le champ de la santé, en Gestemps où la société sublt ou tolère une dégradatlon des <onditions de vie et de travail de tant et tant de gens. Le pouvoir médical serait aujourd'hui de faire de la santé
publique, de témoigner non seulement contre la privatisation du soin, mais aussi contre la dérlve Iibérale qui
Gassetoutes les solidarités.
Dans la violence des rapports de force actuels, où l'on voit des professionnels et Ie gouvernement troquer Ia
diminution de l'accès aux soins contre la liberté des honoraires médicaux, la mobilisation des soignants s'impose pour rassembler tous ceux qui croient encore aur valeurs de leur métier.
Mais surtout, il existe aussi des contre-pouvoirs chez les usagers qul essaient de défendre une autre conception du soin et de la santé, citoyens ou associatlons de malades, mutuallstes, syndicalistes, militants du mouvement social, qui cherchent à confronter leurs points de vue, et à unir Ieurs efforts.
Pour ensemble faire de la médecine et de la santé un espace de réslstance.
Elisabeth Maurel-Arrighi
Plaidoyer pour le pouvoir
t l i s a b e t h Reprendrele pouvoir
l ' , | a u r e l - A r r i g h iAujourd'hui,si les soignésont
Médecingénéraliste
culturelles,
lesinjustices
I'histoirepersonsociales,
des reprochesà
nousfaire,ce n'est plus tant l'arrogancebrutale
que la cécité et la complicitévis-à-visd'autres
pouvoirsplus ou moinsoccultés.Et pour lessoi-
nelleet la grandeHistoirese sont imprimésautrefois et s'imprimentencoredansle corps.
Celase tissedifféremmentselonlescas.Biensûr,
gnants,le pouvoirà reprendre,c'esttout simple-
cela fonctionne mieux quand il s'agit d'une
pathologie connue qui laissedisponible pour
ment celuide fairevraimentnotre métier.Contre
ceux qui empêchent I'accèsaux soins, contre
entendrele contexte.Quand, par ignoranceou
par fatigue,j'ai fait une erreur,continuerà être
ceuxqui organisentdesconditionsde vie qui rendent malades,contre ceux qui se moquent des
inégalitéssocialesde santé et de soins,contre
médecin,c'est de savoirprivilégierle lien à la
toute-puissance
du savoir,en reconnaissant
ma
ceux qui veulentque I'organisation
du système
de soinsprivilégiele paiementà I'acteet la tech-
des patientsqui ont été malmenésenfantset qui
défaillancepour tenter d'y pallier.Parfois,pour
répètentdes impossibilités
de s'occuperd'eux-
nique, contre ceux qui acceptentque l'épuise-
mêmes,il s'agitde formuler" halteà la maltraiment soit la rançondes soignantsqui choisissent tance ", pour qu'ilspuissentsortirde leur paralyd'écouter,de faire de la préventionet de la coorsie.Parfois,
ce sont des personnes
qui se méfient
dination,et de continuerà se former.
Le pouvoir de la rencontre
tellementde l'emprised'autruiqu'ils ont besoin
de mettre en échecleursinterlocuteurs,
et là le
pouvoirestde savoirreculeret d'évoquerle para-
Pourtant,la rencontreentre le soignantet le soi-
doxe de la coexistence
du désird'autonomieet
gné peut être un espaceprécieuxde résistance.
A
quelles conditions et comment ? Le pouvoir
médicaltient par des contrairesqui s'adossent
:
d'aide.Maisaujourd'hui,ce qui freinele soin,ce
pour le médecinentre savoiret humanité,entre
maladies,que la réalitésocialeactuelle.Et là, la
certitude et humilité, pour le soigné, entre
force du lien thérapeutiquepeut participerau
mouvementpour changerleschoses.
confianceet exigence.ll est donné au médecin
par le patient,à conditionque le médecinveuille
sont moins les complicationspsychiquesdes
gens,lesdramesde leurenfanceou la gravitédes
bien à la fois le prendreet le partager.ll s'agitde
lloutil du témoignage
m u l t i p l e s a l l e r - r e t o u r sd, ' u n e d é m a r c h e t a n t
Actuellement,lesmédecinssont condamnéssoit
cognitivequ'affective
et politique,où soignantet
soignéémettentdes hypothèses
à partirde leurs
à renier leur mission,soit à être paralysés
dans
l'impuissance
ou l'épuisement.
A moinsqu'ilsne
savoirs réciproques,pour mettre en place des
fassentle choix de reprendrele pouvoir et de
décisionsdiagnostiqueset thérapeutiques,et
trouverensembleles recours.C'est parceque je
m'engageque je peux réfléchiret aussiexiger
témoigneraux côtésdessoignés.
oue l'autrese mobiliseaussi.
Dansleursdifficultés
de santé,lesusagers,
eux,se
heurtentau silencedespolitiques.Pourreprendre
le pouvoirsur leur vie, ils sont en droit d'exiger
Alorspeut se dévoilerl'arrière-fonddes problèmes
de santé,pour cherchercomment lesaléasde la
que lesmédecinsrenoncentà la passivité,
repren-
génétique,les carencesmatérielles,affectiveset
tion de réponsesindividuelles
et collectives.
PRATIQ.'UES
nent la paroleet participentaveceux à l'élabora-
R é s u m é: L a s a n t é e s t , p o u r n o u s t o u s , u n e n i e u d e v i e f a c e à l a m o r t . M a i s c ' e s t u n m a r c h é
l u c r a t i f p o u r l e s p o u v o i r s d ' a r g e n t q u i d i f f u s e n t , s a n s c o n t r e - p o u v o i r ,l e u r s p r o p r e s d é f i n i t i o n s
n o r m a t i v e s . R e p r e n d r e l e p o u v o i r p a s s ep a r l a r é a p p r o p r i a t i o n c o l l e c t i v e d e s d é f i n i t i o n s d e l a
santé.
Ponvoirs d'argent
sur fond de mort
. Le pouvoir médical ? Heureusementque vous en
sentationsde la médecine varient suivant le
ovez,sinonqui pourrions-nousoller volr 7 Parolede
patiente: le pouvoirde mon médecinrelèvedu
(ellem'en a donnédes
savoirque je lui reconnais
valeurset les choix pris par le pouvoirpolitique
temps, les sociétés,les individus,les échellesde
preuves),et que je n'ai pas.
o Lepouvoir de foire des ordonnances? Non merci,
Sur scène, des figurants aux rôles interchangeablesau gré des décideurs,des rôlesmajeurs
masqués,des pigeonsplumés.Tout est jouable
gordez-letje n'en veuxsuftoutpo, je soigne.Parole
mais, en médecine,le pouvoir est d'argent sur
d'infirmière:le médecinordonne un traitement.
l'infirmièresoigneun malade.
. Docteur,qu'est-ceque vousdécidezet à quelspé-
fond de vie et de mort.
cialistevousm'envoyez? - Ce n'est pos urgent, on
Poserla questiondespouvoirsen médecine,c'est
voit ensembleles problèmes,vous décidezensuite.
Négociations,transmissions
d'informations,avis
tout d'abordproposerun cheminementdans ce
p a y s d e s i l l u s i o n sp e r d u e s o ù s o i g n a n t se t
Des pouvoirset des possiblesen médecine
donnéset demandés: c'estune grandepartiedu
face
maladessont de plus en plus impuissants
temps relationnelen médecinegénérale,une
aux pouvoirsexercés,sousdes flots de discours
par des puissances
médiatiquesanesthésiants,
attentionqui prend de l'énergieet beaucoupde
temps.
. Le vaccincontre lo rage, à la télé, ils ont dit qu'il
était nocif et inutile,je ne veuxpos le faire, donnezmoi un certificot,docteur- Non, pos d'occordpour
pour lesquelles
ll y a certes
tout est marchandise.
le certificot.On voccinesi on o eu un contoct. Lo
pharmaceud'un petit groupe (multinationales
tiques, consortiumbancairesvia les assurances
rage, c'est la mort assuréedès les premierssymp-
le verbepouvoirqui, déclinéselonet à toutesles
personnes,
Maisles
ouvrede largespotentialités.
pouvoirs? Pouvoirconfisquéau profit exclusif
privées,conseilde I'Ordredesmédecins,syndicat
tômes: si votre fille se fait baverpar un chienenrogé, vousdéciderezquoi ? Parolede médecin : j'ai
des patrons...)opposéau pouvoirpartagéentre
du mal à exercerun pouvoir,mais le droit de
refusersi le motive.
de soins.Pouvoirabsolu
soignantset utilisateurs
d'un médecinou d'un politiquequi, par rétention
C e s r é f l e x i o n sa p p a r e m m e n t c o n t r a d i c t o i r e s d'information,exige soumissioninconditionnelle
montrentque le pouvoirmédicalen soi n'existe ou pouvoirsconsentispar lesdeux protagonistes,
pas,il y a des pouvoirsen médecine.Lesrepré-
A n n e - J ' | a r iPea b o i s
maladeet médecin.
PRATIQ-UES
Médecin généroliste
Des pouvoirsincertainsface aux enjeux de vie
et de mort
Devantla maladieet la mort toujourspossible,le
jeu de rôlesestinégalentrele médecinet le malade : l'un est malade, l'autre non. Cependant,
contrairementà ce qu'il croit, le médecinn'a de
té. Desviatiquesdansleurshistoires
de malades?
Certes,maisje suiset restevigilante: ne pas me
laisserallerà prendrele pouvoir,même et d'autant plus s'il m'est offert (la maladierend fragile,
dépendantet je veille pour deux). Bien sûr, s'il
s'agitd'une croisadecontre le pouvoirdu corps
pouvoirque si le patienty consent! Pouvoirs
réels
médicaldans laquellemon interlocutrice
s'enga-
ou supposés,faits de compromis de part et
ge (en me créditantde ce genrede pouvoirabsolu), alorsje croisele fer : si elleveut s'emparerde
d'autre, de nécessairecroyance en un pouvoir
illusoiresur la mort, ce face-à-face
supposelibre
ce pouvoirexclusif,qu'ellele prenne,ailleurs,
cela
j'ai
choix et confiance,échangessansdépendance, fait longtempsque
choisimon camp. Depuis
sansprisede pouvoir.
le début de mes études,ce monde médicallà
m'estétrangerainsique, confisquépar une caste,
Du côté du potient, choix relatif et pouvoirscrédités
ce pouvoirlié à un savoirdit supérieurpour auto-
Qui choisitle médecin,initiela relationet parfois
I'arrête? Lui, le patient-sujet.Ses raisons? S'il
lustifierleur hiérarchieet code de " benns5trrtiques", savoirdénaturécarseulementtechnique
peut choisirsansproblèmed'accèsaux soins,ses
et dépouillédu savoirsoigner.Parcontre,s'il ne
s'agitpas de pouvoirabsolu,maisde reconnais-
raisonssont forcément subjectives,faites de son
histoirequi, depuis l'enfance,a stratifiéses renmédecine.Lacompétence,il la décrètedu fait ou
qui sont miennesdu fait de
sancedes possibilités
ma profession
et de ma personne-médecin,
alors,
j'accepte: j'ai un savoirqui me donne la possibi-
malgré le diplôme, ou/et les qualitésrelation-
l i t é d ' a i d e rà c h e m i n e ro u à d i a g n o s t i q u eurn e
nelles.Malade,atteint dans son intégritéet sa
croyanceen I'invincibilité,
it saitqu'il pourraalors
maladie,et parfoisme donne le droit de prendre
le pouvoir: dire non sansconfondreautoritéet
se confierau médecinde son choix aprèsI'avoir
o vitalement crédité des pouvoirsnécessaires
:
"
une santéinaltérable,le pouvoirde guérir grâce
à sonsavoir,ou, au moinsgrâceà son pouvoirde
autoritarisme.
parole; I'aiderà comprendreet intégrersa maladie dans son histoire.Le pouvoir inaliénabledu
d'accèsaux soins,souscouvertde libéralisme
en
matièrede santé(voir le dépècementde la pro-
médecinaux yeux du malade,c'estdonc ce pouvoir de vie et de mort oui est inhérentà sa fonc-
tectionsolidairedevantla maladie)
contresaveclesmédecinsen représentation
de la
tion.
Des pouvoirs obscursface au marché du soin
Les pouvoirspublicsont aggravéles inégalités
Egalet libreaccèsde tous à dessoinsde qualité?
Non, pas dans des zonesruralesdésertifiées
ou
certainesbanlieuesoù il n'estpas de choix pos-
Du côté du médecin,choix relotif et pouvoirsincertoins
sible réciproquementaccepté entre patient et
soignants: médecinsgénéralistes
et infirmières
(rares,éloignés,pas de
difficilementaccessibles
Cespouvoirsdont il estcrédité,encorefaut-ilque
le médecinlesaccepte! De fait,je me sensenco-
transportsen commun), longsdélaisde rendez-
re paralyséedans ma fonction et emprisonnée
vous pour certainsexamenscomplémentaires.
dans ma personnequand on m'accolele mot
pouvoirrr, moi, médecinde profession
qui suis
"
aussi sujet d'une histoireface à la médecine,
médecin-sujet.
Oui, ils m'engluent,ces pouvoirs
Liberté tarifaire ? Accordée ou que s'accordent
certainsmédecins,à qui profite-t-elle
? Pasaux
nombreux sansemploi ou aux bas revenusdu
travailprécaireintensifiéqui ne peuventse payer
dont mes oatientsme créditentcontrema volon-
ces tarifspeu rembourséspar la Sécu,mais qui
PRATIQUES
rendent inaccessibles
les cotisationscomplémen-
Le morchéde lo sqnté est entre lesmoins de pou-
privées.Ne parlonspas des
tairesaux assurances
soinsdentaireset prothèsesauditives,ni des per-
voirs de plus en plus offichés
Le pouvoir médical est limité dans sa pratique
sonnesâgéesdont le
maintien à domicile,
"
"
théoriquementidéal, relèvede l'épuisementde
par des pouvoirs gestionnaireset marchands
a u x q u e l sl a s o u m i s s i o e
n s t i n c o n d i t i o n n e l l el e, s
tous et de la retraite.Un fossése creuseentre les
discourséthérésdes politiquesau pouvoir et la
pouvoirsen place livrant la protection sociale,
l a s a n t é a u t r a v a i l ,I ' h o s p i t a l i s a t i oent l e s o i n
réalitépossiblesur le terrain.
proprement dit aux intérêtsprivés : les multi-
Difficultésd'exercicedes médecinsgénéralistes?
nationalespharmaceutiques,les banques vro
Le terrain des soins où ils exercent est à des
les assurancesprivéeset chaînesde cliniques
v
P RATIQ*U E S
Le pouvoir, une question de définition
la mort fait partiede la vie, la maladiefait partie
Finalement,qui, actuellementdans le domaine
de la santé,décide des normes définissantl'état
d e l a s a n t é . Q u e s t i o n d ' é q u i l i b r ei n d i v i d u e l
(. je me sensen bonne santécar j'arriveà main-
de santéet l'état de maladie? Qui a confisqué
pour son profit I'artd'aménagerlesnormes,pas-
tenir un certainéquilibrequi est ma définition
sant même de la norme au normal ? Le pouvoir
suprêmeappartientà qui s'estadlugéle droit de
environnementadéquat,et questiond'équilibre
actuellede la bonne santé
possibledans un
"),
entre lesdroits individuelset lesdroits collectifs.
définir ce qui est normal (car répondant aux
normes de la santé) et ce qui est anormal (car
Alors, quelles définitions de la santé voulons-
non en bonne santé,donc malade).Soumettre
toute une sociétéà ses propresdéfinitionsn'est
nous ? Quelle sociétévoulons-nousconstruire ?
La place,modeste,des médecinsest peut-êtrelà
aussi: jouerle rôlede sentinelle
faisantcirculerles
qu'une action < force de vente > : les médias
achetésdistillentla définitionde la santéet nous
tous qui risquonsde mourir un jour (gouvernants, élus politiquesde tout bord, soignants,
maladesqui s'ignorent)adhérons,contaminés.
savoirs,collaborer,dans le partage consentides
pouvoirs,avectous ceux qui æuvrent sur ce terrain de I'humainsanslimite entre soin, hygiène,
social.ll pourra ainsi, modeste,participerà la
Soumisà qui ? Sansmême le savoirnousentrons
réappropriationcollectivedes définitionsde la
alorsdans une logiqued'exclusion: il n'y a pas
santé,aux choix de politiquesde santépublique
une, maisdesdéfinitionsdu normalet du pathologique. Définir la santé comme le bien, c'est
qui en découlent.Refuseraux pouvoirs marchands le pouvoir exclusifde s'appropriernos
définir la maladiecomme le mal et releter,fautif,
celui qui n'estpas conformeaux critèresédictés
corps, notre vie et notre mort, c'est refuserles
par ceux qui exploitentnotre peur de la mort
pour avoir le marchéde la santé.De même que
normesqu'ilsont confisquées,
c'est devenircollectivementacteursresponsables
de notre santé
et revendiquerleur garantiepar l'Etat.
Pouvoirs obscurs
mrs en scene
\
A n n e - l ' | a r iP
e abois
Médecin généraliste
Un bureau étroit rectangulaire.Contre un des
Dresséentre patientet médecin,un rempartserré
d'objets divers (stylos,colifichets,porte publici-
longs côtés,le siègedu docteur.En face, à distance du bureau, mais approchable,un siège.
Un troisième est collé contre le petit côté
tés), ferme les trois côtés du bureau, à hauteur
gauche.
des stocksde médicaments.
Médecin et patient sont au même niveau (en
hauteur).Ce dernier choisit sa place selon ses
Pouvoirsobscursen médecine: médicamentsfétiches, barrière informative
"
". Un docteur
diplômé homme-sandwich.Un patient qui, s'il
besoins: collé au flanc du médecin,à son côté
(sécurité affective),face à face plus ou moins
proche(autonomie).Ouverture,dialogue.
PRATIQ.UES
d'yeux.Surle mur d'étagèresderrièrele médecin,
n'est pas grand, s'imprègnedu même slogan.
Tout finit par passer.
Deux ou le contraire
de un
Ellea un joli nom, ma " maladie" : thyrorditede
Hashimoto.C'esttoi qui me l'asdit.
Tu me souristoujoursquand je rentredans ton
J'ensuistoujourslà : à cette idée que je peux si
l'on me donnedesclés.Jeveuxdire : il y a ce que
tu sais,il y a l'idéeque je m'en fais,ce que je peux
cabinet,comme à tous ceuxqui viennentte voir,
mobiliseren moi d'énergies.Resteà savoirvers
Tu as mon dossierétalésur ton bureau
d'ailleurs.
et tu m'expliquesle sensde cesexamensque je
quoi et c'estlà que le dialogueest important.Ce
ne saisdécrypter.Ce que tu as à me dire aujourd'hui n'est pas très agréable.Les résultatsde la
dosagede l'informationutile est ton domaine
subtil.ll y a aussice que je ne te dis pas,non par
malice,maissouventparceque je n'y pensepas.
et tu me dis pourquoi.
La confianceest danscesblancs.Elleest indicible
et inestimable.EÇ de ce fait, le risqueest, du
On a toujoursété ensembledepuisle début. le
saisque tu ne me dis pastout, pastout de suite
Cette attitudete fait peur ? Tu ne m'en as jamais
en tous cas,i'ai pu le vérifier.Maistu m'en dis suffisammentpour que je soisle plustranquillepos-
rien dit, maisle pose la questionpour toi. Dans
cette sociétéqui aspireà l'innocuité,c'estpresque
Ce " je
sibleet ce calme-làme sembleessentiel.
saisque tu sais" marchedepuisdouzeans.Tu me
parlesdes enjeux,tu me dis ton sentiment,je te
racontecommentje me sens,on discute,je t'in-
inimaginable
ce contratlà, non ? Et pourtant"
l'ai l'innocencede penserque l'impermanence
terroge et on décide. Ce o on " est important
pour moi. C'estun peu comme si tu me rendais
la
de techniquemais a à voir la reconnaissance,
considération,
l'acceptation
duelled'une réalité.
Tu me regardeset je me sensvue, appréciée,non
cyto-ponctionsont douteux, mais tu t'interroges
mon corps.C'estsurtoutque tu me signifiesque
je ne suispas,dansce chemin,un objet maisun
moinsil me semble,mutualisé.
même de la vie, la guérisonn'est
étant l'essence
pas seulementune questionde médicamentou
pas comme une somme, mais comme un tout.
sujetcapablede prendresa part.
lci, dansune cultureoù le touchersedésapprend,
J ' a ic o n n ul e s i l e n c ea b s o l u c, e l u id a n sl e q u e lo n
s'étiole,celui dont on ne s'affranchitque si l'on
et la vue se stéréotype,cette bienveillanceest
est assezsoutenupar ailleurs; celui dont on se
Maispasimpossible.
sort malgrétout, maisnon sansmal.
Jet'ai parléparfoisde gensqui m'étaientproches
et ton attituden'a jamaisvarié.Ce qui m'impor-
Je ne passeraipas sur le billardfinalement.Pas
que
tout de suite,lesexamenscomplémentaires
tait valaitle coup qu'on échange.
Peut-êtrele faudra-t-ildans
d'accord là-dessus.
un an ? Peut-êtreplustard, peut-êtrejamais...va
Jecroisque tu m'aimesbien et c'estréciproque.
ll y a dix anstu m'asexposé,dessinà l'appui,ce
qui m'attendait.Ce que j'auraispu craindre,je
réconfortante. ldyllique, ce deux ? Peut-être.
et nous sommes
tu as prescritssont rassurants
mainsavoir.Maissi cela s'étaitavérénécessaire
tenant,nousétionsprêts.
l'avaisen main.
Jene me rappellepasavoirsouffert,je ne me souviensoas avoir douté.
Titre emprunté au livre d'Erri de Luca, nouvelles
Callimard,ianvier2004.
PRATIQ-.UES
lylvie Lagabrielle
luriste
Le pouvoir de dire oui
Le pouvoir de dire non
tylvie (ognard
OUl, je vais examiner le grand frère de Léa,
même s'il n'a pas de rendez-vous,
il est malade
Médecingénéraliste
aussiet c'estsa mamanqui me le demande,elle
NON, je ne suispasd'accordpour vous prescrire
ce médicamentpour maigrir, dont vous avez
entendu parler.
n'a pasosé le demanderà la secrétaire.
NON, mois pourquoi voulez-vousmaigrir ? le peux
OUl, porce que c'est plus simpleoinsi. Léo n'o pos
fait exprèsde o tomber moladeet sa momon n'o
"
personnepour gorder Léopendant qu'elle romène-
peut-être vous aider à vous aimer telle que vous
êtes,c'estmoinsdongereuxque de prendrece médicament...
rait Léoà lo consultotion...
+ 10 minutesde retard.
NON, je ne veux pas vous réinscrirece médicament prescritpar le spécialiste
sur votre ordon-
OUl, je veux bien vous rajouter du paracétamol
sur votre ordonnance,même si je vaisdevoir le
nance.
rajouterà la main, puisquel'ordonnanceet son
duplicatasont déjàsortisde l'imprimante.
OUl, porce que Modome Multipatos, est bien
que lesoutres,pas moinsdangereuxque lesoutres,ou
capoblede soignertoute seule sespetites douleurs,
NON, je ne suispasd'accordpour que vousopé-
pendant trois mois ovont son prochain renouvelle-
riezmonsieurCancerpulmo.
ment d'ordonnonce.
NON, porce que nous avons longuementparlé
ensemblede sa moladieet que so famillecomprend
+ 2 minutesde retard.
OUl, je vaisvous donner explications
et avissur
vos résultatsd'analysesque vous me tendez,l'air
penauden regardantlesautresqui attendent.
OUl, porce que vous êtesinquiet, et que vous vous
êtes déplocéjusqu'ici et que si vous n'étiez pos
NON,parcequej'oi apprisqu'il n'estposplus efficoce
controire,et qu'enplus il coûtetrèstrèscher...
sonpoint de vue. Noussouhoitonséviter des souffroncesinutiles,je m'occuperoide progrommer Ia
rodiothéropieavec le cancérologueet les soinspalliotifs à domicilequand cela seranécessoire.
NON, je ne veux pas vous prescriredu Nopron
venu, votts m'ouriez téléphoné... Ah bon, vous
n'ovezplus le téléphone,il a été coupé...
pour fairedormir votre bébé.
+ 10 minutesde retard.
votre fatigue.
OUl, entrez dans mon bureau pour causerun
peu...
NON, je ne reçoispaslesvisiteursmédicaux,non,
jamais.
OUl, porce que vousovez les yeux rougeset qu'on
NON, mols je n'oi rien contre vous en tont que
devine que vous avez beoucouppleuré, que c'est
maintenant et pas demainqu'il fout vousécouter.
qu'être humoin, vousm'evez l'air foft sympathique
+ 25 minutesde retard.
pas sympothiquedu tout.
PRATIQ-UTS
NON, maisporlonsde sestroublesdu sommeilet de
et c'est votre trovoil, mais votreemployeurne m'est
Pouvoir
quand tu nous tiens
Tout se complique
Un jour une Africaineoriginairede Guinée,peule
B e r t r a n dR i f f
Le médicalaurait un pouvoir,supérieurà bien
d'autres.Ce sont souventles médecinsou ceux
et musulmane,
à qui j'annonceque je seraiabsent
la semainesuivanteme dit : o Tu ne peux pas
Médecin généraliste
qui aimeraientl'êtrequi aimentà pensercomme
partir, tu es notre sorcier Le petit peuple gui".
cela.Deuxoriginesà cetteévidence: le médecin
est un bourgeois,bien représenté
aux chambres
néen m'annonceainsi qu'il avait remarquéque
j'avaisdespouvoirspeu ordinaires.
ll leursemblait
élues,sénateuret député.De plus,c'est un soi-
évidentqu'il fallaitrendrepubliccet état afin de
gnant,un homme à part,un surhomme,presque
l'authentifier.l'étais nommé sorcier. Le petit
peuplea le pouvoirde nommer.Moi je n'avaispas
demi-dieu.Lesdieux et demi-dieuxabusenttoujoursdu pouvoirque leshommesleur confèrent.
Le médecin,de même, profite du pouvoir dont il
est investi pour remplir sa mission,et en tire
le pouvoir de refuser.Une telle nomination s'impose. l'ai bien essayé,au nom de la raisonpoli-
des médecinsprofitantde leur pouvoirséduisent
Petitpeuplene nomme pas lesprinces,
"
les stars, les demi-dieux, il vont en profiter. "
Peineperdue,j'étaisnommé et du coup, le réali-
et copulentavec la femme de l'autre,venue le
saisle peu de pouvoirque j'avaisà convaincrele
consulter! C'est un standardchez les dieux et
petit peupleque sesyeux l'avaienttrompé et que
demi-dieuxque de profiterdu sommeilde l'humaine pour la séduireet user de ses charmes.
le pouvoirqu'il me concédaitn'existaitpas,que
j'étaisun humain comme les autres.Autre rétablissementde l'ordre des choses,moi, l'athée,le
non croyant, le matérialiste,voilà que je faisais
quelquemesquinprofit. Quelqu'unm'a dit que
Certainspensentque la femme de l'autre profitant de quelque pouvoir, avantage et autre,
séduiraitle pauvredemi-dieuqui en perdraittous
sesmoyens,sesdistances,sa raison,sa déontologie. Cette réflexiond'homme posela questionde
tique :
partie d'une confrérie au pouvoir surnature.,
impossible
! ll y avaittromperie.Maisvoilà,le petit
l'autorité.
peuple peul est tenace, coriace, impossiblede
débattre,c'estcomme cela,je suisleur sorcier.lls
A partir de quand je faisautoritésur toi et à partir
viennentvoir le sorcieret non le médecingénéra-
de quand ton consentementest-iléclané?
ll nous faudra revenirà la questionde l'autorité.
quoiqueje ne fassepasautoritéen la matière.
c'estlà que j'ai des pouvoirs.Maisdeuxièmesur-
populairefait qu'il vaut mieuxconfiersa
Lasagesse
santé,sa vie, lessiensà quelqu'undont on pense
qu'il détientdes pouvoirsen ce sens,des pouvoirs
supérieurs
à ceux de ma mère.Elleest la première
liste.On vient me voir pour faire venir les bébés,
prise,voilà qu'investipar la tribu, elle me posait
d'embléela questionde la permanencedessoins:
tu ne peux paspartir ! Certes,j'ai despouvoirssurnaturels,c'est décidé,sansdébat possible,mais
du coup, ie ne peux plus partir,assignéà résiden-
bien sut reinede l'urgence,de l'alcool
$uérisseuse
de menthe,de l'aspirine
du Rhône,de l'imposition
ce ! Ainsil'on m'autorised'être détenteurde pouvoir, maisil y a des contreparties.Dont la premiè-
desmainset de quelquechansonantalgique.
re seraitla disponibilité.
PRATIQTUES
11
Depuisquelquestemps, une partie du monde
l'équilibre et respecter le choix de certains
médicaltentede négocieravecla société: garder
les pouvoirsqui nous sont conférés,indispen-
d'entrenousprêtsà déléguertous lespouvoirsà
l'autre ?
sablesà la missionoui nous est confiée.Mais
nous ne voulonsplus des obligationsliéesà ces
Contrôle continu
pouvoirs.Les médecinsne sont plus décidésà
faire des journéesde 10 heureset des semaines
de 45 à 55 heures.lls se tournentversle salariat,
Je trouve que ce texte de Deleuze datant de
1990, gardeune actualitéet donne à réfléchir.
. Foucaultest souventpensécomme le penseur
les 35 heuresavecgardesrécupérées.La médeci-
des sociétésde discipline,et de leur technique
ne est de moinsen moins l'uniqueraisond'être
principale,l'enfermement.
Maisen fait, il est l'un
du médecin.Maisvoilà,il me sembleque l'abandon de la permanence,du sacerdoce,du don,
des premiersà dire que lessociétésdisciplinaires,
c'estce que noussommesen train de quitter,ce
des prérogatives,entraîneune perte des pouvoirs
que
et une déconsidération.
lmpossiblede revendiquer d'être un travailleurcomme lesautres,mais
sommes
plus.
ayant des pouvoirspas comme les autres.
entronsdans des
nous
sociétés
ne
déià
Nous
oe
La question de l'autorité
qui
contrôle,
Revenons
à la questionde l'autorité,je travaille fonctionnentnon
un jour par semainedansle serviced'infectiologie plus par enfermede Lille,je suisattachécomme dit joliment ma
ment, mais par
fichede payeà ce service.
Jene travailleque dans
contrôle continu
le champdu sidaet ce, depuis15 ans.Une partie
et
de mon travaildevenantde plus en plus technique,protocolaire,nécessitant
des misesà jour
tion instantanée.
et un travailbibliographique
important,je ne me
et d'hôpital: cesinstitutions
sont en crise.Maissi
sentaisplus ni le courage,ni le temps,ni l'intérêt
à ce travail.Aussije décidaisde démissionner
et
ellessont en crise,c'est précisémentdans des
combatsd'arrière-garde.
Ce qui se met en place,
allaisvoir Yves,le patron. ll m'a répondu que,
à tâtons,ce sont des nouveauxtypesde sanction,
concernantles protocoles,les associations
théra-
d'éducation, de soin. Les hôpitaux ouverts, les
peutiques,la complexité,cela nécessitaitun avis
collectifet que la réuniondu jeudiétait le lieuoù
équipessoignantesà domicile,etc., sont déjà
mon incompétencetrouverait des aménagements.Lesjeunessont capablesde fairela biblio-
l'éducationserade moinsen moinsun milieuclos
graphieque lesvieux n'ont plus le temps ni l'envie de faire.Cela leur donne du pouvoir.Puisil
me dit que, lui étant carré et dirigiste,et moi
communica-
Biensûr,on ne cessede parlerde prison,d'école
apparusdepuislongtemps.On peut prévoirque
se distinguantdu milieuprofessionnel
comme un
autremilieuclos,maisque touteslesdeux disparaîtrontau profit d'une terribleformation permanente,d'un contrôlecontinus'exerçantsur l'ou-
rond et laxiste,il lui semblaitimportant pour
l'harmoniedu serviceque je resteet garde ma
vrier lycéen ou le cadre universitaire.On essaye
consultation.
ll existedonc une clientèlequi va là
où il y a l'autorité, et une autre là où elle fait
que c'est une liquidation.Dans un régime de
contrôle,on n'en a jamaisfini avecrien. " (1)
de nousfairecroireà une réformede l'école,alors
défaut.ll existeune clientèlequi désiredes vérités sansle doute, et une autre qui acceptedans
le doute d'approcher la vérité. Faut-il garder
12
P RAT IQ*U E S
1. CillesDeleuze,Pourporlers
: 1972-l 990, Leséditions
de Minuit,septembre2003.
Résumé: Pour aider ceux qui sont aux prisesavec des abus de pouvoir, un psychanalyste
p r o p o s e d e u x t y p e s d ' o u t i l s . L a c o m p r é h e n s i o nd e p h é n o m è n e s v é c u s d a n s I ' e n f a n c e d u
p a t i e n t , l ' a b s e n c ed e " c a m p d e b a s e " l i é e à l ' i m p o s s i b i l i t éd e s e r e t o u r n e r c o n t r e u n p a r e n t .
E t I ' e x p é r i e n c ev é c u e a v e c l e t h é r a p e u t e s i c e d e r n i e r s a i t r e c o n n a î t r e s a p r o p r e d é f a i l l a n c e .
Se retourner
Pratiques : Les médecins ne savent pas
c o m m e n t a i d e r l e u r s p a t i e n t s m a l a d e sd u
qui n'ont pas étê
Ceux qui portent des blessures
pansées,ceux qui ont participéà dei événements
Intretien avec
Philippe Réfabert
f a i t d ' a b u s d e p o u v o i r , c o n t r e l e s q u e l si l s
n'arrivent pas à lutter, surtout quand ils
qui excèdentla possibilité
de penser,par exemple
trop humainequ'a été la folie meurla catastrophe
Psychonolyste
sont démunis.Comment peut-on résister
à un abus de pouvoir ?
trièrede la guerrede 14 pour tant de nosgrandsceux-là peuparentsou arrièresgrands-parents,
vent faire<<comme si de rien n'était". Maisleur
Philippe Réfabert : Des millionsde gens sont
dans I'incapacitéde dire non, ne saventpas se
retournercontre celui oui exerce un abus de
corps, ie préfèrece terme à celui d'inconscient,
et s'ils
échappeà cettevolontéde méconnaissance
que
la
lacune
signifiera
ont un enfant,leur corps
pouvoir, par absenced'assiserelationnelle,par
absencede camp de base.Que ce soit du fait
porte la matricepsychiquedans laquelleils ont
d'un exil, de conditionssocialesprécaires,ou
encore des effets sur eux d'une catastrophe
au
anciennequi a affectéun de leursascendants
point de se répercutersur la façon dont ils ont
été portés.
J'utilisel'imagedu camp de basepour me figurer
le Moi précoce.Un camp de baseest bien délimité, bien gardé et on y trouve tout ce qui est
conçu cet enfant. Dans la relationprécoce,c'est
par une dysharmonieentre les rythmesdes différentslangagesque l'enfantseraaffecté.
Si un tel enfantne trouvepaschezl'autreparent
un témoin capablede le soutenirdans sa quête
qui ne témoignepas pour lui de
de consistance,
la réalité de sa sensation,cet enfant n'a pas
d'autre issueque d'avaler,d'avaliserla réalité
tronquée,la dysharmoniequi lui est proposéeet
tanceet leslimitesdu Moi dépendentde la qua-
Lecamp de basede ces
qui cacheun impensable.
personnesest comme mal gardé, une porte le
ferme,maiselle n'a pasde serrure.Parfoisce site
lité du portage dont l'enfant bénéficie.Quand
tous leslangagesde celuiou cellequi assureune
estcommesaccagéet l'enfantse retrouvehabiter
un siteouvert à tout vent, sansporte ni fenêtreet
fonctionmaternelles'écoulentselondes rythmes
harmonieuxentre eux, l'enfantse constitueun
de se retourner
seradès lors dans l'impossibilité
sur son parent,d'exigerce qu'il ne sait pas lui
site intérieur qui lui donne un sentiment de
pour s'engagersanstrop de
confiancenécessaire
être dû.
fraisdansl'explorationdu monde.
L'enfant,le prisonnierle récit de deux faits divers,
pour reconstituersesréserves,
se reponécessaire
ser,voirese réfugieren casde besoin.La consis-
De Freudà Kafka- lJorigine
en procès, Ed.Colmann-Lévy;
2001
septembre
Annie Leclerc rapporte dans son beau livre
PRATIQ*UES
13
de deux attentats.Dansle premier,une jeunefille
est violée par trois jeunes loubards dans un
passagers
wagon de RER.Plusieurs
assistent
à la
imaginairebon, dévouéet dépourvude tout sentiment négatif.
scènesansbroncher,maisle trait sur lequelinsiste Annie Leclerc,c'est que la jeune fille n'a pas
Vous pouvez reconnaîtrevos défaillanceset, en
même temps, vous pouvez dénoncer les coups
crié. Annie Leclercoppose cette scèneà celle de
la jeune fille dans le métro qui s'emparede la
qui frappentou ont frappévos analysants.
main qui tente d'abuserd'elle,la lèveen l'air en
disant: " C'està qui cette main ? > et provoque
le rire dans le wagon et la confusionde l'agres-
Je ne suispas sûr que le terme de dénoncersoit
pertinent.Jepréfèredire que je peux traduire,lire,
dévoilerlesfaits,faire apparaîtreles mouvements
de l'âme qui jusque-làétaient, chez tel ou tel,
seur.le fais l'hypothèseque la premièrea appris
trèstôt à taire l'impensable,
un impensablequ'a
interditsd'existenceou censurés.
Jepeux révélerà
qu'il resteaveugleà la haineque lui
tel analysant
subi quelqueparentet la secondeau contrairea
porte un proche qui lui dit " ie t'aime " alors
qu'un geste contredit aussitôtcette parole. Un
apprisà se retournersur un parent qui n'exprimait pas de demandetacite de protection.
À la questioncommentun médecinpeut-ilaider
son patient-victime,je répondrai cursivement
analysanta mis des annéesà comprendrele fonds
que dispense
de véritéque recèlel'enseignement
que c'estpar la compréhension
et par l'expérienj'entends
l'analyse
ce vécue.Parcompréhension,
SergeGainsbourgquand il met en chansonson
fameux " Je t'aime - Moi non plus >. La haine
qu'un garçonpeut éprouverà l'égardd'un frère
de la situationdanstoute sa complexité,subjecti-
ou d'un parent étaif dans cette famille bonne
ve, historique,sociopolitique.
Lorsqu'unpatient
chrétienne,interdite de séjouret les déclarations
estdoté d'un bon camp de basecelapeut suffire,
dans la relationavec le médecinest réparatrice.
d'amourétaientde rigueur.
de
Jen'ai pu moi-mêmeentendrel'enseignement
que
Gainsbourgque le jour où j'ai pu reconnaître
le voudraisparler de ce qui fait qu'on est soimême abuseur de pouvoir. le considère avec
l'amourque le portaisà mesproches,à messemblables,n'étaitjamaistrèsraffinéet qu'il compor-
commisération
ma pratiqued'il y a vingt ou trente ans où je craignaisd'être pris en faute, de faire
des erreurs,et où, quand j'en faisais,je tentaisde
tait toujoursquelqueimpureté.Jene peux écouter que si je peux me voir moi-mêmeavectous
lescacher,que ce soit un assoupissement,
ou une
en passant,l'usagedu mot
mais pour les autres, seule l'expériencevécue
attitudeou interprétationagressiveà l'égardd'un
analysant.Aujourd'hui,j'ai compris que recon-
mes défauts,mes lacuneset mes travers.Soit dit
écoute> est devenu
"
obscène.C'estdansla mesureoù l'analystepeut
naîtremes défaillancesest une partie fondamen-
se retournersur lui-même,qu'il peut se réfléchir
dans le miroir de sa pensée,que son analysant
tale de mon activité,et je le dis tout de suite. La
s'autorisera
à se retournersur son analyste.De
marchede la cure s'en trouvegrandementfacilitée. Si à un moment mon analysantressentune
grandetristesse,je peux lui dire : < Votretristesse
lui-même, après quelques expériencesde ce
genre, l'analysantse permettra de se retourner
est due au fait que vous avezperçu que je n'étais
plus avec vous, en effet je regardaismon agenda. " Quelque chose de l'abus de pouvoir est
alors réparé.Quand je fais comme si l'autre est
je commets un abus de pouvoir,je
insensible,
t4
s'évertueà garderinchangéesa staturede parent
sur ceux qui lui causentun dommage.Dansma
un jour mon anadeuxièmeou troisièmeanalyse,
lyste m'a dit : * vous avez peut-êtreraison", je
suistombé des nues.Une porte s'ouvraitdans le
mur que je portaisen moi, ce mur qu'avaitérigé
répètel'attitude du parent qui fait tout pour que
un parentpour cacherune détresserestéeignorée.Trèstôt, ie m'étaistenu pour dit que ce géant
pas; qui
sadétresse,
sa défaillance
n'apparaissent
ne pouvait pas se tromper.
PRATIQ-UES
Qu'est ce qui fait que vous décidez d'entendre
ce que vous entendez ? Et de le dire à votre
analysant ?
porte, mais j'avais trouvé une explication plausible.Quand enfin je me suisrendu dans la salle
Commentje déjoueles piègesoù était enfermé
l'enfantqu'a été mon analysantactuel? le recon-
me dire qu'il s'estcertainementtrompé d'heure,
qu'il avaitdû oublierqu'un changementd'heure
nais très vite que mon patient n'a pas pu se
retournersur lessiens,même quand il subit une
était intervenu. ll s'évertuait désespérémentà
agression
de leur part. Maisle passage
à un autre
régimede relationà l'autrene peut avoirlieu,se
penserd'abord puis se réaliser,
que si le patient
fait l'expériencein vivo, avec son analyste- en
d'attente j'ai été tout étonné de l'y découvrir.
Mon étonnementredoublequand je l'entends
m'inventer une excuse.J'ai dans un premier
temps ressentiune grande culpabilitéà avoir
oubliéla séancehabituelled'un patientsifidèleet
si dévoué.lusqu'aumoment où j'ai pu me dire
que j'avaisété convoqué,à mon insucomme au
analysecela s'appelle dans le transfert,,, d'un
"
retournement.Et cela ne peut avoir lieu que si
l'analystel'autorise,mieux l'invite à reconnaître
qu'il a été conduit,tout analystequ'il soit,à répé-
sien, à prendre le rôle de la mère de sa prime
enfance.J'aicomprisce jour-là,il a comprisau
ter le mouvementsubjectifd'un parent.
mèred'avoirà en prendreconscience.
