Mouvement étudiant du printemps 2012 au Québec : exploration du

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Mouvement étudiant du printemps 2012 au Québec : exploration du
Métropoles
16 | 2015
Varia
Mouvement étudiant du printemps 2012 au
Québec : exploration du répertoire d’action
mobilisé
Mathieu Labrie
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ENTPE - École Nationale des Travaux
Publics de l'État
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ISSN: 1957-7788
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Mathieu Labrie, « Mouvement étudiant du printemps 2012 au Québec : exploration du répertoire
d’action mobilisé », Métropoles [Online], 16 | 2015, Online since 17 June 2015, connection on 01
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Mouvement étudiant du printemps 2012 au Québec : exploration du répertoire d’...
Mouvement étudiant du printemps 2012
au Québec : exploration du répertoire
d’action mobilisé
Mathieu Labrie
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Du « printemps arabe » au « mouvement des Indignés », plusieurs grandes villes du
monde ont été le siège de démonstrations populaires exprimant un manque de confiance
dans la démocratie représentative et un désir de justice sociale (Della Porta, 2012 ; Razsa
et Kurnik, 2012). La nomination de The protesters au titre de personnalité de l’année 2011
par la revue américaine Time1 illustre la place importante prise par les mouvements de
protestation dans le monde en tant qu’acteurs politiques au cours des dernières années.
Certains analystes associent les récentes mobilisations à un refus global des valeurs
associées au néolibéralisme politique et économique qui s'est installé depuis les trente
dernières années dans les pays occidentaux et également dans les pays émergents
(Chomsky, 2012 ; Brenner et al., 2012). Cette vague mondiale de contestations, qui persiste
à ce jour sous la forme de campagnes anti-austérité, est caractérisée par l’utilisation
croissante des technologies de communication, comme les réseaux sociaux, et par sa
géographie proprement urbaine (Juris, 2012 ; Marom, 2013). Comme le souligne Harvey
(2012), en s’organisant de la sorte, ces mouvements illustrent la valeur stratégique des
« villes rebelles » dans la lutte contre les pouvoirs hégémoniques du capital. Cette
observation est tirée d’une recherche historique qui démontre le caractère urbain de
certaines luttes sociales allant de la Révolution française de la fin du XVIIIe siècle, en
passant par la guerre civile espagnole et les révoltes des années 1960 aux États-Unis et se
terminant par le mouvement Occupy en 2011-2012.
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1. Problématique de recherche
1.1 Montréal, « ville rebelle »
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La ville de Montréal a également été le siège de deux importants mouvements de
mobilisation depuis 2011, soit le mouvement « Occupons Montréal » et le mouvement
étudiant du printemps 2012. Par solidarité avec le mouvement des Indignados qui a pris
racine dans les métropoles européennes et qui s’est rapidement étendu à un ensemble de
villes en Amérique, des centaines de militants ont occupé pendant plusieurs semaines le
square Victoria au cœur du quartier des affaires de Montréal.
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Au mois de février suivant, la ville de Montréal et l’ensemble du Québec ont été balayés
par la mobilisation massive des étudiants de niveau postsecondaire, et même secondaire,
qui s’opposaient à la hausse des frais de scolarité annoncée par le gouvernement
provincial libéral de Jean Charest. Ce qui est devenu la plus longue et importante grève
étudiante de l’histoire du Québec s’est transformé en véritable « crise sociale » sans
précédent (Chiasson-Lebel, 2012). Quelque 300 000 étudiants se sont mobilisés dans une
lutte contre le gouvernement qui dura plus de 8 mois. Bien que les actions de résistance
se soient concentrées à Montréal, le mouvement s’est étendu dans l’ensemble des villes de
la province abritant des établissements d’enseignement postsecondaire. À Montréal,
plusieurs centaines de manifestations, de rassemblements et « d’activités de perturbation
économique » se sont organisés entre le mois de février et le mois d’août 2012. Déjà, au
mois de mai 2012, le journal La Presse recensait plus de 180 manifestations dans les rues de
Montréal depuis le début du conflit. Organisées principalement par les trois grandes
associations étudiantes (FEUQ, FECQ, CLASSE), mais également par une variété de
groupes, les pratiques et les stratégies déployées étaient ancrées de façon importante
dans l’espace-temps métropolitain. Le blocage des ponts et du port, l’occupation de
certains espaces publics, les manifestions nocturnes au centre-ville et l’utilisation
d’espaces publics urbains comme lieux de rassemblement sont des exemples qui posent
l’espace-temps métropolitain au centre des stratégies du mouvement étudiant du
printemps 2012 à Montréal.
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Devenu le symbole de la résistance, le carré rouge a marqué le paysage montréalais de
multiples façons : d’abord, sur les individus s’identifiant au mouvement progrève, mais
ensuite sous la forme de drapeaux, parfois immenses, installés sur les hauts lieux de la
ville, par exemple la croix du Mont-Royal, les tourelles du pont Jacques-Cartier et la tour
de l’Université de Montréal. Au fil du conflit, le mouvement des « carrés rouges » a trouvé
des appuis auprès des syndicats, des groupes de la société civile et chez une partie de la
population. Parallèlement à cette mobilisation populaire, les revendications mises en
avant par les participants se sont généralisées, passant de la question des frais de
scolarité aux problèmes de la démocratie et de la représentativité, du néolibéralisme, de
la corruption et de l’environnement (Thériault, 2013). Comme l’ont démontré Stolle et al.
(2013), cet épisode d’intenses débats, qui a divisé le Québec et remué la scène politique, a
eu un impact non négligeable sur l’issue des élections de septembre 2012 qui ont été
marquées par la défaite du gouvernement libéral de Jean Charest.
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1.2 Les mouvements sociaux, la ville et le territoire : que disent les
écrits ?