Par exemple,il m'est arrivéd'oublier la séance
d'un patient. J'avaisentendu l'ouverture de la
même instant,dansun éclair,qu'il n'avaitpasété
attendu et qu'il avait tout fait pour éviter à sa
Proposrecueillispor ElisobethMaurel-Arrighi
PRATTQ*UES
R é s u m é: L a C h i n e e s t m a r q u é e p a r d e u x t y p e s d e m é d e c i n e q u i c o h a b i t e n t b i e n q u e f o n d é e s
sur des visions du monde et des causei des maladies très différentes. La médecine
t r a d i t i o n n e l l e d ' u n e p a r t , q u i < o n s i d è r el a m a l a d i e c o m m e u n e p e r t e d ' é q u i l i b r e d e l a p e r s o n n e
dans le monde dans lequel elle vit et la médecine ociidentale d'autre part, avec ses
c o n c e p t i o n s p h y s i o p a t h o l o g i q u e sd o m i n a n t e s . P o u r c h a c u n e d e c e s d e u x m é d e c i n e se x i s t e u n e
typologie différente du pouvoir du médecin et de l'autorité qui découle de son exercice.
En Chine
comme ailleurs
l v a n P . K a m e n a r o v i Ec nC h i n ec o m m ea i l l e u r sl e, m é d e c i ne, n t a n tq u e
Enseignont
à l'Université,
membredu Centre
de recherches
sur l'ExtrêmeOrient de Paris-Sorbonne
dépositaired'un savoira priori non partagépar
peut dire que la relationqu'il établit avec son
patient est du même type que celle que nous
sespatients,détientune autoritéen mêmetemps
qu'il exerceun pouvoir.Avant d'entrerdans les
L'autorité,le pouvoir qui sont les
connaissons.
siensa pour origine un savoirparticulier,suffi-
détailsde certainesspécificités
chinoises,préci-
sammentéloigné de tout autre type de savoir
pour justifierune confianceaveuglede la part de
sonsqu'un payssortantd'environquatredécen-
. a n sl e c a sd e l a m é d e c e l u iq u i r e ç o i tl e ss o i n s D
v é o a r d i x a n n é e s t e r r i b l e sd e
il en va tout autrement.Nous
R
é
v
o
l
u
t
i
o
n
cine
traditionnelle,
"
culturelle>, peut être à certainségardsconsidéré allonsessayer
d'expliquerbrièvementpourquoi.
niesd'un systèmepolitiquesocialiste
dur, aggra-
commeconvalescent.
La médecinea dû, en effet
La mentalitéchinoise,tout comme la nôtre, est
à cette époque,comme toutes les autresdisciplines,se réclamerdirectementet impérativement de la penséede Marx et de Lénined'une
nourrie d'une penséenécessairement
exprimée
par une languedéterminée.La mentalité,la pensée,la languechinoiseont pour fondementune
part, et de la pensée de Mao Zedong, de
o r g a n i s a t i o ng é n é r a l e ,r e s s e n t i ec o m m e u n e
l'autre, pour pouvoir simplement exister. Or
nécessité aussi
aucunde cestroisauteursn'a laisséde nom dans
l i n g u i s t i q u ep, h y s i o l o g i q u e
ou même morale.
biologique
que
la littératuremédicale...
va de pair avecla référencepreCette nécessité
Cette étape de l'histoirechinoise récente n'a
mièreet impérativeà un ensembleavantde pou-
cependantpas fait disparaître
des réalitésmédi-
voir envisagerune partiede cet ensemble.C'est
ainsi qu'un mot chinois n'a, sauf exception
calesoui concernentaussibien tout l'ExtrêmeOrientsinisé(Japon,Viêt-nam,Corée).Le casdu
Le conflit, perceptions
chinoiseet occidentale,
YvonKomenorovic,
coll Lo nuit surveillée,
éditionsCERF
bien
rare,ni genre,ni nombre,ni nature.ll est indis-
monde chinoisprésentecette singularitéqu'il y
pensable,pour connaître ces différentspara-
existedeux systèmesmédicauxqui sont censés
mètres.de le voir dans son contexte.ll n'en va
non seulementne pasêtre en concurrence,
mais
pasde même pour nos mots, immédiatementet
bien être complémentaires.
La médecinetradi-
isolémentidentifiables.De même, une notion
tionnellechinoiseest en effetenseignéeet pratiquée au même titre que la médecine occiden"
tale ". Du praticienexerçantcette dernière,on
chinoisene reçoit sa significationqu'à partir du
PRÂTIqUES
contextedanslequelon la trouve,contrairement
à nos conceptsqui, idéalement,sont suffisam-
ment < clairs et distincts> pour être touiours
affectésde la même signification,indéfiniment
d'une pensée,d'une
renouvelable.
L'expression
théorie,quel que soit le domaineconcerné,obéit
à cette même loi. Outre cette obligation de
Ainsiparcourupar des notionsqui se rencontrent
partout,le discoursque tient le médecinchinois
de médecinetraditionnellerencontreun écho
certainchez ses patients.On peut trouver des
phrasesà peu prèsidentiquesdans lestraitésde
c o n t e x t u a l i s e r s y s t é m a t i q u e m e n tm o t s e t
notions,les Chinoisse meuventdans un univers
médecine,de politique,de moraleet même de
musiqueou de peinture.ll en ressortl'idéegéné-
mental régi avant tout par l'idée centraleque
anaraleque le mondeest organiséen structures
logues,que la recherched'un équilibrede vie
communiquent
touteschosesse correspondent,
à desschémaset à des prinentreelles,obéissent
c r o e sc o m m u n s .
Celaveut dire d'une part que chaqueactivitéparticulièrene prend sensqu'en fonction de l'ensemble que constitue l'existencemême de la
sociétéhumaineet que, d'autrepart,il existeune
analogieentre tous les domainesque l'homme
est appeléà aborder.On retrouveradonc, dans
de
chaqueactivitéaussibienque dansl'ensemble
peut se traduireaussibien en termesmédicaux
qu'en termesartistiques,
et que l'exercicede la
profondément
reliéà une observamédecineest
tion et à la fois une observancedes lois fondamentalesqui présidentà l'existencede toutes
cnoses.
L'autoritéqui est accordéeau médecin,le poune provient
voir que sespatientslui reconnaissent
donc en aucunefaçon d'une régionmystérieuse
I'existence,
un certainnombrede principeset de
notions de base,qui en concerneronttous les
et inaccessible
du savoirhumain.S'ilfaut donner
un modèleà l'imagedu praticienchinois,ce sera
aspects.Par conséquent,le vocabulairede la
recouperle vocabumédecineva nécessairement
le sagebien plus que le savant.Comme le politique, comme le moraliste,comme le poète, le
lairede la politique,de la morale,de la géologie
et aussibien de la poésieet de la peinture.Des
médecinestd'abordceluiqui saitvoir.Saqualité
A l'époqueoù il était
premièreest l'observation.
notions aussi fondamentalesque le yin eL le
interdit de toucher un corps en Occident, les
yong, qui échappentà toute tentativede traduc-
médecinschinoisfaisaientdéjà des dissections.
Prendrele pouls est un des actesmédicauxles
plusanciens.ll ne s'agitpas ici de prétendreque
tion, que le qi (souffle,élan vital), ou la voie
(doo),ont leur placeaussibien dans le discours
médicalque dansle discoursmoralou artistique.
ll en résulteque le langagetenu par le médecin
véhiculedes notionsde basequi permettentau
patientd'en rapprocherla teneurde ce qui estau
sur la
la médecinechinoiseauraitune supériorité
maisplutôt d'en souligner
médecineoccidentale,
les présupposésrespectifsafin de comprendre
pourquoila relationentrele médecinet le patient
fondementmême de son existence.ll ne s'agit
pas ici, on l'a dit, de notions dont le contenu
différentedans les deux
est fondamentalement
seraitétabli une fois pour toute. Toutefois,leur
réapparitiondansdes domainessi différentsper-
de vie d'un patientdans le contextegénéralde
familialeet socialefait évidemment
son existence
met, aussibienà celuiqui lesemploiequ'à la perun repérage,une
sonnequi l'écoute,un balisage,
partiedu regardque posele praticienchinoissur
son patient.On saitqu'en médecinechinoise,la
orientationdansun mondedont la mentalitéchinoisesait qu'il est sanscesseanimé par le changement.L'un des ouvrageslesplus luset lesplus
préventionrevêtplusd'importanceencoreque le
soin.Scruterleséquilibresvitauxest la tâchepre-
commentésde la culturechinoisen'est-ilpas le
Clossiquedu changement,ou Livre des mutqtions
avant que les symptômes
nir les déséquilibres
n ' e n d e v i e n n e n t d e s m a l a d i e s .C ' e s t a i n s i
(Yijins) ?
que, dit-on, les Chinois ancienspayaient leur
pratiques.Replacerles habitudeset les attitudes
mièredu praticien,afin d'être à même de préve-
PRÂT IQ-UES
't7
médecintant ou'ilsdemeuraienten bonne santé
t e l e f a i r e l o r s q u ' i l st o m b a i e n t
e t c e s s a i e nd
malades...
5s ". Là encore, le vocabulairerisque de nous
induireen erreur.ll n'existepas,dansla tradition
et
chinoise,de branchedu savoirqui, spécialisée
employantson langagepropre,correspondrait
à
A u m i l i e ud u x r x ' s i è c l el e, m o n d ee x t r ê m e - o r i e n - ce que depuisdes sièclesnousappelons" philosophie' en Occident.Là encore,il a fallu invent a l s ' e s t t r o u v é b r u s q u e m e n t c o n fr o n t é à
l'Occident.Les laponais,qui écrivaientà cette
ter un néologismepour faireentrercettecatégo-
époque en chinois classique,ont été les prem i e r s à r e c h e r c h e rs y s t é m a t i q u e m e nct e t t e
rie, dans la langue chinoise.La " philosophie
c h i n o i s e" , i n s é p a r a b l ee n c e l a d e s a u t r e s
confrontationet à se trouver dans l'obligation
particulièrement
ardued'en traduirelestermes.
branchesdu savoir,met en ordreet transmetdes
notionsuniverselles,
appeléesà être utiliséespar-
D i s o n s s i m p l e m e n t ,p o u r f a i r e c o m p r e n d r e
l ' a m p l e u rd u p r o b l è m e ,q u ' i l n ' e x i s t a i dt a n s l e
tout. Dansce sens,la philosophiechinoise" ne
"
constitue nullement une constructionintellec-
v o c a b u l a i r ceh i n o i s( e m p l o y éa u s s ib i e n p a r l e s
Coréens et par les Vietnamiensque par les
tuellequi auraitpour objectifd'être logiquement
irréprochable,
imparable.La penséechinoise,en
J a p o n a i sa)u c u nt e r m ep o u r t r a d u i r ed e sn o t i o n s
a u s s éi v i d e n t e sp o u r l e sO c c i d e n t a u q
xue celles
effet,se donnetoujourspour but de pouvoirêtre
depays, nation, régime politique, démo-
traduite dans les faits, dans les actes,dans les
c o m o o r t e m e n t sd e l a v i e q u o t i d i e n n e .S o n
cratie, république, liberté, et aussi bien
art, beauté,Absolu,Être,ou encore logique et
expressionet sa constructionobéissentdonc à
d ' a u t r e s i m p é r a t i f sq u e c e u x a u x q u e l sn o u s
furent essayés
santé.Des néologismes
avant de
sommesaccoutumés,ce qui ne manque pas de
plus ou moins satisfaitrouver des expressions
nous dérouter,voire de nous scandaliser.
C'est
s a n t e sl.l e n f u t d ' a i l l e u r d
s e m ê m e d a n sl ' a u t r e
s e n s . . .P o u r e n r e v e n i rà l a s a n t é ,i l n ' e s t p a s
sansintérêt de remarquerque l'expressionqui
pourtant ainsi que s'expliquentles très nombreusesrencontresentre la " philosophie" et la
médecinechinoises.ll n'est pas envisageable
de
d a n sl a l a n g u ea n c i e n n es e r a p p r o c h el e p l u sd e
lire un traité médical sans être préalablement
c e t t e n o t i o n e s t c e l l e q u i d é s i g n e" l ' h o m m e
é q u i l i b r é" , l ' i d é e d ' é q u i l i b r eé t a n t r e n d u ea u
moyend'un pictogrammereprésentant
lesdeux
informéde la naturedes instrumentsde pensée
qui ont présidéà sa rédaction,et qui sont pré-
p l a t e a u xé g a l e m e n ct h a r g é sd ' u n e b a l a n c eC
. e
q u i e s t r e c h e r c h ép a r l a m é d e c i n ee s t d o n c u n
sentsaussibien dansla " philosophie" que dans
l'art de gouverner.
Biensûr, la médecinechinoisen'est pas demeuréeimmuabledevantlesconnaissances
et lespra-
é q u i l i b r e .D e m ê m e , c ' e s t u n é q u i l i b r eq u e
recherchentla politique,la peinture,la morale
tiques de la médecineoccidentale,et l'on se
ou la musique.Partant,on ne s'étonnerapasdes
doute bien que la présencesimultanéedes deux
innombrablespasserelles
existant entre toutes
médecinesn'estpassansposerde multiplespro-
cesdisciplineset bien d'autresencore.
blèmes.Un observateurfait notamment remar-
Toutesont en commun d'être exercéespar des
humains,pour des humains,au seind'un univers
quer que les efforts déployéspour rendre les
dont nouspouvonslirelesstructures
et lesloisde
davantagesur lesaspectspratiques,proprement
fonctionnementen nous-mêmescomme dans
nos diversesactivités.ll est donc évidentque le
que sur l'élaboration
thérapeutiques,
de théories
m é d i c a l e sp e r m e t t a n t d ' e n r e n d r e c o m p t e:
programmedes étudesmédicalesdu cursusde
médecinetraditionnelle
comporte,dèsla premiè-
vise
" l-'effortde raisonnement surtoutà démontrer le caractère" scientifique
" de la médecine
philosophiechinoi-
plutôt qu'à la rénover Le résultat
traditionnelle,
".
re année,une formationen
P RAT IQ-U E S
"
deux médecinescohérentesentre ellesportent
a donc tendanceà être simplementune iuxtapo-
politique,à admettreaussibien la gravitéd'une
sition de méthodesdifférentes,exposéessuccessivementdanslesmanuelsmédicauxdatantde la
r ' u n e é p i d é m i eC
. 'est
i n o n d a t i o nq u e l ' a m p l e u d
cette recherchesystématiquedes correspon-
fin du xx"siècle.Ainsi,tenter d'expliquerles loci
(lespoints)de l'acupuncture
et de la moxibustion
de la
dancesentreleschosesqui fait la spécificité
pensée,de la mentalité,et, partant,de la méde-
au moyen des lois de l'anatomietelle qu'on la
conçoit en Occident s'avère impossible.Par
cine chinoise.ll en ressortque la médecineest
davantage immergée, si l'on peut ainsi
réinterconséquent,vouloir systématiquement
parler,dans l'existencequotidienneque ne l'est
préter les normes médicalestraditionnelles
à la
lumièrede la médecineoccidentaleconduit par-
la médecineoccidentaleen Occident,et a fortiori en Chine.ll en ressortégalementque l'aspect
d e s i n c o h é r e n c e s .C o m m e n t , p a r
préventif de la médecine, c'est-à-direla
recherched'un équilibre de vie (par exemple
fois à
exemple, expliquer ce que sont les q'
(souffles,soufflesvitaux)si l'on veut en donner
? ll s'agitpourtant
une analysephysico-chimique
là d'élémentsfondamentauxde la médecine
dont le bien fondé,justifiépar
extrême-orientale,
fait parphysiologique...)
diététique,musculaire,
tie intégrante de la médecine et connaît un
développementinconnudans la médecineoccidentale.La venue de la maladie,c'est-à-diredu
dysfonctionnement,du manque ou de l'exune très longuepratique,ne se situepas dansle
même lieu de la penséeque les démonstrations cès,constituedanscette optiqueun échecde la
scientifiques,lesquelles,rappelons-le,évoluent
en fonctionde l'évolutiondes
considérablement
médecine,le rôle curatif de cette dernièrene
v e n a n tô u ' e ns e c o n dl i e u .
procédures
qui lessous-tendent.
fexistencedes correspondances
établiespar la
de la médecine
En fin de compte, la persistance
traditionnelles'expliquesansdoute à la fois par
traditionentre lesdifférentsdomainesde l'activi-
qu'ellerencontreet par sa
lessuccèsindéniables
té humaine et l'ensembledes règlesnaturelles
inciteà établirun lien entre la santéde la socié-
intégrationdansle systèmede référemarquable
qui balisel'horizon
renceset de connaissances
té et celle des individusqui la composent.Les
naturelles,
comme des inondations
catastrophes
La
d'une grande majorité d'Extrême-orientaux.
confianceque l'on a dansle médecinreposenon
si redoutéeset si meurtrièresen Chine, les épi-
pas sur ce qu'il sait des chosesque tout un chacun ne pourrajamaissavoir,mais plutôt sur ce
démies,les ravagesde la guerresont interprétés
ce dont chacomme résultant vraisemblablementd'écarts qu'il saitmieux,plusprofondément,
i
d
é
e
,
m
a
i
s
par
gouvernants.
a
d
é
l
à
u
n
e
t
r
op vague.
commis
les
Ces déséquilibres c u n
L'explication
du médecin,plutôt que de décousont réputésne pas se produire sous un bon
gouvernement,et leur apparitiondiscréditeles
autoritésen place. C'est à ce sentiment,puissamment ancré dans les mentalités,qu'il faut
vrir des pans entiersde véritésinconnues,prolonge, précise,éclaire des vérités diffuses,des
attribuer les réticencesdu gouvernementchi-
de basedont est porteusela cultuconnaissances
re commune.ll n'y pas de césureentre le savoir
nois,qui ne connaîtpourtantaucuneopposition
médicalet le savoirvivre.
PRATIQUES
Nousavonslu pourvous
et DominiqueMemmi,Legouvernementdescorps,
Sousla directionde DidierFassin
Editionsde l'EcoledesHautesEtudesen sciences
sociales,
2OO4,
Paris
(clonage...),
Au-delàdes" affaires" (sangcontaminé,amiante...),descontroverses
au-delàde la gestion
(de
quotidienne
la protectionsociale,du systèmede soin...),l'interventionde la sociétéet de l'Etatsur
la relationdes individusà leur corpss'exprimede multiplesfaçons,moinsvisiblesmaissouventbanales
et familières.
C'estce < gouvernementdes corps>>,
témoin de la placecroissante
occupéepar lesquesgouvernement
qu'analyse
tions du corps et de la santédans le
des sociétés,
ce livre collectif,écrit sousla
directionde DidierFassinet de DominiqueMemmi.
Couvernementmédicaldes corps,aveclescampagnesde préventiondu tabagisme,où la sociologie,la
psychologie,
le cinéma,la publicitésont sollicités
pour transformerune injonctiond'abstinence
en ode à
la vie saineet à la libertéreconquise
de l'ex-fumeur.
Avec la médicalisationde l'impuissance,rebaptisée dysfonction érectile > sous l'égide des sociétés
"
savantes
d'urologieet de l'industriepharmaceutique,
et son corollaire,l'autorisation
de misesur le marché du Viagra@.
Avec la délégationd'une part croissante
des soinsaux patientsà leur entourage,revendiquéeparfois,
à domiciledes maladesdu Sida,imposéesouvent,comme le maintienà domicicomme l'hospitalisation
le des maladesmentaux,sourcede nouvellesinégalitéssociales,cette < part profanedes soins" n'est ni
politique.
reconnue,ni mesuréeà sa justevaleur,ni aidéeà hauteurdu désengagement
Avecl'autorisation
souscontrôle,aprèsl'interdiction,de la contraception,
de l'interruptionde grossesse,
: contrôleéconomique,par lestaux de priseen charge; contrôde la procréationmédicalement
assistée
le desmotifsde la demande,et de leurconformitéà la loi ; maisaussiautocontrôle
demandéaux patients,
par lesdélaisde réflexionimposés,par l'exigencede consentement
éclairé.
Maisaussigouvernement
socialdescorps,avecla réintroduction
desdébats
du délitde racolageréveillant
anciensautour de la prostitutionentre réglementarisme
et abolitionnisme,
entre aliénationet libre disposition du corps ; débatsoù l'Etat ne tranche pas, réprimant les manifestationsattentatoiresà l'ordre
public, et déléguant à des instancespubliques ou associativesla gestion des difficultéssanitaireset
sociales.
Avecle refusdu droit au mariageou à l'adoptionpour leshomosexuels,
le caractère
aggravantde l'adultère homosexuel
danslesdivorcespour faute,témoignantque la sexualité
conlugalehétérosexuelle
reste
encorela norme institutionnelle.
Aveclesprisons,où lesdétenusdoiventtoujoursnégocierl'accèsaux soinset au statut de malade,où une
part dessoinsquotidiensaux maladeschroniquesest dévolueau bon vouloirdes co-détenus.
Aveclesdemandeursd'aidesociale,ou d'autorisation
de séjourpour raisonsmédicales,
où c'estle corps
du sujet qui doit être exposédanssa souffrance,au travailleursocial,pour ouvrir un droit à des subsides,
ou au médecininspecteurde la DDASSpour obtenirune cartede séjour,lorsquetous lesautresfondementsd'une légitimitéont été épuisés.
A traversla multiplicitédesformesd'interventions
étatiqueset de régulationsmédicales
ou sociales,
c'estbien
qui
une nouvellebiopolitique se dessine,loin des modèlesanciensde la surveillance
et de l'hygiénisme.
feon-Luc Boussord
20 PRArrauEs
|
R é s u m é : L a d é n o n c i a t i o n d u b i o p o u v o i r , t e l l e q u ' o n l a t r o u v e c h e z F o u c a u l t ,n o u s o b l i g e
p a r a d o x a l e m e n td. a n s s e s a p p l i c a t i o n sc o n t e m p o r a i n e sà, p e n s e rI ' E t a tn o n c o m m e I ' o r i g i n ed u
biopouvoir, mais comme un recours contre lui. Une telle recomposition des pouvoirs et des
contre-pouvoirs réorganise les positions respectives des professionnelset des usagers de
I ' i n s t i t u t i o nm é d i c a l e .
Exproprier
et rêapproprier
Partonsde l'élémentaire
: on ne veut ni souffrirni
mourir, et on y est naturellementdestinés.La
( h r i s t i a n eV o l l a i r e
priation " est, dans son origine, la condition
même d'unepossibilité
de soigner: c'esten délé-
Philosophe
est d'abord celle de la nature,
toute-puissance
pouvoiraveugleet sansvolontéqui nous inscrit
guant son pouvoirà un soignantqu'un malade
dans un cycle biologiqueauquel on n'échappe
part, par un effet de réaction en chaîne, cette
pas.Faceà elle,I'uniquecontre-pouvoir,
partielet
expropriationva elle-mêmeen susciterd'autres.
provisoire,est celui du langageet de la technique,qui permet de contrerou forcer momen-
Le oouvoir de décisionmédicaleva être en effet
lui-mêmeexpropriéde la volonté du médecin
tanémentce coursnatureldeschoses.Ce forçage
pour être transféréà des instances
décisionnelles
momentanés'inscritlui-mêmedans une organi-
politiques(concernant
le systèmede santé),elles-
sationculturelle,dans des rapportsde savoir,de
pouvoir,d'échangeet de production,qui consti-
mêmes expropriéespar des systèmeséconomiques (les compagniesd'assurance)
ou indus-
tuent ce qu'on appellela médecine.Cetteméde-
pharmaceutiques).
triels (les laboratoires
Simple
cine a elle-mêmeune histoire,qu'on peut écrire,
rouagedansce système,le colloquesingulier,s'i
selon l'expressionde Foucault,reprisedans le
peut s'analyser
en termes de pouvoir,relativise
le pouvoirdu médecinqui le
considérablement
titre d'un ouvragequi vientde paraître,en termes
de " gouvernementdes corps" (1).
D'embléedonc, le pouvoirsur la natureque les
peut reprendrepossession
de son corps.D'autre
conduit,le soumettantà desimpératifssocio-économiquesdont il ne maîtriseà peu prèsrien.
hommesse donnentoar la médecines'affirmeen
termespolitiques.ll ne peut se revendiquerque
Maisc'estprécisément
dansla margeouvertepar
peu
près
qu'il
peut
cet " à
exercerce qui définit
"
collectivementpar la transmission
d'uneautorité.
En 1975,lvan lllich,danslo Némésismédicale(2),
la positivitéd'un pouvoir en le soumettantau
le décrivaiten termes d'" expropriationde la
t u'elle ait été, à un
s a n t éo , p r é s u p p o s a n q
droit de regardd'un patient: sa responsabilité.
moment ou à un autre,appropriéepar lessujets
Le concept d'usager
Dans le n" 29 de la revue Vacorme,consacréen
d'expropriation
du
eux-mêmes.Or ce processus
a u t o m n e 2 0 0 4 à M i c h e l F o u c a u l t ,P h i l i p p e
sujetpar I'institutionmédicales'avèreambivalent
niveaux.D'unepart,en effet,l'" exproà plusieurs
Mangeot publie un article," Sida : anglesd'attaque >, où il analyseainsila pratiqued'Act Up :
PRATIQUES
2'l
" Soit à Act Up une pratiqueininterrompuedu
court-circuit: universaliste
et minoritaristeen
même temps ; défiant vis-à-visde I'Etatet lui
et d'un nouveaurapport aux organesdécisionnelséconomiques
et juridiques.Lorsquedesasso-
d e m a n d a nst a n sc e s s ed e sc o m p t e s . ( p . 8 1 )
"
un processus
de rechercheou de productionde
médicaments,pour diffuserla réalité de leurs
Dans cette formule se concentrela multiolicité
des paradoxesd'une penséecontemporainedu
effetssecondaires
ou pour impulserla mise en
la malaserviced'appartements
thérapeutiques,
pouvoir,appliquéeà la questionde la santé.
de faidie cessed'êtreun facteurde soumission.
D'une part, en effet, le maladey apparaîtnon
pour devenirun levierde
blesseou de démission,
ciationsde maladesfont pressionpour accélérer
comme patient,maiscomme usager,c'est-à-dire revendication.
C'esten quelquesortela maladie
acteur dans un rapport d'échange.Or, cette
elle-mêmequi changede statut : là où elle promutation n'engage pas seulementla relation
d u i s a i t l a d i s p a r i t i o nd u p a t i e n t d e I ' e s p a c e
médecin-malade,
danslaquellele statutd'usager
public, sa relégationderrièreI'opacitédes murs
permettraitd'affirmerun contre-pouvoir
face au
pouvoir de décisiondu médecin. Elle engage
privé
de I'hôpitalou son occultationdansI'espace
de la protectionfamiliale,elledevientau contrai-
aussiun nouveaurapportdu maladeà la maladie,
re le vecteur de son apparitiondans I'espace
rapport informé dans lequelle savoirn'est plus
public et de son interventionsur la scènepoli-
monopolisépar le professionnel,
mais réappro-
tique. Etre malade,ce n'est plus être anormal,
prié par I'usager,qui utiliseses proprescanaux
maisêtre producteurd'une critiquede la norme,
d'information,les réseauxde communicationde
et la maladieapparaîtalors, par sa fréquence
la vie associative,
I'expérience
des autresusagers
même, comme I'une des normes de la réalité
ou lesconfrontations
dont il a connaissance
entre
sociale,qu'une normativité mensongèreavait
jusquelà occultée.
des stratégiesmédicalescontradictoires.Et se
donne ainsitout simplementun pouvoircritique
On touche probablementlà à I'une des raisons
sur lesdécisionsdont il est I'objet.
pour lesquellesI'apparitionla plus
essentielles
Cettemutationengageenfinun nouveaurapport
spectaculaire
de la revendication
de maladiedans
à I'institution,car se déclarerusager,comme le
montreMathieuPotte-Bonneville
dansson article
I'espacepublic s'estfaite par la médiationde la
mouvancehomosexuelle: non pas seulement
du même numérosur la politiquedes usages
"
",
ne consistepasà adopterune positionconsumé-
parceque la multiplicitédes échangesen a fait
riste individualisante,
maisau contraireà recon-
mais parce que son statut même I'engageaità
une cible privilégiéede la transmission
du sida,
naîtredanslesusagesdesvaleursqui nécessitent interrogeravec le plus de radicalitéla violence
d'être collectivementdéfendues: le concept des normes,et en particulier,
dès lors,de cellede
d'" usage' a chezFoucaultle statutpolitiquede
la santé.
la confrontationau réel et à I'action,engageant
touteslesdimensionsde la pratique.Etreusager,
effet conférerun pouvoirque dansla mesureoù
c'estdonc reconnaîtreà la fois les formesde la
elle imposeune rectificationdu savoir.Ce n'est
singularité
et cellesde la solidarité.
alorsplus seulementle maladequ'il faut traiter,
La maladie,affaiblissante
par essence,
ne peut en
mais I'espacepublic où s'opèrecette rectificaChangementde statut de la maladie
Maisprécisément,
dansce rapportà I'institution,
tion. Et c'est de cette position(au sensle plus
stratégiqueet guerrierdu terme) que prétend
le contre-pouvoirde l'usagerengage aussi sa
parler une organisationcomme Act Up. C'est
citoyenneté.Lesformesde la solidaritépeuvent
cette positionqui légitimeI'adresse
aux pouvoirs
publics.
alorsse lireen termesde responsabilité
collective,
PRATTqUES
Maisalors,cetteadresseplaceI'organisation
elle-
D'où le droit de regardsur la vie et la mort que
même en porte-à-faux,relativementà la pensée
foucaldienne
ll esten
dont elleprétends'inspirer.
confèrentles pratiquesde réanimationou celles
assistée.
de procréationmédicalement
effet pour le moins paradoxalde se réclamer
d'unepenséequi dénoncele contrôlesocialet les
de
Foucaultmontreraourunetelle médicalisation
la vie ne conduitoasseulementà la normer,mais
gouvernementalités
de la biopolitique,pour exiger une interventionde I'Etatdans une revendi-
à réduireun peupleà l'étatde population,objet
passifet massifié
statistique
et
de I'argumentation
cationde santépublique.C'estce paradoxeque
PhilippeMangeot appelle< un court-circuit".
Mais,précisément,
si I'on ne veut pas qu'il pro-
de la décisionpolitique.Or, c'estprécisémentici
voque une panne idéologique,il vaudraitmieux
que la questiondu pouvoirtrouve son articulation. La positionfoucaldiennepose en effet la
question du pouvoir médical à deux niveaux.
que se contenterde le mentionner.
I'expliciter
D'une part, dans lo Noissoncede lo clinique
(publié
en
Problématiquesdu biopouvoir
1964), il pré-
Que vise en effet Foucaultlorsqu'en1976, n
introduiten philosophiele conceptde " biopou-
sente
voir " ? ll viseà montrerque ce qui est au cæur
même de la pulsionvitale,à savoirla sexualité,
comme une
la
médecine
authentique
est dansson identitémême I'objetd'une production discursive.
ll le dit trèsclairement: le pouvoir
savoir, tirant
puissancede
ne sertpasà masquerle sexe,maisau contraireà
son pouvoir de
le produire comme objet de discours.Le sexe
la visibilité à
devientainsi le moyen par lequel l'individuest
laquelle elle
assujettià la norme collective: il ne s'agitdonc
ouvre
pas de fairetaire,maisau contrairede faire par-
corps.C'est
une purssance pro-
ler, et le premiertome de l'Histoirede lo sexuolité
constitueune charge redoutablecontre la psychanalyse,
en tant que moyencontemporainprenant le relaisde la confessionreligieusepour
les
prement
contraindreà I'aveu.Le pouvoir,dira-t-il,ne se
démiurgique,
dont le pou-
manifesteplusen termesde souveraineté
comme
une loi extérieureau sujet,maisen termede gotr-
voir d'institutionnalisation
n'est oue la conséquence,et dont Foucaultmontre la généalogieà
v e r n e m e n t a l i t é ,c o m m e u n e n o r m e q u i l e
la périodecharnièrede la révolutionfrançaise.
construitde l'intérieur,
et le rend par là intégrale-
D'autre part, dans Lo Volontéde sovoir,premier
ment contrôlableiusque dans son intimité. La
médecineest par excellencele moyen de cette
tome de l'Histoirede lo sexuolité,il présentela
par une puismédecinecomme instrumentalisée
par laquellela puissance
normalisation,
étatique
que pour
sancepolitiquequi ne I'institutionnalise
investitsubrepticementles moindresrecoinsde
lui déléguerson propre droit de regarddans le
I'espaceprivé, puisque la biopolitiqueconsiste
Le biopouvoirn'est
contrôledescomportements.
précisémentà assurerle contrôle corrélatifdu
physiqueet du mental par I'encadrementdes
donc pas le pouvoir de I'institutionmédicale,
maisau contrairela forme de son instrumentali-
pratiquesintimes.D'où le droit de regardsur la
sation.Et I'on peut dire à la périodecontempo-
s e x u a l i t éq u e d o n n e n t l e s p r e s c r i p t i o n sd e
raine que ce pouvoir d'instrumentalisation
contraceptifsou les autorisationsd'avortement.
concernemoinsI'Etat,que lespuissances
éconoPRATIQ.UES
miquesauxquellesil est contraintde s'affronter, A ce contrôle échappent les formes diffusesde
et par rapportauxquelles,
s'ilne joue passon rôle
jl
de médiateur, devralui-même,dansla logique
gouvernementalité
qui contraignent,disciplinent
et surveillentdans une intentionnon plus poli-
libérale,sefaireinstrumentaliser.
Réclamer
I'intervention de I'Etat, c'est donc paradoxalement
tique mais commerciale,exerçantainsi un véri-
contesterleslogiquesdu biopouvoir.
la moindre forme de rétrocontrôle.C'est ainsi
désormaisaux compagniesd'assurancequ'est
Lesdeux représentationsdu politique
dévolule rôledécisionnel
de savoirqui, selonl'état
Une telle logique nous oblige à assumerdeux
de ses artères,son rapport poids-tailleou ses
représentations
du politiqueissuesde la réalité
de son devenir libéral : I'une dans laquelleun
récentsséjourshospitaliers,
seraen droit d'acheter
un appartementou d'envisagerune activitécom-
Etat,passéde la souveraineté
à la gouvernemen-
merciale.De même que crestaux laboratoires
talité, s'inscritcomme instrumentd'un biopou-
pharmaceutiques
de déciderquelssujetsmérite-
voir lui-mêmecontraintpar des logiquesécono-
table biopouvoirsansque puisses'exercersur elles
miques de profit qui assujettissentde façon
ront qu'on produisele médicamentdont ils ont
besoin,en fonction de la solvabilitéde leur pays
diffuseune population; l'autredans laquelleun
d'appartenance.
Etat,représentant
d'une communautésociale,a
le devoird'assumerla défensedes intérêtsd'un
A ce staded'omniprésence
des biopouvoirséconomiques, le pouvoir politique ne peut plus
ensemblede sulets constituésen peuple, en
apparaîtreque comme complice ou comme
régulantdes logiqueséconomiquessusceptibles recours.Maison peut en dire autantdu pouvoir
de contredire son intérêt. Dans la seconde
médicallui-même.C'esten effet dans la mesure
logique,la reconnaissance
d'un pouvoir régula-
où il est détenteurd'un savoir,et de ce fait d'un
teur de I'Etatest nécessaire
dans les stratégies
pouvoiret d'uneforme d'expertise,
qu'il doit être
mis en demeurenon pas de renoncerà ce pou-
d'affrontementaux diffusionsdu biooouvoir.
C'est du caractèreimplicite de cette double
logique,que PhilippeMangeottire le paradoxe
d'un comportementcorrélativement
" défiantvis
à vis de I'Etatet lui demandantsanscessedes
comptes>.
Autrementdit, il est bien nécessaire,
à un moment
voir nécessaire,
mais de choisirson camp. Dans
un ouvrage récemment paru, lean-Paul
analysantle comportementde I'instiCaudillière,
tution médicalefrançaiseface à I'irruptiondes
biotechnologies
dans les annéesd'après-guerre,
dressaitce très simple constat : o Les cliniciens
ou à un autre,d'assumerpolitiquementune forme
de " gouvernement
descorps> pour n'avoirpasà
en subir subrepticement
les effetséconomiques.
pour
Et,
cela, nécessaire
d'en finir avec I'appella-
françaisn'ont jamaisjugé que cette méfiance(à
l'égardde l'industriepharmaceutique)
imposait
> pour revention dégradanted'" Etat-providence
développerune administrationspécialisée
dans
pour
l'évaluationdes thérapies,
officialiserdes
diquer celle d'Etat responsable.Ce n'est en effet
en rien une position( providentielle", avectout
ce que ce termeconnotede religieuxet d'infanti-
une allianceavecI'Etatafin de contrôleret réguler I'industrie.lls n'ont jamaislivré bataillepour
procéduresd'enregistrement
et normaliserdes
procédures
d'essai.> (3)
lisant dans son sens protecteur,que celle qui
consisteà répondredevant des citoyensdu mandat pour lequelon a été déléguéet d'un cahier
C'estcettedémissionde I'institutionmédicaleface
aux formesdu biopouvoirqu'ils'agitprécisément,
des chargesqu'on a le devoir de respecter.Mais
précisément,ce nrestque sous contrôle citoyen
qu'ilspourrontse
cher.Etc'està ce prix seulement
que peut s'exercerun tel gouvernement.
reconnaîtreun pouvoir légitime.
PRATIQ*UES
pour lesmédecinseux-mêmes,de tenter d'empê-
En ce sens,si le pouvoir médicalpeut s'avérer
nécessaireà la défensede la vie, il ne l'est pas
pouvoirs.C'est-à-dire,
d'abord, des dispositifsde
contre-pouvoir.
moins à la défense d'un espace politique, et
d'une réappropriationde la santé dans une
logique de responsabilité
citoyenne.Mais cela
supposeévidemment,entre professionnels
et
usagers des systèmesde soin, comme entre
suietset institutions,un authentiquepartagedes
1. Dir. Didier Fassinet DominiqueMemmi, Legouver2004.
nementdescorsa EHESS,
2. Ed.du Seuil.
Lo
3. fean-PaufCaudillière,lnventer la biomédecine.
Fronce,l'Amériqueet lo production des savoirs du vivont
(1945-1965),La découverte,2002.
Décider de son pouvoir
sur la maladie
Tahara du diabète.ll le sait depuislongtemps,
mais ne s'en occupeque lorsquele médecindu
déséquilibredure longtemps,et l'on craint des
complications.Le pouvoir des traitementset des
| ' 1 a r t i n eL a l a n d e
travail lui interdit de monter sur les toits (il est
conseilsest faible face à la vie qui est dure et le
destin inluste.Mais un jour, alors que le senti-
Médecingénéroliste
couvreur).ll vient consulter,on proposeun traitement : conseils alimentaires,médicaments
actifs et activité physique(non acrobatique),et
un bilan (le cæur, le rein, les yeux, les pieds, la
peau et les vaccins).ll repèreque la marchefait
baisserle taux de sucre,l'énervementl'augmente, et prendrelescompriméssansmangerentraîne des malaises.ll trouve que le diabèteest une
ment d'impuissancedomine, et que l'on se
résigneà l'accompagnerdans l'attentede nouveauxsymptômes,lesglycémiesdeviennentparfaites, on peut même diminuer le traitement.
Que s'est-ilpassé? On ne le saurajamais.Celane
va pas mieuxdansla vie ni à la maison,maisil a
faut dire qu'il y a desproblèmesà la maison,trois
décidéde reprendrele pouvoirsur sa maladie.ll
ne délègueplusau médecinque ce qui est nor"
mal " : les ordonnances,le rythme du suivi,les
Le pouvoir du
relationsavec les spécialistes...
médecin n'est rien sanscelui du patient, il n'est
enfantsen basâge et maintenantle chômage.Le
que de le soutenir...
maladie sournoise, irréelle et encombrante. ll
perd son carnetde surveillance,
vient faire sa glycémieau cabinet.Elleest toujourstrès élevée,il
PRATIQ-UES
La spiroïde du tibia
Sylvie Lagabrielle- luriste
ve d'un passérévolu. Que prennent quelques
mots ? Un peu de temps,maisce temps là, pour
C'était il y a 15 ans. Leshasardsd'un rapatrie-
l'avoirgoûté,n'estpas perdu.
ment sanitairem'avaientamenéedans ce service
où j'avaisattendu des heuresdans un couloir
Un joli pied de nez
qu'on veuillebien s'apercevoir
de ma présence.
Finalement,
on m'avaitrouléejusqu'àcettepièce
Catherinefung - Médecin généraliste
Quandle pouvoirne s'appuieplussurun savoirou
sombre où celui-ci,sansse présenterni même
dire bonjour,s'étaitemparéde mes radiospour
une expérience,maissur ce que le médecinimagine que le patientdevraitfairepour sasanté,qu'il
s'écrier: " Mais ça ne se fait plus ces fractures
là ! ". J'aigrincéque j'avaistoujoursété une fille
porte un jugementsur leshabitudesde vie, alorsil
plutôt classiquemais,qu'aprèstout, il n'était pas
excluque je relanceune mode.L'ironieétaittom-
lulie, 20 ans,est assezenveloppée.Ellea vu un
gynécologue,car elle a des règlesirrégulières
et
grossesse
tarde
voudraitêtre enceinte,maiscette
bée dans un vide sidéralet peu après,je reloignaismon couloir.
Un peu plus tard, une autre blouseblancheme
voitura jusqu'à ma chambre après m'avoir
n'estpluslégitime,il estabusifet dangereux.
à venir.Le gynécologuen'a pastrouvéd'anomaliesmajeures,
alorsà bout d'arguments,il lui a dit
qu'il fallaitd'abordmaigrir.Leton a peut-êtreété
demandé: * C'est bien vous la spiro'rdedu
tibia ? ". C'est ainsique ma dépersonnalisation
commenç4.
Jefus également,ensuite,< ça > et " elle ". Jeme
risquaisparfois à un o ça ne cicatrisepas très
vite " mais " elle va pas trop mal quand
même >, boutadesqui n'étaientpas relevées.
Le
un peu condescendant.
Julies'estsentiehumiliée.
Aujourd'hui,elle est en larmes.le saisles efforts
qu'elle a fait pour essayerde perdre quelques
chef de service, qui venait parader devant
ne qu'il reçoit.
moi, n'avaitque fairede cette pathologiemaussadeau fond de son lit.
Quinzelours plus tard, lulie revientrayonnante.
est positif.Ellelui a fait un loli
Le test de grossesse
Cette indifférenceest un no men's/onddont il est
pied de nez à ce gynécologue: elleétaitencein-
difficilede s'extraire.J'aimeraiscroire qu'elle relè-
te quand ellea consulté.
PRATIQ.'UES
kilos.Ellese sentgrosseet laide.J'essaie
de la rasje
surer,mais n'arrivepasà effacercesparolesqui
qui dit ce
l'ont blessée.