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La question des mouvements sociaux et de la ville est peu traitée en science politique et
en sociologie (Fontan, Hamel et Morin, 2012). Même si des travaux l’ont précédée,
plusieurs chercheurs s’accordent à dire que le point de départ de l’étude des mouvements
sociaux urbains est l’œuvre maintenant classique de Manuel Castells sur les comités
citoyens de Madrid dans les années 1960 et 1970 (Ward et McCann, 2006). Dans « Luttes
urbaines et pouvoir politique », le jeune Castells décrit comment la ville est un espace
social marqué par les contradictions du capitalisme où émerge une « nouvelle forme de
conflit social directement lié à l'organisation collective du mode de vie » (Castells,
1973 :12). Selon lui, les luttes des mouvements urbains autour des enjeux de la
consommation collective propre à la ville sont une source de changement et d’innovation
sociale qui rejoint parfois l’objectif plus vaste des mouvements sociaux de remettre en
cause l’ordre social (Castells, 1973 :129). Cette définition proposée par Castells reste une
référence dans le champ des mouvements sociaux, mais s’est vue fortement critiquée au
fil des années, notamment à cause de son caractère normatif. De plus, ces travaux
s’inscrivent davantage dans une démarche sociologique et évitent les questions de
pouvoir et de conflit (Leontidou, 2010). De ce fait, il exclut de son analyse un ensemble
d’acteurs et de groupes, tels les gouvernements locaux, les groupes de pression et les
partis politiques (Ibid., 2010). Une autre critique qui lui est faite porte sur la réelle
capacité des mouvements sociaux urbains à induire des transformations sociales qui vont
au-delà de l’arène de la ville (Pickvance, 2003).
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Plus récemment, un courant de recherche sur la question des mouvements sociaux et de
la ville (mouvements sociaux urbains) s’est développé autour de la redécouverte des
travaux d’Henri Lefebvre dans le monde anglo-saxon dans les années 1990, à la suite de la
traduction de ses ouvrages principaux en anglais (Leontidou, 2010). Présent dans un
ensemble de recherches en géographie et en science politique, le concept de « droit à la
ville » est utilisé afin d’interroger les rapports de pouvoir et de domination dans la
production de l’espace urbain. « Le droit à la ville ne se réduit donc pas à un droit d’accès
individuel aux ressources incarnées par la ville : c’est un droit à nous changer nousmêmes en changeant la ville de façon à la rendre plus conforme à notre désir le plus
cher » (Harvey, 2010 : 160). À l’aide de ce concept, des chercheurs qui s’inscrivent
davantage dans la tradition néomarxiste ont travaillé sur les questions d’accès aux
services publics, d’appropriation de l’espace, de logement et, de manière générale, de
justice sociale dans la ville (Harvey, 1973 ; Mitchell, 2003 ; Brenner et al., 2012). Ces
recherches s’efforcent de démontrer les dynamiques inhérentes à l’urbanisation
capitaliste et néolibérale ainsi que les fractures sociales qui en résultent. Le droit à la ville
se veut d’abord un concept théorique, mais également une position politique critique de
l’économie politique (Marcuse, 2012). En bref, pour certains auteurs, ce n’est pas
seulement un appel à l’inclusion dans un système structurellement inéquitable, mais une
demande en vue de la démocratisation des villes dans leur processus décisionnel (Mayer,
2009 ; Schmid, 2012). La popularisation de ce concept dans le monde académique chez les
adeptes de la théorie urbaine critique et son utilisation croissante parmi les acteurs de la
société civile ont transformé les mots de Lefebvre en véritable slogan qui rassemble des
groupes et des mouvements qui luttent contre la transformation des villes sous l’égide du
capitalisme global (Mayer, 2012).
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L'approche de la politique du conflit (contentious politics), maintenant dominante dans la
recherche sur les mouvements sociaux, a été développée dans les années 1980 à partir des
travaux de Tarrow et McAdam sur la notion de structure d’opportunité politique et des
travaux de Tilly sur l’action collective. Cette approche se concentre sur le contexte
politique et historique de l’émergence des conflits sociaux (Neveu, 2005). Selon Tilly, les
actions collectives sont définies comme des actes non routiniers et publics qui impliquent
des demandes faites au nom de la collectivité (Tilly, 2004). En misant sur les acteurs et
leurs demandes, nombre de recherches ont négligé l’importance du contexte local et de la
dimension spatiale des mouvements sociaux (McAdam et Schaffer Boudet, 2012).
La politique du conflit est faite d’interactions où des acteurs élèvent des revendications
touchant aux intérêts d’autres acteurs, ce qui conduit à la coordination des efforts au nom
d’intérêts ou de programmes partagés ; et où l’État se trouve impliqué, soit en tant que
destinataire de la revendication, soit comme son instigateur, soit comme tierce partie. La
politique du conflit réunit donc trois éléments bien connus de la vie sociale : le conflit,
l’action collective et la politique (Tilly et Tarrow, 2008 : 20).
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Ces travaux ont démontré notamment l’importance de la dimension temporelle dans la
recherche sur les mouvements sociaux afin de mettre en lumière des processus de
transformation à long terme des sociétés et des cycles de protestations (long-term change
processes and protest cycles) (McAdam et Sewell Jr., 2001). Ces observations s’inscrivent
dans la continuité des recherches de Tilly sur les répertoires d’action collective (Tilly,
1995; 2004) définis comme « a structural and a cultural concept, involving not only what people
do when they are engaged in conflict with others but what they know how to do and what others
expect them to do »(Tarrow, 1998: 30). Les répertoires sont le reflet des identités, des liens
sociaux et des formes organisationnelles qui constituent l'environnement social
quotidien des mouvements. À l'échelle du conflit, l'interaction entre trois facteurs, soit
l'organisation sociale quotidienne, l’expérience cumulée et l'intervention du régime,
forme un agglomérat de représentations reconnaissables qui composent le répertoire. Ces
recherches ont démontré que l’évolution des répertoires était due à un enchaînement de
mécanismes et, à plus long terme, de processus.