J'enveux à ce spécialiste
pour
qu'il a apprissansaucun respect
la person-
R é s u m é: E n t r e c o r p o r a t i s m e , t r a n s f o r m a t i o n d e p o s t e s e t t r i o m p h e d ' u n e t e c h n o c r a t i e t o u t e
p u i s s a n t e ,q u e l e s p a c e r e s t e r a - t - i l p o u r s o i g n e r l e s m a l a d e s ?
Des pouvoirs
a n en plus savorr
\)to
Lesabusde pouvoirsont de naturedifférenteet
prennentdes cheminsinéditsdans l'institution
tementsdes acteurs,ainsique sur lesvaleursqui
portaientjusquelà, tant bien que mal, notre mis-
hospitalière.
sion de soignants.Le comblen'est-ilpas que ces
Je veux parler des nouveauxpouvoirs transversaux: hygiénisme,sécuritarisme, changements,
dont chacunpeut mesurerà quel
juridismeet autresbarbarismes
biotechnolibéra- point ils nous déshumanisent,
s'effectuentsous
listesqui justifientl'absurditéde certainespraprétexted'évolutiond'unedemandedesusagers
?
tiqueset leur coût, quelsque soientleurseffets
(ou non effet).Le pouvoirde la technologie,de
l'informatiqueet sa normativitéécrasante,sa
Médecinssansmédecine
Pourquoi,quandon parlede l'hôpital2007 et de
chronophagie,
induisentsansle dire des change-
sa nouvellegouvernance,
ai-jele sentimentdou-
mentsprofondsdanslespratiqueset conceptions
du soin.Le pouvoirtotalitairede la magie médi-
blé de malaisequ'on parle d'une situationdélà
bien ancréedans le paysagehospitalierque je
cale,sa mainmisesur les contenuset idéologies
supporteau quotidien? Pourquoi,s'il ne s'agit
encore que d'un projet, toutes les dispositions
de formation des infirmièreset des médecins,
a i n s iq u e s u r l e sl o b b i e sd e s u s a g e res n c o l l u s i o n
avec elle, associéaux pressionsde l'industrie
pharmaceutique
rend bien dérisoires
leslamenta-
Anne Perraut
loliveres
Cadresupérieurinfirmier
de nuit, chercheuren sciences
de l'éducation
sont-elles
prisespour que la miseen placesefasse
tionsdes infirmières
et alimententleur incaoacité
presquesansqu'on s'enaperçoive? A l'issued'un
colloquesur Hôpital2OO7et aprèsun débat au
j'ai
saloninfirmiersurcettenouvellegouvernance,
à faire front.
au moinsacquisune certitude: le mal estfait. En
effet, si l'on entend les questionslégitimesdes
Le retour du corporatisme
Difficile
d'aborderla questiondu pouvoirà l'æuvre
dans l'institutiontant il est à l'évidencele nceud
gordiendans lequelse nichenttouteslescontradictionset sur lequelse réactivent
" en toute légitimité " lescorporatismes
lesplusdurs.Sanocivité
cadresde la professioninfirmière,cette réformea
pour objetde redonneraux médecinsune partdu
pouvoirqu'ilsavaientperduau profitdesgestionnairesà conditionqu'ilsfassentallégeance
au dieu
ANAES(1). Ce qui leurestproposéaujourd'huiau
tienten particulier
dansle décalage
de plusen plus
traversde la miseen pôle n'est ni plus ni moins
qu'un rôle administratifet gestionnaire
dont les
sournoisentre lesdiscoursdes décideurset la réa-
contraintessont énormeset auquelils n'ont pas
lité sur le terrainqui ne cessede se dégrader.Les
effets dévastateursde cette dissociationsur les
été formés.Outre ou'il leur faudrarenoncerà la
pratiquede la médecine,puisqu'ilsdirigerontà
idéologies,qui sous-tendentles changements
tempspleindesgroupements
conséquents
de ser-
structurelsen cours, s'observentà différents
vices,il leurfaudradevenirdes chefsd'entreprise
niveauxet influentinsidieusement
surlescompor-
avectouslesrisques
attachésà l'exercice,
d'autant
IRATIQUES
Le savoirde la nuit
Anne PerroutSoliveres
Poris,PUF,2002
qu'ils devront faire cohabiter,selon les choix
dence,aucun servicehospitalierne sauraittour-
locaux, des intérêtsparfoistout à fait contradictoires (médecine, chirurgie, rééducation,soins
ner sanseux, des soignantset de leur placedans
l'institutionil n'estmême pasquestiondanscette
palliatifs)ainsi que des personnesdont l'ego
énièmeréforme,commes'il allaitde soit qu'ilsse
glisseront
sansdiscussion
dansla casequi leurest
risquefort de mettre à mal la difficileentreprise
(qui pour le coup . connaîtrala crise"...;.
destinée.Entregestionde la pénurie,application
des protocoles,obligationssécuritaires
de tout
Des absencesremarquables
poil qui relèguentloin en amont le sensde leur
Inutilede dire que nous nouséloignonstoujours
missionau profit d'une distributionde soin dans
davantagede la préoccupation
et de l'intérêtdu
jamais
questionà quelque
citoyen,dont il n'est
le paysagedévastéde l'hôpital, les infirmières
baissentde plusen plusleursbrasrebutésde por-
niveaude décisionque ce soit, bien qu'il soit le
prétexte muet à d'étonnantesdispositions(c'est
ter des patientsqui continuentà demanderles
mêmessoins,la même attention,voire pour cer-
< pour son bien qu'on a dévoyéle conceptde
"
continuitédes soins en découpantà l'envi ses
tains,commencentà lesexiger.
organes,sesfonctionset sesséjours...et qu'on
La perte du pouvoir symbolique
rend de plus en plus mobilesles soignantsqui
Ce nouvelétat n'est pasétrangerà la désaffection
valsentd'un serviceà l'autreau hasarddes plan-
pour un métierbasésurle don, qui
desinfirmières
ningssousprétextede polyvalence...
ne peut donc s'exercer
sansune relativeconfiance, et qui n'ont pasété préparéesà cesexigences
llencadrementinfirmier en question
nouvelles
des oatients.Ainsi,au lieude faires'ou-
Cette gestionà courte vue a pour effet d'obnubi-
vrir lesconsciences
versune considérasoignantes
ler les cadressoignantssur leur place perdue,
puisquel'organisation
en pôles redistribuantles
tion pluséthiquede l'accueilet dessoinsaux personnes,l'informationdes patientssur leursdroits
pouvoirsentre administrationet médecinene
provoqueau contrairele repli des infirmièressur
laisseplus aucunespaceà la hiérarchieinfirmière
un sentimentde frustrationd'un pouvoirqui tirait
qui était déjà assezmal assise.Quant aux infirmières,ellesne se sententpas souventreprésen-
sa légitimitéde l'abandonde la maîtrisepar les
patients.Ces questionsn'étant iamaisabordées,
qui, selonlespersonnes, les infirmièresrestent avec le sentiment tenace
téespar cettehiérarchie,
est plus souventen collusionavec l'administra- d'être lesvictimesdu changementquel qu'il soit.
tion qu'à l'écoutede la basesoignante.La question du malaisedes cadres infirmiersest, par
hiéconséquent,
à l'aunede leur positionnement
rarchiquedéjà très problématique,
entre pouvoir
médicalet pouvoir administratif,tentant de se
frayer une place qui leur permette de rendre
le dirai pour ma part qu'ellespensentavoir perdr,
ce pouvoirsymboliquedont ellesusaientsansen
avoir conscienceet que, devantla difficultéd'être
elles
confrontées
à des demandesplus explicites,
ont tendanceà jeter le bébé avec l'eau du bain.
Pour ajouter encore au sentiment de perte, au
visibleune professioninfirmièreen mal de légiti-
nom de la pénurie,ce sont despansentiersde la
mité. Pource faire,c'estune certainevisionde la
philosophie
soignantequi s'évanouissent
au profit
professionqui s'est dessinée,dans laquellefort
de théoriesfumeuseset surtout managériales
peu de soignantesse reconnaissent.
A tenter de
totalement décaléesdans cet universoù la souffrancedomine.Ainsipasde contre-pouvoirà l'ho-
montrer les aspectsthéoriquesles plus valorisants,ellesont perdul'occasionde fairevaloirles
aspectsmoinsvisibleset cependantlesplussatisfaisantsde l'exerciceau quotidien.Car,si à l'éviPRATIQUES
rizon2007,sinonpar l'absence...
1. AgenceNationaled'Accréditation
et d'Evaluation
en
Santé.
Les prescnptrons
OO
mode d'emploi
Une prescriptionkiné mode d'emploi, c'est une
o r d o n n a n c eq u i d i c t e a u k i n é c e q u ' i l d o i t f a i r e
au coursde la séancede rééducation.Qu'est-ce
qui se passedans la tête des patientsqui arriv e n t a u c a b i n e td u k i n é a v e c u n e o r d o n n a n c e
marche pas, retournezvoir votre médecin,je ne
le connaispas,j'ai bien essayéde lui parler,mais
tylvie limon
il est très occupéet en plusavectoutescesdécisionsà prendretout seuldansson cabinet.
je vois de moins en moins de
Heureusement,
Kinésithéropeute
m o d e d ' e m p l o i ? Q u ' e s t - c eq u e c e s p a t i e n t s - l à prescription
mode d'emploi,j'ai la chancede traattendentde la rééducation?
vailleravecdes médecinsrespectueux
des autres
professionnels
J'aile souvenird'un patientdansmesdébutsprode santéet, par la même soucieux
fessionnels,
il était mécontentparce que j'avais de leurspatients,maisj'ai lu, il y a encorepeu de
un peu de retard,alorsque je m'étaisexcusée,il
temps, une lettrequ'une patientem'a montrée.
est entrédans le cabinet,tout en m'engueulant,
s'estdéshabilléet s'estallongésur la table pour
que je lui massele dos. Biensûr,je lui ai demandé de se rhabiller,il est parti très fâché en m'assurant< qu'il allaitse plaindreà mon supérieur
",
son médecin.Biensûr,il s'agissait
d'une personne mal éduquée,mais je me souviensque son
ordonnance était une prescription mode
d'emploi.
Cespatients-làne viennentpas pour apprendre,
Elleétait adressée
à son chirurgien,sa rhumatologuelui demandaitson avissur la rééducation
et
sur leschancesde récupération.
Encoreune fois,
les kinésn'ont pas d'avisà donner sur la rééducation, pas de recul sur lestraitements,pas d'expérience.Cette patiente,je la connaisbien, j'ai
donc acceptéde l'aiderpour sa rééducation,
mais
à condition,et elle était d'accordavecmoi, que
je ne suivepas la prescriptionmode d'emploide
la rhumatologue.
maisilss'essaient
à exercerun pouvoirinsidieuse- fe me plaisà rêverqu'un jour, médecinet kiné se
ment suggéré le médecina dit que vousdevez téléphoneront, se rencontreront de temps en
"
me faire 10 minutesd'ultrasonso. lci on vient
tempspour discuterensembledu pourquoiet du
achetersa marchandise,
on n'estplusdansle lien,
comment de l'indication en kinésithérapie,des
n i d ' a i l l e u rdsa n sl e s o i n .
antécédents
despatientset commentlesmotiverà
Remarque,il suffit de suivre la prescription,un
peu de massageun peu de physiothérapie,merci
mieux se soigner.Biensûr,ce ne serapas possible
Madame,à bientôt, si ce médicamentkiné ne
systématiquementil faudraattendrela révolution
maisce seraitbien, ça redonneraitde la dignité.
PRATIQ-UES
Pouvoirs masquês
,
Patrice l'|uller
Médecingénéroliste
ll y a lespouvoirsvisibles
qui façonnentnotre
médecine.ll en est ainsides corpsconstitués
de notre démocratie; l'exécutif,le législatif
qui, pousséspar le vent fort du libéralisme,
sonten trainde fairebasculer
par voie législative (cf. la loi portant réformede l'Assurance
maladie)ou technico-administrative
(le dossier
médicalpersonnel)l'assise
de notre système
de santédu servicepublicversla logiquecommercialeoù seulesles personnessolvables,
jeunes et peu malades,y trouveront leur
compte.Lejudiciaire,
lui,de plusen pluspénaliselesdifférentsqui opposentusagers
et soignants,fautede procédures
contradictoires
où
les comportements
collectifs,structurels,
des
unset desautrespourraientêtre misen question. Cettemontéeen puissance
de la justice
pénalecontribueà créer un climat délétère
dansl'esoace
du soin.
Tentonsquelqueséclairages
du côté d'autres
pouvoirsbeaucoupplus discretsqui ont, de
plus, la particularitéde ne s'accompagner
d'aucundiscourspour lesporter.
La technologiemédicale,entre fascination
et fulguration
La plupartdes nouvelles
imageriesmédicales
se sont imposées
aux deux acteursprincipaux
que sont le patientet le médecinavanttoute
évaluationraisonnée
de leursutilisations.
Qui
plusest,ellesont renduobsolètes
bon nombre
de savoirs
cliniques
patiemmentrecueillis,
enrichiset transmispar desgénérations
de médecins.A quoi bon savoirausculter
finementun
soufflecardiaquesi une échographiedonne
des renseignements
bien plus précissur la
natureet l'importance
de la valvulopathie
suspectée.Lescardiologues
les plus à la pointe
P R A T t q u ES
aujourd'huiavouentavoirperdutotalementla
pratiquede cessavoirs
qui ont étéen
cliniques,
quelquesorte incorporéset amplifiéspar la
machine.Les métiersdu soin qui reposent
essentiellement
surla clinique(l'utilisation
des
cinqsens)ont du soucià sefairepourla pérennitéde leurmétier,tant le champde cesgestes
cliniques
a tendanceà se rétrécir.L'adaptation
professionnelle
devant cette montée inexorable des pouvoirsde la machinepourrait
cependantparfaitements'imaginer,à condition d'une évolutiondes règlesprofessionnelles: un jour probableviendra où les
groupesde médecinsgénéralistes,
organisés
pourassurer
la médecinede premièreligne,se
formerontet s'équiperont
dansleurscabinets
médicauxd'appareilséchographiques
ou de
mini-laboratoires
sanguins pour pouvoir
dépasserles limitesde leur pouvoirclinique,
sanspasserla main,ce que ne verrontpasforcémentd'un bon æil lesdirecteurs
deslaboratoiresd'analyses
médicales
ou la corporation
des échographistes
sur le marchéde l'offre
libéralede soins.
Lespouvoirsqui figent pour le seulentretien
de leurassise
économique,
par peurde disparaître.Un soignant,unestructure
de soinspeupar toutessortesde désirsde
vent êtrepoussés
changement,
saufsi celui-ciin fine revientà
scierla brancheéconomiquesur laquellela
structureou le professionnel
est assis.C'est
ainsique le paiementà l'actecuratifdu médecin généraliste
représente
une logiqueéconomiquestrictementopposéeà toute actionde
préventionbien conduite,qui aboutiraità
terme à diminuerle nombred'actescuratifs
dudit médecinet donc, par voie de consé-
quence,le niveaude ses revenus.De quoi
profesrefroidir beaucoupd'enthousiasmes
pour s'attaquer
le plusen amontpossionnels
sible" auxvraiescauses
desmaladies Saufsi
".
politiquearrivaità substituer
une intelligence
à
ce manqueà gagnerdu côté du curatifun
revenuau moinségal(supérieur
seraitencore
plus astucieuxpour amorcerla pompe du
professionnel),
changement
rétribuantlesactivitésde santépublique.De la mêmefaçon,le
directeurd'hôpitalou le médecinchefde serviceferonttout (lestriturations
de la codification desactessontun sporttrèsimportantpratiqué danstous lesétablissements
hospitaliers
qu'ilssoientpublicsou privés)pour se préva- '
loir d'un coefficientd'occupationdes lits le
plusimportantpossible,
avecdes maladesles
plus lourds possibles
du point de vue de
"
"
leurcotationfinancière
pourobtenirde la part
du financeurle maximumd'argentpourfinancer la structurede soins.Chacunde cesétablissements
de soinestobjectivement
dansdes
stratégies,
non dites,de concurrence
l'un par
rapportà l'autrepour < fairedu malade afin
"
de tirerle maximumde lait de la mèrenourricière(devenuede moinsen moinsprodigue)
qu'estl'Assurance
maladieet qui ne saitpayer
qu'enaveugle.
Le pouvoirde la hiérarchie
Lesrapportsdes soignantsayantà collaborer
pour la priseen charged'un maladedonné
devraientpouvoirsefairesansaucunearrièrepenséede hiérarchie
professionnelle.
Ce type
de rapportshorizontauxhautementsouhaitablepour la qualitédessoins,où chacuns'exprime et argumentelibrement,voire critique
l'autredansune démarcheconstructive,
reste
exceptionnel.Les rapportsentre soignants
sont plombéspar des rapportshiérarchiques
bienréels,intrinsèquement
liésà desrèglesdu
jeu professionnelles
intériorisés
et
danslespratiquesquotidiennes.
Dansl'exercice
libéral,de
professionnels
nombreux
paramédicaux
sont
de fait sousla dépendance
économiquedes
qui prescrivent
médecins
lesactesdont ilssont
les exécutants
et dont ils vivent,ce qui rend
impossibletout rapport d'égal à égal lors
d'unepriseen chargecoordonnée
d'un même
malade. Dans un Centre Hospitalier
Universitaire,
c'estselonle seulbon vouloirdu
prince
chef
du service,que l'interneen
"
"
pourraou
médecinedudit servicehospitalier
non poursuivresa carrièrehospitalière,
en y
étant acceptépour poursuivre
son clinicatet
prétendreainsi à une carrièrehospitalière
pérenne.ll devientimpossible
pour ce médejoue un rôle
qui
fort
cin, déjà
expérimenté,
et
pivot dans le soin du maladehospitalisé,
de
ruerdanslesbrancards.
lJargent,remèdede la frustration
Beaucoup
de médecins
libérauxtombentrapidementsousla coupede l'argent.Destraites
de l'empruntfait à une banquepours'installer,
un loyerà payer,unefamilleà nourrir,unecertaineidéedu prestigede la profession
et voilà
notre médecin commençantà compter le
nombred'actesqu'il auraà fairedanssajournéepourrembourser
toussesfraisde fonctionnementavantmêmede pouvoirs'acheterun
sandwichpourmanger.Dèslors,plusou moins
insidieusement,
il devientmoinsexigeantvis-àvisdespatientsou de lui-même: il accepteles
actes courts, multiplie les reconvocations
de
qualité
malades
au détrimentde la
dessoinset
de l'estimede soi. La journéedu médecin
devientde la sortepeu gratifianteet la seule
compensation
serade gagnerde l'argentpour
o se réaliser
r en dehorsde la médecine.
Touscespouvoirset d'autresencoreagissent
sansannoncerla couleur.lls influentpourtant
fortementle façonnagedes soinsque nous
sommesamenésà prodigueret nécessitent
d'êtreprisen considération
par tous ceuxqui
se battentcontrele rouleaucompresseur
libépour améliorerla
ral et font des propositions
qualitédessoins.
PRATIQTUES
ll
Publicité
et
,ène du pouvoir
I
(hristine Porcher
Sociologue
. Du senset de la simplicité (1). Tel est le slo"
gan de la campagnepublicitaire
d'une entreprise
La publicité télé " 3D " est une succession
d'imageséchographiques
d'un fætusqui défilent
é l e c t r o n i q u eq u i d é f i l e a c t u e l l e m e n st u r n o s
pendantquelquessecondes,
sur un fond musical
écransde télévision
et couvrede pleinespagesde
nos magazines.
Aux côtésd'un téléviseur
à vision
évoquantune berceuse.
Apparaissent
ensuite,en
caractèresblancs sur fond noir, l'argument o
périphérique,
d'un lecteurDVD-Rqui peut enre-
Parceque les enfantsne naissentpas en deux
gistrer 130 heuresde programmesou encore
d'une brosseà dents qui possèdeun
" sonic
>,
power on nousdévoiledes imagesd'échographie en troisdimensions,
et on nousinformeque
dimensions", puis une photographiede l'appareil 3D (qui sembleempruntépour l'occasionà
les médecinspeuvent désormaisobtenir d'un
site de la firme précisentque " leséchographies
sont désormaisplusvraiesque nature" et que <
lessouvenirs
commencentmaintenantplustôt ,,,
. premiersourire: - 3 mois o (nousdécouvrons
s c a n n e rl e s i m a g e s d o n t i l s o n t b e s o i n e n
quelquessecondes.
Cesfilms ont respectivement
pour titres< 3D > et < Patient Lediscourspubli".
c i t a i r e n ' e s t p l u s s e u l e m e n ti n s t i t u t i o n n e li,l
une scènede La guerre des étoiles).Le visuel
presseet l'animationnumériqueprésentée
sur le
alorsson plus beau rictus).On croiraitvoir dans
touchedésormais
aussile grand public: lestech-
certainesde ces séquences,prisesindividuelle-
niquesd'imageriemédicaledeviennentdes produits de consommationcourante! En bref, les
ment, des représentations
de ciresanatomiques
Q u a n t a u o p a t i e n t" , i l é v o l u ed a n su n u n i v e r s
m é d i c a l c a r i c a t u r a lt o t a l e m e n t a s e o t i s é .L e
avantagesde la haute technologiesont d'une
telleévidenceaujourd'huique tout le mondedoit
" t i c - t a c " i n c e s s a ndt e l a b a n d e s o n a c c o m en bénéficier...
Pourquoicontinuerà se satisfaire p a g n eu n b r a n c a r de t s o n h ô t e j u s q u ' àl a f i n d e
de clichésd'échographie
flousen noir et blancet
l ' e x a m e n ,s y m b o l i s a n tl ' u r g e n c ed e l a s i t u a accepterde passerplus de tempsque nécessaire t i o n . L e p e t i t é c r a n s e d i v i s ee n d e u x : d ' u n
dansun angoissant
tunnelde scanner?
c ô t é , l ' i m a g e d u s c a n n e r e n g l o u t i s s a n lte
La surprisedéclenchéepar ces images plutôt
p a t i e n t ; d e l ' a u t r e ,s o u s l e r e g a r d s e r e i nd u
inhabituelles
cède rapidementsa placeau ques- cobaye,la reconstitutionnumériqueprogressit i o n n e m e n t : d a n s q u e l l e m e s u r e l ' e x i g e n c e v e d e s o n a n a t o m i e g r â c e a u b a l a y a g ep a r
d'une compétencetechniquesuscitéepar une
r a y o n sX . D a n sl e d é c o r b l a n cs e d é t a c h e n st u r
l o g i q u e c o m m e r c i a l ep e u t - e l l e c o n f é r e r a u
f o n d n o i r l e s o r g a n e s c o l o r é sd ' u n é c o r c h é
patient l'illusiond'un pouvoir sur la profession n u m é r i s éL. a s c è n ea d e s a l l u r e sd e s c i e n c e - f i c médicale?
t i o n . U n e v o i x o f f c o m m e n t e( 2 ) : " D a n su n e
ll s'agitici de livrer, à chaud quelquespistes
"
",
de réflexionouant à la distributiondes oouvoirs
v o i r , p l u sv i t e i l p e u t a g i r .L e s c a n n e rC T d o n n e
entredifférentsacteursde la scènemédicale.
u n e i m a g e d é t a i l l é ed u p a t i e n t e n q u e l q u e s
PRATIQUES
s i t u a t i o nd ' u r g e n c e ,p l u s v i t e l e m é d e c i np e u t
s e c o n d e se
, t n o n p a s e n q u e l q u e sm i n u t e s .
Cagner du temps sauve des vies ,,... . en
a p p u y a n ts u r u n b o u t o n " .
Sur son site Internet la firme explique pourquoi
avoir choisile thème de la simplicité: " La révolution numériqueest censéenous simplifierla vie,
maisdes étudesont montré que ce n'était pas le
cas.Parexemple,prèsde 30 o/odes produitspour
photos de famille. Le scannerprend ensuite le
relais. La technique permet à la médecine de
prendresoin de son < patient de vérifiersi tout
",
est < normal Et ainsijusqu'auderniersoupir.
".
Ce discourspublicitaires'inscritdans un processusde médicalisation
de la société,une médicalisationdu corps sain, non du corps malade.La
pathologie,la souffrance,l'angoissesont exclues
le réseaudomestiquesont retouméspar dls utilisateursqui n'aniventpas à lesfairefonctionner.[...]
de cette lecturedu corps. La parole disparaîtau
profit des imageset des chiffres.Le corpsvécu est
Nousavonsprisconscience
de simde la nécessité
mis à distancepar la représentationd'un corps
plifierla technologieet noustravaillonsen ce sens.
objectivé par une technique toute-puissante.
[...] Notre marque affirmeque la simplicitépeut
être une finalitéde la technologieet peut lui donner tout son sens.> Soit.
Maispasn'importelaquelle! Seulela technologie
Mais s'agissantde techniquesd'imageriemédi-
enfouisdu corps humain. Danscette orchestra-
cale,lesargumentsdu discourspublicitairepeu-
tion de la technologie,le médecin n'occupe
vent-ilsfaire autorité ? Fairevaloir la simplicité
qu'un rôle de secondplan. Acteuranonyme,sa
technologiqueau nom d'une efficacitédiagnostique n'est-cepas mettre en questionla compé-
compétenceest soumiseau contrôlesocial.
tence techniquedu praticien? C'est également
même stratégieque certainespublicitésconsa-
donner au spectateurconsommateurpotentiel
créesà descosmétiquesou à des produitslaitiers,
d'examenscomplémentairesune légitimité de
prescripteur.
il s'agit de persuaderdu caractèreindispensable
de cesmachinessophistiquées
voire,de manière
C'est un fait : les absentsont toujours tort. Les
sous-entendue,
du risquemortel auquel on s'ex-
médecinsn'ont pas été conviésà ce show média-
pose avec des techniques plus anciennes(3).
tique. Parcequ'il n'est pas questionici de médecins, mais de médecine.Parcequ'en esthétisant
Soyonsclair,il n'est pasquestionici de mettre en
causela compétencedes ingénieursni la qualité
la plus récente,dernier cri, détient le pouvoir de
révéler en toute quiétude les secrets les plus
Souscouvert d'argumentsscientifiques,selon la
ainsilescorpsque l'on donne à voir,tant dansleur
ou
traitementgraphiqueque dansleur miseen scène,
Seulement,tenter d'élever le patient au rang
on inscritle corps dans une extérioritémédicale.
d'expert et l'investir d'un pouvoir de décision
On confieà la techniquemédicalele soin de réali-
quant au choix de telle ou telle marque,de sur-
l'efficacité des techniques d'imagerie.
ser une image de l'enfant à naître bien avant sa
croît en dehorsde tout contextemédicalréaliste,
venueau monde,ce n'estpasune nouveauté;les
sembleen contradictionavecun discourscentré
futurs parentspeuvent aujourd'huiconserverun
enregistrementvidéo des mouvementsdu fcetus
sur l'efficacitémédicale. Depuis longtemps les
radiologuesne sont plus considéréscomme des
observéspendantquelquesminutes.La médecine,
photographes.Lesexperts,ce sont eux.
plusencoregrâceà l'échographietroisdimensions
plusvraieque nature>, fait existervirtuellement
"
le futur enfant en dépossédant
en quelquesortela
mère de son fætus. lmage qui va, socialement,
susciterémotion et émerveillement.Le but n'est
passeulementesthétique,précisela publicité,tout
en offrantla premièreplaceau fætus dansl'album
l. " Senseand simplicity", slogande la campagne
publicitairemondiale,presseet W, de la marque.
2. Traductionde l'auteurà partir de la versionanglaise.
3. " Gagnerdu tempssauvedesvies", dit la publicité
" oatient".
P R A T I q U E S 33
Résumé : Après la mainmise du corps médical sur la santé, voici le règne des iuges. Les
c o n s é q u e n c e ss u r l a r e l a t i o n d e s o i n s o n t p r o f o n d e s .
TT
o
o
o
Une Justrce çlur aveugle
A n n e - l " l a r i eP a b o i s
Médecin generoliste
Dépossédés
de leur santé,lesconsommateurs
de
s o i n s f o n t v a l o i r l e u r s d r o i t s i n d i v i d u e l se n
c o n s o m m a ndt u j u d i c i a i r em, é d i c a l i s a t i oe nt j u d i -
I
patient dont la signaturedéresponsabilisera
le
médecin (mais remplacerla non information
faites-moiconfiance" oar l'étouffementne
"
prouvepasque le patienta comprislesbénéfices
ciarisation
de la sociétéobligent.L'irruptiond'un
troisièmepersonnage,le juge, dans la relation
et lesrisquesencourus).Contraires
au secretpro-
duelle médecin-malade,
altère l'essencemême
fessionnel
et au sermentd'Hippocrate: la présen-
d u s o i n ,a l o r sq u e l a l o g i q u ei n q u i s i t o r i a ldee s
juridictions ordinaire et ordinale empêche
"
"
"
"
l ' u t i l i s a t i odnu s a v o i lru r i d i q u ee n v u e d ' u n ea m é liorationdes pratiquesmédicalescollectives.
Le
ce d'un témoin lors de la consultationde oersonnes" sensibles" (enfants,adolescents,
sexe
opposé)par craintede plaintepour attentatà la
pudeur, précautionscontrairesaux besoinsde
consommateuren tire des bénéficesd'ordre
confidentialité
de nosconsultants,
et l'application
financieret moral : il se voit confirmédans ses
d e s o b l i g a t i o n sd e r e c h e r c h e rl ' i d e n t i t é d e s
patientset de dénoncerlesétrangersen situation
droits,la légitimitéde son existenceet son pouvoir de faire passerle médecin sur la balance
irrégulière.
a v e u g l ed ' u n e d o u b l el u r i d i c t i o nP. o u rl e m é d e -
Autre conséquence,
le changementdu rapportà
cin, la prisede conscience
de ce risquepeutdeve-
l'écrit: le tri sélectifappliquéau dossiermédical.
nir envahissante
et la méfianceemooisonnerles
rapportsde confiance: le dialogueestune épreu-
Le dossierpartagéavecle patientne peut contenir des notesqui, si le médecindevaitse présen-
ve de forceentre malade(plaignantpotentiel)et
ter devant une luridiction,seraientconstitutives
de preuvesà sa charge,lesjugeset leursexperts
médecin(accuséperpétuel).
Conséquencepernicieusede la judiciarisation ayantune fâcheusetendanceà interpréterce qu'
croissante
sur la pratiquemédicale: le médecin estécrit,ce qui ne l'estpas,maisdevraitl'être,ce
va donner la priorité,avant même l'élaboration qui l'estet ne devraitpasl'être.
de stratégies
de soin,à l'élaboration
de stratégies A u t o c e n s u r ep e r m a n e n t e ,p r a t i q u e sd e s o i n
d'évitementdes risques: refus de prendre en
c h a r g et o u t m a l a d ep o s a n tu n p r o b l è m eq u e l ( pour se couvrir de listes
conque; prescription
"
interminables d'examens complémentaires
(" j'auraitout fait ") ; éliminationdu mot pro"
bable" ou " douteux" dans l'explicitation
de la
démarchemédicale(le doute n'est pas admis
dans les tribunaux); affluxde protocoleslistant
dégradées,déresponsabilisation,
ouverturemassive de parapluies: le glaivejudiciaireaveugle
tous lesaccidentspotentielsauxquelss'exposele
sationcollectiveau partagedes responsabilités
?
P R A T I Q T UI S
toute la société.Pour instaurerun rapport nouveau entre patientset soignants,chacunacteur
de sa vie et responsable,
suffit-ilde fairecirculer
les informations,partager les pouvoirs,reconnaître les droits, mais aussi les devoirsde
c h a c u n? C o m m e n tp a s s edr e l a d é r e s p o n s a b i l i -
R é s u m é: L ' O r d r e d e s m é d e c i n s e s t t o u j o u r s l à , m e n a ç a n t l e s m é d e c i n s d e p o u r s u i t e s l o r s q u ' i l s
se sentent tenus de faire un signalement pour maltraitance. Les conséquencesdes
c o n d a m n a t i o n sp a r l ' O r d r e p o r t e n t a u s s is u r l ' a c c è sa u x s o i n s .U n e r e f o n t e d e l a l o i s ' i m p o s e :
en cas de maltraitance, alerter les autorités iudiciaires devrait être une obligation assortie
d'une immunité pénale.
Malgré l'Ordre,
proteger et sorgner
-t.O
Les injonctions paralysantesde l'Ordre
Aujourd'hui,alorsque la une desjournauxtélévi-
pendantdeux semainespar une tiercepersonne.
Au mois d'août, à l'occasiond'une .. errance>
Y v e l i n ef r i l a y
sés nous abreuvede cas de maltraitance,des
dans le hall de l'immeuble,l'entourageréussità
l a f a i r e h o s p i t a l i s e rs a n s p a s s e r p a r v o u s .
Médecingénéroliste
médecinssontcondamnésoar l'Ordredesmédede maltraicins quand ils font des signalements
intrafamiliale
envers
des
enfants,
sousprétance
Vousévoquez,bien sûr, alorsun risquede mal-
texte < d'immixtion dans la vie privée". Je fais
partiede ces médecins.J'avaisfait, en urgence,
un signalementauprèsdu juge des affairesfami-
Le Conseilde l'Ordre vous dit " Lorsquevoussuspectez une moltroitonce, faites hospitaliserIa
patiente (sous-entenduelle sera à l'abri des
lialespour protégerune de mes patientesâgée
de douze ans. Ce signalementa été reçu par la
justiceet a abouti à la protectionde l'enfant.
coups), leshospitaliersvousoiderontà confirmerle
diagnosticde moltroitonce, (maissorti du milieu,
Mais,à la demandede la personnemiseen cause
traitance.
peut-on l'établir ?). Vous respirezdonc, c'est
pour maltraitance,l'Ordre des médecins m'a
l'hôpitalavecson assistante
socialequi va le faire,
jours
quatre
mais
aprèsle début de l'hospitalisa-
condamnéeà un mois d'interdictiond'exercice
(dont quinzejours avecsursis).Un appel auprès
tion, aucune mesurede sauvegardede justice
n'estenvisagée,
l'entouragen'estpasvenuvoir la
du Conseild'Etatest en cours.
patiente.Pendantce temps,lesbiensmobilierset
Depuis,c'est devenuun véritabledilemme que
l'argent peuventêtre spoliés.Sollicitéeet infor-
de procéderà une demandede sauvegarde
de
justice(1). Comment protégerune patienteque
je connaisdepuisde nombreuses
années,devant
mée par un membre de l'entourage,l'article44
et
une suspicionde maltraitancepsychologique
du Codede déontologievousautoriseà signaler:
qu'une personne
" Lorsqu'un médecin discerne
auprèsde loquelleil est oppeléest victimede sévices
de négligence? Faireou ne pasfaire,celarevient
encoreune fois à une immixtiondans la vie pri-
ou de privotions,il doit mettre en æuvrelesmoyens
lesplus odéquotspour lo protégeren foisontpreuve
vée, puisquel'auteurprésuméde la maltraitance
de prudence et de circonspection.S'il s'ogit d'un
est un membrede la famille.
mineurde moinsde 15 ons, ou d'unepersonnequi
Voilàce qui s'estpasséet qui pourraitvousarriver
n'est pas en mesurede seprotégeren roisonde son
à vousaussi: votre patiente,une dame trèsâgée
est en carencevitaminique,son traitementn'est
pasdonné,on lui criedessus,
ellevit dansla peur.
ôge ou de son étqt physiqueou psychique,il doit,
souf circonstqncesporticulièresqu'il apprécie en
conscience,olerter les autorités judicioires,médi-
Sestremblements,
sestroublesmnésiquesdispa-
coles ou odministrotives). vor.rs décidez de
raissent
totalementlorsquela patienteestgardée
demanderune mesurede sauvegarde
de iustice.
PRATIQ-UES
Après réflexion,comment rédiger ?
Riend'utilisable
sur le sitede l'Ordre; sur servicepublic.fr,pasde modèle,simplementle contenu:
" Le médecinn'est tenu qu'ou signolementdes foits
constatés.ll ne dénoncepos leur euteur >, o Le
Iégisloteuroutoriselo levéedu secretprofessionnel
pour informer les outoritéscompétentesdes sévices
ou privotionsimposéesà une personnehors d'étqt
de seprotégerelle-mêmeen roisonde sonôge ou de
son étot physiqueou psychique., ll est même précisé que les médecinspeuvent être poursuivis
Et pourtant, quel professionnelde santé autre
que le médecingénéraliste
peut le mieux appréhenderla maltraitance
familiale,lui qui soignela
personnedansson milieufamilial,socialet culturel ? Comment peut-onse faire entendre,d'un
côté la loi dit, o il faut dénoncero, de l'autre le
conseilde l'Ordre nous le défend : " immixtion
dons la vie privée 7
"
Un retentissementsur l'accèsaux soins
Pendantce temps,je découvreaveceffarementles
pénalementpour non assistance
à personneen
péril : même s'ilssont soumisau secretprofes-
conséquences
de l'interdictiond'exercicedont l'ai
tion constatée,son hospitalisation,
maissorti de
la désorganisation
du travailau retour,mais aussi
et surtout,j'ai reçu de la CPAMune lettre recom-
été frappéepour l'affaireprécédentequi concersionnel,la loi leur imposedonc le signalement. nait donc cette enfant de douze ans. Cela ne se
Vous rédigezalorsla demandeen mentionnant limite pasà prendredes congésà une date préciuniquementlestroublespsychiques
et leurévolu- se,sanspouvoirorganiserla continuitédessoins,à
son contextefamilial,ce certificatestbienvidede
sens.
Un parcours de combattant
mandée,m'avertissantque du fait des dispositifs
conventionnels,
dans un délai d'un mois, je ne
seraiplus jamaismédecinréférent: avec impossi-
Et le parcoursdu combattantne fait que combilitéde fairele tiers-payantpour des patientsparmencer...Trouverle nom, l'adressedu procu- fois en situationprécaireet avec des pathologies
reur...Six jours plus tard, vous avez le récépissé lourdesqui ne peuventavancerl'argent d'une
de l'accuséde réceptiondu signalement,
maisle
consultation
ou d'une visiteà domicile!
juge des tutellesn'est pas encore prévenu,un
Restent aujourd'hui l'interpellationaux polimembrede la familleest allédemanderune sauvegardede justice.Et pourtant on (le conseilde
tiques,et le recoursau Conseild'Etat pour que
soit levée la condamnation (2). Resteaussi la
l'Ordre)vous avaitdit que le mode d'emploidu
batailleplus généralepour demanderla fin des
poursuites
et des sanctionscontreles200 méde-
signalement
était simpleet facile.
f hôpitaln'entendraque lesproposdu maltrai"
tant ', et non la parolede la maltraitéeconsidérée comme démente. L'expertisepsychiatrique
cins qui ont été condamnéspour avoirdénoncé
de la familleet de son entourageseraréfutéepar
pénal et du Code de déontologie: alerter les
autoritésjudiciaires
en casde maltraitance
devrait
l'équipe hospitalière,votre parole de médecin
généraliste
ne serapaspriseen compte.De plus,
la fille a été au courant de votre lettre ce qui
constitueune violationdu secretmédical.
des maltraitances
à enfant. S'imposeenfin une
refonteclairede l'ensembledes articlesdu Code
être une obligation assortied'une immunité
pénale.
Affaireà suivre...
Conclusionsde l'hôpital,la patientene peut plus
resterdans son appartement elle doit être dans
une maisonde retraitemédicalisée,
contreson gré,
alorsqu'un de sesenfantssouhaitela prendrechez
lui. Comment faire ? Un contre-pouvoirassociatif
pourra-t-ilaidervous,le médecinet votrepatiente?
P R A T I Q U ES
1. La sauvegarde
de justiceest une mesured'urgence
destinéeà protéger temporairementdes personnes
dépendantes,décidéepar le luge des tutellesaprès
signalement.
2. Un communiquéde pfesseet des pétitionssont en
cours,consultables
sur le sitehttp://smg-pratiques.info.
N[on au contrôle
des médecinspatronaux
Salariés,syndicats,médecinstraitants et médecins du travail : comment résisterensembleà
doivent reprendrele sujet de la santé au travail
comme axe de lutte, car c'est une questionpoli-
l T a r t i n eL a l a n d e
l'offensivecontre le droit d'être malade ou fati-
Médecingénéroliste
gué et d'arrêterparfoisde travailler?
tique. Répondreà l'accusationde " la montée de
> par une réflexionsur la santéau tral'absentéisme
llAssociationpour l'Etudedes Risquesdu Travail
organisaitune journée,le 23 octobre 2004, pour
vail et le respectde la dignité.Lesmédecinsdu travail peuventdéfendrel'importancedu secretmédi-
en débattre entre < experts sociaux " (syndicats
cal et soutenirles salariésface aux pressionsdes
mais aussi ergonomeset psychologuesdu travail...)et < expertsmédicaux (médecinsde ville
"
et médecinsdu travail)pour fairefaceà la culpabilisationgénéralisée
et relayéepar les médiassur
employeurs,lesmédecinstraitantsdoivent résister
aux
et proposerleur assistance
à la culpabilisation
.. l'abus des arrêtsmaladie,et à l'organisation
de
"
patronaux,
par
l'exles
médecins
dont
soncontrôle
pertiseest maintenant reconnuepar l'Æsurance
conseilsde la Sécuritésociale.Pourdévelopperune
maladiepuisqueleur avis,coupléà celuidu méde-
ce qui génèrele risque,et organiserle travailen
réseau,que lessalariés
soientacteursde leur deve-
cin conseilde la Sécuritésociale,suffità fairesupprimerlesindemnitésjournalières.
La questiondes
patientsfaceaux médecinspatronaux,se servirde
leur rôle d'interlocuteursface aux médecins
autre approchede la santé au travail,il faut être
dans une démarchede prévention: réinterroger
nir, décidentde ce qu'ilsdélèguentà la médecine,
arrêtsde travailest liéeà cellede l'aliénationpar le
travail, de sa pénibilitécroissanteet des consé-
et refusentles faussesexpertisesmédicales.Les
o observatoires
locauxde la santéau travail" sont
quencesdu vieillissement
Lessyndicats
dessalariés.
desoutilsà construire,en urgence.