Par mécanisme, nous entendons une classe d’événements qui modifient de manière identique
ou analogue, dans une grande diversité de situations, les relations entre certains ensembles
d’éléments. Les mécanismes à leur tour s’enchaînent en processus. Par processus, nous
entendons une combinaison ou séquence régulière de mécanismes qui produit des
transformations analogues (en général plus complexes et plus contingentes) de ces éléments
(Tilly et Tarrow, 2008 : 59).
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Dans une de leurs récentes recherches, McAdam et Schaffer Boudet (2012) tentent de
comprendre les conditions d’émergence de l’action collective en comparant vingt
municipalités américaines qui ont fait face à l’exploitation de gaz naturel. Leurs résultats
démontrent entre autres l’importance du territoire, des lieux et du contexte local dans la
compréhension de la mobilisation et des formes d’action collective. À la lumière de leur
découverte et des limites de ce travail, ils dénoncent la négligence du lieu et du contexte
local dans la théorie sur les mouvements sociaux. « Attention to place is rare in contemporary
movement studies […] It is time, however, that movement analyst, in whatever discipline, take the
need to put movements in their place seriously » (McAdam et Schaffer Boudet, 2012: 202).
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La non-reconnaissance du rôle de l’espace et du contexte local dans les recherches sur les
mouvements sociaux nous semble indissociable du peu d’intérêt qu’ont accordé les
chercheurs à l’urbanité en tant que dimension analytique de l’action collective et de la
mobilisation (Wilton et Cranford, 2002 ; Ripoll, 2008 ; Nicholls, 2009 ; McAdam et Schaffer
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Boudet, 2012). « Social movement theories, whether of the American or the European traditions,
have some trouble with the urban specificity of movements » (Mayer et Boudreau, 2012:
278).L’approche du processus politique, largement utilisée dans le champ des
mouvements sociaux, laisse peu de place aux territoires et aux lieux dans son analyse.
Même si les tenants de cette approche évoquent l’importance du lieu (place) dans
l’évolution des répertoires d’action collective et des modes d’action dans leurs travaux, la
dimension spatiale occupe généralement une place mineure ou secondaire dans l’analyse
(Hmed, 2009).
11
Pourtant, les pratiques territoriales sont révélatrices des tensions sociales et politiques
dans la ville. Comme le soulignent Brunet et Dollfus (1990), s’approprier l’espace,
communiquer dans l’espace et se représenter l’espace sont des actes qui structurent
l’organisation de celui-ci et participent à la reproduction et au maintien des relations de
pouvoir (Soja, 1989). D’un point de vue social et politique, les pratiques spatiales, telles
l’appropriation et les représentations, produisent le territoire et « contribuent à forger
l’identité des individus » (Breux, 2007 : 46). Dans son ouvrage Conflict, Power and Politics
and the City : A Geographic View, Kevin Cox (1973) développe cette idée à partir des outils
conceptuels de la géographie sociale. L’auteur traite des conflits urbains dans les grandes
métropoles américaines sous l’angle de l’organisation spatiale et des inégalités
socioéconomiques des quartiers. Sans aborder de front le thème des mouvements sociaux,
il met en évidence les dimensions spatiales et territoriales des conflits urbains autour
d’enjeux de politiques et de services publics. Cette ouverture sur l’organisation spatiale
des inégalités dans les villes et son rôle dans les conflits urbains s’est révélée une
inspiration pour un nombre marginal de géographes qui ont voulu, par la suite,
développer un cadre théorique spécifique de l’analyse des mouvements sociaux. C’est le
cas de Miller (2000) qui tente, dans son ouvrage clé Geography and social movements, de
faire un rapprochement entre les concepts classiques de la géographie (space, place and
scale) et les courants dominants dans le champ des mouvements sociaux afin de mettre en
lumière le caractère géographique du mouvement antinucléaire dans la région de Boston.
En soulignant l’emprise inégale de l’État et de la politique sur le quotidien des gens, il
démontre comment les inégalités spatiales jouent un rôle déterminant pour les groupes
dans la mobilisation des ressources et dans la mise en place de stratégies d’opposition. Il
aborde le lieu et le territoire comme des facteurs contribuant à la construction d’une
identité collective et d’une base à la mobilisation. « In short, the characteristics of places
affect the ability of organizations to mobilize and campaign effectively » (Miller, 2000: 167). Dans
une tentative d’intégrer la dimension territoriale au cadre conceptuel de la théorie de la
politique du conflit, Sewell Jr. (2001) propose une série de concepts clés, par exemple :
spatial structure and spatial agency, location and spatial differentiation, space and copresence,
spatialities of power et spatial routines. Il démontre ensuite, à partir de l’étude du
mouvement étudiant pékinois de 1989, l’importance de la configuration spatiale de la
ville et de la spatialisation du pouvoir dans la mobilisation des étudiants chinois.
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Certes, la conception du rapport entre les mouvements sociaux et la ville a évolué depuis
les travaux de Castells sur les comités citoyens de Madrid. Exprimant au départ des
conflits portant sur des enjeux de consommation collective de services urbains, les
travaux contemporains s’intéressent davantage aux mouvements sociaux qui s’organisent
dans la ville (mouvements sociaux urbains) autour d’enjeux économiques,
environnementaux et sociaux qui ne se limitent pas à la ville et au mode de vie urbain.