PRATIQ-UES 37
ALERT: Associationpour l'Etud,
des Risquesdu Travail:
8. bis rue du BuissonSoint-Louis
75010 Poris
http :/ /www.olert.a sso.fr
A qui profite le crime ?
l'lartineDevries
Médecingénéroliste
'1975,
ie
connaissais
très bien le sujet à l'époque. le vous
Le traitementdessciatiques,
en'1974ou
résume: le traitement,c'est le repos,au lit, et les
médicaments,
c'est juste pour ne pas avoir mal
c'estvraimentgénéreux ! Médicaments,priseen
pour éviterla chronicisachargepsychologique
"
,,
tion
lire,pour fairepressionsur le patientpour
qu'il reprennele travailavec sa douleur,et de
pendantqu'on est au lit. Voilàce qui se disaiÇ
dans les meilleurspublications,spécialisées
et
tout... Quellene fut pas ma surprisela semaine
tion de sa chargede travail.Ce n'est évidemment
pasla même chosede travailleravecune sciatique
dernière,de liredansune bonne revuemédicale,
si on estmanæuvre,magasinier,
conducteurd'en-
un consensus
sur le traitementdes lombalgieset
g i n ,o u c a d r e . . .
des sciatiques,bien fait, tous les cas étaientenvisagés,un arbre décisionnelmagnifique.Je vous
Cette publicationsert à fairepressionsur le médequi a la chargede déciderde l'arrêt
cin généraliste,
résume : surtout ne pas se reposertrop long-
de travailet de l'expliquerau patient.Et à qui cela
temps. Donc, lombalgie sans irradiation,trois
joursd'arrêtde travail,lombalgieavecirradiation
partielle,cinq jours, sciatiqueentière,huit jours,
profite-t-il? On peut craindreque ce ne soit pasau
bonne humeur.Riensur la modulationen fonc-
patient ! Maisaux entreprises,
et au budget de la
Sécuritésociale,maisà court terme seulement.
Arrêt de travail Iêgrtime
J ' | a r t i n e D e v r i e s Valérievient en consultationaujourd'hui,elleest
Médecingénéroliste
enceintede six mois,et ellea vu < son gynéco
"
hier.Tout va bien pour cette grossesse,
qui est la
première; simplement,elle est fatiguée.Elletravailleà Auchan,au standcharcuterie
à la coupe,
ellesert,se penchepour prendredansla vitrine,
combiende fois par jour ? A ma question Vous
"
n'avezpas demandéau Dr Z de vous faire un
arrêtde travail? , . Si, maisil n'a pas voulu ; il
- Elleestenceintede six moiset elleestfatiguée.
Elletravailleà Auchanet ...
- Ah bon, mais vous ne mettez pas toutes les
femmesenceintesen arrêt de travail?
- Non, seulementcellesqui sontfatiguées,
et qui
ont un travailqui lesfatigue.
- Ah bon, parce que la grossesse
est un état
physiologique,
et celane lustifiepasun arrêtde
travail.
ne fait d'arrêtde travailque lorsquela grossesse
ll n'a oas refusél'arrêtde travailde Valérie.
se passemal... et que l'enfant risquequelque
M a i s c o m b i e n d e m é d e c i n ss ' a u t o c e n s u r e n t
chose." Jefaisdonc l'arrêtde travailen pestant
sur le collègue.
La semainesuivante,je reçoisun coup de télé-
téléphone? Touslesgynécologuesde la ville,à
phonedu médecinconseil(1) :
- Chèrecollègue,MadameR est en arrêtde travail, pour quelleraison?
P RAT IQ*U ES
pour ne pas recevoir un tel coup de
m a c o n n a t s s a n €e .
l. Médecinde la caisseprimairede Sécuritésociale,
contrôlemédicalde l'échelonlocal,ça s'appelle.
R é s u m é : U n é c o n o m i s t eo u v r e d e s p i s t e sd e r e c h e r c h es u r l e s q u e s t i o n sc o m p l e x e sq u i s o u s t e n d e n t l e r ô l e d e s d é t e r m i n a n t sé c o n o m i q u e sd a n s l e c h a m p d e s p o u v o i r s e n m é d e c i n e .
Rôle des déterminants
economrç[ues
,
jouent également
tions...)et d'autresinfluences
(règleséthiques,
regarddespairs...)
;
- lespratiques
par le biaisde la
des professionnels
sensible
à la situaelle-même
demandedespatients,
Comment les politiquesde contraintesfinand'emploides
tion de l'emploi.Ainsiles problèmes
sur les pratiques?
cièresse répercutent-elles
Ces politiquesont des résultatstrès inégaux.Elles mèreset de gardedesenfantsse combinentégalepaysau prixd'un ration- ment pour déterminerun type de demandede
danscertains
sontefficaces
à comprendre
en
soins.Il y a ici desenchaînements
nementde l'offre.Dansd'autres,en particulier
;
du capital
France,
en échec.La résistance - enfin les impératifsde rentabilisation
ellessontlargement
sontau cæurdesactionsde ceuxpourqui la santé
des professionnels
a sansdoute sa part dans cet
technoont
estun marché: industriepharmaceutique,
échec.Dansle mêmetemps,lesprofessionnels
C'estsansdoutela partie
un sentimentde perte de pouvoir.Lespolitiques logiedu soin,assureurs...
et pratique
budgétaires
seraientmisesen échec desrapportsentrepouvoiréconomique
d'enveloppes
plus
grand
qui
la
étudiée,
ce qui
pouvoir
qui
est
aujourd'hui
par un
dessoins
médical amoindrit? Un
jeu perdant/perdant
? C'est possible,mais alors, ne veutpasdirequetout soitclair.
commentça marche?
financières Pourquoides pays,dont leséconomiesfonctionAutrepoint.Lespolitiques
de contraintes
ontnementtoutesdansle cadredu capitalisme,
sont impuissantes
à dire quoi que ce soit sur la
du systèmede soinssi différépartitionde l'enveloppe.
Ainsi,dansle domaine ils des organisations
hospitalier,
lesrèglesinternesde répartition(achat rentes?
que lesEtatsd'un matérielde pointeou financementdu suivi La Suèden'estpas moinscapitaliste
pourtant,
que
noussavons lesmodesd'orpsychiatrique)
échappenttrès largementaux ges- Unis.Et
ganisation
de soins,les niveauxdes
des systèmes
tionnaires
et se réaliseen fonctionde rapportsde
revenus,lestypesde pratiques,lesrapportsentreteforceslocaux.ll faudraitallervoir commentça se
professionnelles
du
passeici et en ville.
catégories
nuspar lesdifférentes
que
ces
caractéristoutes
secteurdu soin...bref
tiques sont différentesd'un pays à l'autre. Les
Comment les impératifsde rentabilisationdu
capital influent sur les pratiques profession- contrainteséconomiquesarriventdonc dans le
chamode la santéet du soinen étantmédiatisées
nelles?
Lesimpératifs
de rentabilisation
du capitalinfluent par diversesstructuressociales.Le pouvoir propre
du champmédicaljouesansdouteun rôleici, mais
sansdoutesur :
- lespratiques
d'autresconstructions
socialescommele mode de
à la recherche
d'un
desprofessionnels
financement
dessoins,le type de réactiondu corps
certainniveaude revenu.Mais cette influencese
ne
de santé,la capacitédans le
socialaux inégalités
développedans un cadreque le professionnel
de santéen amontdu
médicalede la région, paysà prendrelesproblèmes
maîtrisepas (démographie
de soinsdes popula- soin...iouentsansdouteun rôleici.
habitudedesconsommations
questions,
aujourd'hui
sansréponsesatisQuelques
pour
pourl'avenir.
imaginer
des
scénarios
faisante,
IRATIQfJE5
Pierre Volovitch
Chercheuren économie
à l'lnstitut de recherches
économiqueset sociales(IRES)
IRES
16, boulevarddu Mont-d'Est
Cedex
93142 NoisyJe-Grond
p [email protected]
Résumé : Le principe d'autorité nous est inculqué dès le début de nos études. Les cours
m a g i s t r a u x p r o f é r é s p a r d e s s p é c i a l i s t e sh o s p i t a l o - u n i v e r s i t a i r e sd e s s i n e n t p o u r n o u s a u f i l d e s
a n n é e s u n e v i s i o n d e l a m é d e c i n e s a n sg r a n d r a p p o r t a v e c l e m é t i e r q u e n o u s e x e r c e r o n sp l u s
t a r d p o u r p €u q u e n o u s c h o i s i s s i o n sl a m é d e c i n e g é n é r a l e .
Uavis d'expert
( h r i s t i a n L e h m a n n D'où parles-tu?
Medecin génerolisLeet euivoin
C'estl'injonctionque se lançaientlesétudiantsen
m a i6 8 .
Récemment,
dans lestravauxde PierreBourdieu
Jepensequ'aujourd'hui,leschosesayantévolué,
la relationmédecin-patient
doit devenirla rencontre de deux confianceset de deux
conScrences.
et de SergeHalimi,cettequestionest réapparue,
s'adressant,
entreautres,aux journalistes,
comme
En tant que médecin,.jedois pouvoiréveilleret
nourrir la consciencedu patient, mais je dois
aux " experts> qui squattentnos écransde téléaussipouvoirlui faireconfiance.
vision.D'où parles-tu? Pourquoidevrions-nous Sije dois participerà son éducation la vieille,
"
",
s u b i rt a g l o s e?
question,va seposerà moi : o D'où
sempiternelle
Depuisvingt ans,j'exercela médecinegénérale.
L'un des clichésle plus fréquemmentcolporté,
tu parles? " Carsetromper,c'estembêtant,mais
diffusersespropreserreurs,c'estcatastrophique.
Le médecin qui se préoccuped'éducationdu
c'estqu'en vingt ans,la relationentrele médecin
patientse trouvedonc confrontéà une immense
et le patients'estprofondémentmodifiéeparce
tâche,cellede sondersesprésupposés,
de revenir
que les patientsseraientdevenusplus exigeants,
c a r m i e u xi n f o r m é s .
s u rc e q u ' i l a t e n u p o u r a c q u i s .
C'est peu dire, hélas,que de constaterque nos
Encoreun autrecliché,celuide cettefracture,qui
étudesne nousy préparentguère.
séparerait
comme un abîmeceuxqui ont accèsà
Le principed'autoriténous est inculquédès le
cetteinformationet ceuxqui n'y ont pasaccès.
début de nos études.Lescoursmagistrauxproférés par des spécialistes
hospitalo-universitaires
pour
dessinent
nous au fil des annéesune vision
Pourtant.pour ceux d'entre nous qui ont utilisé
l'outil Internet,le problèmemajeur,aujourd'hui,
n'est pas de trouverdes informationsmédicales, de la médecinesansgrandrapportavecle métier
mais de savoir quelle crédibilitéattacher aux
que nous exerceronsplus tard, pour peu que
informationsque l'on reçoit.
nouschoisissions
la médecineqénérale.
Dernierouvrogeporu :
Patients,si vous saviez...,
EditionsRobertLaf{ont,2003
www.chri stionIehmonn.net
D a n s l e s a n n é e sc i n q u a n t e ,u n p r é s i d e n td u
conseilde l'Ordrea écritque la relationmédecin-
Pendantmes études,je n'ai jamaisentendupar-
consciencedont le patient serait dépourvu.Et
que le patient,lui, n'a qu'à faireconfiance.
prenait.le donneraiun exemple,entre mille.Au
cours des années80, plusieursmédicamentsà
ler de " lecturecritique de l'information.Pourla
"
patient,c'était la rencontred'une confianceet
bonne raison que ceux qui m'enseignaient
d ' u n e c o n s c i e n c eD. é f i n i ra i n s i l a c o n s u l t a t i o n - n'avaientprobablementpas grand intérêt à ce
c'est poser que le médecin est doté de la
que je poseun regardcritiquesurce qu'on m'ap-
IRATIQUES
basede fluor sont mis sur le marchépour préve-
ment de synthèse,le GRIOaffirmequ'il s'agit-là
nir les rechutesde tassementsvertébrauxchez la
femme ménopausée.Rapidement,ces produits
du principe même de ce type de document :
volontairementconcis,et ne retenant
" synthétique,
que les pointsd'accordindiscutables.D'oilleurs,s'il
ovoit été plus long, l'auriez-vouslu jusqu'ou bout ?
vont subir un élargissement
d'indication,et être
utilisésmêmechezdesfemmesn'ayantpasd'antécédent de tassementvertébral,conformément
à l'adageselonlequel" qui peut le plus peut le
moins
"... Pourtant,dès 1987, il serafait état de
S'il ovoit été plus complexe, l'ouriez-vous
compris7 ,. Une telle manifestationde mépris,de
la part d'expertsauto désignés,enversun contra-
la survenue de fractures spontanéeschez les
dicteurisolédont le seultort estde ne pasappar-
ostéoporotiquestraitéspar le fluor.
En 1988, la revue Prescrire
sera le théâtre d'une
tenir au sérail, est symptomatique.La revue
Prescrire
répondra:
empoignadesur le sujet: s'esten effet dérouléeà
Pariscette année-làune journéebaptisée confé"
rence de consensussur les ostéoporoses> organisée par le Groupe de Recherche et
< 1" ll est bien évident que le but des traitements
d'lnformation sur les Ostéoporoses,alias CRIO,
curatifsn'est pos d'ougmenterlo mosseosseuse
; il
est de prévenirI'apparition ou lo récidivedes froctures vertébrolesou des os longs.
o 2" Quand bien mêmeI'efficacitéthéropeutiquedu
associationfondée à l'initiative des laboratoires
fluor pourrait être offirméeà portir des seulscritères
Merck-Clévenot.Rassemblant
un groupe de spé-
non cliniquescitésdonsle compte-rendude la séance, la justification de l'indicotion du fluor sur so
cialistesessentiellement
hospitaliers,la conférence sembfe,selon la revue Prescrire,
avoir peu à
seule efficacitéoinsi définie sons mention de ses
voir avec une vraie conférencede consensus
"
".
Elle a consisté en une suite d'interventions
effetsindésirobleslaisserêveur.Nousn'ollonsquand
courtes,n'excédantpas un quart d'heure,sur un
grand nombre de sujets." Par oilleurs), note la
I'injure de supposerqu'ils ignorent que l'indicotion
rcvue Prescrire, lorsque dans lo salle un interve"
a soulevé lo question du rqpport
nont
bénéfices/risques
du fluor, la discussiona été interrompuepar le présidentde séonce.On ne s'étonnera donc pos que lesrésultotssoientà lo houteur de
même pas foire aux membresdu bureau du CRIO
éventuellede toute thérapeutiquese fondesur I'évo(et non du seul
luation du ropport bénéfice/risques
bénéfice)."
La polémiqueva enflerdans les annéesqui suivront, mais déjà, dans cet échange entre des
la méthode adoptée. Ainsi,dons les 24 lignes du
expertssoutenuspar l'industrie,et des médecins
sepermettantde douterde la pertinencedesinfor-
document de synthèseconsocréesou traitement
curatif de I'ostéoporose,
il n'est mêmepos foit allu-
mationsqui leur sont communiquées,
des points
essentiels
sont à noter : l'utilisationpar l'industrie
sion oux effetsindésirablesdu fluor !
"
La charge est rude, car si elle s'avèrejuste, une
d'experts,de " leadersd'opinion ", médecinshos-
aimable causerieentre spécialistes,sponsorisée
par l'industriepharmaceutique,
et maquilléeen
( conférence
>, risqued'amenerles
de consensus
diffusion large envers les confrèresexerçant en
ville,et la confusionentretenueentre des objectifs
pitaliersreconnus,pour faire passerun messageà
intermédiaireset des objectifs cliniques finaux,
médecinsqui auront uniquementconnaissance seuls déterminantsréellement appréciablespar
du documentde synthèsefinal à estimerque le
médecinet malade.Comme l'énonceraplus tard
débatsur le fluor esttranchéune fois pour toutes
en faveurde celui-ci.
assezsèchementune étude américaine: Desos
"
plus densesne signifientpas forcémentdes os de
La réponsedu CRIOdansle numérosuivantde la
meilleurequolitéarchitedurole.,
rcvue Prescrirene s'embarrassedonc pas des pré-
La revue Prescrire
oréconisede n'utiliser le fluor
que dans le cadre d'études rigoureuses.
Cette
cautionsd'usage.Au sujetde la brièvetédu docu-
PRÂTIQ*U
ES
étude clinique,miseen placepar le ministèrede
la Santéfrançaisen 1991 (mieux vaut tard que
j a m a i s ) , r e n d r a s e s c o n c l u s i o n se n 1 9 9 8 :
On pourraiten citer d'autres.Comme les prises
de positions de l'AFU, AssociationFrançaise
pos so placeactuellementdonsle troi" Le fluor n'o
tement de prévention secondaire des froctures
matique du cancer de la prostate, quand
ostéoporotiques.ll en est de même en prévention
pflmatre...>
ne le recommandepas, et que les fondateurs
d'Urologie,incitantfortementau dépistagesystéI'ANAES,
Agencefrançaised'évaluationen santé,
même de la technique de recherchedu PSA
Dansle mondeentier,au coursde cesannées90.
reviennentaujourd'huisur son utilité.Aussibien
des étudesde plus en plus nombreuses
ont indi-
que grand public,
dans la presseprofessionnelle
qué une probable augmentationdes fractures
le dépistagedu cancerde la prostateest présen-
des os longs chez les personnestraitéespar le
té par I'AFUet sesreprésentants
comme un enjeu
fluor... et révélé une nette augmentationdes
de santépublique,une réalitéprouvéeet incon-
fractures du squelette périphérique (mains,
tournable. La forte distorsionqui existeentre les
doigts,pieds...).Toutse passeen fait commesi le
fluor entraînaitune densificationdes vertèbreset
sociétéssavantesne devrait-ellepas conduire les
recommandationsde l'AFU et celles d'autres
des os longs au détriment des os courts, et qui
pouvoirspublicsà s'interrogersur les causesde
plus est en détériorantla soliditéarchitecturale ces différences?
des os longs!
Ayant abordécette questiondesavisd'experts,je
m'en voudraisde ne pas citer l'exempleanglais.
John Le Carré, dans un interview au Voncouver
Sun, avait abordé le sujet avec une colère non
c'6TQut
feinte : " Aurions-nousI'idée de demanderà notre
médecingénéraliste,quond il nousprescritun médicoment,s'il est payé por la compagniephormaceutique pour le prescrire ? Bien sûr que non. C'est
notre enfant. Ou notre épouse.C'est notre cæur,
notre rein, notre prostate.Et Dieu merci,lo pluport
desmédecinsont refusél'oppôt. Mais d'autresI'ont
occepté,et Ia conséquence,
dons Ie pire desces,est
que leur opinion médicalen'est plus odaptéepour
leurspotients,mois pour leurs sponsors.,
Que dire, dans ce cas, des < experts>)et autres
leadersd'opinion> qui interviennent
fréquem"
ment, lorsdu lancementd'un produit (et parfois
Depuis1990, note la revue Prescrire
au moment
même avant) pour en tresserles louanges? Un
cardiologue
anglaislèvele voilesur l'utilisation
de
du retrait des sels de fluor en 2002, les risques
étaient connus. o Depuis, silencerodio dons les
certainsgrandsnoms de la médecinedans une
lettre au BritishMedicallournol : ,, Une compagnie
milieuxrhumotologiqueset pormi les leadersd'opi-
phormaceutiqueemploieplusieurséminentscardio-
nion. Silenceaussidu côté des autorités. Falloit-il
doncloissers'écoulerlesstockspharmoceutiques? ,
loguesbritonniquesqui pafticipent à un circuit itinérant de conférencessur l'ensembledu poys, ofin
Est-ilbesoinde signalerque le GRIO ne publia
jamais de mea culpa / C'est un exemple, entre
de promouvoirlesmédicamentsde lo firme. Chocun
mille.
appellent"The RoadShow" (nda : qu'on pourrait
PRATIQ-UE5
des cardiologuesde ce que les employésde lq firme
traduire soit par " La Tournée" soit par " Le
Cirque Ambulant >>)reçoit entre 3 000 et
5 000 livres (soit 5 000 à 8 000 euros),selon la
fiques indépendantes,les quelques parlemen-
taille de l'audience,en sus des frois de déplacements,pour une conférenced'une heure. Lesconfé-
l ' a u t r e , u n e i n d u s t r i e p h a r m a c e u t i q u eq u i
comme aux Etats-Unisplaide l'informationdu
rencesà I'étranger,oinsi que les conférencesplus
longues,sont encoremieuxpoyées...Lerésultotest
patient,expliquequ'ellese borneraà communiquer sur de grandespathologiesméconnues:
qu'ils reçoiventplus d'orgent onnuellementde cette
l'asthme,le diabète,le sida...Dansle but louable
seulecompagniephormaceutiqueque ce qu'ils tou-
d'améliorerla priseen chargedes
et désintéressé
maladesqui s'ignorent,ou que les médecins
chent en solaireà I'hôpital ou à I'université."
taires qui ont saisi l'enjeu majeur de santé
publiqueque représentela publicitédirecte.De
Cesdernièresannées,de nombreuxmédecinsse
Alorsque
dépistentou traitentinsuffisamment...
révélantplus rétifs à avaler sans sourcillerces
< informations>>en provenancedirecteou indi-
cescontrevérités
cherchentsouventtout simple-
recte des firmes pharmaceutiques,celles-cise
sont tournéesversle grand public.En feuilletant
culpabilisantles soignants,et en générant un
besoin dans le public, au risqued'inventerde
le New Yorker,magazineculturel de haute tenue,
toutespiècesun conceptde maladiepour vendre
le lecteurpeut tomber sur une doublepagecouleur annonçanl : " Provacholoide à prévenir les
cordioques
crises
". Depuis1997, dateà laquellela
publicitédirecteau consommateur
a été facilitée
un produit.
par la FDAaux Etats-Unis,
une étude publiéepar
l'AmericanMedical Associationrévèleque 73 o/o
ment à créerun marchélà où il n'y en a pas,en
rapidementsur la DHEA,la mélatoniJe passerai
ne, ou la papayedu pape.En France,au coursde
grandsquotiYété2002, leslecteursde plusieurs
diens nationauxont pu découvrirun encart les
des patientsqui demandentà leur médecinun
médicamentvu dansune publicitésont exaucés.
la nécessité
d'échangeravecleur
" informant" de
médecinau sujetde leurstroublesde l'érection.
Lespouvoirspublicsayantlaisséfaire,on a conti-
Plus besoin d'intermédiaires,
les industrielsdu
nué, avecl'incitationà fairedoserle cholestérol,
médicamentremplacentici lesmédecins...
Car l'intérêtfinancieren jeu est ici majeur: entre
l'HbAlC. ll y a de tout danscettecommunication
1996 eT1999,le budgetconsacrépar Big Pharma
directe au patient engendrée et payée par les
firmes,du bon et du très mauvais.Maismême si
à la publicitédirectea fait un bond de 500 mil-
cela est contre-productif en terme de santé
lionsde dollarsà ... 1,8 milliardde dollars,dépas-
publiqueou de maîtrisedes dépenses,
l'Etatlais-
sant largementle budget alloué à la publicité
se faire parcequ'intervenirl'obligeraità mettre
dansla pressemédicale...
en placeune réellepolitiquede santéet d'informationdu public.
Et même si l'on parlebeaucoup,car c'est politiquement correct,d'informer le citoyen, de lui
permettrede participerà la priseen chargede sa
santé,le retour sur investissement,
on s'en doute,
est conséquent: entre 1998 et 1999, les pres-
Alors que nous reste-t-ilà faire ? A nous méde-
criptions pour les 25 premiers médicaments
revuesindépendantesde l'industrie,et auprès
bénéficiantde la DTCA (publicité directe aux
consommateurs)augmentèrentde 34 o/0,tandis
que les autres prescriptionsmédicamenteuses
< que de 5 o/o...
n'augmentaient
"
En Europe,la batailles'amorce.D'un côté lespro-
d'elles seules.Aux patients, d'acquérir cette
fessionnelsde santé informés,les revuesscienti-
seraun long combat.
cins, continuer de travailleret d'affiner notre
savoir, sans cesse remis en cause, auprès des
que tout ce qui est véhiculédansles
conscience,
médias n'est pas forcément innocent, que la
paroledu grand professeur
vu à la télé " n'est
"
pas pour autant paroled'évangilesanctifiée.
Ce
PRATIQ-UES
Un.dialogue
q u i parai-ssa
it acqu is
Anonymes(1). Eux seulsarriventà faire comprendreaux étudiantsqu'un toxicomaneest une
PierreA. - fournaliste
ll y a vingt ans, l'épidémiede sidafait vacillerle
personnedigne d'être considéréecomme un
patient.Cesanciensusagersde drogue introdui-
pouvoir médical,et les associations
(Aideset Act
sentlescourspar leurstémoignages,
pittoresques
Up notamment)portentla paroledes maladesau
et poignants,expliquantcomment, aprèsavoir
réaliséqu'ilsétaientdépendants,ils ont réussià
arrêter les drogues grâce à I'aide de leurs
( pairs >, Çui y étaient parvenusaussiet qui
cceurdes dispositifsthérapeutiques.
Un acquis,
croyons-nous.Puis,enfin, lestrithérapiesarrivent.
Effetpervers: sanssa chargedramatique,le vécu
des maladesn'intéresse
plus.Mon médecinhospitalier,pourtant crédité des meilleuresintentions, membre d'organismesinternationaux,
ne
m'écoute plus non plus. Ce qui fait du bruit
désormais,c'est le déficit de la Sécu (satanés
assurés!), le prix des traitements(satanésséropos !), le déséquilibreNord-Sud(sacrésprivilégiés !). Comme si on était revenuau suivimédic a l d e sa n n é e s8 0 . . . U n j o u r ,à l ' h ô p i t a lj,e r â l e :
mes prélèvementsqui restent en carafe quinze
jours(raisonbudgétaire),qui ne sont pas analysésselonlesdemandesdu spécialiste
(raisonécon o m i q u e ) . . .S i x m o i s q u e n o u s n a v i g u o n sà
l'aveugle.Qu'allons-nous
faire ? Mon médecin
s'étonne. Voyons, ce ne sont que des contretempstechniques.Maisce " nous" ? Aurais-je
un
avissur la stratégiethérapeutique?
ll faudratrois
mois, trois rendez-vous,houleux, où je m'entends proposerde changer de médecin,pour
qu'il accepte,de mauvaisgré, un dialoguequi
paraissait
acquisdepuisvingt ans.
Tu peux t'en sortir
Martine Lalande- Médecin généraliste
Pouranimerle coursà la fac aux futursmédecins
généralistessur < la priseen charge des patients
toxicomanes )>, nous invitons les Narcotiques
PRATIQ-UES
avaient vécu la même histoire. Immanquablement, les étudiants, qui comprennent
qu'ils ont réussi à s'en sortir grâce à l'aide
d'autresusagers,
donc sansla médecine,demandent : < Maisnous,lesmédecins,qu'est-cequ'on
peut faire?
j'ai
". Et à plusieursreprises, entendu
les intervenantsleur raconterqu'ils avaientun
jour rencontréun médecinqui leur avaitsimplement dit : Tu esdansla galère,maistu peuxt'en
"
sortir > et que cette confiance,isoléemais évidente, leur avaitservipar la suite.Ce qui n'aura
pas empêché les annéessuivantesd'errance,de
rechuteset de galère encore,jusqu'à ce qu'ils
trouvent eux-mêmesles soutienset les moyens
d'y arrivervraiment.
Depuis,je me suispromisd'essayer,
dansma pratique de généralisterencontrantdes usagersde
droguesou des membresde leur famille,de ne
pas manquercetteoccasiond'une paroleutile et
simple.
1. Les NarcotiquesAnonymes sont une association
fille des Alcooliques Anonymes, qui regroupe
d'anciensusagersde drogues qui travaillentsur la
dépendance et s'entraident, par un système de
réunionset de parrainage,
pour arriverà l'abstinence.
http///www. nafrance.org
Résumé: Dans le réseau Rédiab, les infirmières et les différents professionnelsprennent
p r o g r e s s i v e m e n tl e u r p l a c e , l e m a l a d e y g a g n e u n s e r v i c e d i v e r s i f i é e t g l o b a l .
Vêcole du diabète
Rédiab est un réseau Diabète qui s'est constitué
général,le médecin prenait beaucoupde place, les
autour du concept d'éducation thérapeutiquedu
pas à le bousculer,elles
infirmièresne s'autorisaient
patient faite par des binômes médecinsgénéralistes
étaientdéjà tellementcontentesqu'on les invite...
et infirmierspour des groupes de patients. Rédiab
Cependantlesenquêtesfaitesauprèsdes patientsne
va actuellementdébuter sa 3" phase après un pro-
reflètentpas du tout cela : au contraire,ils ont appré-
gramme d'éducationfinancé par le Fonds National
cié les infirmièresdans les groupes,et ils se sentent
de Prévention, d'Education et d'lnformations
'1997-2001),
Sanitaires(FNPEIS,
la phase expérimentaledite Soubie (2001-2004).
"
"
proches d'elles. Leur parole est passéemalgré le
Pratiques : ll y a actuellement des modifications
concernant la place des infirmières dans le
réseau ?
Intretien avec
Vincent(oliche
Diobétologue,
p rati cien hospital ier,
c brdonnoteur
du réseou Rédiob
malaisequ'ellesrapportent.
Comment avez-vousdécidé d'améliorer les choses?
En juin 2004, lors d'une assembléegénérale du
réseau,il y a eu un atelierqui a planché là-dessus,
pour faire ressortirles problèmes.ll y a eu plusieurs
propositionsadoptées.
Vincent Coliche : On ne s'estaperçu du mécontente-
Dans le nouveau projet proposé pour la nouvelle
ment des infirmièresqu'à la fin de la périodeexpéri-
phase(2005-2008),les infirmièrespeuvent mainte-
mentale: ellesont osédire qu'ellesn'étaientpasassez
nant faire adhérerleurspatients,leursrémunérations
rémunérées(1), au bout de trois ans !Pour nous, le
binôme médecin-infirmière fonctionnait bien !
sont plus élevées(2). Les binômes ne seront plus
D'ailleurs,sur les évaluationsdu début, rempliespar
lesprofessionnels
de santéqui le souhaitentet qui se
les professionnels,rien n'apparaissait.Cependant,
parallèlementà ces fichesd'évaluation,un étudiant
sont Tormésau sein du réseau(pharmaciens,podo-
de sociologieavait fait des entretiensavec les professionnelset j'avaisdécouvertqu'un médecingénéralis-
teurs médico-sportifs), cela va peut-être décom-
te avaitpu faireson groupetout seul,sansinfirmière...
souples.Le réseaua un objectif : coordonner les
Ça m'avaitlaissépantois.A la fin de la périodeexpérimentale, nous avons réaliséune enquête écrite, et
soins autour du patient, ça peut être fait par le
médecin, s'il en a envie ; mais sinon, quelqu'un
d'autre peut le faire ! Une infirmière,par exemple,
une séancede
uniquement médecin-infirmière,
mais élargisà tous
logues, diététiciens,psychologues,kinési, éducaplexer les infirmières,en tous cas, nous seronsplus
A
" brainstorming" sn11sinfirmières.
question
côté de la
de la rémunération,il y avaitaussi
formée et investiedans le réseau.ll s'agit de l'exa-
la question du recrutement des patients pour les
groupes de patients : seuls les médecins pouvaient
men clinique,bien codifié,il y a une grille de question, la prisede la tensionartérielle,la palpationdes
faire entrer . leurs
pouls,l'examendes piedset le monofilament(3), du
patients, les infirmières,si leurs
"
patientsétaienttraitéspar un autre médecin qui n'ap-
suivibiologiqueannuel,de la présentationdes diffé-
partenait pas au réseau,ne pouvaient leur proposer
rentssoignantsdu réseauet de la tenue d'un dossier
de bénéficierde la formation.
médical partagé (4), ce travail de coordinationest
rémunéré au professionnel60 euros par patient et
On a donc réuni les infirmières,à part, pour comprendre: celles-ci
ont expriméavoirdu mal à prendre
leur placedans le groupe,à avoir une parolepropre.
compétencesde l'infirmière.Lesbiologistesaussiont
être reconnue comme soignant à part entière. En
envie de s'impliquer.
par an. Cela correspond à un élargissementdes
PRATIQ-UES
Rédiab
3, place Navarin
62200 Boulogne/Mer
http:/ /www.rediob.org
0l\/
ohupe
-t\Htlt 16
Est-ceun partage du pouvoir ?
die, qui requièrent de la technique. C'est que la
Oui, je crois.C'est d'autant plus intéressantqu'avec le
conceptionde la maladieest extrêmementrestrictive,
manquede médecins,il faut quand même trouverles
on ne traite que les complicationssansvouloirconsi-
moyensd'assurerun servicepour le patient, l'objectif
dérer la genèsedu diabète,conséquenced'un état
annoncé(5) est que 80 7o des patientsaient un suivi
psychologiqueet social sur un terrain particulier...
satisfaisantselon les o bonnes pratiques>.
Pource qui n'est pas nommé et défini, on ne peut pas
Un des gros problèmesde la médecine,c'est de croi-
mettre en ceuvre les moyens pour s'en occuper !
re que le médecin peut tout faire : ce n'est pas vrai !
Pourtant, si on a une approche plus globale de la
Même le professeurde diabétologie,s'il n'a pas son
maladie, pour la soigner,on a besoin d'interventions
équipe derrière lui, pour faire
" l'éducation du
patient>, il n'obtiendrapasgrand-chose! ll y a eu des
réactionsamusantesau sein du réseau.Après le cycle
diverses.Le médecin, qui pourrait resterchef d'équi-
initial de formation des patients,sept séancesanimées
En conclusion?
pe, doit être conscientde l'ensembledu processus.
par le médecin et l'infirmièreensemble,il y a un cycle
Le pire, c'est l'isolement. Dans la relation médecin-
de " suivi dont trois séancessont animéespar l'in",
firmière seule,et trois séancespar l'éducateursportif.
infirmier,la notion de pouvoir tombe en discutant,en
travaillantensemble,en groupe.C'est le groupe qu'
Certainsmédecinsn'ont pas supportéque le groupe
est responsabledu savoir,la personne n'est pas res-
de patientsfonctionne sans eux, et ont suppliéde
pouvoirvenir,même sansêtre rémunéréI
ponsableà elle tout seule.Donc, quand on ne sait
Enfait, peu de médecinsgénéralistessont prêtsà faire
du travaild'équipe.
une réponse, et quand le savoir vient du groupe,le
médecin n'a pas à faire comme si il savaittout, et était
A quoi cela tient-il ?
voir ! Nous, nous travaillonssur le diabète,mais on
Dans notre formation initiale,on n'a jamaisapprisà
peut faire le pari que, si on modifie des comporte-
travailleren équipe. Et l'exercicelibéralne favorisepas
mentset desfaçonsde concevoirle soinsur un thème
pas, on discute, on échange, on construit ensemble
responsablede tout. ll n'a plus à exercertout le pou-
non plus cela. En pratique hospitalière,le médecinest
particulier,cela entraîne pour les professionnelsune
obligé de fonctionner avec d'autres, mais quand on
évolution dans toute leur pratique.
voit comment, dans un service,un médecin change
les traitementsdu collègue qui a vu le patient la
veille...
Mais la médecines'estcomplexifiée,on ne peut pas
soignerun diabétiquederrièreun bureau,il faut un
accompagnement,une sorte de . coaching des
",
séances d'éducation physique, nutritionnelle, le
médecin lui-même ne peut tout faire, et le malade a
droit à tout le service,ce qui implique des prestations
diversifiées,donc, il faut travailler en équipe !
L'élémentlimitant n'est pas l'argent mais le temps.
je ne fais
Le praticien isolé, plutôt que de dire
"
pas... fait semblantd'arriverà tout faire...et c'est le
",
patient qui en fait les frais.C'est difficile ausside dire
j e n e s a i sp a s . . . " . S u r l e sd o s e sd ' i n s u l i n ec, e r t a i n s
"
médecins sont virulents ! Et pourtant, parfois ils se
trompent. Là encore,s'ilssont autoritaires,c'est parce
qu'ilsne saventpas,et ilsfont comme s'ilssavaient...
ll y a une autre difficulté pour les médecins: ils n'ont
apprisà s'occuperque des complicationsde la mala-
PRATIQ-UES
Proposrecueîllispor Mortine Devries
1. Lesprofessionnels
sont rémunéréspour toutesleurs
activitésau seindu réseau: notammentpour lesjournéeset lessoirées
de formationqu'ilsreçoivent,
et pour
les séancesde formation qu'ils animent pour les
patientsdu réseau.
2. Ellesrestentde 2O o/oinférieuresà cellesdes médecins: c'estun choix basésur un rapportdu CRESC
qui
demandede prendreen considération
la responsabilité
du professionnel
danssarémunération.
Ainsi,lorsd'une
séanced'éducationdu patienten groupe,le médecin
reçoit25 eurospar patientet l'infirmière
20 euros.
3. Utilisation
d'un filamentoour testerla sensibilité
du
pied,examensimpleet bien codifié.
4. Loin du DossierMédicalPersonnel
de M. DousteBlazy,il s'agit d'un dossieroù avec l'accorddu patient
chaqueprofessionnel
entrelesdonnéesqui concernent
le diabète,classées,
synthétisées.
5. Dansle dossierprésentéà la DRDR,dotationrégionale de développementdes réseaux,financéepar la
région,et l'agencerégionalede l'hospitalisation,
DRDR
qui validele projet de réseauet assureson financement
oour troisans.
R é s u m é : L o r s q u e l e s s o i g n a n t s ,i c i , i n f i r m i è r e s ,n e s o n t p a s s e u l e m e n td e s t e c h n i c i e n s , m a i s
s o n t i m p l i q u é sd a n s c e q u ' i l s p e r ç o i v e n td e l a s i t u a t i o n d e l e u r p a t i e n t s ,i l s v e u l e n t s e d o n n e r
les moyens de mettre ensembleleurs compétences.
IJoutil du partage
Le pouvoir de témoigner
lie. Et mon statutd'infirmièredonnede la forceà
par
que je dis.l'étaisla personnequi pouvaitvoir
commencerai
raconter
l'histoire
des
M.,
un
ce
Je
couplede personnesâgées,et très handicapées et dire.L e médecingénéraliste
a ététenu au coutous lesdeux.le m'en occupaisavecma collègue
rant et il était d'accord.
fntretien avec
Evelyne
de Wildeman
pour la toilette,les soins.Danscette maison,en
fait un baraquementon avait l'impressionqu'i
Rivalitéset impuissances
n'y avait pas d'argent,pas de possibilitéd'avoir
A nous, infirmières,les gens disent parfoisdes
du lingeou du matérielconvenable.
Nousavions
chosesqu'on doit répercuter: une dame âgée
donc décidé,avecleuraccord,d'allerà la banque
avaitun traitementdiurétiquepour desoedèmes
Infirmièrelibérole
présidentedu réseouPasserelles,
réseoude coordination
de soinscontinus
et d'accompagnement
pour savoirprécisément,et de voir l'assistante desjambes,pourtantcelan'allaitpasmieuxet le
socialepour demander des aides. En fait, ils
avaient des revenus corrects,simplement ce
n'était pas eux qui en profitaient.Nous avons
médecinn'y comprenaitrien.l'allaisfairetous les
joursdes pansements,
et je parle..." Cescompri-
doncfait une demandede misesoustutelle,et les
més-là? le ne lesprendspas,ilsme font fairepipi
tout le temps et je ne peux pas sortir ! o Cette
pour eux : on a pu chanchosessesontarrangées
ger le matelas,le plus jeunefils s'estoccupédes
information,transmiseau médecin,l'a beaucoup
aidé,pour la poursuitedu traitement....
courses,le budgetétait contrôlépar le déléguéà
Mais parfois,l'informationest plus conflictuelle.
tutelle.La maisona été arrangée,lesfenêtresont
MadameN. étaiten phaseterminaled'un cancer,
été changées,ils peuventmangeret se chauffer
correctement.
A tour de rôle,l'auxiliaire
de vie les
ellesouffraitbeaucoupet était sousmorphineen
comprimés; ce n'était plus suffisant,et il fallait
emmène en promenadeen fauteuilroulant; le
passerà la morphineen injectable,
à l'aided'une
monsieurétait heureuxde dire à son médecin
qu'il avaitvu sa bellemaisonet de lui parlerdes
pompe, et avecdes bolus.C'étaitle tout début
de cette technique.Lorsquej'en parleau méde-
qu'il avaitconstatés
changements
dansle village.
cin traitant, un vendredi, il est catégorique:
.. Non, ça ne se fait pas à domicile,c'est trop
Nous, les infirmières,nous aurionspu faire nos
soinset ne pasnousoccuperd'autrechose.Mais
dans la confianceque nos patientsnousfont, ils
compliqué! " l'expliquequ'à Lille,ça se fait, que
nous, nous étions au point, nous étions
nous demandent implicitementde porter leur
parole,de leur permettrede recevoirce dont ils
capables...
ll restesur sespositions.Le samedi,la
p a t i e n t e , t r è s d o u l o u r e u s e ,l e r a p p e l l e . L e
ont besoin.C'estune doubleresponsabilité,
celle
d i m a n c h eà, 1 3 h e u r e sl,e m é d e c i nm ' a p p e l l el u i -
de citoyen,témoin d'une anomalie,et celled'un
même (il étaittrèsdisponiblepour sa patiente,la
professionnel,
bien placépour constaterl'anoma-
suivaitbien),il me demandede poserune pompe
P RAT tQ.'U E S
Passerelles
21 ter, rue d'Alembert
62100 Colais
reseaupasse
reIles@
hotmoil.com
à morphine,ce que j'ai fait et la patientea été
compétenceet on la met au servicedes autres
soulagée.ll avait réfléchi,s'était renseignésans
doute. Je le rencontrelundi, chez la patiente, la
professionnels
et du patient.
La première patiente dont j'ai parlé, une fois
maladele remercie,il se tourne vers moi : ,. C'est
vrai,ce n'estpassi compliquéque ça,finalement,
qu'ellea eu sa pompe, à un moment, il a fallu
augmenterles doses: ce n'était pas le médecin
maisvoussavieztout ça,vous. Maisil y a quand
"
même eu deux journéesterribles.
qui était là, maisson remplaçant:
A cette même période,une de nos maladesavait
sie ! " J'ai expliqué qu'il s'agissaitde monter
modérémentet progressivement,
que ça sefaisait
ainsi,< Ah bon, vous avezdéjà vu ? Et comment
du Temgésic@,
et là encore,ce n'était plus suffisantet il fallaitpasserà la morphine: le médecin
a ajouté la morphine en plus ; or, Temgésic@
et
morphine sont antagonistes,
mais le médecin,
visiblementne le savaitpas! Problèmedélicat...ll
a fallu lui faireobserverque la maladeétait plus
mal à chaqueinjectionde morphine.Une fois,je
Ah, non, ce
"
n'est pas possible,ce sont des dosesd'euthana-
on fait ? ' le n'ai pas du tout penséqu'il était
incompétent,moi, je sortaisd'une formation sur
le sujet, et je trouvais normal, et bénéfique de
l'ai appelépour lui signifierque le ne donnaispas
partagerce que l'avaisappris.ll a accepté,et
c'est amusant,il a noté sur l'ordonnance En
"
accord avec l'infirmière,j'augmente les dosesde
le compriméde Temgésic@.
.. - Non, non, donnez-luison Temgésic@,
je vous
morphine...>>,comme s'il était en danger avec
cette prescription,et que cette mention de mon
l'ordonne! Et marquezdans le cahierde liaison
ce que vous faites|
"
o - Certainement,
et je marqueaussice que je ne
accord le protégeait.