Cette distinction est d’ailleurs mise en évidence par Fontan, Hamel et Morin (2012) dans
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un ouvrage portant sur les actions collectives « dans » la ville, en rapport avec des
revendications relatives à l’échelle de la société en général, et « sur » la ville, qui se
rapportent à des questions proprement urbaines au sens de Castells. Dans le cadre de
cette recherche, nous soulevons le caractère urbain d’une lutte menée par un mouvement
social qui porte sur des enjeux de société ne se limitant pas à la ville. Par « mouvement
social », nous désignons une organisation qui formule publiquement des revendications
collectives en interpellant une forme d’autorité pendant une période donnée (durant une
campagne) ; cette organisation utilise un ensemble d’actions politiques collectives qu’elle
réalise publiquement (un répertoire d’action), et les participants à ces actions se
reconnaissent comme faisant partie d’un tel mouvement (Tilly, 2004). Tout comme
Allegra et al. (2013), nous pensons que, pour bien comprendre ce qu’est la ville et son
importance dans les campagnes contestataires, il ne suffit pas de la réduire au théâtre des
protestations ou à un objet défini par des modèles théoriques rigides. Il faut plutôt
l’aborder comme un territoire, voire un contexte unique avec des caractéristiques
politiques, géographiques et sociales propres, où l’on observe une expérience sociale
singulière. En ce sens, la ville et ses différentes dimensions représentent une échelle
d’analyse pouvant participer à la compréhension des mouvements sociaux.
1.3 Objectif et question de recherche
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Considérant l’intensité de la campagne de contestation du mouvement étudiant québécois
au printemps 2012 et la montée en généralité qu’elle a connue tant sur le plan des
revendications que de l’adhésion de la population, notre recherche poursuit l’objectif
général de caractériser le répertoire d’action collective mis en avant par ce mouvement.
De manière spécifique, nous voulons comprendre la relation entre ces actions collectives
et le territoire urbain de la ville de Montréal. Ceci étant dit, nous posons la question
suivante : quel est le rôle du territoire urbain dans la mobilisation étudiante du printemps
2012 ?
2. Cadre théorique et conceptuel
2.1 La théorie urbaine critique
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Notre recherche s’inscrit dans le champ des études urbaines avec une approche
pluridisciplinaire au croisement de la géographie, de la théorie des mouvements sociaux
et de la science politique. La réflexion que nous proposons s’inspire de la théorie urbaine
critique, c’est-à-dire que nous appréhendons la ville et l’espace urbain comme des objets
« malléables » qui reflètent les idéologies politiques et économiques dominantes ainsi
qu’une succession de luttes sociales (Brenner et al., 2012). En ce sens, la ville n’est pas une
finalité historique, mais une construction sociale reflétant des relations de pouvoir et les
pressions du capitalisme globalisé. En tant que théorie réflexive qui s’oppose aux analyses
mainstream, elle critique à cet égard les idéologies (politiques, économiques, sociales et
même scientifiques), les relations de pouvoir et les injustices entre et à l’intérieur des
villes (Davies et Imbroscio, 2010). Les travaux qui rejoignent ce courant laissent
transparaître l’idée qu’une ville meilleure, plus juste, est possible (Soja, 2010).
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Notre projet de recherche rejoint l’une des trois questions fondamentales de la recherche
sur les mouvements sociaux, soit celle du « comment » les mouvements évoluent. La
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question de la structure organisationnelle, chère à la théorie de la mobilisation des
ressources ne fera pas l’objet d’une analyse. La troisième interrogation - qui ne sera pas
traitée dans le cadre de ce travail - la plus ancienne dans le champ selon certains, est celle
des conditions d’émergence des mouvements sociaux (McAdam, McCarthy et Zald, 2000).
Ces dernières dynamiques ont été largement explorées dans les travaux classiques de
Gamson (1975), de Tilly (1978) et, de manière générale, dans les travaux se référant à la
théorie de la mobilisation des ressources. Notre questionnement, quant à lui, renvoie à
une posture épistémologique propre à la théorie du processus politique (McAdam,
McCarthy et Zald, 1996 ; Tilly et Tarrow, 2008). Nous considérons donc que les
mouvements sociaux et les stratégies qu’ils déploient nous informent sur
l’environnement politique et social dans lequel ils évoluent. Comme cela a été proposé
par la théorie du processus politique, nous plaçons les actions collectives au centre de
notre analyse afin de mettre en lumière des changements sociétaux et d’expliquer des
périodes de contestation sociale.
2.2 Cadre conceptuel
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Notre réflexion s’articule autour de trois concepts clés : le territoire, le mouvement social
et l’action collective. Comme nous l’avons démontré dans la première partie du travail,
les relations entre ces trois concepts ont été mises en lumière à travers le champ des
mouvements sociaux et de l’action collective. En ce sens, l’action collective ne peut être
comprise en dehors de ses rapports avec le mouvement social en tant que groupe qui
formule des demandes à une forme d’autorité dans le but de causer un changement social
ou politique. Conformément à la définition de Tilly (2004), ce groupe porte une identité
propre et s’engage dans une campagne de revendications. Tilly a démontré la
transformation des formes des mouvements sociaux et de leurs actions collectives sur des
périodes historiques. La relation entre ceux-ci et le territoire, compris dans ses
dimensions physique, politique, symbolique et historique, relevant de l’usage, de la
perception et de l’expérience a été démontrée par plusieurs chercheurs, dont Sewell Jr.
(2001). McAdam et Schaffer Boudet (2012) ont également soulevé la pertinence de cette
relation en mettant en avant l’importance du lieu (place) dans l’organisation des
mouvements locaux de contestation contre l’industrie gazière aux États-Unis. La dernière
interrelation, soit celle du territoire et de l’action collective, a clairement été mise en
évidence par Hmed (2008) dans une recherche portant sur l’évolution d’un conflit dans les
foyers de travailleurs migrants en France. À partir de cette étude de cas, il met en lumière
le rôle du territoire en tant que ressource, enjeu et cadre de l’action collective. « Seule
l’analyse localisée des stratégies sociales de construction, d’appropriation et de
réappropriation de l’espace permet en somme de comprendre ce que ce jeu particulier
fait à l’action collective » (Hmed, 2008 : 148).
3. Stratégie méthodologique
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Notre stratégie méthodologique est inspirée de l’analyse événementielle (protest event
analysis) dans la mesure où l’événement de contestation est l’unité d’analyse de notre
recherche. Nous utiliserons des articles de presse écrite comme source principale de
données et nous les soumettrons à une analyse qualitative selon une méthode de codage
thématique. En complément, nous construirons une base de données factuelles des
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événements retenus. Une recension des travaux traitant des mouvements sociaux, de
l’action collective et des dimensions spatiales de ceux-ci nous a influencé dans
l’élaboration de notre méthodologie de recherche. Les paragraphes qui suivent
présentent l’opérationnalisation du cadre conceptuel mobilisé, la méthode de collecte de
données que nous allons employer et la stratégie de traitement et d’analyse des données
recueillies. Dans un deuxième temps, nous discuterons de la validité interne et externe de
notre démarche méthodologique.
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Il est important de préciser que cet exercice de recherche se veut en quelque sorte une
exploration préalable à la réalisation de notre projet de recherche doctoral. Comme cela a
été détaillé dans les paragraphes qui suivent, le présent article se penche sur une période
courte du conflit dans le but de valider notre démarche et de porter une réflexion sur la
méthode de l’analyse événementielle à l’aide de la presse écrite dans le contexte actuel.
En d’autres termes, nous cherchons à vérifier la qualité, la pertinence et la quantité des
données recueillies à partir de cette méthode de collecte. C’est pourquoi le croisement
avec une autre source de données n’est pas pertinent dans le cadre de cet exercice.
3.1 Méthode de collecte de données
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La principale technique de collecte de données présentée est celle de l’analyse de la
presse écrite. Les raisons qui nous ont poussé à choisir cette méthode sont multiples : la
presse écrite est une source quotidienne d’information permettant de reconstituer la
chronologie des événements et plusieurs bases de données sont disponibles pour faire des
recherches dans les quotidiens principaux de la région de Montréal (La Presse, Journal de
Montréal et Le Devoir). De plus, le conflit étudiant de 2012 a été fortement médiatisé. La
revue médiatique de l’année 2012 de la firme Influence communication place le conflit
étudiant au tout premier rang des nouvelles québécoises de 2012. « Depuis 2001, jamais
un dossier d’actualité entièrement québécois n’a été aussi dominant sur une aussi longue
période » (Déry et Roy, 2012 : 30). Ainsi, nous pourrons recueillir un ensemble de données
factuelles (ex. : dates, lieux de l’événement, nombre de personnes, trajets empruntés,
interventions policières, groupes impliqués) qui nous permettront de faire l’analyse des
événements contestataires pendant la période à l’étude. Comme nous l’avons mentionné
précédemment, ce travail de recherche se veut exploratoire, en ce sens qu’il précède
notre travail de recherche doctorale qui porte sur deux périodes historiques, une dans les
années 1960 et l’autre en 2012, totalisant 18 mois. La présente recherche porte, quant à
elle, sur la période du 17 au 24 mai 2012. Bien qu’elle ne permette pas de reconstituer
l’ensemble des événements ou de saisir la diversité des modes d’action, cette période est
l’une des plus intenses de la campagne en termes d’activité de protestation et correspond
à la période d’adoption du projet de loi 782, un événement marquant dans le dénouement
de la crise (Nadeau-Dubois, 2013). Nous sommes donc sûr de pouvoir répondre à la
question de recherche proposée et de nourrir le débat sur la validité de l’analyse
événementielle à travers la presse écrite (Trudelle, 2005). Notez qu’un retour sur la
méthode et sur la période choisies sera réalisé en conclusion.
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Bien que plusieurs chercheurs aient recours à la technique de l’analyse événementielle
pour l’étude de l’action collective et des mouvements sociaux, son utilisation soulève de
nombreux débats (Trudelle, 2005). Dans un chapitre de sa thèse portant sur les biais dans
l’utilisation de la presse écrite à des fins de recherche sur les conflits sociaux, Trudelle
(2005) identifie deux biais principaux, soit le processus de sélection des nouvelles et les
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rapports sociopolitiques de pouvoir. Le premier réfère notamment au choix fait par les
éditeurs et les journalistes quant aux nouvelles rapportées. Celui-ci est influencé par un
ensemble de facteurs qui vont des contraintes journalières liées au travail, aux lois du
marché et à la concurrence entre les périodiques (Ibid., 2005). Le deuxième biais fait
référence à l’imprécision avec laquelle les événements sont couverts. À ce problème
d’imprécision s’ajoute celui du langage utilisé, qui influence grandement la
compréhension de la nouvelle par les lecteurs. Le recours à des catégories sociologiques
non neutres, par exemple la classe sociale, le groupe ethnique ou le genre ont des effets
de profondeur (Ibid., 2005).