Lesauxiliairesde vie ont, ellesaussi,des informa-
fais pas !
tions à partager, parfois, c'est maladroit :
"
Le lendemain,il a demandé qu'on arrête le
Temgésic progressivement.Dans cette situation,
j'étais mal, j'avaisun sentimentd'impuissance,
la
" MonsieurT. tousse,il lui faut du sirop rouge,
comme la dernièrefois ', maiscelaa son impor-
maladepâtissait,et je ne pouvaisrien faire. ll ne
car elle avait peur que sesmalaises
soientdus à
je
un manque de sucre :
lui ai apprisà faire la
nousa pasdonnéla parole,et c'étaitinsupportable.
tance.Une de mes malades,diabétique,esten fin
de vie, la garde-maladem'appelaittout le temps,
mesurede la glycémieavecle dextro, pour qu'elReconnaître les compétences et les fonctions
le sacheelle-mêmesi elledevaitm'appeler:cela
de chacun
ne porte pas atteinteà mon o pouvoir !
"
Ce qui est remarquable
dansle réseau,c'estqu'il
Ce sont des situationscomme ça, répétées,qui
sont à l'origine du réseau: avoir des formations
ensemble,médecinset infirmières(1), discuter,
n'y a pas d'enjeu de pouvoir entre nous. En fait,
on ne voulait pas faire un réseau,on voulait
se connaître,ça facilite le travail ! Pour le méde-
répondreà des difficultéséprouvéesdans le quo-
cin, exercernon pas le pouvoir, mais l'autorité,
tidien des soins, on voulait répondre à la souffrance qu'on éprouvaitde ne pas être aussiper-
comme dans lesexemplescités,c'esttenter de se
protéger pour éviter d'être jugé, d'être mis en
cause.
formantsqu'on aurait pu l'être. On en est encore
là, dans notre groupe, on n'a pas dénaturénotre
Les formationscommunes donnent un savoir projet. C'est l'outil qui nous intéresse,le réseau
commun, reconnu par tous, la fonction de chan'est pas un but en soi.
cun est mieux connue aussi,et la reconnaissance
Proposrecueillispor Mortine Devries
mutuelle, un atout pour le travail ensemble.
Personnene peut tout savoir,on ne contestepas
le pouvoirquand on donne un avis,on amènesa
PRATTQ-UES
1. Et aussipharmaciens,
et kinésithérapeutes
maintenanr.
R é s u m é : D e I ' a v o r t e m e n tm i l i t a n t a u M L A C à I ' l V G m é d i c a m e n t e u s ee n v i l l e , J o ë l l eB r u n e r i e K a u f f m a n n ,q u i a v é c u c e t t e e x p é r i e n c ed e 3 0 a n s d e p r a t i q u e , p a r l e d e l a q u e s t i o nd u p o u v o i r
m é d i c a le t d e c e l u i d e s f e m m e s s u r l e u r c o r p s .
Uhistoire des luttes
lo
de pouvorr autour
de I'IVC
Pratiques : Vous avez participé à la pratique
des avortements clandestinsau Mouvement
nousavonscommencé,un petit noyaude méde-
tntretien avec
du MLF
cinset lesfemmesdu MFPF,lesféministes
pour la Libération de l'Avortement et la
: le MLAC a été créé en
et olein d'associations
J o ë l l eB r u n e r i e
Contraception(MLAC), quand c'était interdit
en France.Au MLAC, il y avait aussides non
En mars1973, nous
1973 avec40 organisations.
médecinsqui pratiquaientles lVG. Vous aviez
accepté de partager votre <<pouvoir ' médi-
avons publié le manifestedes 300 médecins,
nous avionsdécidé de nous dénoncerdès que
nousserions100, le manifesteétaitsignésurtout
cal ? Comment cela s'est-ilpassé?
Nousavonsdit officiellement
par despsychiatres.
que nousfaisionsdes lVC, c'étaitde la désobéis-
J o ë l l eB r u n e r i e: C e l a v a f a i r e 3 0 a n s . . . N o u s
avonscommencéà faire des avortementsclandestinslin 1972,quandon a découvertla métho-
sancecivile.Les ouvriersde Lip en grève nous
de Karman.le faispartiede ceuxqui étaientulcérésde ne rienfairepour aiderlesfemmes,la seule
avaientfabriqué du matériel,tous ceux qui le
oouvaientfaisaientdes lVC, nous nous sommes
formés en même temps que les militantes.Les
méthodeà l'époqueétait le curetage,à l'hôpita,,
femmesétaientreçuesau Jardindes Plantes,les
p l u s r i c h e s a l l a i e n t à l ' é t r a n g e r ,l e s a u t r e s
où les femmes allaientaorès avoir utilisé une
venaientnousvoir. Lesféministesdu MLACs'ap-
sonde...Nousavonscommencéaveclescopains
du Gl5, le Groupe Information Santé, formé
comme les Croupe Action Prisons(CAP) de
pelaient lesintermédiaires ellesfaisaientaussi
",
"
lesavortements.
ll y a eu des problèmesde pou-
MichelFoucaultdanslesprisons,c'étaitaprès68,
on voulait révolutionnerla médecine,on défendait fean Carpentierqui avait été rayéde l'Ordre
pour son tract sur la sexualité...Karman,un psy-
Gynécologue oyant porticip é
au MUC et onimépendont
24 annéesl'équipedu centre
d'lVG de Clomart(92)
voir, lesféministesaccusantlesmédecinsd'acca-
AssociationNationale
des Centres d'lnterruption
de Grossesse
et de Contraception
(ANCTC)
r
www.oncic.osso.f
p a r e r l e p o u v o i r . E l l e sd i s a i e n t " V o u s , l e s
femme
mecs...". Moi j'avaisla doublecasquette,
et médecin.C'étaitl'époquedes luttesféministes Mouvement Français
pour le PlanningFamilial
p o u rl a n o n - m i x i t é . M
. . a i sn o u sn e r e v e n d i q u i o n s 4, squoreSoint-lrénée
pas le pouvoir,nousétionsd'accordpour le par-
chologueaméricain,est arrivéavec sa méthode
d'aspiration,une canuleet une seringue,la pre-
était politique,et sa pratique
tager.L'avortement
mière IVC a été faite chez DelphineSeyrig.Puis,
a fait bouoer les choses.Le MFPFavait voté en
PRATIQ-.UES
75 011 PARTS
T é 1 . : 0 41 8 0 7 2 9 1 0
Fox: xx 47 00 79 77
www.mfpf75 @wonadoo.fr
au risquede mettre son mouvementen danger.
SimoneVeila héritéde cettesituationet il fallait
'1975,
I'avortementétait un crime,puis
f usqu'en
on a dit aux médecinsqu'il fallaitlesfaire.Hormis
ceux qui attendaientcela sansavoir osé militer,
remettrede l'ordrelà-dedans,
aussiparceque des
les médecinsn'étaientpas prêts à faire les lVC.
non-médecinsfaisaientdes lVC, et le faisaient
partout où c'était possible.
Quelquespatronsintelligentsont saisil'opportunité et demandé des crédits pour ouvrir des
centres,mais ils avaientpeu de médecinspour
Lesfemmes qui avaient participé au MLAC ont
faire des lVC. Souvent,ce sont des généralistes
abandonné la pratique des avortements ensui-
qui s'y sont mis. De plus,il a fallu se battrepour
te, ont-elles demandé une place en tant
qu'usagèresdans les centres d'lVG ? fe crois
que non, d'aprèsvous, pourquoi ?
pratiquerla méthode Karman,pour les obstétriciens,l'lVCsefaisaitpar curetagesousanesthésie
congrèsle fait de faire des IVC dans sescentres,
générale.Notre savoirtechniqueétait nié, car il
n'étaitpasenseignéà l'université,
maisissud'une
Dès le passagede la loi en 1975, il y a eu une
volonté de repriseen mainsde la part du gouvernement.Lesfemmes avaientmilité, d'autres
pratiquemilitante.Quand on a militésur le sida,
celaa été la mêmechose,ce sont lesmédecinsde
Parallèlement,
basequi s'y sont intéressés.
dans
payseuropéensavaientévolué,mais on ne pouvait pas laisserdes non-médecinsfaire des avor-
tement, on a pu ouvrir des centresd'lVC plus
tementset le dire.Aprèsla loi, lesféministesont
arrêtéde faire lesavortements.Nous,médecins,
fonctionné. Les médecinsmilitants ont formé
sommesun certainnombreà avoircontinuédans
nos cabinets,moi je l'ai fait jusqu'en 1985, on
avaitdes canuleset des seringueset c'étaittellement plus simple pour les femmes.Mais après,
les hôpitaux où les patronsétaient contre l'avorindépendants,
et ce sont ceux qui ont le mieux
d'autres médecins vraiment préoccupés par
qui
l'lVC, et plutôt des médecinsgénéralistes,
saventce qu'estla " médecinesociale".
c'estdevenudifficileà justifier,l'illégalitén'avait
Est-ce que le fait que des médecins généra-
plus de sens et les femmes revendiquaientla
listes travaillent dans des centres d'lVG a per-
sécuritéde l'hôpital.J'étaisalléevoir l'anesthésie mis de freiner la récupération> par les gyné"
localeaux Etats-Unis
avec ElisabethAubény,làcologues-obstétriciens
des moyensallouésaux
bas les IVG se faisaientdans les cabinetsmédi-
IVG? Est-ce parce que le mouvement des
caux.Nousavonsfait un rapportau ministèredes
femmes s'est désintéresséde la question après
Droitsdes Femmespour proposerde fairelesIVC
la légalisationque les moyenspour les IVG res-
en ville, mais cela ne s'est pas fait. ll a fallu
attendretrente ans pour que celadeviennepos-
tent aussiinsuffisantsen France?
sible... La pratiquedes IVC à l'hôpital est très
Des patronsqui ne voulaientpas faire d'lVG au
contrôlée,il y a des bulletinsstatistiques,
des
démarches
administratives...
À partirdu moment
départ ont voulu récupérerles moyensdonnés
aux centresd'lVG, comme cela s'est passéà
où l'avortementest devenulégal,il y a eu une
repriseen mainspar lesmédecins.
faire les avortements,mais ils ne supportent pas
Crenoble. Les chefs de servicene voulaient pas
que le pouvoir leur échappe,que les médecins
ll y a eu des difficultés pour faire accepter les
centresd'lVG dans les hôpitaux où les gynéco-
généralistes
qui travaillentdanslescentresfassent
logues étaient contre l'avortement, comment
ception, et que se créent ainsides petites unités
avez-vousdéveloppé un rapport de force suffi-
concurrentielles.
Depuisla disparitionde la gyné-
sant pour que ces centresexistent?
cologiemédicale,les gynécologues
de ville sont
P R A T I Q UE 5
ausside la gynécologieordinaireet de la contra-
prêts à se saisir de cette méthode en ville
nat, le clinicat,ont une formationtrèstechnique, (...)? (2) Aprèsla loi, lesmilitanteset lesfemmes
et ils sont choquésque ce soit des généralistes s'en sont remisesau corpsmédical,ellesne sont
ils ont fait l'interdevenusdes hyper-spécialistes,
qui pratiquent les avortements.Mais à Clamart,
quand nous avons fait grève pour avoir des
pas en revendicationd'autonomie, contrairement à l'époquedu MLAC.C'estun pouvoirpour
pour l'lVC,ce sont desgénécontratsspécifiques
ralistesqui étaientintéressés.
Du côté des fémi-
elles,maisellesne sont pas prêtesà le prendre.
En 1982,quand le RU486(3) est arrivé,c'étaitla
À
nistes,aprèsla loi, ellesse sont démobilisées.
fin de l'époquemilitante,il y a eu une demande,
partir du moment où un problèmeest légalisé,
lesfemmesétaientséduitespar une méthodequi
l'activitémilitanten'a plus raisond'être. Pour la
jusqu'àla
pilule,c'est pareil,on s'estmobilisées
leur permettede déclencherleursrèglestoutes
et les
seules.Depuis,on a beaucoupmédicalisé,
loi Neuwirth, puis un peu pour le rembourse-
femmesont intégrél'idéeque < l'avortementest
ment, maisaprèsil n'y avaitplus rien à revendi-
un geste médical qui se fait à l'hôpital ".
quer. Et alors le pouvoir reprendles chosesen
Pourtant,c'étaitune grandeautonomiepour les
femmesd'avoircette loi de 1975, et encoreplus
marns.
la loi sur la contraception.Lesfemmes avaient
Pensez-vousque l'lVG médicamenteusesoit
revendiqué l'autonomie pour elles-mêmeset
une bonne opportunité pour les femmes et
que la possibilitéde faire les IVG en ville permette de leur donner plus de pouvoir plutôt
p o u r l e u r c o r p s . L e s f é m i n i s t e sd e B o s t o n
disaient: .. Notre corps,nous-même". Le corps
que de s'en remettre aux médecins ?
comme avec la médicalisationde l'accouchement, la PMA (4)... Vont-ellesêtre capablesde
Lesfemmesne sont pas prêtes,ellesont été très
médicalisées.
La loi Veil est une loi de santé
sortir de I'hôpital? D'autantqu'il n'y a plus de
réflexioncollective.Lesfemmesmanquentcruel-
publiqueet une loi de contrôle.Peu de gestes
lementde lieuxde parole...
desfemmesa bien été récupérépar lesmédecins,
médicauxsont aussicontrôlésque l'avortement.
Nous avonstoujoursrêvéde sortirl'lVG de l'hôpital, quand est apparuel'lVC médicamenteuse,
nous avonspenséque cela pourraitse faire. le
Proposrecueillispor Mortine Lolande
de Grossesse.
f . Interruption
Volontaire
participe au réseau de Saint-Vincent-de-Paul, 2. Desdécretsd'applicationde la loi prévoientque les
mais lesfemmesà qui le l'ai proposéont toutes
choisid'allerà l'hôpital.Ellesne sont pas rassurées. Cela évoluera, avec l'expérience des
copines... Mais est-ce que les médecinssont
médecins génaralistes,comme les gynécologues,
devront iustifier d'une formation effectuée dans un
centred'lVG pour pouvoirprescrirel'lVC médicamenteuse(ndlr).
moléculede l'lVC médicamenteuse.
3. Mifépristone,
4. Procréation
médicalement
assistée.
PRATIQ-UES
5l
R é s u m é: N o u s s o m m e s n o u s b i e n b a t t u s c o n t r e l a r é f o r m e d e l a S é c u r i t és o c i a l e? E n f a i t , n o u s
n ' a v o n s p a s s u < i n t é r e s s e r > >à n o t r e l u t t e c e u x q u i s o n t c o n c e r n é s e n p r e m i e r l i e u p a r l e s
questions liées à la maladie et à la santé. Peut-êtreest-ce parce que nous n'avons pas su non
plus apprendre, d'eux.
"
Comment trouYer
la bonne prtse
Philippe Pignarre
Directeurdes Editions
I o<
Fmnàrhot
tr<
de penseren rond
dénoncer.Commesi la dénonciationpouvaitêtre
d'une quelconqueefficacité| Si la dénonciation
donner d'adresse,ni de numéro de téléphone
était efficace,il y a longtempsque le capitalisme
pour lesvictimesou leursfamilles.De ce point de
auraitcrevé.
Je ne suis pas d'accord avec cette manièrede
vue/ nousétionsplus mauvaisque lesAméricains
p o s e rl e p r o b l è m e l.l m e s e m b l eb e a u c o u pp l u s
qui ont mis en placedesassociations
immédiate-
fructueuxde poser une autre question: avons-
ment (comme PublicCitizen)capablesde se sai-
nous eu " prise" sur le problèmequi nous était
posé ? Quelles leçons pouvons-noustirer de
l'expérience> que nous venonsde faire ? Et
"
c'est dans ce cadre que j'ai envie de poser la
avec la créationéventuelled'une association
de
patientsspécifiques.
C'estce qui a été à l'origine
de cette interventionaux EtatsCénérauxde la
Santé,puisde ce texte.
52
o
J'aiété dansun profonddésarroiquand,invitésur
une radio à commenterle retraitdu Vioxx@du
marché,je me suisaperçuque je ne pouvaispas
sir de ce type de problèmeset de faire le pont
Le Grand secretde l'industrie
pharmaceutique,
Lo Découverte,
2004
et Comment sauver
(vraiment)la Sécu,
Lo Découverte,
2004
?
questionde la démocratiesanitaireet des associationsde patients.Nous avonsinvité ces dernièresà venirparticiperaux ÉtatsCénérauxorga-
Comment fabriquer de l'unité ?
nisés par Attac, le Syndicatde la Médecine
On entend souvent dire que l'on a perdu la
Cénéraleet d'autres. La plupart ne sont pas
bataillede la Sécuritésociale,après celle des
retraites,et on s'interrogesur les raisonsobjec-
venues. La vraie question à se poser serait :
qu'avons-nous
fait pour qu'ellesaient envie de
tivesqui nousont amenésà ce résultat.Du coup,
venir ? Avaient-elles
quelquechoseà apprendre
on est amenéà faire porter la responsabilité
aux
mutuellesn'ont pasjoué le rôle
autres: syndicats,
s e v e n i r?
e n v e n a n ti c i .d o n c d e b o n n e sr a i s o n d
qui aurait dû être le leur. De manièreplus or,
Et surtout,étions-nousen situationd'apprendre
quelque chose de leur expérienceparticulière,
moins ouverte,on reprend le refrain : ils ont
s i n o np o u r l e sm e t t r ea u p i e dd u m u r ?
p e u s e u l s ,n o u s
" t r a h i " . . . N o u s s o m m e su n
avons raison contre tout le monde... Et on
On entend aussidire : " Mais ces associations
sont-ellesreprésentatives
? " Ce n'est pas non
e n t e n d m ê m e d i r e q u e l e s a s s o c i a t i o nd
se
patients,à quelquesexceptionsprès,commeAct-
p l u s l a b o n n ea p p r o c h ed u p o i n t d e v u e d é m o serait beaucratique. La question intéressante
Up ou Aides,sont à mettredansle mêmesac.Du
coup plus : constituent-elles
un cadrefructueux
coup, on se réfugiedans la dénonciationet on
pour imaginer,inventer,élaborercollectivement
é l a r g i ts a n sc e s s el e c e r c l ed e c e u x q u ' i l f a u t
politiquesqui pourront
de nouvellespropositions
PRATIqUES
être ensuiteproposéesà un public plus large ?
plutôt bêtes en argumentanttoujours face à
C'est seulementdans ce cadre que l'on peut
regarderavec modestieet un intérêt gourmand
I'AFM c'està l'Étatde le faire". Maisils savent
"
bienque l'Étatne le fait pas! C'estjustementtout
ce qu'ont fait aussibien Act Up que l'Association le sensde leursinitiatives! Celafait même des
Française
contrela Myopathie(AFM)à l'initiative années que leur principal messagepeut être
ramenéà cela: on ne peut pasfaireconfianceà
du Téléthon.
Notre échec finalement,c'est notre échec à
l'industriepharmaceutique
et à l'Etatpour inven-
apprendre.Ainsi,quand on parlede surconsom-
dont nos enfantsont besoin.
ter lesmédicaments
mation de médicaments,on assisteimmédiate-
Maisnousne savonsoasécouter.
En prononçant cette parole qui fabrique une
alternativeinfernale,. C'est à l'État de le faire ",
ment à une levéede boucliers: " Commentosezvous porler de surconsommationolors que I'on se
bot iustement contre lo restrictionde l'accèsoux
soins? On n'o pas le droit de porler de cela. C'est
donnerdesarmesà nosennemis., Du coup, l'unité du mouvement n'est pensée qu'en terme
négatif : nous laissonsau gouvernement,au
Medef,la capacitéde nousunir contrelui (" tsrl5
nous leur proposonsl'impuissance,
à eux qui
essaientiustement de sortir de l'impuissance.
Fabriouernous-mêmesdes alternativesinfernales,c'est la chose la plus terrible qui puisse
nousarriver: nousfaisonscomme le capitalisme.
On reconnaîtjustementcelui-cià ce qu'il nous
ensemble..."). Ne serait-ilpas plusfructueuxde
penserque l'unitédoit êtrefaite sur la based'apprentissagesréciproques,sans que les expé-
enferme dans ce type d'alternatives, par
exemple: si vousvous battezpour une augmen-
riencesdes uns et des autres ne soient vécu
vous renforcezle chômage.Ou encore : les pro-
tation des salaireset des conditionsde travail,
f i t s d ' a u j o u r d ' h u i s o n t l e s m é d i c a m e n t sd e
comme un obstacleéventuelà l'unité mais,au
véritable
contraire,comme ce qui enrichit la possibilité demain.C'est ainsique le capitalisme,
d'un travailen commun ? C'estsansdoute plus
tête de Méduse,paralyse,tétaniseceux qui veulong à faire, mais cela rempliraitnos batailles
lent s'opposerà lui. C'est son aspectsorcier.Tout
d'un contenuautrementplusriche.Ainsi,si on ne
le travailde la politiquedoit consisterà desserrer
veut pas parlerde surconsommation
de médicaments,comment poser le problèmede l'action
cesalternativesinfernales.Celapeut être extraordinairementdifficileet c'estpourtantla seulevoie
en directiondes médecins,c'est-à-dire
comment
versl'action.Maisouand on en est réduità faire
imagineraiderles médecinsà mieux résisterà la
de la dénonciation(ce qui peut arriver),c'estque
pressionde l'industriepharmaceutique? C'est
pourtant une questionqui se discutedans cer-
l'on ne savaitplus comment faire. C'est finalement reconnaîtreque l'on est déjà en situation
tainesmutuelles; mais encorefaut-il cesserdes
considérercomme des . traîtres> !
d'échec,que l'on n'a passu " faireprise" au bon
Et si ce n'était pas à l'Etat de le faire...
endroit.La dénonciationsignetoujoursun repli.
Le problèmeest que beaucoupcroientque c'est
la meilleuremanière de faire de la politique.
la dénonciationest le pendantsyméJ'imagineun instant I'AFM et d'autresassocia- Finalement,
tions de patientsmobilisantles familleset leurs trique d'une autre attitude catastrophique:
enfantsdans la rue contre la réforme.J'imagine
l'adaptationet la pédagogie.On voit alors les
les mutuellesexpérimentantun réseaude visite
médicaleindépendant.Comment le gouvernement aurait-ilpu résister? Est-ceun rêve? Mais
hommespolitiquesnousexpliquerqu'on ne peut
pas faire autrement,. que leur réforme est la
seulepossibleu (versionla plusidiote: à quoi sert
qu'avons-nousfait pour que ce type d'événe-
alorsla politiquesi une solutionest la seulepos-
ment soit possible? Nous noussommesmontrés
sible ?), et qu'ils sont là pour expliquer les
PRATIqUES
< contraintes> auxquellestout cela est inexorablementsoumis! ll faut donc arriverà trouverle
chemin entre dénonciationet adaotationsi on
gré lesincroyables
pressions
qu'ellea subiesde la
part des pouvoirspublics qui voulaientmême
avoir le droit de nommer la moitiédes membres
veut refairede la politique.
de son conseild'administration
et contrôlerl'argent recueilli- ou des scientifiques
qui voulaient
Faireproliférer les expertises
déciderentreeux desallocations
de budget.
que
crois
nous
devons
apprendre
à construire
Je
Lesassociations
de oatientssont un des événements les plus importantsen médecinede ces
trentedernières
années.Ellesont opposéla " pro-
patiemmentdesliensentreceuxqui s'intéressent
à l'efficacitédes médicaments,à leur coût (une
liférationdes expertises au modèlehabituelde
"
revuecomme Prescrire
en premierlieu),ceux qui
la vulgarisation
auquella gaucheest malheureu-
travaillentdansl'industriepharmaceutique
et qui
sementsi attachée.Ellesnous ont montré com-
saventcommentcette dernièreétablitsespriori-
ment on pouvaitentrerdans des lieux qui nous
tés de rechercheet qui tentent d'imaginerdes
étaientinterdits: lesétudescliniquesavecAct Up,
leslaboratoires
de recherche
avecl'Afm.Lescher-
moyensalternatifs(je penseau travailfait par la
CCT chez Aventisavec l'élaborationdu projet
cheurs ont souvent détesté cela. La plupart
Néréis),le mouvementmutualistequi ne peut
d'entre eux préfèrentnégocieravec les pouvoirs
publics,ou avec les patrons,plutôt qu'avec le
pas resterindifférentà l'augmentationdes coûts
des nouveauxmédicaments,les associations
de
public > quand il commenceà apparaîtresous
patientssanscroireque l'on va leur donner des
"
la forme de ce type d'associations.
lls auraient
leçons,et un mouvementd'éducationpopulaire
voulu que l'argentn'aillepas à des projets,mais
comme Attac.
à leurslaboratoires
et ilsauraientvoulugérereux-
Alors peut-êtreque nous ferons des
" expériences" différenteset que nous n'auronspas
cettesensation
d'avoirtouloursraison,maisseuls.
mêmescet argentsansque lesassociations
s'en
mêlent,c'estce que I'AFMa toujoursrefusémal-
PRATIqUES
R é s u m é: D a n s l ' é c o n o m i e d e s p o u v o i r s , l a m o n t é e e n p u i s s a n c ed e s a s s o c i a t i o n sd e m a l a d e s a
p e r m i s d e c o n t r e b a l a n c e r l e s p o u v o i r s e n p l a c e d e s p r o f e s s i o n n e l sd e s a n t é e t d e l ' i n d u s t r i e
p h a r m a c e u t i q u e .L ' a u t e u r p o s e a u s s il e s l i m i t e s e t c o n t r a d i c t i o n s d e c e s n o u v e a u x p o u v o i r s .
Le pouvoir des malades :
mythe, danger ou utopie ?
Scène1. Le cabinetde oédiatriedu docteur L.
Mme 8., enseignante,
est venue consulterpour
ont trouvé le site d'une associationaméricaine
son fils de deux ans.llenfanta une banalerhinopharyngite.On en profitepour feuilleterle carnet
basedes premièresanalyses,le protocolen'apporte aucunallongementde la durée de survie.
de santéet parlervaccination.Mme B. vient jus-
Le chef de cliniquerétorqueque ce n'est pas à
tement de lireun articledu Mondesur la vaccina-
s'eneux de décider,maisà M. R. Lesdiscussions
tion contre l'hépatite B. Interrogé,le docteur
récapitulece qu'il saitdu lien avecla sclérose
en
lisent.Le lendemain,l'équipeapporteun nouvel
non significatif,
inexistantchez l'enfant.Mme B.
M. R entredansl'essai.
changepas.Finalement,
lui rétorquequ'il n'y a pasd'épidémied'hépatite
et qu'ellene voit paspourquoielleferaitcourirun
Ces deux scènessont évidemmentfictives.Mais
risqueà son fils pour fairegagnerplusd'argentà
ellessont plausibles.
Ellesrenvoientà ce qui serait
Pasteur-Mérieux.
un nouveaupouvoirdes malades.Au-delàde la
Scène2. Le serviced'oncologiegastriqued'un
grand centre anti-cancéreux
parisien.M. R. est
reconnaissance
récentedu droit à l'information
(par le biaisde la loi Kouchnerde 2002),il s'agit
surtout de l'implicationcroissantedes patients
arrivéce matin pour une nouvellechimiothéra-
dans la prise de décisionmédicale.Indice de
pie. ll souffred'un hépatocarcinome.
La semaine
précédente,
l'imageriea révélédesélémentssus-
l'érosionde la relationautoritaireet oaternaliste
qui liaitmédecinet patients,lesnouvelles
formes
pectsau niveaudes poumons.féquipe veut ten-
de négociationdes interventionssuscitentdes
ter une nouvellecombinaison
de molécules,
dont
réactionscontrastées.
qui donne un avisnégatifsur ce protocole.Surla
Jean-Paul
Gaudillière
Chercheur
à I'INSERM
Vice-président
de lo Fondation
SciencesCitoyennes
argument : l'intérêtde la moléculeest palliatif,
plaque,très faible chez l'adulte,statistiquement ellediminuelesdouleurs,mêmesi le pronosticne
une importée des Etats-Unis.
Pour cela, il faut
s'estdérangé,son formulairede consentement
à
ll y a d'abord ceux qui tiennentce pouvoirdes
maladespour un mythe. Au-delàde quelques
la main, il expliquece qu'on attend de la molé-
zonestrès particulières,
correspondant
soit à des
cule. Entrentle fils de M. R et sa belle-fille.La
priseen chargede confort soit à des actions
"
",
les praticiensont
de préventionpour lesquelles
faireentrerM. Rdansun essai.Lechefde clinioue
veille,ils ont passédes heuressur l'lnternet.lls
PRATIQUES
h ttp:/ / sciencescitoye
nnes.org
affaireà despersonnes
en bonnesanté,rienn'au-
défavorisées,de ceux créés par les effets iatro-
rait changé.Quand lesmaladessont malades,ils
sont justementmalades,en positionde deman-
gènesdes interventionsmédicales,ou de ceux
qui touchent aux déterminantsnon biologiques
de, de faiblesse
et de non-compétence.
Pourl'es-
de la maladie.
sentielde la médecine,le changementne saurait
être que cosmétique.Ce que tendent à démontrer lesconditionsde signaturedesformulaires
de
Nombre de ceux qui ont milité pour soigner
autrementse sentirontprochesde cettedernière
consentementéclairé ou encore les grandes
perspective.Pourtant,on ne peut écarterd'un
messescomme les ÉtatsCénérauxdes malades
reversde main lesargumentsdes sceptiques.
Le
du cancerqui constituentun bon forum pour discuterde l'expérience
humaineet socialede la vie
tant que l'on se contentede réfléchirla médeci-
avecun cancet maissûrementpas de l'utilitéet
ne à partir du colloquesingulier,en faisantdu
du choix destraitements.
patientun individusouffrantet isolé.L'utopiene
ll y a ensuiteceux qui tiennent le changement
pour réel, mais qui considèrentqu'il s'agitd'un
pouvoir des maladesest une utopie. Du moins
que si on la penseen termesd'exdevientréaliste
périencecollective.Ce passage
au collectifest en
pour compenserles dépeneffet indispensable
danger.Un dangerpour lesmaladeseux-mêmes.
La pressioncroissantedes patients-clients
seraità
danceset infériorités
crééesoar l'existence
même
d'antibiotiques
ou de psychotropes
seraitlà pour
nellement,desoutilspour < pouvoir> fairerecon-
de la maladie,pour capitaliser
les savoirsacquis
l'originede beaucoupde mauvaises
par
décisions,
de
chacunau coursde sa trajectoirede patient.
prescriptions
inutileset finalementpréjudiciables ll est surtoutindispensable
pour créerdes outils
à la santé publique.La consommationfrançaise permettantde pesersocialementet institutionen témoigner.Pire,en transférant
sur lesmalades
une partie du poids de la décisionen situation
naître,négocieret imposerdes changementsde
pratique.En d'autrestermes,il s'agitd'allerdans
d'incertitudequi était jusque-làl'apanagedu
le sensd'un o empowerment De ce point de
".
médecin,les nouvellesrelationsthérapeutiques vue, les deux dernièresdécenniesnous ont
mettraientlespatientsdansune situationimpos- apportédesexpériences
contrastées.
sible.Ceux-cin'ont ni le temps, ni la distance
indispensables
à un choix informé.Au final, le
La mieux connueaujourd'huiest celledes mou-
droit à savoiret le droit à choisir ne peuvent
vementsde lutte contre le sida.Au départde la
qu'augmenterleursangoisses
et, parfois,aggraver la pathologie.
mobilisationassociativeautour de l'épidémie
causéepar le VlH, il y a bien sûr la nature des
populations touchées, l'expériencesociale et
ll y a enfin ces raresavocatsqui voient dans les
politiquepropreaux mouvementshomosexuels.
nouvellesformesde négociationune composante de la démocratiesanitaire,un moyen pour
bataillescontre la stigmatisation
des personnes
redonnerau systèmede santé une fonction de
s a n t é " p u b l i q u e" . D o n n e r d u p o u v o i r a u x
Les années 80 furent ainsi marquéespar les
contaminéeset des groupes" à risque Avec
".
pour résultatmarquant la décisionde ne pas
maladesest, dans cette perspective,un moyen
recourirau dépistagesystématique
et de veiller
pour diminuerle poidsdes intérêtset idéologies
professionnels,
pour élargirla significationde la
aux strictesconditionsde confidentialité
dans la
réalisationdes testsde séropositivité.Ou encore,
m a l a d i e a u - d e l à d u b i o m é d i c a l ,p o u r f a i r e
entendreet reconnaîtredes besoinsmal pris en
la bataillepour leséchangesde seringueet une
gestion alternativedu o risque , attaché à la
compte. Qu'il s'agissede ceux des populations
consommationde droguesdures.Ce fut aussila
PRATIqUES
lutte pour la mise en placed'une infrastructure maladesoour suivrela miseen olaceet le déroupour lier priseen charge* d'urgence à l'hôpilementdesessaiscliniquesde moléculesà activi"
tal, priseen charge" quotidienne' par lesgénété anti-rétrovirale
a conduit les associations
à
ralistes,et pratiquesde self-helppar insertiondes
Encoldévelopperune véritablecontre-expertise.
séropositifs
danslesréseauxcommunautaires.
lectantles informationssur chaqueessaiauprès
de leursmembres,en s'appropriantla littérature
Cesmobilisations
eurentune doublesignification
médicale,en mutualisantleurssavoirset en main-
politique.On a d'un côté ce qui a le plus attiré
tenant la pressionmilitantesur les industrielset
l'attentionet eu le plusd'impactsur l'administra- l'agence,lesassociations
ont réussià modifier,au
tion sanitaire: les manifestations
et pressions moins temporairement,la conduite des essais.
pour que plus de moyenssoientconsacrés
à la
Ellesont réussià faireadmettreque, du point de
(et de la qualitéde l'informalutte contre l'épidémie,pour que les responsabi- vue des personnes
litésdes acteurspolitiqueset économiquesdans
l'essai
tion),
randomiséavecplacebosur des mill'extensionde la contaminationne soient pas
niées.D'autre part, il y a eu une transformation
liersde personnesn'était pas la panacée; qu'i,
fallait parfoissacrifierla puissancede l'analyse
moinsvisible,maispeut être plus profondede la
statistique
à la pertinenceclinique; que l'on pou-
médecine: l'inventionde pratiquesun peu diffé-
vait inventerdes mécanismes
donnantaccèsaux
rentes,laissantplus de place à la parole des
patients(d'autantplusfacilementque ce ceux-ci
étaient jeunes, culturellementet socialement
nouvellesmoléculesavant la misesur le marché
définitive; que l'évaluationd'utilité était une
dotés),à la décisionnégociée(d'autantplus que
de vie. En un mot si personnene peut soutenir
l'on était initialementen situation d'urgence,
que l'implicationdes maladesest à l'origined'un
partiellement
d'impuissance
reconnuefaceà une
paradigmealternatifà la priseen chargechimiothérapeutique,il est tout aussicertainque sans
cette < co-construction" des essaisla natureet le
mode d'utilisationdes trithérapiesauraientété
maladienouvelle),à l'articulationentre le médical et le social.
L'effetle plus inattendude l'interventioncollecti-
affairede chargevirale,maisausside conditions
ve des séropositifset de leursprochesa toutefois
été son impact sur le " noyaudur ' du système
biomédical,c'est-à-diresur l'organisationde la
recherche.Sansla pressiondes associations,
les
généralisable
? Compte tenu de l'importance
différents.
Dans quelle mesure cette expérience est-elle
(INSERMpour le fondamenstructures
classiques
qu'a eue pour le mouvementSidason inscription
tal, CHUpour la clinique)seseraientoccupéesdu
sidasansque l'on estimenécessaire
de créerune
dans les pratiquessocialeset politiquesde communautésporteusesd'une identitéforte, d'une
institution particulière,l'Agence Nationale de
expériencede lutte contre lesdiscriminations,
et
Recherche
sur le Sida.Or, I'ANRSa constituéun
terrain d'expérimentationpour une recherche
plus ouverte,en < participation au sensoù ses
"
destinataires
ont fini par imposer un droit de
d'un rapport critiqueaux professions
médicales
(ne serait-cequ'à causedu rôle que les institutions médicalesont eu dans le maintien des
normestraditionnelles
en màtièrede sexualitéet
regard sur ce qui s'y faisait,et contribuer à
de reproduction),on seraittenter de répondre
la définition des programmesd'investigation. q u ' i l s ' a g i t d ' u n e s i t u a t i o n t r è s p a r t i c u l i è r e .
L'expérience
des essaiscliniquesest de ce point
Pourtant,lesexpériences
de pouvoircollectifdes
de vue la plusintéressante.
factivité desgroupes
maladesne sont pas limitéesau domaine sida.
de travailassociantchercheurs,industrielsde la
Aux Etats-Unis,
des milliersde collectifsconstitués
pharmacieet représentantsdes associationsde
autourd'une maladieont surgiau coursdesdeux
PRATIQ-UES
un médecintout-savant,si ce n'est tout-puissant,
génétique,elle l'a fait en se réappropriantles
(jouantlesfonsavoirsd'un grouped'innovateurs
est loin d'avoirdisparue,le phénomèneestmoins
damentalistes
contre les cliniciens),sanscontri-
massif,maistout aussiréel.
U n b o n i n d i c e e s t l e d é v e l o p p e m e n td e
l'Association
françaisecontre les myopathieset le
buer à l'émergencede nouvellesformes de
savoir,sans déplacer (ou si peu) les critèresde
jugementet les pratiquesde l'élitebiomédicale.
De plus, à l'inversedes mouvementssida qui,
succèsde son Téléthon.A partir des années80,
tout en entretenantdes rapportscontradictoires
I'AFMa réussià faire des maladiesneuromuscu-
avec l'industriepharmaceutique,
ont investide
lairesun problème de santé publique. Plus,la
puissance
financièreacquisepar l'association
lui a
façon critique le terrain de la mondialisation
pharmaceutique,
I'AFM s'estalignéesur les pra-
permis de peser significativement
sur la façon
tiques dominantesde valorisationdes connaissances,en particulieren matièrede brevetssur le
En Franceoù la confianceen
dernières
décennies.
dont le systèmebiomédicals'occupaitdes maladiesgénétiquesen généralet des myopathiesen
particulier.D'un côté, I'AFM a poursuivilesinter-
vivant.
ventions(matérielles
et financières)
visantà facili-
La juxtapositionde ces trajectoirestrès contras-
ter la prise en charge (soin et vie sociale)des
jeunesmalades.De l'autre,l'association
a lancé
tées permet de se convaincreque le pouvoir
croissant
desassociations
de maladesn'estpasde
sespropresprogrammesde recherche,faisantdu
soutienà la génétiquemoléculaire
un trait fonda-
lui-même une garantie de transformationdes
pratiquesde santé.Lesexpériences
desdeux der-
mentalde son identité.Le gène est devenupour
(avecl'insistance
l'AFMune valeurscientifique
sur
nièresdécenniesont certainementmodifié les
la réductionde la maladieà la causalitémoléculaire), un résultattechnique (avec le développe-
bué au désenclavement
de la rechercheet à une
rapportsentre maladeset professionnels,
contricertaineredistributiondes oouvoirsde décision.
ment des technologiesd'analysede I'ADN, le
montage du laboratoireGénéthon)et une justifi-
Ellesfont toutefoisapparaîtretrois zonesde tensionsqui tendentà limiterleurseffets.La premiè-
cation symbolique(avec les promessesrenouveléesde la thérapiegénique).Vingt ans aprèsles
re difficultéest la conséquencedes fortes asymétries de moyenset de compétencesqui existent
premièresinitiativesd'ampleur,le bilan est mitigé. Pour ce qui est des interventions,la thérapie
entre groupesde maladeset grandsacteursdL
systèmede santé,que ce soit l'industriepharma-
géniqueest,à quelquesexceptionsprès(qui por-
ceutique ou les structuresprofessionnelles.
En
tent sur des pathologiesdu systèmeimmunitaire), dansl'impasse.Le principalacquisa été l'ex-
peuventfacilement
conséquence,lesassociations
tensionconsidérable
despossibilités
du dépistage
au rapportnécessairement
ambiguqui leslie à la
génétiqueet de l'interruptionthérapeutiquede
grossesse.Du point de vue des chercheursen
poursuitedu miracletechnique.La quêtede thérapie est un levier remarquablepour l'engage-
être instrumentalisées.
La secondedifficultétient
génétiquehumaine,l'actionde I'AFM a été un
ment et la constitutiond'une exoertisecollective
p o i n t d ' a p p u i r e m a r q u a b l e .L e s m a u v a i s e s à partirde ce que chacunsaitde sa maladie.Elle
languesdisentque l'association
n'a toutefoisfait
qu'aider à l'accouchementd'un < programme
génome > qui aurait de toute façon vu le jour,
peut aussidevenirun obstacleentravantl'émergenced'une visionplusglobaleet plussocialede
la santé,la constitutiond'une expertisecritique.
même sansl'argentdu Téléthon.Plusimportant
La troisièmedifficultétoucheà la questionde la
est sansdoute le fait que si I'AFMa, au coursde
représentation
et de la constitutiondu bien com-
son intervention,constituésa propre expertiseen
mun à partirdes intérêtsde groupe.Pourexister
PRAT IQ-U E5
doivent partir de l'idenet peser,les associations
tité de malades de leurs membres. Mais cette
identité peut être construite de façon plus ou
moins large,en intégrantou non d'autresparamètreset sourcesd'inégalitésque le fait d'être
touchépar une pathologiedonnée.Comptetenu
de cestensions,il n'est pas de voie royalepour
passerde l'identitéde " victime' d'une maladie
à cellede . citoyeno d'une démocratiesanitaire'
Tout dépend du coursdes actions,de la manière
et dont fonctionnent
dont se nouentlesalliances
lessolidarités.
On pourraitêtretentéde conclureque le pouvoir
des maladesest plus un mythe qu'un proiet et
qu'il vaut mieux, pour changer le systèmede
santé, construirel'allianceentre professionnels
éclairés,politiquesde gaucheet assurés'Sousla
TroisièmeRépublique,de nombreux socialistes
pensaientque l'octroi du droit de vote à l'ensemblede la populationfrançaise(mâle)ne servirait à rien parceque les paysansvoteraienttoujours à droite. Auiourd'hui, les débats sur la
démocratiesanitairesont à fronts renversés'La
craintedu lobbying et des intérêts< particuliers>
poussesouventla gaucheà s'en remettreexclusivement aux dispositifs de représentationdes
citoyens.Paripour pari,on préfèreraceluid'une
démocratiesanitairequi ne fassepas l'impasse
sur l'implication collectivedes premiersconcernés,sur leursbesoinset leurssavoirsspécifiques'
Mise en scène
llaurel'Arrig
Elisabeth
Médecingénéroliste
Mettre en scène les différentspouvoirs
qui s'affrontenten médecine,pour imabeaugineret construireune alternative,
toux d'un ouvrierqui, certes,fume, mais
qui surtouttravailledans l'industriechimique et comment on Pourrait faire
coup de soignantset de citoyensen ressentent la nécessité.Le Syndicat de la
MédecineGénéralea élaboré un outil
dansun autremonde.