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De façon concrète, nous avons réalisé notre collecte de données dans la presse écrite à
partir du site web du quotidien montréalais La Presse ( lapresse.ca) qui regroupe un
ensemble de quotidiens régionaux de la province. Selon le Répertoire des médias du
gouvernement du Québec (2013), les quotidiens les plus populaires selon le tirage en
semaine sur l’île de Montréal sont Le Journal de Montréal (268 561), La Presse (213 212) et
The Gazette (160 316). Le choix d’exclure le Journal de Montréal est basé sur l’irrégularité et
la partialité de la couverture qu’il a fait du mouvement étudiant (Sauvageau et Thibault,
2013). Afin de recenser les événements qui nous intéressent, nous avons interrogé la base
de données Eureka.cc à l’aide du mot-clé « étudiant » pour la période comprise entre le 17
et le 24 mai inclusivement. Ce mot-clé a été choisi car nous avons supposé qu’il ferait
ressortir un maximum d’articles traitant du conflit étudiant. Il est à noter que nous avons
dû étendre nos recherches à l’agence de La Presse canadienne (LPC) puisque celle-ci n’était
pas prise en compte dans les recherches sur le site web de La Presse même si ce dernier
publie quotidiennement des articles de LPC sur son site web.
3.2 Traitement des données
22
Afin de systématiser l’analyse des données recueillies, nous avons procédé à une analyse
thématique des contenus de nos textes. Pour ce faire, nous avons utilisé une technique de
codage par thèmes à l’aide du logiciel NVivo qui nous a permis de dégager le sens des
données d’une façon systématique et structurée (Figure 1). L’utilisation d’une grille de
codage hybride, c’est-à-dire avec des parties hiérarchisées et non hiérarchisées, a facilité
une lecture horizontale et verticale de nos données. Une série de précautions a été prise
dans le but d’assurer la validité et la fidélité du classement du matériau. D’abord, nous
assurons la pertinence de nos thèmes et sous-thèmes avec nos objectifs de recherche en
appuyant nos choix sur des travaux antérieurs. Par exemple, sous la variable « dimension
territoriale » de l’action collective nous avons placé les indicateurs (ou sous-thèmes en
langage NVivo) « trajet », « lieux » et « échelle » comme cela a été suggéré par Sewell Jr.
(2001). Nous avons également procédé au codage des attributs des articles sélectionnés
(auteur, date et quotidien) afin de reconstituer la chronologie des événements et de voir
les tendances dans la couverture des événements de protestation.
Métropoles, 16 | 2015
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Mouvement étudiant du printemps 2012 au Québec : exploration du répertoire d’...
Figure 1 - Grille de codage pour le concept « action collective »
4. Résultats et analyse
4.1 Présentation des résultats
23
À partir de la base de données Eureka.cc, accessible depuis le portail de la Bibliothèque et
Archives nationales du Québec (banq.qc.ca), nous avons réalisé une recherche avec le motclé « étudiant » pour la période du 17 au 24 mai 2012. Nous avons appliqué cette
recherche aux archives du site web de La Presse et aux archives de la La Presse canadienne.
De ce fait, la recherche s’est étendue aux quotidiens qui affichent des articles dans les
sections d’actualité régionale du site web de la La Presse, par exemple, Le Soleil (Québec), La
Voie de l’Est (Granby), Le Droit (Gatineau), Le Quotidien (Saguenay) et La Tribune
(Sherbrooke). Inclure dans notre recherche les quotidiens régionaux nous a semblé
intéressant puisqu’ils représentent des sources de données sur les actions en lien avec le
mouvement étudiant non seulement dans la métropole mais aussi dans d’autres villes du
Québec. Il importe de mentionner que cette couverture est parfois plus descriptive et
détaillée que celle des quotidiens montréalais, peut-être parce que le lectorat auquel
s’adressent ces articles connaît moins bien le contexte de la ville de Montréal.
24
Le résultat de notre recherche est de 65 articles pour le site web de La Presse et de 14
articles pour La Presse canadienne. Parmi ces 79 articles, nous en avons conservé 58 pour
l’étape du codage. Les 21 articles exclus n’abordaient pas directement le sujet du conflit
étudiant ou, s’ils le faisaient, ce n’était qu’en référence brève. Le Tableau 1 représente le
nombre d’articles retenus par jour pour chaque quotidien.
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Mouvement étudiant du printemps 2012 au Québec : exploration du répertoire d’...
Tableau 1 – Nombre d’articles par jour pour chaque quotidien
25
En termes de quantité, La Presse est le journal ayant publié le plus d’articles sur le
mouvement étudiant durant cette période tandis qu’au deuxième rang se place le
quotidien Le Soleil de la région de Québec. D’abord, ces résultats nous semblent logiques
vu l’importance de ces quotidiens en termes de tirage. Ensuite, Montréal et Québec, les
deux plus grandes villes de la province, respectivement la métropole régionale et la
capitale administrative, ont été les deux villes les plus touchées par le mouvement
étudiant durant cette période. Les journées marquées par le plus grand nombre de
publications sont le jeudi 17 mai avec 14 publications et le samedi 19 mai avec 10
publications (ex æquo avec le 22 et le 24 mai). Cette intensité peut être expliquée par le
débat entourant le projet de loi 78 à l’Assemblée nationale et son adoption le 18 mai. En
effet, ce projet de loi a fait les manchettes pendant plusieurs jours et a polarisé le débat
dans la société québécoise en général. Le nombre plus élevé d’articles dans la deuxième
moitié de la semaine (soit 29 articles pour les 22-23-24 mai, contre 24 pour les 17-18-19
mai) peut être dû à la vague de soulèvements causés par l’adoption du projet de loi 78 et à
l’apparition des soirées de « casseroles » dans les rues de Montréal et dans plusieurs villes
du Québec. Rappelons que les soirées de « casseroles » sont des manifestations
quotidiennes débutant à 20h00 précisément qui ont rassemblé des milliers de personnes
de tous les âges dans les rues de Montréal. Durant ces manifestations populaires se
déroulant simultanément dans plusieurs quartiers de la ville, les participants étaient
appelés à frapper sur des casseroles afin de faire un maximum de bruit tout en dénonçant
la loi 78. Des articles rapportent même des manifestations et du « tapage » de casseroles à
Sept-Îles, Gaspé et même aux Îles-de-la-Madeleine, soit dans des régions éloignées des
grands centres. La manifestation mensuelle du 22 a également été un sujet « chaud ».
Amplifié par le mécontentement populaire autour du projet de loi 78 et par la
popularisation des marches de « casseroles », c’est l’événement qui a été le plus médiatisé
durant la période étudiée.
26
Nous avons été étonné de la richesse des articles en matière de données et
d’informations. Avec une couverture d’une semaine, nous avons recensé 48 actions
différentes dans 12 villes : 10 villes de la province et 2 villes de l’extérieur de la province,
soit Paris et New York. parmi ces actions, nous avons répertorié 28 manifestations, une
manifestation thématique (la Manufestation de Montréal le dimanche 20 mai), deux
pétitions, trois blocages, trois sorties publiques, six marches de casseroles et cinq actions
directes (actions de perturbation économique, alertes à la bombe et bombes fumigènes
dans le Métro de Montréal). Le nombre de participants aux événements rapportés varie
entre quatre et 250 000. Les plus petits nombres se rapportent aux actions directes,
extrêmes, par exemple l’explosion de bombes fumigènes dans le Métro ou l’occupation
des bureaux de la ministre de l’Éducation. Les manifestations ayant lieu dans de plus
petites municipalités comme Granby ou Sept-Îles sont également (sans surprise) celles où
l'on rapporte un plus petit nombre de participants. À l’inverse, la manifestation du 22 mai
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Mouvement étudiant du printemps 2012 au Québec : exploration du répertoire d’...
à Montréal, associée à un acte populaire de désobéissance civile dans la foulée de
l’adoption du projet de loi 78, a attiré plus de 250 000 participants des quatre coins de la
province.
27
La couverture offerte par la presse écrite met également en avant les principaux lieux
investis par les actions. Une quantité étonnante de détails sur les intersections, les rues et
les quartiers est présente dans les articles. L’organisation quotidienne d’événements qui
se sont déroulés dans le Quartier Latin, précisément sur la place Émilie-Gamelin, peut
révéler l’importance de ce secteur comme enjeu stratégique et comme lieu symbolique
pour les militants, comme cela a été soulevé par Fortin (2013). Plusieurs articles publiés
dans la deuxième moitié de la semaine portent sur le déroulement des marches de
casseroles dans les quartiers péricentraux, principalement à l’est du Boulevard StLaurent, par exemple, Villeray, Rosemont, Plateau Mont-Royal et HochelagaMaisonneuve. Certains articles portent même sur l’occupation d’intersections spécifiques
par les manifestations familiales de casseroles, par exemple, avenue du Mont-Royal et StDenis ou Villeray et Christophe-Colomb. Les trajets qui, selon les articles, ont été les plus
empruntés par les manifestations sont l’axe Sherbrooke et Sainte-Catherine entre Berri (à
l’est) et Crescent (à l’ouest). Des informations sont également rapportées dans les médias
sur des tentatives échouées, pour cause de présence policière, de groupes de manifestants
voulant entrer dans le tunnel Viger et monter sur le pont Jacques-Cartier. Ces
informations mettent en évidence la valeur stratégique de ces lieux pour les militants,
mais également l’importance des ressources policières déployées pour empêcher la
perturbation de la circulation sur ces artères principales.
4.2 Discussion
28
Maintenant que nous avons présenté sous forme de résumé les données recueillies à
travers l’analyse de la presse écrite, il est temps de répondre à notre question principale
de recherche qui est : quel est le rôle du territoire urbain dans la mobilisation étudiante
du printemps 2012 ? Pour répondre à cette question, nous avons choisi de caractériser le
répertoire d’action collective mobilisé selon les modes d’action mis en avant, leur
dimension politique et leur dimension territoriale.
29
Les modes d’action répertoriés dans notre collecte de données correspondent, dans la
littérature sur les mouvements sociaux, au répertoire de troisième génération (après le
répertoire ancien et moderne) (Péchu, 2009). Ce répertoire met en avant des modes
d’action qui sont marqués « par l’expression des identités plutôt qu’orientés
stratégiquement, et qui laisseraient une large part à l’action directe. […] [Ceux-ci] se
déroulent dans un espace supranational, visant des enjeux très techniques et donnant
une place clé à l’expertise » (Péchu, 2009 : 456). À notre connaissance, parmi les sept
modes d’action répertoriés, seules les manifestations de « casseroles » ou charivaris
représentent une nouvelle forme de contestation pour le Québec. Bien qu’elles aient été
présentées comme « spontanées », l’organisation de ces dernières est le fait d’un appel
généralisé sur les médias sociaux, notamment Facebook. Or, l’apparition de ce mode
d’action n’est pas une transformation du répertoire d’action, mais plutôt l’effet de
l’internationalisation des formes de protestation (Neveu, 2005 : 98). En effet, l’utilisation
d’objets comme des casseroles pour faire du vacarme et ainsi attirer l’attention des
autorités sur un problème social ou politique remonte à au moins cent ans (Péchu, 2007).
Un article de La Presse nous apprend également que des concerts de casseroles ou
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Mouvement étudiant du printemps 2012 au Québec : exploration du répertoire d’...
cacerolazo étaient fréquents au Chili dans les années 1980 lors d’une vague de
protestations contre le régime de Pinochet. La nouveauté de cette action réside donc,
selon nous, dans son organisation et dans sa forme d’occupation de l’espace public. À cet
égard, des liens sont à établir avec les travaux de Juris (2012) sur l’utilisation des médias
sociaux et les logiques d’agrégation dans le mouvement Occupy.