Où on voit tous les protagonistescachés
du soin,protaderrièrelesprofessionnels
théâtral,leu de rôleà la fois burlesqueet
sérieux,proposéà tous ceux qui voudraientl'utiliser: propositionde miseen
gonistesqui agissentcontre la santé,et
tous ceux qu'on pourraitmobiliserpour
des conditions
une véritablesauvegarde
si on le décisanté
de vie,de travailet de
scène pour théâtre forum, canevas,
fiches pour chacun des personnages, dait collectivement.
Où chacun,comédienamateurou néoll a déiàtourné
et répliques...
accessoires
phyte pourraallierle plaisirdu ieu à celui
lors de différentes interventions, et
d'animer un débat Participatifauprès
notamment lors de l'universitéd'été
2004 d'Attac.
Où on voit comment le systèmelibéral
traite (ou plus précisémentmaltraite)la
d'un publictout venant.
surle site:
A consulter
http://wwwsmg-Pratiques.info.
tûla.
P R A r t q u EsSe
I
E
D
I
T
O
Mensonges et impostures
– Vous dites coordination par le nouveau « médecin traitant » et c’est la légitimation des dépassements d’honoraires des spécialistes.
– Vous dites amélioration des soins, mais c’est une moins bonne prise en charge du périmètre des
Affections de Longue Durée, et pas de projet pour pallier la désertification médicale de certaines
zones du territoire.
– Vous dites efficacité, et c’est un Dossier Médical Personnel informatisé dont l’empilement de
données ne servira qu’à casser le secret médical vers les assurances privées.
– Vous dites économies d’un milliard sur le remboursement des soins, mais c’est 500 millions pour
les médecins spécialistes.
– Vous dites que chacun doit changer pour sauver la Sécu, et ce sont les industries pharmaceutiques qui augmentent leurs prix en vendant des produits dont elles cachent les effets secondaires
dangereux.
– Vous dites économies sur la prescription de médicaments et génériques, et c’est l’annulation du
seul organisme, le FOPIM, qui se voulait garant d’une formation indépendante des firmes pharmaceutiques.
– Vous dites que chacun doit faire un effort, mais ce sont les malades qui subissent l’augmentation
du forfait hospitalier, le forfait de consultation.
– Vous dites que le paiement à l’acte garantit la liberté, mais c’est la liberté pour les médecins de
multiplier les actes et pour les patients de payer de plus en plus, surtout dès qu’ils voudront avoir
un rendez-vous rapide chez les spécialistes.
– Vous dites que vous voulez améliorer la qualité des hôpitaux et avec le Plan Hôpital 2007, vous
démantelez l’hôpital au profit des cliniques privées, vous cassez les équipes, et vous délaissez le
soin des malades chroniques et âgés pour privilégier les actes techniques rentables.
Alors, nous, soignants, syndiqués ou non syndiqués, membres d’associations différentes et soignés,
citoyens bien portants ou malades, nous sommes un certain nombre à vouloir dénoncer ces mensonges et impostures.
Les soignants veulent combattre une réforme qui casse la Sécurité sociale, empêche le soin, et
aggrave les inégalités.
Les soignés refusent que l’accès aux soins devienne impossible pour une grande partie de la population, et que rien ne soit fait pour la prévention des pathologies liées aux conditions de vie et de
travail.
Sur le quotidien du soin et de la santé, il y a à faire connaître la réalité de la réforme du gouvernement, pour ensemble résister.
RUBRIQUE
Actu politico-médicale
Résister et construire
Elisabeth Pénide
Membre du Syndicat
de la Médecine Générale
Les 26 et 27 novembre 2004, à l'occasion du 30 congrès du Syndicat de la Médecine Générale,
e
qui s’est tenu à Angers, deux tables rondes ont eu lieu, qui permettent d'alimenter la réflexion et
d'orienter les actions du syndicat pour l'année à venir. En voici un compte-rendu succinct.
Première table ronde Santé et Travail : « Repérer et prévenir plutôt que réparer »
Marc Andéol, pour l’Association pour la Prise en Charge des Maladies Eliminables, a présenté un
logiciel informatique, dont le but est de constituer une mémoire cumulative, une galerie de cas. Cet
outil permet aux professionnels de santé d’un bassin de vie, de mieux repérer et prévenir par la
consultation de cas similaires répertoriés.
Annie Thébaud-Mony, directrice de recherche à l'université de Paris XIII, cherche à fédérer des initiatives contre les toxiques comme l'amiante, en diffusant les informations via Internet, expliquant
le rôle des pays (Brésil, Canada, France) dans le prolongement de son utilisation (multinationale
Saint-Gobain). L'absence de visibilité des cancers professionnels repose sur la difficulté à identifier
les toxiques, à travers l'analyse des parcours professionnels. Cela est encore plus vrai pour les entreprises de sous-traitance : à EDF, 80 % de l'exposition au rayonnement repose sur des entreprises
sous-traitantes, souvent non contrôlées par la médecine du travail. De plus, 40 % des travailleurs
touchés par les maladies professionnelles sont immigrés et plus encore sont sous-déclarés.
Corinne Provost, du collectif Égalité-Mixité CGT Nantes, souligne les inégalités de salaire homme
femme, les violences, les harcèlements sexuels...
Annie Touranchet, médecin inspecteur du travail, et Dominique Huez, médecin du travail, nous encouragent à remplir des déclarations détaillées de maladies professionnelles (obligation du médecin :
article L. 461-6 du Code de Sécurité sociale), même celles ne figurant pas dans le tableau des maladies professionnelles, car elles permettent une réouverture à l'action collective. Les tests de toxicité doivent être faits par les employeurs, mais sur plus de 100 000 molécules, seulement 140 sont testés.
L’industrie américaine freine et s'oppose au projet de directive (programme REACH) pour ces tests.
Seconde table ronde autour du Dossier Médical Personnel (DMP)
Pierre Suesser, du collectif DELIS, nous décrit leur réflexion autour de cet outil de travail, objet de
standardisation, qui, en niant ce qui se déroule au cours de la démarche de soins, aboutit à un chaînage des pathologies, en quelque sorte un « casier sanitaire ». L’état défavorable du rapport de
forces conduit DELIS (Droits et Libertés face à l’Informatisation de la Société) à proposer des amendements modestes, mais d’une importance majeure :
– L’identifiant : un chiffrement irréversible et strictement dédié au dossier doit être fait à partir du
numéro de Sécurité sociale.
– Le dispositif de sécurisation pour avoir accès au dossier doit comprendre la carte du professionnel et un code personnel.
– L’accès doit être différencié en fonction de la nature des professionnels concernés.
– Le droit pour le patient, d'accepter ou non l’inscription d’une information, ainsi que le droit à
l’« oubli » d’une information, doit exister.
– Les hébergeurs doivent avoir une délégation de service public sans aucun lien aux employeurs
ou à la Sécurité sociale.
– Il faut supprimer le déremboursement lié à la non présentation du dossier.
Gilles Hebbrecht de la SFMG (Société Française de Médecine Générale) nous apporte un éclairage
technique. Les hébergeurs ne peuvent être que des poids lourds (Oracle, Noos) : ce qui pose la
62
P R AT I Q U E S
RUBRIQUE
Actu politico-médicale
question de leur indépendance. Pour ce qui est
des coûts et des délais, installer un pareil système
en trois ans paraît délirant : en Angleterre, ils ont
prévu dix milliards de livres sur dix ans, dont 1/3
pour la rémunération des médecins ; en France,
on escompte 3,5 milliards d'économies pour probablement 3 à 4 fois plus de dépenses. Le volume, la hiérarchisation, le tri des documents,
demandent un travail considérable. Se pose aussi
le problème du secret professionnel qui devient
simple « confidentialité » : le DMP ne semble pas
pouvoir être le dossier du médecin, faudra-t-il
qu’il fasse deux dossiers ?
Didier Ménard du SMG constate qu’il existe un
consensus autour du DMP en France chez les
assurés, les pouvoirs politiques, cet outil informatique étant présenté comme un élément de bon
sens. Pourtant, l'outil doit être au service du projet et non l'inverse. Le vrai débat porte sur la
coordination, la qualité des soins qui nécessitent
une transformation du système de santé. Mais
pour l’instant, on espère des économies par l’incitation à la renonciation aux soins.
Le débat et la réflexion de tous permettent de tracer des pistes d’action pour le Syndicat de la
Médecine Générale pour l’année à venir : un
Appel en direction des soignants sur la défense
du système solidaire en acteurs de santé publique
que nous sommes et l'Observatoire des inégalités
de santé liées à la réforme, outil à utiliser pour
une bataille politique. Il faut alimenter notre discours par des faits précis mettant à l’évidence la
violence de la culpabilisation des personnes
malades, victimes et non coupables.
Lettre à un ami médecin catalan
Cher Pedro,
Tu risques de voir débarquer sur les ramblas début décembre une troupe de médecins français.
Connaissant ta curiosité et ton intérêt aux « choses » de la médecine, je suis certain que tu vas aller
leur parler. Il faut que je te renseigne sur ces médecins, et sur les raisons de leur escapade catalane.
Je ne veux pas influencer ton jugement que je connais pertinent, mais simplement éviter une trop
forte déception à un ami démocrate et progressiste. Ces médecins sont réellement aujourd’hui dans
une grande difficulté, parce qu’ils perçoivent qu’ils sont « dindons de la farce ». Lors de notre dernière rencontre nous parlions, te souviens-tu, des difficultés à comprendre les changements et évolutions d’une société. C’est typiquement ce qu’il leur arrive. L’économie libérale qu’ils défendent,
plus par idéologie que par obligation corporatiste, les met dans une situation difficile. La marchandisation du soin transforme progressivement leurs pratiques professionnelles en une succession
d’actes marchands. Par exemple, leur responsabilité professionnelle est devenue une valeur financière et leur prime d’assurance est démesurée. Aussi, sans comprendre qu’ils sont assis sur la
branche qu’ils sont en train de scier, ils protestent pour obtenir une liberté totale pour fixer le montant de leurs honoraires. Si tu leurs parles, explique-leur qu’au jeu de la concurrence libérale avec
les acheteurs de soins (les assurances complémentaires), ils sont forcément perdants. Ils seront de
plus en plus considérés comme des prestataires au service d’entreprises qui veulent de la rentabilité et qui n’ont rien à faire de l’éthique, de l’humanisme, du respect de la personne malade qui sont
les fondements de l’action de soigner. Toi qui est un médecin salarié heureux, parce que suffisamment libre pour exercer la médecine de ton choix, tu seras peut être plus efficace pour les
convaincre qu’il font fausse route en passant par Barcelone, même et surtout dans cette ville qui
s’est battue pour la démocratie.
Adeu l’ami, à bientôt en Catalogne
Ton ami Didier
P R AT I Q U E S
Didier Ménard
Médecin généraliste
63
RUBRIQUE
Actu politico-médicale
Construire une charte éthique
de la Formation Médicale Continue
Marie Kayser
Fin octobre, sur l’initiative de la SFTG (Société de Formation continue des Médecins Généralistes),
ont eu lieu les « Etats Généraux de la Formation Médicale Continue Indépendante ».
Médecin généraliste,
présidente du Syndicat
de la Médecine Générale
La formation des médecins, pourtant obligatoire depuis 1996, est jusqu’à présent laissée au choix
de chaque médecin. Elle prend différentes formes : soirées financées par les firmes pharmaceutiques, Formation Professionnelle Conventionnelle (FPC) rémunérée indépendante des firmes et
délivrée par des associations agrées... La formation va être désormais « régie » par les Conseils
Nationaux de la Formation Médicale Continue (CNFMC), mis en place début 2004 par le gouvernement (il faut noter que la SFTG a été « éliminée » de cette instance de décision, alors qu’en tant
qu’organisme de formation, elle y avait toute sa place).
C’est dans ce contexte que se sont retrouvés tous ceux qui luttent pour que la formation médicale
soit réellement indépendante, en particulier des industries de santé ; cette volonté d’indépendance
a été explorée dans une table-ronde où sont intervenus la SFTG, la revue Prescrire, le collectif pour
une Formation médicale indépendante (Formindep), et nous Syndicat de la Médecine Générale ;
elle semblait évidente pour la plupart des présents : individuels, acteurs de la FPC, Syndicat des
Jeunes Médecins Généralistes… mais l’intervention du président du collège des médecins libéraux
du CNFMC a bien prouvé qu’au niveau de cette instance, il n’en était rien : il ne voyait aucune raison de ne pas agréer les formations faites avec le financement de l’industrie pharmaceutique, refusant d’admettre l’influence directe ou indirecte de cette dépendance.
Trois ateliers ont permis de travailler sur les conditions de la qualité de la FMC, les attentes des usagers et de la santé publique, et la prescription en Dénomination Commune Internationale qui est
un des éléments de l’indépendance de prescription.
A l’issue de cette journée a été élaboré le projet de charte éthique de la FMC.
Projet de charte éthique de la Formation Médicale Continue
La formation médicale continue doit avoir une indépendance totale vis-à-vis de toutes les industries de santé.
Les intervenants en formation médicale continue doivent systématiquement déclarer leurs
conflits d'intérêts.
La formation médicale continue doit être replacée dans son contexte sociétal, donc être en adéquation avec les besoins et attentes des patients.
La formation médicale continue (comme la formation médicale initiale d'ailleurs) doit parler des
médicaments en dénomination commune internationale, et il faudrait disposer d'une banque
d'information sur les médicaments indépendante.
La formation médicale continue doit s'intégrer dans le temps de travail et être rémunérée par
des fonds mutualisés.
SFTG
http://www.paris-nord-sftg.com
64
La formation médicale continue doit être critique et interdisciplinaire.
P R AT I Q U E S
RUBRIQUE
Actu politico-médicale
Le gouvernement actuel martèle à qui veut l'entendre que le déficit de la Sécurité sociale est dû à
Elisabeth Pénide
ces irresponsables que sont les assurés.
En tout premier lieu, tous ces malades bénéficiaires d'une prise en charge à 100 % à travers l'ALD
Médecin généraliste
(affection longue durée). Pour ceux-là un contrôle plus strict des ordonnances bi-zone est déjà
mise en place : il faudra à chaque fois argumenter la prise en charge du Doliprane® pour les douleurs associées au diabète ou à l'hypertension... D'ailleurs ils devront s'acquitter du forfait de
consultation à chaque acte de consultation ou de biologie, avec interdiction aux assurances complémentaires d’en assurer le remboursement : pour une patiente diabétique équilibrée, cela
représente au minimum vingt forfaits annuels. À un (si peu !), voire deux, voire cinq euros l'unité, quand beaucoup de personnes âgées ont pour tout revenu le minimum vieillesse à
587,75 euros/mois... Il faut responsabiliser ces malades = vous êtes accusés d'être malades !
N’encourageons surtout pas le suivi régulier et la prévention des complications des maladies de
longue durée !
Que penser de ces accidents du travail qui, eux aussi, devront s'acquitter également de ce forfait :
on sait bien qu'ils le font exprès ! Surtout ne cherchons pas à limiter les causes de ces accidents, en
enlevant tout moyen
de prévention à la
médecine du travail.
Et ne chargeons pas
trop ces employeurs
qui « cassent » régulièrement
à
des
Quelles économies ?
mêmes postes des
travailleurs : le financement de la Caisse des Accidents du Travail et Maladies Professionnelles a d’ailleurs été plafonné...
Ceux des Etats-Unis, bienfaits du libéralisme à outrance, ont au moins compris par des primes
indexées sur le coût réel des accidents du travail, qu'il était plus rentable de les prévenir.
Ces assurés qui prêtent leur carte de Sécurité sociale pour faire profiter de la C.M.U. (couverture maladie universelle) certains autres, seront mis à défaut par l'existence d'une photographie
sur cette carte : les médecins seront sommés de faire le contrôle d'identité de la personne soignée (annexe de la loi Sarkozy sur la prévention de la délinquance). Surtout ignorons les changements survenus dans la délivrance de la C.M.U. qui ouvre les droits de la famille à partir du mois
qui suit la délivrance de cette prise en charge : lorsque les personnes nous ramènent enfin l'attestation de leur prise en charge si difficilement acquise (en moyenne en Alsace, deux mois),
nous devons leur signaler souvent qu'il leur faut attendre le mois suivant. En attendant,
comment les soigner ?
Rendons les gens « responsables », ne simplifions pas l'accès aux soins : j'ai le souvenir dans les
années 90 d'une dame de cinquante ans, qui relevait du régime général tout en n’ayant que
2600 francs par mois pour vivre sans avoir droit à l’aide médicale gratuite. À partir d'ulcères variqueux non soignés, faute de moyens, elle a présenté un état de choc septique qui a exigé une prise
en charge dans un service de réanimation durant un mois à plus de 10 000 francs la journée, puis
un mois d'hospitalisation en service de chirurgie à au moins 2500 francs la journée à l'époque…
à la suite de quoi la caisse dont elle dépendait lui a accordé une prise en charge ALD hors liste
qu’elle avait refusé de donner jusque-là.
P R AT I Q U E S
65
RUBRIQUE
Actu politico-médicale
Le retard donné à un recours aux soins peut avoir
re, la Sécurité sociale a déboursé 593 euros.
des conséquences économiques (s'il ne faut par-
L’ophtalmologue ne pratiquait pas cela dans son
ler que de celles-là) gravissimes.
cabinet : les impératifs en temps et en personnel
d'une bonne stérilisation... Il y a donc fallu aller
Les autres accusés sont les médecins : évidem-
dans une salle d'opération d'une clinique, voir en
ment, ceux-là qui prescrivent trop d'arrêt de tra-
bilan préopératoire un anesthésiste, et tutti quan-
vail : surtout restons quantitatif et non qualitatif.
ti... Mais ce sont des dépenses justifiées, qualité
N'analysons pas trop les causes de ces arrêts, les
de soins oblige !
profils de clientèle, des catégories socioprofes-
Et surtout, ne touchons pas au paiement à l'acte,
sionnelles des assurés concernés. Tant qu'il n'y
même pour des actes d'urgence, qui en tant que
aura pas de définition de la pénibilité de certains
tels, devraient relever d'un paiement au forfait :
emplois, nous nous verrons obligés de surseoir à
comment peut-on espérer qu'un médecin de
cet état de fait par des arrêts de travail, puis, plus
garde payé à l'acte encourage des assurés à n'uti-
tard, au fil des handicaps cumulés, une inaptitu-
liser l’urgence qu'à bon escient ? Est-ce qu'un
de, un chômage, une invalidité, avant qu’ils puis-
patient réellement dans l'urgence doit d'abord
sent toucher une retraite minimaliste... Sans que
penser comment il va s'acquitter de ses soins ?
jamais en soit évalué le coût pour la collectivité !
Non, au contraire : dès janvier 2005, tous les
Les patrons pour-
médecins auront accès au secteur 2 (de dépas-
ront
sement des tarifs conventionnels), du moment
eux-mêmes
faire
ces
que l'assuré ne passera pas par le médecin « trai-
arrêts maladie par
annuler
tant ». Nos confrères libéraux pourront appré-
des médecins qu'ils
cier les bénéfices d'une logique marchande et
financeront directe-
oublier une certaine éthique du soin. En contre-
ment, et dans ce cas
partie le Dossier Médical Partagé, devenu
les indemnités jour-
Personnel (DMP), et le codage des actes leur
nalières (I.J.) indû-
seront exigés.
ment
versées,
devront être rem-
Ce bel outil, le DMP, qui doit nous faire faire
boursées
3,5 milliards d'économies grâce à son utilisation,
par
les
assurés !
quand beaucoup chiffrent son coût à deux ou
La tarification à l’ac-
trois fois les économies espérées, n'a pas pour
tivité imposée dans
autres objectifs que d'aggraver irrémédiablement
les
établissements
le déficit de la Sécurité sociale et de mettre en
publics et privés ne
place les moyens d'un contrôle : de ces malades
tient
évidemment
vraiment malades et souvent pauvres, et de ces
pas compte de la
médecins, tous également irresponsables. Pour
sélection « naturelle » : au privé l’appendicite du
ouvrir le marché des soins vers ceux qui peuvent
jeune en bonne santé, au public la personne âgée
payer !
malade qui fait le même appendicite, mais plus
Au même moment, le Medef a pris le contrôle de
compliquée sur un terrain fragilisé avec la même
la Sécurité sociale à travers l’UNCAM (Union
tarification… (d’ailleurs bientôt réapparaîtrons les
Nationale des Caisses Maladies) : 50 % des voix
officiers de santé sous qualifiés pour ce public-là).
leur sont dévolues avec nécessité d’une majorité
Usons et mésusons des protocoles : pour l'abla-
des 2/3 pour contrer une proposition…
tion d'une petite verrue de la paupière supérieu66
P R AT I Q U E S
Pour qui les profits ?
RUBRIQUE
Actu politico-médicale
Un jugement décisif
D
ouze familles, dont les enfants ont été intoxiqués par le plomb, soutenues par l’AFVS (Association des
Mady Denantes
Familles Victimes du Saturnisme), ont déposé un dossier auprès de la CIVI (Commission d’Indemnisation des
Victimes d’Infraction) en 2002. La CIVI est saisie quand on pense avoir été victime d’une infraction pénale. Le
Médecin généraliste
tribunal de la CIVI détermine s’il y a eu infraction pénale, mais n’a pas pour mission de déterminer les responsables. Ces enfants ont été intoxiqués par le plomb contenu dans les peintures dégradées de leur logement insalubre. Certaines familles étaient locataires, d’autres squatteuses. Quelle que soit leur situation, la CIVI a conclu
en 2002 qu’il y avait infraction pénale à maintenir des enfants dans un logement contenant du plomb à des
doses toxiques, au vu et au su de tout le monde, en connaissant les conséquences irréversibles sur le développement psychomoteur de l’enfant d’une intoxication au plomb, même à faible dose.
Cette décision a été contestée, mais le 28 octobre 2004, la Cour d’Appel vient de confirmer le premier jugement : l’infraction est reconnue, avoir maintenu des enfants dans un endroit dangereux est considéré comme
une violation du code pénal.
Aujourd’hui, laisser un enfant s’intoxiquer au plomb est une infraction pénale qui mérite indemnisation (1).
A la suite de cette décision juridique, l’AFVS propose la création d’un comité scientifique : il aura pour rôle d’assurer un suivi vigilant des recommandations faites par le jury de la conférence de consensus en novembre
2003, afin que ce problème majeur de santé publique qu’est le saturnisme soit enfin résolu.
Les médecins intéressés pour faire partie de ce comité scientifique doivent contacter Mady Denantes au
06 20 69 38 64 ou à l’adresse [email protected].
Extraits des recommandations de la conférence de consensus
– publication de l’imprimé de DO (déclaration obligatoire) ; cet imprimé a été publié, mais seuls les médecins pédiatres en ont été informés et en ont reçu un exemplaire ;
– faire figurer sur les certificats de santé des 8e jour et des 9e et des 24e mois, des items permettant d’identifier le
risque d’intoxication au plomb en raison de la nature des lieux d’habitation et d’accueil habituels des enfants ;
– inscription du saturnisme dans la liste des maladies prises en charge à 100 % pour une plombémie
m g/l ;
supérieure à 100m
– recherche systématique du risque d’exposition au plomb chez toutes les femmes enceintes.
Certaines recommandations ont particulièrement besoin de la vigilance des médecins généralistes :
– Retirer rapidement l’enfant du milieu exposé, notamment pendant la période des travaux indispensables
au domicile.
– Surveillance renforcée du développement neuropsychologique des enfants intoxiqués, notamment aux
âges clé : examen des 9e, 24e mois, des 3-4 ans, des 5-6ans en école maternelle. Ce suivi doit continuer après
6 ans.
– Application rapide en France de la directive européenne abaissant de 800 à 300 microgrammes par litre la
plombémie maximale autorisée chez les travailleurs exposés. Pour une femme en âge d’avoir des enfants, le
jury recommandait que la limite maximale soit portée à 100 microgrammes par litre.
– Demande au comité paritaire de formation professionnelle conventionnelle (2) que le thème santé/environnement soit considéré comme prioritaire.
L'Association des Familles
Victimes du Saturnisme
c/o Espace, Solidarité, Habitat
78-80, rue de la Réunion
75020 Paris
Tél. : 01 44 64 04 47
e-mail : [email protected]
1. La décision complète de la cour d’appel est sur le site de l’AFVS : www.afvs.org.
2. Instance dont dépend la formation professionnelle des médecins généralistes.
P R AT I Q U E S
67
RUBRIQUE
Images du corps
Photographie : Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.
68
P R AT I Q U E S
RUBRIQUE
Images du corps
Résumé : Les technologies des flux d’images et d’informations ne sont pas pensées, encore
moins débattues. Elles font pourtant une irruption massive et « sauvage » dans le champ
médical. Mettant en danger mortel la clinique et l’espace de confidentialité du soin.
Ie préfixe est à la mode. Etre branché, c’est être télé. Télé-médecin, télé-chirurgien, télé-surveillant.
Monique Sicard
Pratiquer le télé-diagnostic, la télé-assistance, les télé-consultations. Etre acteur d’une télé-santé.
L’action à distance exercée sur ses concitoyens, la mise en circulation dans un espace semi-public
des informations intimes les concernant, serait un gage de modernité. Une adhésion à l’utopie
d’une cité idéale où, chacun, ancré « at home », se verrait soigné par un insaisissable, mais efficace
Chercheur au CNRS
en histoire et esthétique
de l’image et du regard
au-delà. L’imagerie, déjà, servait parfois d’intercalaire entre soignant et soigné : l’écran, lui, autoriserait la télé-vision, la télé-action, la télé-intervention. Non seulement au sein même du bloc opératoire, mais loin, parfois très loin : sur l’autre bord de l’océan pour une télé-ablation de la vésicule
biliaire commandée depuis Strasbourg, dans le sud de la France pour une télé-échographie réalisée
à Paris.
Le haut débit
des télé-corps
Les arguments sont « droit-de-l’hommistes ». Les militaires engagés sur les champs de bataille doivent recevoir les mêmes soins que leurs concitoyens hospitalisés. Les habitants des zones rurales doivent bénéficier des mêmes examens que ceux des grandes villes. La télé-médecine garantirait en
outre le maintien des hôpitaux de proximité en palliant le déficit de personnel.
L’idéal égalitaire et démocratique est appelé au secours du projet de « dossier médical partagé ».
Communication absolue, transparence maximale, garantie d’une parfaite « traçabilité du parcours
du patient » (1). Il s’agit de construire « un réseau de soins virtuels » (2). Le malade, chaque fois –
on l’affirme – est « au cœur du projet » (3). Il s’agit de satisfaire ses demandes, de lui garantir l’« efficacité et l’efficience des soins » (4) par l’appel aux experts.
La révolution du haut débit atteint de plein fouet la médecine, plus violemment peut-être que celle
des biotechnologies. Avant elles, il y eut les bousculades de la pénicilline, du laboratoire, de l’asepsie, de l’antisepsie, de l’anesthésie, de la clinique… La télé-médecine, elle, éloigne. C’est là son
moindre défaut. Le patient, loin du médecin ; le médecin loin du patient. Tant physiquement que
symboliquement. Face au patient, le soignant pianotera sur le clavier de l’ordinateur, remplira des
fiches, des cases, réclamera une illisible carte mémoire, enverra finalement ses données quelque
P R AT I Q U E S
69
RUBRIQUE
Images du corps
viduelles entre professionnels de la santé sous un
numéro identifiant unique, bien repérable. Le
patient sera titulaire d’une carte contenant une
clé d’accès électronique. A condition que ses raisons soient « légitimes », il pourra s'opposer à
l’inscription informatisée d’informations nominatives le concernant. Dans les hôpitaux, il pourra
consulter son dossier sans passer par un médecin.
On ne s’appesantira pas sur le serment
d’Hippocrate : « Je m'interdirai d'être volontairement une cause de tort ou de corruption. » dit le
texte original dans la traduction Littré. « Je ne
ferai pas usage de mes connaissances contre les
lois de l’humanité. J’informerai les patients (…).
Photographie : Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.
Je ne tromperai jamais leur confiance. Admis dans
l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui
me seront confiés. » dit le serment réactualisé. (4)
part, ailleurs, à d’autres. Car cette médecine pro-
On ne s’attardera pas sur la Déclaration univer-
méthéenne se soucie des choses avant de s’occu-
selle, susceptible d’être bafouée au nom même
per des gens. On ne saurait lui en vouloir. Il faut
des Droits de l’homme : « Tous ont droit à une
assurer la santé des outils : cela réclame des soins,
protection égale contre toute discrimination
de l’attention, une vigilance de chaque instant.
(article 7). Toute personne a droit à un recours
Au nom du bien, la télé-médecine sera investie
effectif devant les juridictions nationales compé-
d’un pouvoir exorbitant. Le dossier médical
tentes contre les actes violant les droits fonda-
« informatisé » mais dit, par euphémisme, « per-
mentaux qui lui sont reconnus par la constitution
sonnalisé » est, d’évidence, une dépossession du
ou par la loi (article 8). Nul ne sera l'objet d'im-
secret par la diffusion dans un espace intermé-
mixtions arbitraires dans sa vie privée (…) ni d'at-
diaire, mi-privé, mi-public des données d’un dia-
teintes à son honneur et à sa réputation. Toute
logue entre médecin et patient. Passons outre
personne a droit à la protection de la loi contre
l’immense problème soulevé par l’atteinte aux
de telles immixtions ou de telles atteintes
libertés individuelles. Rappelons juste que le
(article 12). »
secret, que conserve jusqu’à présent pour lui seul
70
le médecin, est un pilier de l’exercice médical.
L’espace béant, hybride, qui s’ouvre entre le
Que la parole de l’un à l’autre n’est pas une
patient et son médecin, et dans lequel s’en-
conversation de salon, qu’elle a ses codes, ses dits
gouffre le secret médical en direction de terra
et non-dits, ses modulations attentives. Qu’elle
incognita, n’a été ni décrit, ni vraiment pensé. Au
est l’instrument d’un diagnostic, l’outil d’un soin ;
contraire, la promotion du temps réel, du direct,
en outre, la garante de l’autorité médicale. Celle
des performances télé-médicales affichent leur
par qui la médecine fonctionne dans le respect
transparence, leur légèreté. Le temps, l’espace et
mutuel des soignants et des soignés.
jusqu’aux machines elles-mêmes, sont abolis. Les
Jusqu’à présent, le dossier médical était propriété
chimères du patient-machine, du médecin-com-
du médecin généraliste. Obligation pour lui de le
puter, de l’écrit-parlé, de l’immédiat-médié, de
protéger contre toute indiscrétion. Le projet de
l’intime-public, des écrans-écrans… sont igno-
dossier personnalisé fera circuler les données indi-
rées, pas même imaginées.
P R AT I Q U E S
RUBRIQUE
Images du corps
Ces dispositifs homogénéisant nécessiteraient
Les règles implicites, pratiques, éthiques, com-
pourtant d’être pensés si l’on ne souhaite pas voir
merciales, politiques héritées d’une très longue
disparaître les singularités au fondement même
tradition médicale, s’en trouveront évidemment
de la personne. Celle du patient, mais également
bouleversées. L’apparition d’une langue de bois
celle du médecin, sans laquelle ne saurait exister
médicale sera la première conséquence de la cir-
une médecine de qualité. Mais dans ce « faire
culation des données personnelles. Le duo millé-
comme si… », le double corps physique et sym-
naire médecin-patient, reposant sur le respect et
bolique du soignant prend inexorablement la
la confiance mutuels sera ébranlé. Le double
fuite, comme si les seules images, les seules don-
regard en chiens de faïence ne serait qu’un
nées indexées pouvaient « tenir lieu de… ».
moindre mal. Le pire serait que, multipliant
Comme si l’inscription n’était que pure trace. Ce
plaintes et procès, soignants et soignés ne se
qui prend naissance est une médecine de flux où
montrent respectivement les crocs. Il ne s’agit
la circulation des données et des images revêt
pas d’être technophobe, mais de prendre le
Photographie : Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.
plus d’importance que leur signification. Elle a
temps de la réflexion. La cité entière est concer-
pour terrible corollaire la négation des compé-
née. En fin de compte, dans cette nouvelle méde-
tences tant humaines que scientifiques. Elle
cine qui s’installe avec l’assentiment de presque
sonne le glas de la médecine clinique.
tous, s’est-on demandé où résidaient désormais
Le réseau virtuel qui se met en place, en pro-
les instances de décision ?
mouvant une médecine d’experts, abolit les
corps intermédiaires. Loin de favoriser la
démocratie, il la fragilise. L’Internet invite à
s’adresser au Président de la République plutôt
qu’au conseiller municipal ; au spécialiste californien plus qu’au médecin de quartier. Quitte
à écrire…
1. Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, rapport sur les télécommunications à haut débit du système de santé, 23 juin 2004.
2. Idem
3. Idem
4. Idem
5. Serment d’Hippocrate réactualisé par le professeur
Bernard Hoerni, Bulletin de l’Ordre des médecins - n° 4,
avril 1996.
P R AT I Q U E S
71
RUBRIQUE
IVG, trente ans après
La loi autorisant en France l’interruption volontaire de la grossesse (IVG) a
30 ans. C’est l’occasion de revenir sur l’évolution des pratiques, et comment
elles peuvent être vécues. D’autant plus que les modifications récentes permettent maintenant l’IVG médicamenteuse en « ville ». Quid de ces acquis et des
problèmes qui perdurent ?
L’avortement en ville,
un progrès ?
Martine Lalande
Il y a deux façons de faire un avortement : l’aspiration et la méthode médicamenteuse. Celle-ci
associe de la Mifégyne® (mifépristone) qui arrête l’évolution de la grossesse et, dans un deuxième
Médecin généraliste
temps, du Cytotec® (misoprostol) qui entraîne des contractions aboutissant à l’expulsion, dans les
trois heures suivantes le plus souvent, mais parfois seulement quelques jours plus tard. Pendant ce
temps, la femme saigne, comme lors d’une fausse couche, parfois énormément. Dans le centre
d’interruption volontaire de grossesse (IVG) où je travaille, à Colombes, le premier jour, la femme
voit les infirmières qui lui donnent les informations, puis le médecin, et la deuxième fois, elle reste
trois heures à l’hôpital, accompagnée par les infirmières qui surveillent sa tension, lui donnent des
médicaments contre la douleur et parlent avec elle. Les femmes semblent satisfaites de cette façon
de faire et remercient pour la gentillesse de l’accueil, spécialité de ce centre. Mais on fait très peu
d’IVG médicamenteuses à Colombes, car cela demande beaucoup de disponibilité de la part des
infirmières, toujours en nombre insuffisant…
Comme il n’est pas besoin de matériel compliqué ni d’anesthésie, tout cela peut se faire en ville. Il
y a eu un consensus entre les associations représentant les femmes, les médecins faisant des IVG et
les gynécologues, pour demander cette simplification et elle a été obtenue, de haute lutte, du gouvernement. Les médecins qui ont commencé à le faire semblent contents, les femmes aussi (?), la
preuve en serait que deux tiers d’entre elles n’ont pas besoin d’appeler le médecin qui les suit avant
la date du rendez-vous suivant (au bout de trois semaines, pour vérifier que tout est terminé)…Elles
se débrouillent toutes seules…
Est-ce un progrès ? N’est-ce pas surtout un moyen de décharger les services qui font des IVG, qui
n’obtiennent pas les moyens de répondre correctement à la demande ? Et de ne pas donner de
moyens supplémentaires aux services qui peuvent assurer l’accueil des femmes ? Est-ce que la
demande de l’IVG en ville par les femmes n’est pas liée à la crainte de ne pas obtenir de rendezvous à l’hôpital puisqu’il y en a si peu ? Est-ce que les femmes n’appellent pas le médecin parce
qu’elles ont compris qu’il ne fallait pas le déranger « pour rien » ? Est-ce qu’elles vivent bien ces
situations où elles saignent beaucoup sans savoir quand se fait l’avortement et avec des douleurs,
seules chez elles ou au travail ?
Moi qui ai tant de mal à prendre en charge les femmes qui font des fausses couches, car elles ont
besoin d’être vues tous les jours, parce qu’elles sont angoissées, et qu’elles sont mal reçues aux
72
P R AT I Q U E S
RUBRIQUE
IVG, trente ans après
urgences, je ne sais pas où j’aurais la place de les aider pour leurs IVG à domicile, n’ayant d’autre lieu que
ma salle d’attente pour qu’elles se reposent, et peu de temps entre les rendez-vous et les visites pour gérer
les problèmes imprévus. Même si je voulais me rendre disponible au téléphone, je ne pourrais pas leur
tenir la main comme les infirmières dans un lieu accueillant où elles peuvent parler avec d’autres femmes.
Alors, si l’on se prenait à rêver qu’il existe des « Maisons de santé des femmes », où seraient faites les
IVG, le conseil en contraception, et aussi l’aide à l’allaitement et d’autres activités utiles aux femmes, et
qui soient des lieux d’accueil ouverts toute la semaine avec un personnel qualifié et volontaire et la présence d’associations, alors l’IVG médicamenteuse en ville serait simple et possible dans de bonnes conditions. Mais c’est une autre conception que celle qui prévaut aujourd’hui, visant à décharger le service
public d’activités qui étaient dans ses missions, sur « la ville », qui fait ce qu’elle peut pour accompagner
les patients dans leurs problèmes de santé, mais avec peu de moyens et beaucoup de frustration.
Courrier des internautes
L’article précédent a suscité un débat parmi les membres du comité de lecture
A La Roche sur Yon où nous pratiquons au moins 60 % d'IVG médicamenteuses, le Cytotec® est pris à
domicile, lorsque la femme le souhaite et que sa situation le permet. Lors de la prise de la Mifégyne®,
nous remettons à la femme un document expliquant ce qui va se passer, une ordonnance pour le
Cytotec®, et des numéros de téléphone en cas de besoin. Beaucoup de femmes choisissent cette formule, la plupart en sont satisfaites et il y a peu d'appel aux numéros inscrits sur la feuille. Quelquesunes nous disent que le moment d'expulsion a été hyperalgique et très difficile à vivre. Parmi celles qui
choisissent de venir au centre pendant trois heures pour le Cytotec®, un certain nombre n'expulsent
pas pendant ce séjour, et lorsque je viens leur dire qu'elles peuvent rentrer chez elle, je suis toujours un
peu inquiet de les voir faire 10, 20 ou 50 kilomètres pour rentrer chez elles, parfois seules, car il n'y a
plus de conjoint dans leur vie. Alors, à travers cette expérience, je ne pense pas qu'il y ait de solution
parfaite. Il existe une situation différente pour chaque femme, à évaluer avec chacune, et il est important que le choix offert soit le plus vaste possible. C'est pourquoi, il est important que l'IVG médicamenteuse en ville existe.
Christian Bonnaud, médecin généraliste
Martine Lalande a pointé tout à fait justement certains écueils à éviter dans la mise en place de l'IVG
médicamenteuse en ville. L'arrêté ayant fixé un forfait ne pouvant donner lieu à dépassement, il n'y a
déjà pas de dérive financière possible, ce qui n'était pas gagné au départ. Certains médecins avaient
déjà commencé à organiser des filières juteuses...
Mais ce serait une très mauvaise réponse d'imposer cette méthode parce que c'est plus rapide ! Même
pratiquée à l'hôpital, l'IVG médicamenteuse ne convient pas à toutes les femmes et donc encore moins
à domicile. Des critères de sélection rigoureux ont été établis pour aider les médecins et les patientes à
faire le meilleur choix. Un de ces critères est que la femme puisse être entourée le jour de la prise de
Cytotec® et il n'est donc pas question qu'elle soit seule ou à son travail ! Ce doit être un choix de plus
offert aux femmes et pas un non-choix...
C'est également une possibilité pour les médecins de prendre en charge leur patientes qu'ils connaissent
bien (c'est pour ça qu'il faut largement diffuser la méthode), à condition d'être formés correctement,
indemnisés pour leur formation, en liaison avec le centre référent et les partenaires de ville concernés
P R AT I Q U E S
73
RUBRIQUE
IVG, trente ans après
(conseillères conjugales, échographistes, biologistes...). Il n'est pas question que le médecin soit seul dans
son coin et frustré, même s'il est évident qu'il s'agit d'une prise en charge assez lourde nécessitant des
consultations longues, mais au final très peu d'appel : à Bichat sur 433 patientes, 7 ont appelé le médecin de ville, 20 ont appelé le centre de planning familial…
Je pense que c'est une vraie révolution que l'IVG sorte de l'hôpital. Les équipes hospitalières sont ellesmêmes très réticentes et peuvent le vivre comme une perte de pouvoir. Cette pratique, si elle est encadrée et largement diffusée, sera un vrai plus pour les femmes qui choisiront d'en bénéficier. Comme le
dit Nathalie Bajos « Il n'y a pas de femmes à risque d'IVG, mais des moments de fragilité dans la vie de
la femme qui sont des périodes à risques d'IVG ». Le médecin traitant, qui connaît bien la femme, est
le mieux placé pour comprendre le contexte, les ambivalences et pour aider la femme à choisir une
contraception adaptée en fonction du moment de sa vie.
Sophie Eyraud, médecin généraliste
...Même dans un établissement de soins, la prise en charge ne dure que quelques heures, la femme rentrant ensuite chez elle avec d'éventuels problèmes à gérer. Faute de formation de beaucoup de médecins, le relais pour la prise en charge des douleurs, des saignements ou des infections repose souvent
sur SOS médecins ou les urgences des hôpitaux, ce qui n'est pas toujours très satisfaisant. A nous de
mettre en place des réseaux pour mieux assurer ce relais et rompre ainsi l'isolement des femmes... et
des médecins de ville. Il ne faudrait pas oublier l'importance de proposer à la femme cet espace d'écoute et de parole que l'on appelle « entretien » et qui lui permet de rencontrer un(e) professionnelle formée à l'écoute, non médecin et n'intervenant pas dans le processus de décision et de réalisation technique de son IVG : une conseillère conjugale.
Bernard Meslé, médecin généraliste
Courrier des lecteurs
Réflexions autour d’une modification de la loi
...Le décret de juillet 2004 précise la faisabilité de l’IVG en ville.
Le médecin doit pouvoir faire valoir une justification d’expérience professionnelle adaptée et faire reconnaître sa compétence à la pratique régulière d’IVG médicamenteuse. Il assure au sein de son cabinet toutes
les étapes de l’IVG, depuis la première demande jusqu’à la consultation de contrôle. Cela se fait dans le
cadre d’une convention conclue entre le médecin et un établissement de santé comportant un centre
d’IVG. Cette convention prévoit des réunions d’échanges, de formations et d’actualisations autour de la
pratique de l’IVG médicamenteuse. Il ne s’agit pas là d’un simple « passage » en ville d’un médicament.
Jusqu’à présent, certains médicaments ont des prescriptions restreintes et ne peuvent être prescrits que
par un médecin hospitalier... Or, voici que selon le décret de juillet 2004, la compétence ne tiendra plus
à un diplôme de spécialiste ou de généraliste, ou à un lieu d’exercice, mais bien à une pratique prouvée et reconnue. D’autre part, le paiement de cet acte en ville devient un forfait qui est défini par l’acte « IVG médicamenteuse en ville » et non par le diplôme spécialiste ou généraliste. Enfin, la convention oblige à l’organisation des réunions entre le centre d’interruption volontaire de grossesse et les
médecins praticiens d’IVG médicamenteuse en ville. Ainsi, la compétence est reconnue par la pratique,
le paiement se fait pour cette pratique, le travail de réseau se trouverait reconnu comme participant de
la pratique. Je ne vois pas d’autre endroit fonctionnant ainsi dans l’exercice de la médecine...
Marie-Jeanne Martin, médecin généraliste
74
P R AT I Q U E S
RUBRIQUE
Nous avons lu pour vous
Nous avons
lu pour vous
Simone Veil, Les hommes aussi s’en souviennent, Une loi pour l’Histoire, Editions Stock, novembre 2004
J’aimerais que ce livre fasse bouger chaque citoyen, que toutes les femmes l’achètent, l’offrent, qu’on le
traduise dans toutes les langues, et qu’il figure dans le programme des lycées...
Le titre est formidable Les hommes aussi s’en souviennent, Simone Veil explique que seule une femme a
réussi à défendre la loi sur l'avortement, mais que, pour elle, c’est la loi Neuwirth de 1967 sur la contraception qui constitue la plus grande avancée pour la femme. Le discours du 26 novembre 1974 est suivi
d’un entretien de Simone Veil par Annick Cojean (journaliste au Monde) et d’un historique de l’avortement.
Un témoignage d’une grande sincérité à une période où l’on a commencé à attaquer très sévèrement la
prise en charge médicale de chacun d’entre nous. Ce livre nous donne en quelque sorte le courage de
défendre des acquis extraordinaires.
Françoise Ducos
Olivia Benhamou, Ce que c’est d’avorter aujourd’hui, Editions Mille et une nuits, janvier 2005
C’est un travail journalistique très documenté et complet que nous livre l’auteure pour cet état des lieux
des conditions vécues de l’avortement dans notre pays, aujourd’hui. Qui plus est, le ton du livre est juste,
avec des portraits très variés de femmes qui galèrent toujours en 2005 pour leur IVG. Malgré l’élargissement de la limite du terme à 12 semaines de grossesse, elles sont nombreuses à faire le déplacement
en Hollande ou en Angleterre pour des termes dépassés. Olivia Benhamou accompagne ces femmes qui
cumulent difficultés morales et financières, dans leur voyage en bus aux Pays-Bas. Elle interroge là-bas
l’équipe soignante efficace et chaleureuse, qui prend en charge ces femmes venues de France, et pose
la question de l’exemplarité de ce pays voisin à la législation plus souple et qui néanmoins, grâce à des
actions de santé publique efficaces auprès des jeunes en matière de contraception, présente un nombre
d’avortements bien moindre que chez nous. Un tour de France aussi de tous ces acteurs militants et professionnels du soin qui ont vieilli et qui ne trouvent pas de successeurs, faute d’enseignement et formation dans les facultés de médecine. Dans ce livre, on voit la droite rétrograde, Douste-Blazy en tête, qui
continue à tout faire pour mettre des entraves à l’IVG. On y lit aussi comment cette conquête politique
et militante est récupérée, pour les meilleures intentions du monde, par le pouvoir médical hospitalouniversitaire. Trente ans après le vote de la loi Veil, rien n’est acquis, tout reste fragile.
Patrice Muller
P R AT I Q U E S
75
RUBRIQUE
Coup de gueule
Denis Labayle
Aujourd’hui, qui ne rend hommage à Simone Veil pour son courage à l’Assemblée nationale, en
1975, lors du débat sur le droit à l’avortement ? Tous les médias font son éloge, y compris les jour-
Médecin gastro-entérologue
naux de droite qui, à l’époque, ne ménageaient pas leurs efforts pour faire échouer le projet. Et c’est
vrai qu’il en fallait du courage pour s’opposer à cet aréopage d’hommes sûrs de leurs valeurs et de
leur morale et au monde religieux abrité derrière ses dogmes. Mais il ne faudrait pas oublier que
cette loi n’a été que l’aboutissement d’un mouvement populaire, initié par un groupe de femmes
associé à une minorité de médecins, regroupés au sein du mouvement pour la libération de l’avor-
Trente ans après…
le recul ?
tement et de la contraception (MLAC). Sans ces militants et militantes de bases, insultés, conspués,
méprisés, soumis à la justice, jamais il n’y aurait eu de débat à l’Assemblée nationale. Etonnante
époque où l’on croyait qu’enfin les médecins avaient découvert de nouvelles frontières à l’exercice
de leur profession et osaient s’immiscer dans la vie publique.
Depuis, les voix se sont tues ou sont restées si discrètes qu’elles ont pesé bien peu sur l’évolution
des mœurs. Et pourtant, ce ne sont pas les sujets qui ont manqué : lutte contre la douleur, prévention du sida, sort réservé aux plus vieux, choix de mourir dans la dignité, dégradation sanitaire des
pays en développement, santé des sans-papiers, recul de la liberté de la femme dans bien des pays
et dans bien des domaines… beaucoup de médecins ont regagné leur cabinet, leur hôpital, leur pratique soignante, la vision d’une médecine limitée aux pathologies. Pour le reste, le corps médical a
observé, constaté, au mieux il s’est offusqué, le plus souvent il a toléré.
Prenons la situation des femmes aujourd’hui dans le monde. Ce qui, hier, aurait suscité révolte,
manifestations, pétitions, laisse placide. Qu’importe si la femme afghane se drogue sous sa burka
(article de Libération [1]), que la femme yéménite souffre sous son voile noire à un œil. Surtout ne
rien dire. Au nom du soi-disant respect des cultures et des religions. Avec le risque de se faire accuser d’islamophobie si, d’aventure, on dénonce les lois iniques et pathogènes de la charia. Comme
l’on traite d’antisémites ceux qui s’opposent à Sharon ou d’américanophobes ceux qui n’apprécient
pas la folie de Bush. Où sont passés les militants qui appelaient à l’égalité des sexes avec une vision
internationale de ce principe intangible ? A moins de considérer que la femme indienne ou pakistanaise a moins de valeur que celle du Poitou ou de la Charente ! Et, même autour de nous, dans
nos banlieues, quoi de plus intolérable pour ceux qui se sont battus pour l’égalité des sexes, que de
voir ces religieux obsédés répandre des idées d’un autre âge et appeler à la ségrégation des femmes.
76
P R AT I Q U E S
RUBRIQUE
Coup de gueule
Sommes-nous devenus aveugles, hypocrites ou
qui se passaient juste à côté de chez eux, chez le
faussement culpabilisés pour tolérer l’indéfen-
Grand Frère ? Alors ayons le courage de rappeler
dable ? Attention là, vous vous égarez, cher ami.
que les règles de santé et d’équilibre psycholo-
Vous n’écrivez pas pour une gazette politique.
gique sont les mêmes partout, que la médecine a
N’oubliez pas que vous êtes médecin.
des principes universels. Sans manichéisme, mais
Justement, c’est au nom des principes de la
sans hypocrisie, sans fausse culpabilité, sans petits
médecine, de la défense de la santé de l’autre
arrangements avec ses idées.
qu’il est de notre devoir de nous insurger contre
Il y a trente ans, des hommes et des femmes
toutes les situations pathogènes : misère, injusti-
avaient permis à la société de franchir une étape
ce, mais aussi oppression des femmes et répres-
essentielle. L’histoire montre une nouvelle fois
sion sexuelle. On en connaît les ravages psycho-
que rien n’est acquis. Ne laissons pas aux reli-
logiques. Ce sont les médecins, membres de la
gieux de tous bords l’occasion de reprendre du
société de psychiatrie de Téhéran, qui l’ont rap-
terrain. Cela relève de la médecine préventive.
pelé récemment aux autorités politiques de leur
pays, affolés par l’augmentation des troubles psychiatriques dans la population iranienne du fait
de la répression sexuelle. Qu’est devenu le cri du
docteur Charpentier qui, dans les années soixante-dix, dénonçait à la sortie des écoles la répression sexuelle chez les enfants ? Aujourd’hui, on
voit de prétendus progressistes révolutionnaires
s’allier avec des religieux intégristes qui prônent
l’obscurantisme. Ne sont-ce pas les mêmes qui,
hier, se présentaient en défenseur de la justice et
la liberté, et fermaient les yeux sur les exactions
1. Il faut lire dans le journal Libération du 20 novembre
2004 un article édifiant sur le développement de la culture du pavot en Afghanistan. Contrairement au discours de ces fous de Talibans qui prétendaient encourager la fabrication de l’opium pour détruire la cerveau
des « incroyants », et l’utiliser comme arme de combat,
l’héroïne fait des ravages au sein même de la population afghane, et en particulier chez les femmes écrasées
par le pouvoir machiste musulman. L’actuel président,
ancien allié des Talibans et homme des Américains, ne
fait rien pour l’instant pour enrayer le phénomène.
Quant aux pays occidentaux engagés dans ce pays, que
font-ils pour lutter contre ce fléau et aider ces femmes,
physiquement et psychologiquement ? C’est vrai, ce ne
sont que des femmes et Afghanes de surcroît…
P R AT I Q U E S
77
Résumé : Comment l'industrie pharmaceutique, atteinte par les scandales récents, essaie
d ' a m é l i o r e r s o n i m a g e d e m a r q u e , d e p r o f i t e r d e l a c a r e n c e d e l a s a n t é p u b l i q u e e n F r a n c ee t
d e d é p a s s e rs a f o n c t i o n d ' i n d u s t r i e l p o u r e n d o s s e rc e l l e s d e l a f o r m a t i o n d e s p r o f e s s i o n n e l sd e
santé et celle de l'éducation des patients. A propos de la campagne intitulée : .. Prévention de
la iatrogénèse médicamenteuse évitable chez le sujet âgé ".
P h i l i p p e l , |a s q u e l i e r
> ,r e g r o u p e m e n t pd reosf e s s i o n n e sl sadnet é
L u n . e " p a r <s a n t é eanc t i o n
l i b é r a udxe, s é t a b l i s s e mentsde santéprivéset des industriels
médide la santé(pharmaceutiques,
matériels,dispositifs
Médecingénéroliste
caux...),cettecampagneestprésentée
commeune actionde santépublique,initiéepar desacteurs
p r i v é s( 1 ) .
qui remettenten quesfrançaises,
Le projetest séduisant,
il reposesur des basesépidémiologiques
tion les prescripteurs
et les patientscomme étant les principauxacteursde la iatrogéniemédicamenteuse.Maisaucunobjectifévaluablesur des indicateurs
de santén'estannoncé,le seulobjectif affichéest celuide faireparlerlesprofessionnels
et lespatientsâgésau sujetde leur traitement!
La iatrogénieest un problèmede santémajeurdanslequella responsabilité
de I'industrie
du médicamentestoubliéecommeproducteurdu produit,maisaussicommepromoteurde ce dernier,I'entreprisen'ayantcomme intérêtnaturelque la croissance
de sesventeset de sesprofits.Cettecrois-
tte blanche
sancepassepar une promotionla plusactivepossible: élargissement
des indicationset de la cible
patients,augmentationdes doses,minimisationdes risques,des contre-indications
et des effets
(2), auprèsdu plus grand nombrede professionnels
prescripteurs
secondaires
et de pharmaciens.
La promotions'exerceaussisur les patients,directementpar des publicitésdéguisées
en information danslesmédia,ou indirectement: un très grand nombred'associations
de patientssont subventionnéspar leslaboratoires.
DansI'actionannoncée,il existeun conflitd'intérêtmajeurentre I'industriepharmaceutique
et le
thèmede la iatrogénie,
dénoncépar le Formindep(3). Ce type d'action,si elledevaitêtreengagée,
ne devraitl'êtreque par ceuxdont le travailestd'êtreau servicedu seulintérêtdespatients,à savoir
lesservicesde santépubliqueet les professionnels
soignants.L'actionen questiontelle qu'elleest
présentée,
est manifestement
:
- un outil de promotiondes entreprises
pharmaceutiques
qui laissentpenserque leur intérêtprincipal est d'êtreau servicedes patients(cesentreprises
ont le soucide la iatrogénie,on y a pensé
pour vous,noussommeslà pour vousaider...);
- un outil pour changerleur imagede marqueaprèslesnombreuxscandales
de iatrogénierécents
(cerivastatine,
rofecoxib...);
- un outil pour entreteniret accroîtrela dépendancedesprofessionnels
de santévis-à-vis
desentreprisespharmaceutiques
par I'intermédiaire
de sesvisiteurs
médicaux(leslaboratoires
ont prévudans
leur stratégiede faireconnaîtrel'actionpar leursvisiteursmédicauxqui proposerontun réassortiFormindep
http:/ /www.formindep org
ment en affiches...),
et profiterdu contactpour poursuivrela promotionde leursproduitset donc
l'accroissement
desventes(4).
,8 PRArrquEs
|
En conclusion, le risque iatrogénique médica-
les acteursde santépublique, les associations
de
menteux est un problème trop important pour
laissersa priseen chargedirigée par le LEEM(Les
patients se doivent d'être particulièrementvigilants et refusertout partenariatavec l'industrie
Entreprisesdu Médicament),dont l'intérêt premier n'estpasla santépublique,maisle dévelop-
pharmaceutique,délétère pour les coûts de la
santéet lesservicesrendusaux patients.
pement de ses entreprises.Celles-ciinvestissent
d a v a n t a g ed a n s l e m a r k e t i n g q u e d a n s l a
recherche, cette tendance devrait s'accentuer
dans les annéesà venir ; pour améliorerleur
image de marque, elles occuperont de façon
croissantele champ des associations
de patients,
de la causehumanitaireet de la santépublique.
Les professionnels
de santé, leurs représentants,
1, Elle prévoit un site Internet www.sante-enaction.com,des documentset des référencespour les
professionnels,
des affichetteset une fiche d'information pour les patients.
2. Revue Prescrire,mars 2003/tome 23, n" 237,
pp.225-226.
3. Collectifpour une formationmédicaleindépendante.
4. Orlowski .f., WateskaL., Theeffectsof phormoceutical
firm enticementson physicionprescribingpotterns,Chest.
1992;102:270.
Unforumsousinfluence
D u Z Aa u 3 0 o c t o b r e 2 X 0 4 s ' e s t d é ràoTuol éu l o u suen F o r u m
d e m é d e c i ngeé n é r asl eu rl ' é v a - L u c B e a u m a d i e r
(1). L'industrie
pharmaceutique
luationdes pratiquesprofessionnelles
était partoutdansceforum:
dans les standsà I'entrée,comme trop souvent,mais surtout directementdans les ateliersoù ont
été travailléesles recommandationsde I'Anaes(2).
généraliste
Médecin
En analysantsimplementle site de présentationde ce Forum,je note qu'il y a trois sociétéspharmaceutiquesen position de o partenairemajeur : ffizer, Pierre-Fabre,
Santéa(Sanofi-Aventis).
"
>, et onze en < autresformes de parteI'observeaussicinq laboratoiresen < partenairesclassiques
nariat On y voit même la sociétéCegedim(3), aux fortes tendancesmonopolistiquessur le ter".
rain de I'informatique
médicale,et qui n'hésitepas à visiterlesdisquesdurs de certainsmédecins
pour affiner le marketing pharmaceutique.Mais surtout, presquechaque atelieroù a été travaillé
une recommandationest sponsoriséspécifiquementpar un laboratoire,qui souvent a un intérêt
direct dans le sujetsponsorisé.
j'ai noté le sujetde tous lesateliersou tables-rondessponsorisés,
Ci-dessous,
le laboratoiresponsor,
informationsqui sont dans le programme,et surtout ce qui n'est pas dans le programme,à savoir
le ou les médicamentsvenduspar le sponsoren rapport direct avecle sujet.
(Revia@)
Lo molodieolcoolique,
sponsorisépar Bristol-Mayer-Squibb
L'arrêtdu taboc, Sanofi-Aventis
1v l,l w
(Permixon@,Enoxor@)
L'andrologie,
Pierre-Fabre
L'insulinedons le diobètede type 2, Sanofi-Aventis(insuline Lantus@et Amarel@)
Lo douleurou quotidien,Sanofi-Aventis(Profenid@,Di-Antalvic@,Céluprane@,ldarac@,Topalgic@)
Lesdyslipémies,ffizer (l-ahor@)
L'obésité,Sanofi-Aventis(Vasten@)
Hypertensionoftérielleet dyslipémies,Pierre-Fabre(Lercan@,Briem@,Briazide@)
PRATIQ,UIS
Le reflux gostro-oesophogien,Sanofi-Aventis
(Gaviscon@)
L'ostéoporoseen gynécologie, Lilly (Evista@ et
Forsteo@)
(Naramig@)
Lesmigroines,Glaxo-Smith-Kline
des conférenciers.Prétendrele contraireest être
soit " narï >, soit <<intéressé
".
Que va faireI'Anaesdanscette histoire? Quel créquand
dit apporterencoreà sesrecommandations
L' hyperactivit é, Lilly
on constatececi? Alorsque cet organismeauraun
rôle à jouerdansl'évaluationde pratiquesdes pro-
Lessymptômesdépressifs
morqués,Lilly (Prozac@)
fessionnels
! Et surtout,posonscette questionaux
Lestroublesbi-poloires,Sanofi-Aventis(Téralithe@)
politiques: pourquoiI'Anaesn'a-t-elle
responsables
La douleurneuropothique,Pfizer,(lance en Europe
paslesmoyensd'organisersur son proprebudget,
la tilidine,et vend Neurontin@)
un tel travailde diffusionde sesrecommandations.
sansdevoirse fourvoyerà ce point ?
Assezédifiant, non ? Comment peut-on croire
qu'un atelierpuisseêtre neutre,et scientifique,
quand le laboratoirequi le parrainea des intérêts
commerciauxdirectsdansla pathologietraitée?
Même s'il ne fait pas de pressiondirectesur les
intervenants,le laboratoiresait bien que sa seule
présencesuffit à faire fonctionner I'autocensure
Jean-Pierre Lellouche
1. http://www.forum-mg.com
2. AgenceNationaled'Accréditationet d'Evaluationen
santé.
3. Voir dans Pratiquesn' 12 " L'informationet le
patient>, l'articlede DominiqueTavé, Bienvenuechez
"
Cegedim".
pharmaceutique
La publicité
pardes
estintolérable.
Elleestpourtant
tolérée.
Et passeulement
médecinsà la recherchede stylos-billes
et de porte-clés.ll y a des genstrès bien qui sont furieux
Médecin
pédiotre quand la publicitédérapeou nous prend pour des idios, maisqui n'ont rien à redirequand la publicité reste< correcte>. Certainsmédecinspensentque I'obésitéest un problèmede santépublique;
d'autrespensentque l'asthmeou lesdépressions
ou lestoxicomanies
sont à combattreprioritairement. Si un laboratoireorganiseun dépistage,s'il met en placeun numéro vert et des affiches,
beaucoupde médecinsjugerontde cesactionsau caspar caset pasà partird'une positionde principe.
Réfléchir
au caspar cas,crestse demanders'ilestopportunde se mobilisercontreI'obésitéet si oui,
si la méthodeutiliséeest bonne.
Une position de principeconsisteà dire que les laboratoiresdoivent produire et vendre des médicaments,et donnerune informationsur ceux-ci,informationqui doit être contrôlée.lls ne doivent
rienfaired'autre.Un laboratoirequi dit regretterqu'il y ait beaucoupd'obésitésort de son rôle,et
s'ildit qu'il faut se mobiliser,il débordeencoreplus.Et s'il organisela réponse,il n'estplusdu tout
dansson domaine.
Si la très grande agressivitédes laboratoiresne rencontrepas une oppositiontrès ferme, c'est me
semble-t-ilpour deux raisonsprincipales
: la première,c'estqu'ilsremplissent
un vide ; la seconde,
c'est qu'ils nous transportentau paysdu rêveet de la toute-puissance.
E0 PRArra_uES
|
Le vide
je ne diraisque quelquesmots du vide. ll n' y a
pasen Francede volontéde santépublique,ni de
structuresde santé publique,ni de réflexion,ni
ll n'y a pas de lieu où I'on soit
d'organisation.
capablede recenserlesproblèmesde santé,d'en
apprécierI'importance,de déciderdes priorités,
ce, de I'imprévu.Notre projetn'estpasd'installer
pour demainun paradis,maisde chercherà attén'a rien
nuerun peu lessouffrances.
" Ce discours
il est le discoursde la modestieet
de merveilleux,
ne sont pasoblide I'honnêteté.Leslaboratoires
gés d'y adhérer.Et de fait, ils se situentdélibéréVousavezde I'asthme,de I'eczéma
ment ailleurs.
ou un ulcèregastrique,ils ont le médicamentqui
entreprise,il est rare qu'elle soit sérieusement est souventoffert par un parent souriantet beau
d'établir des stratégies.Lorsqu'uneaction est
évaluéeet plus rareencoreque celaentraîneune
réorientationet des correctifs.
à un enfantsouriantet beau.
Lespouvoirspublics,dont ce devraitêtre la fonc-
imparfaitesest remplacépar un monde où tout est
Le réel de la souffranceet des solutionstoujours
tion d'intervenirsérieusement
dansle cadrede la
résoluparfaitemententregensgentils,compétents
santépublique,ne le font pas (1). Même s'ilsle
voulaient,ils ne sont pas en situationde mener
et infinimentsouriants.Par ailleurs,et surtout, la
publicitéestle domaineoù I'onpeutdire n'impor-
des actionscohérenteset prolongées.En ce qui
te quoi : il n'estpasnécessaire
de respecterla véri-
concerneI'obésité,par exemple,ils n'ont pas les
té, la cohérence,la chronologie.On dit n'importe
moyensde modifierles conditionsdans les can-
quoi en ayant le sentimentd'avoirle droit de dire
tines ou les restaurants
d'entreprise,ni les pro-
n'importequoi, il n'y a aucuneresponsabilité.
On
peut dire une chose,puis son contraireou même
ni
duits commercialisés
dans les supermarchés,
de promouvoir l'activitéphysique...En ce qui
concerneI'asthme,ils ne peuventintervenirni sur
dire une choseet son contraireen même temps.
la pollutionautomobileet la circulationroutière
Dansla vie réelle,lesgensattribuentde I'importance
à leursproblèmesde santé,ilsont enviede rencon-
ni sur la oollutionindustrielle.
trer un médecinqui écouteleurhistoire,qui lesexa-
Même s'ilsétaientréellementmotivéspar la santé
mine,qui fassepreuvede compétencede sérieuxet
du public,leslaboratoires
ne pourraientagir que
que le médecinsoittout
d'implication.llsaimeraient
sur quelquesfacteurset passur tous. lls ne pourraientagirque sur lesfacteursfacilementet ponc-
puissant.Le médecinest toujours confrontéau fait
qu'il n'estpasdansson pouvoirde supprimertoutes
tuellementaccessibles,
et d'abordsur lessolutions
lessouffrances
et d'offrirI'immortalité.
médicamenteuses
éventuellement
disoonibles.
Dans le champ de la publicité,tout est possible:
Le laboratoire
qui entreprendune actionde santé
toutes les souffrances
sont soulagéesimmédiate-
publique occupe une place laisséevacante,i
donne I'impressionqu'ON fait quelque chose,
ment, tous les problèmessont résolustrès simplement et trèsvite. Et puis,de toutesfaçons,si tout
même si ce quelquechoseest dérisoire,et si le
n'estpasrésolu,celan'a aucuneimportance,la vie
est un jeu sansligne directrice,sansprojet.ll n'y a
ON qui organisecela n'a aucunevocationà le
faireet aucunecompétenceparticulière.
rienà construireet pasde responsabilité.
Un grand philosopheirlandaisa dit n La médecine
Le rêve et la toute puissance
décrit les maladiestellesqu'ellessont ; Aventiset
Si les pouvoirspublicss'occupaientde la santé
Claxo lesdécriventtellesqu'ellesdevraientêtre." ll
publique,ils seraientconduitsà le faire sur une
base réaliste.lls diraient aux médecinset au
public . Vous êtes des êtreshumains.Lesêtres
humainssontvouésà la mort. Surleurchemin,ils
peuventrencontrerde la douleur,de la souffran-
me semblequ'iln'y a rienà ajouterà cela,sinonque
ça aide à comprendrepourquoitant de médecins
aimentAventiset Claxoet AstraSquibbet MSD.
l. Leslaboratoirespharmaceutiques,
dont ce n'est pas
la fonction,interviennent.
PRArta_uES
l8t
R é s u m é: L ' u n d e s p r o d u i t s d é r i v é s l a n c é p a r H a r r y P o t t e r , l e j e u n e e t d é j à l é g e n d a i r e s o r c i e r
I i t t é r a i r e e t c i n é m a t o g r a p h i q u e ,c o n t i e n t u n c o l o r a n t c o n n u p o u r i n d u i r e d e s r é a c t i o n s d e t y p e
a l l e r g i q u e . P l u s d e 7 0 0 0 0 . c o f f r e t s d ' a c t i v i t é s c o m e s t i b l e s o n t é t é c o m m e r c i a l i s é se n F r a n c e
"
par Mattel, le numéro un mondial du jouet.
Desallergies
tout en couleur
rF
An n ie
Lobé
I a r t r a z i n eC.e n o m é t o n n a m m e n t f a c i l e à m é m o r i s e r d é s i g n e u n c o l o r a n t d
Measi ys n
p tahsèns' iem. portelequel: < La tartrazine
par excellence affirmele toxicochimiste
est le colorantjauneallergisant
",
européenne
d'évaluation
desproduitschimiques
JournolisteAndréPicot,expertauprèsde la Commission
en milieu
de travail." Lastructure
chimiquede cettemoléculepossède
unedoubleliaisonazote-azote,
unecaracpropreà tous lescolorants
téristique
azorques.
La tartrazine
estsusceptible
de déclencher
asthme,urticaireet colites,y comprischezdespersonnes
qui n'ont eu jamaiseu d'antécédent
allergique.
Ellepeut
également
provoquer
desréactions
croisées
avecl'aspirine
chezlespersonnes
intolérantes.
"
jaunessont autorisés
en Europe,maisc'estprécisément
la tartrazineque la
Quatrecolorantsalimentaires
sociétéaméricaineFood-Tek,
concepteuret fabriquant,a choisicomme ingrédientdu ieu Atelierde
Polynector,
un produitdiffusépar Mattel,souslicencede WarnerBros,propriétairede la marqueHarry
Potter.
Venduà plusde 70 000exemplaires,
le < jeu" estcomposé
pourobtenirdesboisde poudresà mélanger
quelesenfantsingèrentpourimiterl'undesexploits
sonset gelées
de HarryPotter,lejeunehérosapprenti sorcierdont leslivressesontvendusà 90 millionsd'exemplaires
dansle monde: " Le Polynectar
permet de prendrel'apparence
quelqu'un
(1)
de
d'autre."
Lesenfantsinvitentcopains
> et déguster
et copinespour cuisiner
< C'estbon,
lespréparations
colorées.
"
je lesai toutesgoûtéesen un après-midi
avecmon frèreNoé,qui a7 ans>, raconteTom,10 ans.Quels
sont lesingrédients
de cesgoûtersmiraculeux
? Despoudresblanchâtres,
composées
uniquementde
sucreet d'additifs: colorants,
arômes,
acidifiant,
émulsifiant,
gélifiant,
épaississant
et stabilisant.
Troisdes
(citronvert,fruitsrougeset orange)contiennent
six sachets
(E 102),tandisque deux
de la tartrazine
(orangeet pêche)contiennentun autrecolorantazoiQue,le rougeallura(E 129), qui était interditen
jusqu'àl'entréeen vigueurde la législation
France
européenne
surlescolorants
alimentaires
en 1997.(2)
Despropriétésallergisantes
bien documentées
Deuxclicsdansun moteurde recherche
pouraffichersur l'écrande n'importequelordinateur
suffisent
reliéà l'lnternetune listeofficielle,
intitulée< allergieà la tartrazine
retirésde
", de douzemédicaments
la venteentre1990et 1998 (3), dont la vitamineC Vitascorbol@,
désormais
commercialisée
avecune
nouvelle
formulesanstartrazine.
Parmilesprécautions
d'emploimentionnées
sur leurnoticefiguraitun
avertissement
: < Cettespécialité
contenantde la tartrazineestsusceptible
d'entraînerdesréactionsd'intolérance: à éviterchezlessujetssensibles
la
(aspirine).
à tartrazineet/ou à l'acideacétylsalicylique
"
Latartrazinen'estpasd'inventionrécente: ellefut l'un des premierscolorantsde synthèsebrevetéen...
1884! Plusde 170 étudescliniques
paruesentre1959(4) et 2003dansdesrevues
scientifiques
à comité
de lecturedocumententl'hypersensibilité
à la tartrazinechezl'adulteet l'enfant.L'éventail
des troubles
s'étenddesmanifestations
allergiques
classiques
à despathologies
dont l'issuepeut êtrefatale.
Spécialiste
des allergies
alimentaires,
le professeur
Dominique-Anne
Moneret-Vautrin,
Chef du service
lmmunologie
Cliniqueet Allergologie
de l'HôpitalCentralde Nancy,écrivaiten 1992: L'allergie
et l'in"
821PRAila,urs
toléranceaux colorantsalimentaires
et médicamenpriorité
lescolorantsde synthèse,
teux concerneen
Lestableauxcliet parmieux lescolorantsazorques.
niquessontmultiples,
à dominance
cutanéeou respiratoire: cedèmede Quincke,urticaire,érythème
polymorphe,dermitesde contactou eczémagénéet des
ralisé,asthme.Des chocs anaphylactiques
purpurasont été signalés. (5)
"
Une libérationd'histamine. facile à mesurer"
Gabrieledi Lorenzo,professeur
d'allergologie
à
l'université
de Palermeen ltalie,est l'un des rares
Européens
à continuerla recherche
sur lesadditifs
question
alimentaires.
Saréponseà la
: " Que pende la tartrazine? estaussiclaireoue lacosez-vous
"
o. Auteurd'une étude parueen
nique : " Évitez-la
2002 dansla revueAllergy(6), il rappelleque l'histamine libéréedanslesorganesen réactionà un allergènes'élimine
danslesurinessousformed'un méta(N-MH).
bolite,la N-méthylhistamine
Selonlui, " la recherche
de ce métaboliteurinairede
l'histamine
estun moyenrapide,sûret facilede quantifierla libérationde ce médiateurdesréactions
allergiques". Ayantmisen évidence
la présence
de N-MH
chezdespatientsatteintsd'urticairechronique,après
administration
oralede tartrazine,
souscontrôleplacebq,iJa établib preuvedu caractèrehistamino-libérateurde ce eolorantchezl'homme.Ceciprouveque
peutinduiredesréactions
la tartrazine
allergiques.
< Nousrespectonsla réglementationen vigueur
"
Mattela-t-ilfranchila lignejauneen choisissant
la
tartrazinecommeingrédientd'un jouet ? Lasociété
a été contactéedès le 7 lanvier2004 au sujetde la
présencedans ce jeu de colorantspour le moins
étranges.. Nous respectonsla réglementation
en
vigueur.La tartrazineest un colorantautorisédans
lesdenrées
alimentaires.
S'ily a un problèmesurce
composant,il faut le faire interdireo, se défend
CatherineLepetz,directriceiuridiquede Mattel." Le
pourcentagede tartrazineutilisé dans l'Atelierde
Polynectar
esltrèsnettementinférieurau taux autopar kg contre
risépuisqu'ilesTde 227 milligrammes
autorisés
le 28 jan300 milligrammes
écrivait-elle
",
vier en réponseà notre confrère Que Choisir,qui
venaitde publierune alertesur ce produitdansson
numérode février2004.(7)
Également
saisie
débutjanvier2004,la Commission
(CSC)a saisià son
la
de sécuritédesconsommateurs
tour l'Agencefrançaisede la sécuritésanitairedes
aliments(AFSSA)
et la Directiongénéralede la
concurrence,
de la consommationet de la répressiondesfraudes(DCCCRF),
tandisque l'lnstitutde
veille sanitaireétait questionnésur les statistiques
d'accidentsliésà ce jouet dont il pourraitavoireu
connatssance.
. Ce jeu contenantun colorantalimentaireconnu
pour être allergisant,la tartrazine (...), la
(...)a décidé(...)de saisir
Commission
l'Agence
franqu'elle
de
sanitaire
des
aliments
afin
se
sécurité
çaise
prononcesurle fait d'introduire
un colorantalimentairetel que la tartrazinedansune préparation
destinée à être ingéréepar des enfantsnon surveillés,
dans le cadre d'un jeu (...) ', écrivaitle docteur
MichèleVédrine,présidente
de la CSC,le 23 ianvier
2004 en réponseaux auteursde la premièresaisine.
Las! Malgréla parution,fin mars2004,d'un article
dans/e Figoro(8), le sujeta été rapidemententerré.
Le Quotidiendu Médecintitrait dès le 1" avril :
< Fausse
alerteaux potionsHarryPotter>, une brève
reprisele 4 avril par le magazinepour parents
lnfobébés.Le journal indiquait que l'affaireavait
fait l'objet d'un classement
sanssuite >, et que
"
<<commepour lesorganismes
de contrôle,il existe
procédures
que
rien ne soit prévu
des
d'alerte,sans
pour notifierun avisde faussealerte,la rumeurcirculede plusbelle,au granddam des responsables
de la CSCet de la DCCCRF.
Maisqu'on se rassure,
la sorcellerieselon Harry Potter, jusqu'à nouvel
ordre,n'estpas nuisiblepour la santé>. Un commentairequi n'a suscité
aucunemiseau pointde la
part des fonctionnaires
concernés.Pourtant si la
DGCCRF
a bien confirméla teneuren tartrazinedu
produitannoncéepar Mattel,le comitéd'expertsde
I'AFSSA,
réunile 1"'luin2004 surce suje! n'a toujourspasrendusonrapport...
Mattel,qui avaitpendantun tempsretiréle produit
de la vente,a ainsipu soldersesstocksen toute discrétion,débutjuillet2Q04.,, Au prix de 9,95 euros,
et avecdeux recharges
de poudresgratuites", précisaitune vendeusedu magasinMattel de Fresnes,
situéà quelquesencablures
du siègede la société
basé à Rungis(pendant les fêtes de fin d'année
PRAila*uES
183
2003,le produitcoûtaitplusde 30 eurosdansles
grandessurfaces).
Des colorantsallergisants: dans les aliments,les
médicamentset les cosmétiques
Plusde dix colorantsazoïques
tels que la tartrazine
sontactuellement
autorisés
et utilisés
danslesdenréesalimentaires,
les médicamentset les produits
(voirencadré1). Lespersonnes
cosmétiques
dotées
d'une assezbonne vue pour déchiffrerles petits
caractères
figurantsur lesemballages
remarqueront
la présence
(colorantEl02) dansdes
de tartrazine
chewing-gums
et boissons
de couleuriaune,bonbons,sucettes,glaces,boîtesde chocolats,crèmes
caramelou pâtissières,
flanset entremets.
Un coupd'æildansdesarmoires
à pharmacie
familialesréservequelquessurprises.Ellescontiennent
plusieursmédicaments(voir encadré 2), vendus
avecou sansprescription,
contenantdes colorants
azorques.Certainssont à destinationdes enfants
(sirops),d'autressont des produitscourants(paracétamol,alcoolà désinfecter).
Que celasoiten pharmacie,parapharmacie
ou en grandesurface,
mieux
vaut vérifierl'étiquetageavantde prendredesvitamines.Ainsidansla VitamineC Vitascorbol@,
la tartrazine(E102) a été remplacée
par...le iauneorangé S (Ell0), le colorantazoiQue
désormais
le plus
fréquentdanslescomplexes
vitaminéset lesspécialitéspharmaceutiques.
Au rayoncosmétique,lesdécouvertes
surprenantes
continuent.
Un designde flaconmanifestement
destiné auxenfantsou une mention< testésouscontrôle dermatologiquen'empêche
pasla présence
de
"
colorantsazorques,parfoisassociéspar deux ou
trois, dans des produitspour doucheet bain, des
laits de protectionsolaire,des shampooings,des
parfums,des lotions ou laits démaquillants,des
crèmeshydratantes
pour le visageou pour le corps,
desgelsnettoyantspour lesmains.. au miel o 69
",
lait " à l'huiled'amandedouce y compriss,ils
",
",
sontvisiblement
transparents.
Une. huilenettoyan>
te recommandée
par lesdermatologues
et vendue
en pharmaciecontientégalementde la tartrazine.
Mais ne cherchezpas le E102 sur l'étiquette: les
colorantsétant indiquéspar leur numérod'index,la
tartrazineest rebaptisée Cl 19140 (voir enca"
"
dré 1). Mêmechosedu côtédesgelsdentifrices,
qui
s 4l r R A r r Q _ u E S
I
II
I
peuventcontenirde l'azorubine
(E122),un colorant
azorquerouged'oreset déjàinterditau lapon.
Les consommateurs
devraient-ils
ranger dans leur
portefeuillela listedescolorantsazoïquespour passerau criblelesétiquettes
avantde remplirleurcaddie ? (9) ll y a assurément
là de quoi relancer
l'intérêtdesFrançais
pourl'alimentation
biologique,
dans
laquelle
aucuncolorantn'estautorisé.
(10)
Quantà Tom et Noé, ils n'ont pashésitéà se séparer du Polynector
lorsqu'ilsont su les dangersqu'il
présentait.Même à 7 et 10 ans, les enfantssont
capables
de préférerla santéau plaisirde la consommation.Le sorcierHarryPotteraurait-iljeté un sort
aux nouveaux( ogres qui confondentnourriret
"
distraire,
soigneret empoisonner
?
l. J.K.Rowling,Harry Potteret la chambredes secrets,
Ed.CallimardJeunesse,
FolioJuniorn" 961, page 172,
tsBN2-0l-052455-8.
2. Directive94136lCEtrancriteen droit françaispar l,arrêtédu 2 octobre1997.
3. http://www.biam2.orglwww/SpePEMCALLERCt
E_
A LATARTMZ|NE.html.
'1959
4. Ann Allergy
; 17 :719-725 : Allergicreactions
due to F D ond C Yellow#5 (tortrozine),on oniline dye
used os o coloring ogent in vorioussteroids(Réactions
allergiques
à la tartrazine,
un colorantà l'anilineutilisé
dans plusieursséroides)LockeySD.
5.
Allergies alimentoires et fausses ollergies
olimentoirespar D.-A. Moneret-Vautrin, in Allergologie,
Ed.Médecine-Sciences
Flammarion,1992,p. 355. ISBN
2-257-10464-1
.
6. Allergy2002 Dec 57(12) :1180-l186. Urinarymetabolitesof histamineand leucotrienes
beforeond ofter olocebo-controlledchallengewith ASAond food additivesin
chronicurticoriapotients(Metabolitesurinairesde l'histamine et des leucotriènesaprèstest contrôlé par placebo avecl'aideacétylsalicylique
et des additifsalimentaireschez des patientsatteintsd'urticairechronique).
Di LorenzoC., PacorM.-1.,VignolaA.-M., ProfitaM.,
Esposito-Pelleitteri
M., BiasiD., CorrocherR.,CarrusoC.
7. " La tartrazine n'est pas magique
", Que choisir
n" 412,février2004,page4.
8. . Un colorantallergisantdans des potions Harry
Potter >, Le Figoron' 18550 du samedi27 mars 2004,
page 16.
9. En revanche,la liste dite < de Villeluif qui circule
"
depuislesannéesI 970 estfausse.Lancéedansle cadre
d'une concurrence
commerciale,
elleprésentait
comme
dangereuxl'inoffensif
acidecitrique(E330).
lO. Règlement
CEE|2092/91
du 24 juin t99t modifié,
AnnexeVl.
Colorants azoiQuesautorisés
dans les denrées alimentaires, les produits cosmétiqueset les médicaments
Autorisé
danslesdenrées
alimentaires
en Europe'
Numéro
CE
Autorisé
dansles
médicaments
en Franceb
Numéro
de ColourIndex
(produits
cosmétiques)
Colorant
autorisé
aux Etats-Unis
Dénomination
aux Etats-Unis
E102
(jaune)
Tartrazine
Oui
cr 19140
Oui
FD&CYellowNo. 5
E l1 0
JauneOrangé5
Oui
ct 15985
Oui
FD&CYellowNo. 6
(SunsetYellow)
8122
Azorubine(rouge)
Oui
cl 14720
't4700
cl
E123
Amarante
(brun rougeâtre)
Oui
cr 16185
8124
Ponceau4R,
(Rougecochenille
A)
Oui
ct 16255
E't28
Rouge 2G
E129
RougeAlluraAC
Oui
cr 15035
E151
Noir BrillantBN
(NoirPN)
Oui
ct 28440
El54
BrunFK
E155
BrunHT
ct 20285
E180
Litholrubine
BK(rouge)
cr 1s8s0
D & C R e dN o . 4
(interditdansI'alim.)
cr 180s0
F D & CN o . 4 0 ,A l l u r aR e d
Oui
" Directive94/36 CE transcriteen droit françaispar l'arrêtédu 2 octobre 1997.
b Listedes excipientsà effet notoire, du 29 août 1999, p. 12943.(Doseseuil: pas de doseseuil Voied'administration: touteslesvoies).
lO
;
Quelques spécialités(para)pharmaceutiquescontenant des colorants azo'rques
trouvéesdans des armoiresà pharmaciefamiliales
(E102)
Tartrazine
Exoméga@,
huilenettoyantepour la douchepour peauxatopiques
A-derma@(conseillée
par lesdermatologues)
Stago@(teinturede boldo)
l a u n eO r a n g éS ( E l 1 0 )
Apranax@(naproxène)
Arcalion@(sulbutiamine)
(paracétamol)
Géluprane@
(quinine/thiamine)
Hexaquine@
Moduretic@(amiloride/hydrochloroth
iazide)
M ucolator@(acétylcystéine)
(fenspiride)
Pneumorel@
Supadol@(paracétamol)
(E122)
Azorubine
Dafalgan@ (paracétamol)
Hextril@ (hexétidine)
Nifluril@ (acide niflumique)
Sympathyl@ (aubépine/eschscholtzia)
(El24)
RougeCochenille
(chlorhexidine
Eludril@
/chlorbutanol)
(quinine/thiamine)
Hexaquine@
PRArra_u
Es 8s
|
R é s u m é : U n r e g i s t r e s é c u r i s éa l i m e n t é p a r u n e d é c l a r a t i o n o b l i g a t o i r e r e n d r a i t p o s s i b l e u n e
enquête épidémiologique et l'identification de causes que l'on se proposerait d'éradiquer
permettant une véritable lutte anti-cancer. Cette ambition suppose des réformes structurelles
avec la création d'organismes régionaux et nationaux et des outils iuridiques nouveaux ainsi
q u ' u n e é v o l u t i o n c u l t u r e l l e p o u r i m p o s e r l e p a s s a g ed u s o i n à l a s a n t é e t r e f u s e r l e f a t a l i s m e
d'une société devenue cancérigène.
Avons-nous
un plan< anti-cancer
3" partie:du soinà la santé,un enjeupolitique
J a c q u e sR i c h a u d
Proticien hospitolier
I- réambule
N" 25 avril 2004, 73-77), nous avonsmontré que le
Dansune premièrepartie< La fausseroute " (in Pratiques
< avec>>cancer.Dansune
planannoncécentrésur la médecinecurativen'étaitqu'un pland'accompagnement
pour uneépidémiologie
active> (in Pratiques
N" 26, 79-82),nousavonsargudeuxièmepartie" Unedéclaration
menté l'exigenced'un registresécuriséalimentépar une déclarationobligatoirequi deviendral'outil d'une
le parcours
de vie de chaquesujetatteintpour rechernouvellevisantà reconstituer
démarcheépidémiologique
à la priseen chargedes soinsfournicher une " pathogéniepossibleo. Ce nouveaumétierd'enquêteparallèle
d'initierune authentiquedémarchede prévention.
ra un recueilde donnéesconfiéà un organismesusceptible
de
Alorsseulementdébuteraun plan . anti ' cancervisantà éradiquerlescausesqui aurontpu être identifiées
aux risqueset une dimice fléau.Cettedémarche,et elleseule,permetd'espérerune réductionde l'exposition
nutiondes nouveauxcas.
Lesmoyensde cette ambition,au-delàde la déclarationobligatoire,du registreet de l'enquêteépidémiolopolitiquesfortesà la hauteurdu défi posépar la " sociétécancérigène
gique,relèventde décisions
" évoquée
nouvelles
:
troisinitiatives
dansla premièrepartiede ce travail.Nouspréconisons
- Une nouvelleforme de veillesanitaire
régionale".
"
- Une agencenationalede préventiondes risquesde cancersévitableso, dont les missionsdéborderontle
"
champde la médecine.
- Une évolutionindispensable
du cadrelégislatif.
imolicationdu mouvementsocialet sur une réflexionde la sociététout entièNousconclurons
sur la nécessaire
re sur son devenir.
Une nouvelleforme de veille sanitairerégionale
La veillesanitaireexistantene paraîtpas adaptéeà ce nouveloblectif: son recueilde donnéesest plusstatisdes risquesprofessionnels
visentplusl'indemtiquequ'épidémiologique.
Lesmodalitésactuelles
de déclaration
despostesde traque l'identification
desrisques.
ll n'existepasd'archivage
nisationindividuelle
et l'éradication
de ces postespathogènes.Les
vail incriminésni de mesurecontraignante
de préventionpar assainissement
risquesenvironnementaux
non professionnels
sont encoremoinsrépertoriés.
Le projeten matièrede cancerdoit promouvoirune " fonctionde veillesanitairerégionale" alimentéepar les
obligatoires.
La proximitérégionalepermetl'établissesuccédantaux déclarations
enquêtesépidémiologiques
ou
le recoupement
desinformations
et le déclenchement
d'investigations
ment d'une cartographie
desrisques,
du travail,lesservices
d'hygièneou
en articulationpar exempleavecl'inspection
expertises
complémentaires
Un " devoird'alerte" doit êtrejuridiquementreconnuainsiqu'un droit d'investiagencesenvironnementales.
gationauquelnul ne pourraits'opposer.
Le constatd'une miseen dangerpatenteau regardde risquesconnus
doit être rendu public et débouchersur une injonctionjudiciairede correctionimmédiate.Lesconstatations
86 PRArrauES
|
autresseront avec les premièrestransmisesà l'agence
toxicologiquesou environnementalespour que ces
nationalepour complément d'expertise.Un droit de
filièressoient valorisées.La création d'une fondation
recherchede substances
cancérigènes
dans le sangdoit
pour la rechercheen sécuritésanitairepourraitêtre pro-
être affirmé pour tout su,et atteint et reconnu auss'
pour tout sujet exposé. Un rapport annuel d'activité
poséedont l'indépendancedoit être garantie.
- Enfin,l'agencedoit imposerdansl'enseignement
de
englobant les données recueillieset les procédures
la médecinequ'une place conséquentesoit faite à la
entreprisesdoit être remisau conseilrégionalet trans-
connaissance
des pathologies
d'origineenvironnemen-
mis à l'agencenationaleaveclesrequêtesde ce conseil.
tale ou duesau travail.
Cette structurerégionaledoit être indépendante,collégiale et soumiseà contrôle démocratique,la transpa-
La deuxième missionde l'agence nationaleprolonge
rence doit être la règle pour la meilleureinformation
l'action des organismesrégionaux pour étendre le
des populationset du monde du travail.
champ du savoirsur la sociétécancérigèneet pour proposerdes actionscorrectrices.
Une agence nationale de prévention des risquesde
La concentrationdes donnéesépidémiologiques
et leur
cancersévitables
exploitation complétée par des expertises ou
Son seulobjectifseraitla préventionet son champ d'in-
recherchescibléesdevrait débouchersur la reconnais-
tervention se doit d'être diversifié: le rôle de cette
sancerapidede risquesjusqu'alors
ignorésou négligés
agence ne serait pas de coordonner les structuresde
qui étendront immédiatementle champ de la préven-
soinsou de superviserl'institut nationalde lutte contre
tion possible.Un champ d'incertitudesansdoute beau-
le cancermais d'æuvrer seulementpour la promotion
coup plusvastealimenterala réflexionpour des études
de la santé globale des populations et générations
pluslongueset l'application
éventuelle
d'un " principe
futures.Cette missionde préventionclairementidentifiée justifierades engagementsfinanciersdistinctsde
de précaution>.
ceux consacrésau soin et très substantiellement
supé-
et les propositionscorrectricessoumises
connaissances
rieursà ceux actuellementconsacrésà la orévention.
à la représentationnationale.lci aussila transparence
Lesmodalitésd'interventiondoiventêtre diversifiées.
La
dans une agencecollégialeet souscontrôle démocra-
premièremissionseraitéducativeet culturelle:
- En collaboration avec le ministère de l'éducation
tique doit être la règle pour éviter la rétentiond'infor-
nationaleil conviendrait
de comblerle gouffred'igno-
L'agence devra rendre publiques les avancéesdes
mation et contraindrela puissancepubliqueaux actions
préventivesutiles.
rancedes populationsexposées,seulmoyen d'une responsabilisation
généralprimaire
future. L'enseignement
Uarsenaljuridique doit être adapté
et secondairedevrait développerun < champ disciplinaire ' portant sur les relationsentre l'homme et son
devront être réviséesou abrogées,des mesuresnou-
environnementet sur les basesde la santéhumaine.La
Des mesures orotectricesdes intérêts industriels
biologieauraitvocationà enseigner
aussice qui mena-
vellesserontnécessaires.
- Pour la mise en æuvre des registreset enquêtes,il
ce et détruit l'homme. Uhistoirequi est aussicelle des
convient que la violationdes normespour la sécurisa-
peut enseignerce qui participeà la servitucivilisations
tion des données soit sanctionnableoénalementde
de et la destructiondes populations.On parle < d'ouvrir l'écoleau monde de l'entreprise>, pourquoi pas ?
façon très dissuasive.
La protectionjuridiqueet professionnelledes < lanceursd'alerte " doit être garantie
(comme dans certainspays anglo-saxons),aussi bien
Mais enseignonssurtout la connaissance
du statut et
des droits des travailleurs,la légitimité de la défense
syndicale de ces droits et les enjeux des rapports
pour les investigateurs
régionauxque nationaux.
- ll conviendraitd'aller bien au-delà de la directive
sociaux,y comprisen terme de santépublique,au sens
d'une santé < physique,mentale et sociale" selon la
définitionde l'Organisation
Mondialede la Santé.
- En collaborationavec les universités,l'agence doit
européenne transposéedans le droit du travail en
définir les besoinsen chercheurset exoertsen sciences
à organiserla prévention. Une circulairedu 18 avril
Francedepuis1991, maisbien mal appliquéeencore:
cette directive oblige les employeurs à évaluer les
risquespour la santéet la sécuritéde leursemployéset
PRArra_uES
187
2002 a reconnuque les retardataires
à l'applicationde
travailleur,sur simplerequêtedu monde du travailou à
cette directive(plus de 10 ans après)ne peuventêtre
sanctionnés! La premièrecohérenced'un plan antican-
l'instigation
de l'agencede veille.
- Une révisiondes barèmesd'indemnisationdoit mettre
cer seraitl'abrogationde cette circulaireet I'application
fin au scandaleque représentele u prix u dérisoirede la
de la loi.
- Une autre loi dite
vie d'un travailleurdécédé au regard des barèmesde
relativeaux nouvellesrégulations
"
(NRE)
économiques
adoptéeen 2001 concernaitles
"
données socialeset environnementales
en entreprise,
droit commun.
- Tous les testset procéduresde dépistagedu cancer
maisrestepeu appliquée.ll faut exigerdes employeurs
doivent échapperau brevetage.
- L'applicationdessept recommandations
de l'appelde
les déclarationsexhaustivessur les risquesencourus,
Parisdu 7 mars2OO4doit être soutenue,visantà pré-
mais aussila levée du secretde certainesprocédures
venir la dégradationde notre environnementet la mise
mettant les travailleursau contact de substances
en péril des générationsfutures.
toxiques, la déclaration obligatoire du recrutement
d'intérimairesou de sous-traitantspour des tâches
Conclusion
exposéesà de tels risques.Des contrôleset sanctions
Les pistesévoquéessont aux antipodesdu plan anti-
doivent être prévus.
- La législation
doit imposerune mesurenouvellepar
cancer qui annonce une inévitabledésillusion.Trente
deux ansavantjacquesChirac,RichardNixon en 1971
l'obligationde l'employeurà fournir pour chaqueposte
traitance,une fiche mentionnantla naturedu risqueet
avait lui aussi déclaréla guerreau cancer et multi"
"
plié par dix le budget de ce secteuren espérantune
baissedes cancersd'au moins 50 0/o; aprèsvingt ans la
au contenuvalidépar l'agencede veillesanitairerégio-
croissancea été de 6O o/o...
nale. femployeur aurait obligation par périodeou au
Le problèmeabordéest politiqueet sociétal.ll s'agit de
et quel que soit le statutde l'employé,même en sous-
terme du contrat de déclarersur un volet de cettefiche
refuserla fatalitéd'une sociétédevenuecancérigènepar
la durée et la sévéritéde l'expositionselondes modali-
effetde seschoix économiques,industriels
et politiques.
tés de quantificationproposéespar l'agencenationale
Nous pouvonsdouter de la capacitéou de la détermi-
de prévention des risquesde cancersévitables.Ces
nationde certainsdécideursà sortird'un modèleoatho-
documentssuccessifs
seront pour chaque individu un
gène sur lequel est fondée la prospéritéde quelques-
élémentessentielde son dossier< santéet travail". La
uns. Les mêmes lobbies industrielset leurs alliés
non-délivrance
seraitsanctionnante
oénalement.
- Le suivi individuelprofessionnel,
mais aussipost-pro-
politiquessont intervenusen force pour entr,averhier le
protocolede Kyotoet négocierle maintiend'un droit
"
de polluer et auiourd'hui,pour contrer les tentatives
"
y comprispar Ia recherche
fessionnel,
sanguinede produits toxiques décelables,doit devenir obligatoire et
européennesd'imposerque toute substancechimique
gratuit.
- Le statutdu médecindu travailne doit plus dépendre
mise sur le marchésoit soumiseà des testsde toxicité
de l'employeur,mais du ministèrede la santé. ll doit
and Autorisationof Chemicals).La récente" charte de
potentielle(ProgrammeREACH,Registration-Evaluation
être en relationétroite avec les agencesrégionalesde
l'environnement> a vu s'élevercontre son articlecinq
veillesanitaireet partagertoutes lesdonnéesrecueillies
avec les médecinstraitantsdans des réseauxde santé
tous lesadversaires
du " principede précaution avec
",
le renfortdes académiesde scienceet de médecine! Le
de proximité.Unedesmissions
estde veillerà la rigueur
textefinal adoptéle 25 iuin 2OO4exclurale champ de la
de la tenue du dossiersantéet travail.Lesdisoositions
santédu dédommagementpossible.Lesmêmesforces
législatives
de 2001, déjà condamnéespar le comité
consultatifnationald'éthioueet sollicitantlesmédecins
du travail pour la rédaction de certificatsde .. non-
qui organisentleur impunitépour demaintentent de
contre-indication" à l'expositionaux risquesprofessionnelsdoivent être abrogées.Une logique inverse
conscientsde la manipulationdont ils sont l'objet de la
par laquellele médecindu travailévalue
doit s'instaurer
dérégulationet maximisationdes profits,y comprisdans
poste de travail à être occupé par un
" l'aptitudedu
"
l'industriedu traitementdes cancers.
sslPRArrQ-uEs
I
I
II
réduireI'indemnisation
desvictimesd'hier de l'amiante.
Certains de leurs complices ne sont même pas
part de puissances
économiquesqui ne rêvent que de
Cancéreuxpeut-être déjà ou menacésde le devenir,
nous devons sortir du statut Dassifd'intermittent de
l'accèsau soin pour devenirdes permanentsactifsde la
défensede la santé et d'un modèle de sociétéoui lui
soit favorable.
La médecineest au cæur de cet enjeu entre la soufqu'il nousest demandéde soulager
franceindividuelle
et les oérilscollectifsdont nous refusonsla fatalité.
Notre rôle est de dire qu'une société malade d'ellemême et diffusantsespropresagentsmortelsn'est pas
une sociétésainemaisune sociétécriminelle.Unevaste
résistance
collectives'imoose.
L'évolutiondes relationsde l'homme avecson environnement et sa sociéténe pourra se faire qu'au prix de
rapportssociauxradicalementtransformés.
L'avenir démontrerait probablement si cette option
était retenue, comme ce fut le cas dans d'autres
domaines,que la préventionvéritabledes cancersest
un investissementéconomiquement,socialementet
humainementplus rentableque la seuleinflationdes
moyensconsacrésà la médecinecurative.
Bibliographie
< Avonsnousvraimentdéclaréla
l. BarbierCeneviève,
guerreau cancer? Pratiques
n' 22, juillet 2003.
",
2. Barbier Ceneviève," Le nouveau plan national
contre le cancer : Entre appel d'offre et désinformation> - communiquéde pressedu SMG 14 février
2003, Pratiques
n" 21, avril 2003.
3. BarbierCeneviève,FarrachiArmand, Lo sociétéconcérigène,lutte-t-on vroimentcontrele concer?, Ed. de la
Martinière,2004.
4. Belpomme Dominique, Ces moladiescrééespor
l'homme,Ed.Albin Michel,2004.
5. BelpommeDominique,., Pourune politiquede prévention des cancers>, L'écologiste
vol 4 n' 2, juin 2003.
6. BourdonWilliam,. Multinationales
: commentlespoursuivre? ", L'écologiste
vol 4 n" 1, février2003.
7. Cassou8., Huez D. et coll, Lesrisquesdu travoil,Eo.
La Découverte,Paris2000.
E. ChesnauxJean," firruption écologique,nouveaux
enjeux, nouvelles solidarités>>,Le possont ordinoire
n' 36, septembre-octobre
2001.
9. CicolellaAndré, " Lestrois quarts des cancerssont
dus à l'environnement>>,Pratiques
n" 4, 1998.
lO, CicolellaAndré, Sécuritésanitaire: Une réforme
"
inachevée,,, Pratiques
n" 22, juillet 2003.
ll. Huez Dominique," La santéau travail >>,Pratiques
n' 22, luillet2003.
| 2. lllich lvan, Libérerl'ovenir,Seuil,1971.
1 3 . l m b e r n o nE l l e n , E s t i m a t i o d
n u n o m b r ed e c a s
"
de certainscancersattribuablesà des facteursorofessionnels
en France", RapportInVS,mars2003.
14. lsraelCérard, Une expérience
mutualisteorigina"
le >, Pratiques
n' 22, juillet 2003.
15. fonas Hans,Leprincipede responsobilité,
une éthique
pour la civilisotiond'aujourd'hui,Ed. CerI, Charenton-lePont 1990.
16. LarsabalBertrand,L'écologiepolitique,un concept
qui ne veut rien dire, Lepossantordinoire,n" 38, janviermars2002.
17. LatoucheSerge," Le développementest-illa solun" spécial6, hiver
tion ou le problème? ", L'écologiste
2001.
de sonté,Ed.
18. LecfercA. et coll., les inégolités
socioles
La Découverte,Paris2000.
19. Lee Matilda, " fétat de la planète 20O2 ,,,
L'écologiste
vol 3 n' 3, automne 2002.
2O. Maurel-ArrighiElisabeth," Lescitoyensau secours
de la santépublique>, Prctiquesn" 22, iuillel2003.
: Répareç
21. PézeratHenri, . Cancersprofessionnels
faire reconnaître Pratiquesn" 24, ianvier 2004.
",
22. PézeraT
Henri,. Qu'attendentles amiantésde leur
médecin ? >,,Pratiquesn' 22, juillet 2003.
23. ProstAlain,CommeauDaniel,. Bitulac,une lutte
n' 22, juillet 2003.
exemplaire>, Protiques
24. RachetBernard,PartanenTimo, KauppinenTimo,
SascoAnnie, o Cancer risk in laboratoryworkers : An
emphasison biological research", Am. l. of lndustiol
Medicine- 38, 2000 , 651-65
25, Rist Cilbert, " L'inventiondu développement",
L'écologiste
n' spécial6, hiver 2001.
26. Smith Corinne,.. Peut-onfaire confianceà l'acadévol 5 n' 1, avril-juin
mie des sciences? ", L'écologiste
2004.
27. VecchioDaniela,SascoAnnieJ.,Cann Christina1.,
< Occupationalriskin healthcareand research,,, Am.J.
of lndustrialMedicine43, 2OO3369-97.
Revues
- Science
et vie,,. Cancer- Lesvraiesraisonsd'une épidémie", dossierspécialn" 1041,iuin 2OO4.
- Sciences
Humaines,dossier Sociétédu risque,fan"
tasmeset réalités" n' 124, Iévrier2002.
- Esprit,dossier Risqueset précautions août-sep",
"
tembre2003.
- L'écologiste,..
DossierCancero Vol I n' 1, automne
2000.
- Protioues< Santé et environnement - Les vrais
enjeux ' n' 4, 19981" La santé au travail o no 5,
19991<<
La responsabilité
du médecin" n" 7, 1999.
Rapports
- Rapportde la commission
sur le cancer
d'orientation
AbenhaimLucien,LouvardDaniel,16 ianvier2003.
- Rapportannuel2003 Santé,pour une politiquede
"
préventiondurable", Ladocumentationfrançaise,Paris
2003.
- Rapportannuel2002 de l'lnstitutde veillesanitaire.
- Rapportpréliminaire
de la commissiond'orientation
du plan santé-environnement,
12 décembre2003.
- Rapportau conseilnationalde l'Ordredes médecins,
Dr Stefani< Registre
du cancer: Quelleinformationdu
patient ? février2004.
".
PRATIQt-UES
Résurné : Se battre contre la maladie, la mort, mais aussi parfois les patients, les pairs, les
administrations, et finalement soi-même, telle est parfois la donne pour les praticiens, Sont
explorés ici quelques aspects d'une nébuleuse guerrière auiourd'hui en voie de
tranrformatlon (1).
M a r i e - ( h r i s t i n e (( On va nettoyercettezone... Bombarder,bombarder! , :c'est ainsiqu'un médecinparisiena
à l'une de sespatientes(2).
P o u c h e l l e récemmentprésentésa stratégie(radiothérapie)
Nombred'attitudesguerrières
faceà la maladie,et aux confrères,
contrastentavecla bienveillante
part
personnes,
tranquillité
d'autre
voireà la médecineelle-même
associée
au
soin
des
corps
et
des
Anthropologue,
o
(3).
directricede rechercheou CNRI
modernePaixde Dieu"
CETSAH Y aurait-ildonc une connivence
particulière
entrecesdeux pôlesde l'activitéhumaineque sont l'art
de guériret la guerre? Une connivencequi se situeraittrèsen amont des avancées
scientifiques
et
par la pratiquechirurgicale
thérapeutiques
suscitées
sur leschampsde bataille,ou des interférences
desstratégies
militairesavecla recherchebiomédicale.
Sur le théâtre des opérations
De même que le champ de bataille,le terrainmédico-hospitalier
est, au senspropre en ce qui
concernelesopérationschirurgicales,
un " théâtredes opérations>, le mot " opération apparte"
nant depuisle xvttt'siècleau vocabulaire
militairecomme au vocabulaire
chirurgical(4).
Lamédecine,
artdeguerre
?
(hôpital corps et âme, essai
d'anthropologiehospitalière,
CeliArslan,2003
Centred'Etudes
Transdisciplinaires
Sociologie
AnthropologieHistoire
22, rue d'Athènes
75009 Paris
. Se battreo contrela maladieest généralement
considérécomme allantde soi,chezlesprofanes
commechezlesprofessionnels,
parfois,danslesmargesde
bienque d'autresattitudesapparaissent
la médecine académique,du côté de la médecine psychosomatique
ou de l'homéopathie.
Conséquence
de ce rapportdominantà la maladiedansla médecinepost-humorale
: lesgestesthérapeutiques
lesplusagressifs
et/ou à bénéficeimmédiatont été jusqu'aujourd'hui
lesplusvalorisés
danslescultureshospitalières.
ll est vrai que les moyensthérapeutiques
les plus violentssont parfoislesplus efficaces.
C'estune
réalitébien connuedès l'Antiquitéen ce qui concernel'usagemédicinaldes toxiques.Le pharmakon grecrenvoieainsià l'ambivalence
des remèdes,poisonsguérisseurs
de maniementdélicat,tels
la digitale,l'aconit,la jusquiame(5). On saitaujourd'huice qu'il en est des cytotoxiques
employés
dans la chimiothérapie
du cancer.Cependant,à l'actionconcrètede dangereuxoutilsthérapeutiquesil faut ajouterla dimensionimaginairelargementrépanduetout au long de l'Histoire,chez
les patientscomme chezlesthérapeutes,
qui fait mesurera prioril'efficacitédes traitementspresqu'ilsimpliquent.
critsà l'agression
En dehorsdu bloc opératoire,maisobéissanten partieau modèlechirurgical,le fonctionnement
traditionneldes réanimations
s'estrevendiquélui aussicomme nécessairement
violent,sansque
grand-chose
ait pendantlongtempsété fait pour compenserlesagressions
subiespar les patients
au nom de leur sauvetagethérapeutique.D'où nombre d'effetsiatrogènes,
tant chez les professionnelsque chez lessoignés(6). Uurgencevitale,maîtremot en milieu hospitalier,
légitimel'action à la hussardesansqu'on tienne trop à s'encombrerni d'émotionsni, éventuellement,
de
règlements(ce dernieraspectvaut surtoutpour les années60-80,grande périodede développement desservices
de réanimationet de l'acharnement
thérapeutique).
e0 PRArra_uEs
|
- en deçà
représentent
un casextrême. vité a une dettesymboliqueparticulière
Si lesréanimations
de tout aspectfinancier- à l'égardde cesavences remarquespeuventaussis'appliquerà l'ensouturiersnon seulementdu corpsd'autrui,maisde
semble d'une culture médico-scientifique
leur propreesprit.
vent plus axéesur le traitementque sur le soin.
c o m m e l ' a e x c e l l e m m e n t m o n t r é M a r i e - De toute façon, le goût du risque,l'excitationà
Françoise
Collière(7). La violenceest structurelle braver la mort et à faire triompher la vie sont
dansune priseen chargequi concernedavanta- communs aux chirurgienset aux combattants,
même s'ils n'y sont pas impliquésde la même
ge la maladieque le malade(8).
manière. S'oublieret se dépasser,au-delà de
s'engagercorps
toute fatigue,faire l'impossible,
Portrait des hospitaliersen guerriers
sont
là
des
injonctionsdans
l'action,
ce
fils
d'un
chiruret
âme
Au xrx"siècle,Maximedu Camp,
que
professionnels
de santé
les
et des ivresses
gien militaire,fait une descriptiondétailléedes
hôpitaux parisienset du personnelde santé.ll
note que pendantl'épidémiede choléraen 1832,
dans les " ambulances" (lieux d'hospitalisation
provisoires),
de deux
lesmédecins" se relevaient
heuresen deux heurescommedessoldatsen faction > (9). " La garde > est en effet une activité
des médecins(et d'abord
aussicaractéristique
que des militaires.
des chirurgiens)
Quant au personnelsoignant et ancillairedes
il
hôpitauxplacésousles ordresdes religieuses,
composé
d'indiviest,d'aprèsMaximedu Camp,
paresseux
et
alcooliques,
dus plus que suspects,
vénaux. Mais en temps d'épidémie" on lesl
retrouvetoujoursau premierrang à l'heuredu
combat)),commelessoldats,cesderniersn'étant
pour leur part guère plus recommandables,
o mauvaissuiets,[et] familiersde la sallede police " (10).Ce n'estpaslà seulementimaged'écrivain,maisun trait qui convergepar exempleavec
le modèle militaireen usage à l'Assistance
Publiquede Paris(crééeen 1849): jusqu'enplein
xx" siècle,la hiérarchieinfirmièrey fut signalée
par des galons plus ou moins étoilés,sur le
devant d'une coiffe arborantaussiune cocarde
rougeet bleueaux couleursde la capitale.
La guerre, c'est d'abord " trouer la peau de
l'autre'. Un tel gesteestceluidu chirurgienaussi
bien que du soldat.Bienqu'il soit perpétréà des
fins différentes,cela fait que l'homme de l'art
peut se sentirprochedu guerrier(11), voire de
l'assassin
si l'on se place sur le registrede l'inDe sorte
conscientet de sescontenusarchaïques.
que du point de vue psychique,la chirurgie,
comme la réanimation,peut être considérée
comme un métierà risque.A ce titre, la collectr-
ont longtempspartagéesavecles gens d'armes,
dansun voisinagecommun avecla mort, voisinage dont le terme" carabin> portemanifestement
la trace (12). Riend'étonnantà ce que chez les
le
médecins,
et en particulierchezleschirurgiens,
folkloredes sallesde garde,mariantallègrement
ditesde
Eroset Thanatos,
évoquelesplaisanteries
associées
corpsde garde,d'ailleursgénéralement
aux groupesde jeuneshommes.Manièrestrès
ritualiséeschez les médecinsde faire pièce à
l'émotion, à la peur, au dégoût, voire au
désir(13). Débridementspropresà des groupes
qui furent d'abord exclusivementmasculins,et
ont d'autrepart lourdementpeséles
sur lesquels
contrainteshiérarchiqueset leur corollaire,la
lutte pour le pouvoir.
la valoriQuel que soit le sexedes professionnels,
sationdu traitementet des aspectstechniquesà
l'hôpital, fortement associée aux actions
>,
surtouten France,avecle
" viriles contrastent,
peu d'intérêtque continuede susciterle soin en
tant que tel, qui restedévoluaux " infirmières"
(femmesà 90 o/o).La lôgiquedu faire,de l'action,
et de l'acte(voirle paiement" à l'acte") que nos
médecinspartagentaveclesmilitairesa du reste
pour conséquence
qu'encoreaujourd'hui,dans
de santé,
l'espritde nombre de professionnels
,r,
pour les soinspalliatifs
"
" soigner c'estbon
",
lorsqu'ona renoncéà sauveret donc à " traiter >... Pasde combat,plus rien d'héroÏque.
Enfin,la formationmédicaleet le cheminement
des carrièress'appuienttrès fortement sur la
concurrenceet la rivalité,et sollicitentd'emblée
chezlespraticiensnon seulementla quête d'une
gloire personnelle,mais un type de pugnacité
PRArra.'uEs
lel
plutôt associéedans notre culture aux mæurs
masculines.
Cet aspectfoire d'empoigne de la
médecinen'est pas nouveau: en 1894 dans les
Morticoles,Léon Daudet, étudiant en médecine,
intimede la familleCharcotet familierdu milieu
médico-hospitalier
de la capitale,a fort bien
décrit, à grands traits barbelés,les luttes intestinesde la corporationdans la deuxièmemoitié
du xrx"siècle(14).
Guerresde positionssur frontières brouillées
En France,lesrelationsmédecins-patients
se sont
aujourd'huidiversifiées
(15). Certainsmédecins
diraientsansdoute qu'ellesont été surtoutcompliquéespar le droit à l'informationdu patientet
l'obligationde lui demanderson consentement
éclairéaux soins,soinsqu'on estcensédésormais
lui proposeret non lui imposer. Les usagersde
notre système de santé mettent en question
l'imageguerrièreque notre médecinese fait de
l'excellence,
même si d'autrepart lespatientsou
leursprochessont aussisouventpartisansd'un
< combat > contre la maladie,celafait partiede
notrecultureambiante.De toute manière,le rapport des forcesentre expertset profanesa commencéà se modifier,depuislesannées1980et le
début de l'épidémiede sida (16), avec l'émergence des droits du patients (loi du 4 mars
"
"
2002) et la reconnaissanced'une compétence
chez les usagers.D'autre part, les recommandations de
I'ANAES (Agence Nationale
d'Accréditation
et d'Evaluation
en Santé)insistent
sur la satisfaction
des oatients...
Voicidonc que la sociétéciviles'immiscedansle
colloque singulier médecin/maladerevendiqué
par les professionnels
comme emblèmede leur
art. A tort ou à raison,ceux-cise sentent parfois
mal à l'aisedevantlesnouvellesdispositions
relatives aux droits des malades,leur anxiétéétant
d'ailleurspuissamment
alimentéepar lessociétés
d'assurances,
qui en ont profitépour augmenter
leurstarifs.Lesmédecinsredoutentdésormais
les
procès, de manière probablement exagérée
puisqueles recoursen justicesemblenten fait
n'avoir qu'assezpeu augmenté.Certainscherchent de plusen plusà s'entourerde protections
médico-légaleset, en particulier de protocoles
e2lPRArrauEs
thérapeutiques,
sanstoujoursvoir que lesprocès
intentés ne sont souvent oas l'aboutissement
d'une erreurtechniqueen elle-même,maisd'un
dialoguedéfectueuxavecle patientou safamille.
En tout casest à l'honneurchez les médecinsre
principede précaution,car ce ne sont pas ces
risques-là- les procès- qui lestentent.
Mais il n'y a pas que les patientset la législation
pour compliquerla vie des médecins.ll y a les
administrations
hospitalières,
vis-à-vis
desquelles
la
culturemédicalemanifesteune défiancede principe. Lesdirectionsadministratives
occupentdésormais dans les établissements
une place qu'elles
étaientloin d'avoiril y a trenteans.Certainess'occupentactivementà restreindrel'étenduedu pouvoir médical,sans position critique véritablepar
rapport à la médecineacadémique,mais avec le
soucide faire pièceaux féodalitéslocaleshéritées
des grandspatronsd'antan. Danscette perspective, substituerdes pôles )>aux <<services> est
"
aujourd'huià l'ordre du jour, de même que
nombrede recommandations
insistent
surla transversalitédes fonctionsdans les établissements
et
leurdéterritorialisation,
théoriquementfacilitéepar
la logistiqueinformatique.De plus, les médecins
ont le sentimentque lesadministratifs
leurdemandent de s'engagertoujours davantagedans des
préoccupationsgestionnaireset économiqueset
donc, pensent-ils,dans des labyrinthes- labyrinthes de papiers et labyrinthesdes circuits
"
"
imprimésde l'informatique.
en tous cas lesdirecteurs,
Que lesadministratifs,
puissentse conduireaussien guerriers(comme
avanteux les capitainesd'industrie),voire apparaître comme hommes de sang et hommes de
main (" tueurs> [17]), et que de leur côté les
médecins,parmi lesquelsles chirurgienssont
autant de Princesdu Sang(18), se sententcontaminés par la paperasse
>, met en questionla
"
dualité symbolique sur laquelle les médecins
avaientconstruiten partie leur identité.Un tel
brouillage de frontièresentre clercs et gens
d'armes contribue peut-être,côté médecins,au
malaiserepérableaujourd'huidans les professionsde santé.En effet, quellesdéfensesimmunitaires pour protéger leur spécificitéde guer"
riers o ? La situationexige peut-êtreun profond
Fautede
retournementdes mentalitésmédicales.
quoi reste peut-être une solution : la fuite.
L'humanitaire
en serait-ilune ?
Pour réenchanter la médecine (19), le front de
l'humanitaire?
Le front n'est plus ce qu'il était. La démotiva"
"
être comparée
tion de nos médecinspourrait-elle
dansl'Eglise
avecla crisedesvocationsreligieuses
de la deuxièmemoitiédu xx"siècle? A quoi donc
nos médecinsont-ilscesséde croire? S'agit-ilde
la disparition des compensationssymboliques
jusqu'icien usage? N'est-cepassefourvoyerque
de s'en tenir à la revendicationfinancièrerécemment formulée,par exemple,par leschirurgiens
(juillet2004)?Ne s'agit-ilpasau moinsautantde
la perte des référencesidentitairesqui faisaientle
seldu métier,dans un moment de recomposition
des pouvoirsau sein du systèmede santé?
des2/3 d'un article
1. Cetarticleestuneversionraccourcie
qui sera publiée début 2005 sur le site Web de
o Cuerreet Médecine (miseen lignepar la
l'Association
"
Inter-Universitaire
de Médecine).
Bibliothèque
2. Témoignagede la patiente,7 avril2O04.
3. André Soubiran,LeBaronLarrey,chirurgiende Napoléon,
Fayard,'1966,526 pages@. a8a).
4. PaulRobert,Dictionnoireolphobétiqueet onologiquede lo
LongueFronçaise,
tome lV 1980,article" Opération" 4' et
5'.
5. .. Despoisons: natureambigi.ie)>,numérothématique
d' EthnologieFronçaise,2OO4| 3.
6. Voir fes travaux de Michèle Crosclaude,Réanimation,
Paris,Massoncomo : à lo Recherche
du Sujetlnconscient,
1996,ainsique lesouvragescollecEditionsHospitalières,
tifs qu'elle a dirigés,en particulierEn réonimation.Ombres
Masson,1996, Vers
et Clortés,Paris,EditionsHospitalières,
une Histoirede lo Réonimotion,Paris,Clyphe et Biotem
Editions, 2002, eT les Cohærs du Réseou Européen
lnterdisciplinoire sur Psychologie et Réonimation
(Strasbourg).Marie-ChristinePouchelle,L'HôpitolCorpset
Paris,Seli Arslan,
Ame, Essois
d'onthropologiehospitalière,
p.
20O3,218
7. Marie-Françoise
Collière,Promouvoirlo Vie: de lo pratique soignonteoux soinsinfirmiers,Paris, Interéditions,
1996.
8. Bruno Dujardin," Le médecin des systèmesde santé
pubfique: un extra-terrestre
malgrélui SontéPublique&
",
Sciences
Sociales,
n"' 8 et 9, iuin 2OO2,17-36) désignele
paradigmepasteurien> comme un facteurde cette vio"
lencestructurelle,
en raisonde la causalitémécanisteet
linéairequ'il assigneà l'étiologiedes maladies.
9. Maximedu Camp, Poris,sesorganes,sesfondions,sa vie
Lesréflexionspresquegourmandesou envieuses
à proentenduesici ou là chez les professionnels
posde l'humanitaire
incitenten tout casà s'interroger sur lesséductionsque ce secteurtrès particulier pourrait désormais exercer sur certains
médecins.On peut, en effet, se demander si
pas
aulourd'hui" l'humanitaire> ne représenterait
aussil'espoird'échapperaux contraintesde plus
en plusfortesque la sociétécivilefait portersur les
métiersde santé,tout en fournissantl'occasionde
retrouverl'aurade la profession.Plutôtque rester
o à l'arrière> chez soi, choisirde se porter ailleurs
sur < un front " retrouvé,sur une scèneoù rejouer
une partie devenuedifficile à l'hôpital, un autre
théâtre où renoueravec une identité professionnellequ'à tort ou à raisonils sententmenacée.En
ce sensl'engagementdans" la médecinehumanitaire >, fruit d'une incontestablegénérosité,
pourrait-il constituer un symptôme du malaise
de santé?
collectifde nos professions
'1993,
p. 407.
(1869-1875),
Monaco,
Ceorges
Rondeau,
p.4"15.
lO. lbidem,
>,
Duvauchelle
ll. Pr.Bernard
" DéfigurationscommuParis,7 février
nicationau colloqueGuerreet Médecine,
2004.
CodeauLo coutumedes carobins.
12. Emmanuelle
Ethnologie
Ethnologie
de l'internot,Toulouse,EHESS,
lecarabin
estun
2004.Auxv'siècle,
Historique
et Sociale,
soldatde cavalerielégère(le Roben,déjàcité, article
" carabin
").
Yoiraussison article
Codeau,lbidem.
13. Emmanuelle
. Dansun amohithéâtre...
desmorts
La fréquentation
,,, Terrain,
n' 20, mars
dansla formationdes médecins
1993,pp.82-96.
(1894),Paris,Crasset,
14. LéonDaudet,LesMorticoles
Pouchelle" Lire LesMorticoles
1984. Marie-Christine
,,, in L'Hôpitol
Corps
etAme,délàcité.
aujourd'hui...
desMalades.
M. Callon,le Pouvoir
15. V. Rabeharisoa,
et lo Recherche,
Fronçoise
contrelesMyopothies
L'Association
de l'Ecole
desMines,1999.
Paris,
LesPresses
de la médecine
16. NicolasDodier. Recomposition
du sida", rn
aveclascience.
Lesleçons
danssesrapports
n"' I et 9, iuin 2002,
et Sciences
Socioles,
SontéPublique
pp.37-52.
parun directeur
d'hôpital
a étéappliqué
17. Lequalificatif
étantdésigné
de la même
à un de sespairs,lui-même
(entretiens,
1998et 2003).
façonparuneinfirmière...
du Sang,Paris,Fayard,
18. CilbertSchlogel,LesPrinces
1992 eTLivrede Poche.1994.
Bouchayer" Lesvoiesdu réenchantement
19. Françoise
professionnel in P.Aiachet D. Fassin(éds),les Métiersde
",
Ia Santé. Enjeuxde pouvoirs et quête de légitimité, Paris,
Anthropos,1994, 2O1-225.
PRArrorES
le3
n'l : La soclété
n" 4 : Santé
et envlronnement
du
n ' E : L as a n t é
n'est pas à vendre
n" ll : Choblrsa vle,
choisir sa mort
n" 12 : L'informatlon
et le patlent
n" 16 : Lesémotlons
dansle soln
(retimge du dosier)
n' lE : Quelssavolr
pour solgner ?
21 : Le médlcament,
une marchandise
pas
commelesautres
n'20 3La santédes
femmes : tout reste
à faire
n'19: Lavieillesse,
une maladle?
n'22: La santé,
un enieupubllc
auirefrient Fûilf
n" 23 : lls Yonttuer
la Sécu !
no24 : Le métier de
médedn généraliste
n'27 :
Falreautrement
pour soigner
n'25 : Hold-up
sur nor asslettes
n" 26: L'exil
et I'accuell en
Abonnement un an
Abonnement deux i
--l
-l
Abonnement jeune
(étudiant,remplaçant,
de trois anset demand
TARIFS PERIMES
Abonnementà durér
prélèvementsautoma.,r--de prélèvement)
RIB+ autorisation
Commandeà l'unité
(14 € + 1,50 € de frais d'envoi) :
- nombre d'exemolaires:
- intitulé du numéro :
--l
--r Commandeà l'unité numéro
doubfe14/15("16,80
€ + 1,50€)
profession
15,50euros/no
1E,30
eurcs
Chèque à l'ordre de Protiquesà envoyer :
52, rue Gallieni - 92240 Malakoff - France
Té1.: 01 4 57 8585 . fax : O1 46 57 08 60
e-mail : [email protected]
site : http://www.smg-pratiques.info
U n r e ç u v o u ss e r a a d r e s s éù r é c e p t i o nd e v o t r e r è g l e m e n t
PRATIQUES n" 28
Les pouvoirs en médecine
Revue trimestrielle
Rédoction et abonnements :
té|. : 01 4 57 85 85 o fax. : O1 46 57 08 60
e-mail : [email protected]
site internet : http://www.smg-pratiques.info
52, rue Gallieni, 92240 Malakoff o France
Directeur de lo publicotion: Marie Kayser
Rédoctriceen chef : Martine Devries
Secrétoirede rédoction ; Marie-Odile Herter
Secrétoriot, relotionspresse; focelyne Deville, MarieOdile Herter
Responsoblede dîffusion : Dominique Tavé
Comité de rédaction : Geneviève Barbier; Christian
Bonnaud ; fean-Luc Boussard; Martine Devries;
Patrick Dubreil ; FrançoiseDucos; Monique
Fontaine ; Hélène Girard; Catherine lung ; Marie
Kayser; Sylvie Lagabrielle ; Evelyne Malaterre;
ElisabethMaurel-Arrighi; Didier Ménard; Patrice
Muller; Anne-Marie
Pabois;Elisabeth
Pénide;
Anne Perraut-Soliveres
; ChristianeVollaire.
Correspondonts
: DenisLabayle;NoëlleLasne;
Lellouche
; MoniqueSicard.
fean-Pierre
Dessins;
Serdu/ SergeDuhayon
Couverture
; Eloi Valat.
Imprimerie;f 'lmprim, 26, rue Drouet-Peupion,
92240 Malakoff,té|. : 01 47 36 21 41
e-mail: [email protected]
Dépôt légal : 4" trimestre 20O4
commissionparitairen' 0308685786
fssN 1" t6' a-3726
Publiéovecle concoursdu Fondsde promotion de
l'informationmédicaleet médico-économique
(FoP rM)
La revue Protiquesreçoit volontiers les courriers, textes et travaux d'auteurs se rapportant aux thèmes de
réflexion abordés dans les numéros. La revue n'est pas responsabledes manuscritsqui lui sont adressés.Les
textes et travaux qui ne sont pas retenus sont restituéssur simple demande.
Lestitres, sous-titres,résuméset dessinssont de la responsabilitéde la rédaction.
a
i