A logic of aggregation is an alternative cultural framework that is shaped by our
interactions with social media and generates particular patterns of social and political
interaction that involve the viral flow of information and subsequent aggregations of large
numbers of individuals in concrete physical space (Juris, 2012: 266).
30
De par l’installation d’une routine de protestation, selon laquelle les participants se
rejoignent tous les jours à 20h00 dans la rue, et le peu de risque que représentaient ces
actions collectives, les gens ont participé sans qu’il y ait une organisation en amont. Les
médias sociaux, par exemple Facebook et Twitter, ont servi de relais d’information à
travers des réseaux virtuels personnels, donnant ainsi naissance à des regroupements
d’individus au lieu de regroupements de groupes.
31
Nous avons également noté la variabilité des actions selon le risque qu’elles représentent
pour les individus qui y participent. Certaines des actions directes rapportées dans la
presse, par exemple l’explosion de bombes fumigènes dans le Métro ou le blocage du pont
Jacques-Cartier, représentent au sens de la loi des actes illégaux passibles d’amende ou
d’emprisonnement. De l’autre côté du spectre, nous trouvons les pétitions formulées dans
le cadre d’une démarche formelle par des organismes reconnus. Au centre du spectre, les
manifestations de casseroles représentent en soi un acte de désobéissance civile (suite à
l’adoption du Projet de loi 78), mais se sont déroulées dans une ambiance festive et sans
interventions policières.
32
Une autre caractéristique utilisée pour qualifier les répertoires d’action collective est
celle des revendications (Tilly et Tarrow, 2008). Sur ce plan, la période choisie est
révélatrice de l’évolution des revendications du mouvement pour cause, selon notre
analyse, de l’adoption du projet de loi 78. La revendication qui revient le plus souvent
dans les articles est celle de l’abolition des frais de scolarité et du droit à l’accès à
l’éducation. Avec l’adoption du projet de loi 78, plusieurs articles rapportent les
demandes des manifestants concernant le droit de manifester, le droit de rassemblement,
le droit à l’espace public et une demande concernant le respect de la démocratie de
manière générale. Nous avons également répertorié des articles qui mentionnaient les
revendications de certains groupes face au système capitaliste et au néolibéralisme
économique, et au mécontentement d’autres groupes devant la gestion et l'exploitation
des ressources naturelles (gaz de schistes, mines, et dénonciation du Plan nord). Il est
intéressant de regarder cette montée en généralité des revendications à la lumière du
texte de Fontan, Hamel et Morin (2012) sur les actions collectives « dans » la ville et
« sur » la ville. Parmi les revendications répertoriées, certaines correspondent à des
demandes collectives qui touchent des enjeux généraux de société, par exemple,
l’exploitation des ressources naturelles et la protection de l’environnement, la
démocratie, l’accès à l’éducation et le système capitaliste en général. Ces dernières
demandes correspondent aux actions « dans » la ville selon Fontan, Hamel et Morin
(2012). En ce sens, la ville est une vitrine sur le monde, l’espace privilégié de la
contestation globalisée (Harvey, 2012). Or, l’adoption de la loi 78 vient, selon nous,
transformer cette dynamique ; les actions s’orientent vers le droit d’être dans l’espace
public montréalais et le droit de rassemblement. Les revendications se portent « sur » la
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Mouvement étudiant du printemps 2012 au Québec : exploration du répertoire d’...
ville, aux sens où elles soulèvent des enjeux locaux qui peuvent également concerner la
société en général. Nous venons ici appuyer les propos de Fortin (2013 : 524), qui suggère
que « l’espace de la lutte [s’est étiré] à la planète ». Considérant que les actions collectives
organisées après le 18 mai mettent en avant un plus grand nombre de revendications, il
nous apparaît logique que celles-ci, comme la manifestation du 22 mai, la plus grande de
l’histoire du Québec, ou les populaires marches de casseroles, aient attiré un plus grand
nombre de participants.
33
Une représentation spatiale des actions collectives répertoriées illustre le caractère
central de la majorité des événements. Nous pouvons supposer ici que le centre-ville
présente plusieurs « espaces libres » (free space) qui représentent des ressources pour les
manifestants en tant que territoires propices à la politisation, à l’organisation et à la
construction identitaire (Wilton et Cranford, 2002). Sur le plan territorial, l’adoption du
projet de loi 78 semble étendre les manifestations aux quartiers péricentraux
majoritairement résidentiels, par exemple Villeray, Rosemont et Plateau Mont-Royal. Ce
phénomène n’est toutefois pas nouveau, Fontan, Hamel et Morin (2012) l’ont documenté
dans les actions collectives relatives aux enjeux de justice sociale dans ces quartiers entre
les années 1980 et 2006. L’instauration d’une routine spatiale (spatial routine), soit la
réalisation quotidienne de manifestations nocturnes pendant plus de cent jours ou le
rendez-vous quotidien qu’ont représenté les manifestations de casseroles, s’est avérée
une stratégie efficace pour perturber l’ordre socio-spatial et économique de la ville
(Sewell Jr., 2001). Plusieurs articles évoquent la crainte vécue par les commerçants et les
acteurs économiques de la ville face aux perturbations économiques associées au
détournement temporaire des fonctions des lieux. Par exemple, les restaurateurs du
centre-ville attribuent aux manifestations quotidiennes la baisse de leur chiffre d’affaire.
La relation qu’entretiennent les manifestants avec l’espace se reflète également dans le
développement d’un savoir-faire propre au territoire urbain pratiqué. À l’image d’une
guérilla urbaine, les manifestants développent des réflexes et des stratégies : « On a laissé
le coin Saint-Denis et Sherbrooke à la police et on a évité la trappe. À l'avenir, ça ne
servira plus à rien de tenter de s'approprier des coins de rue, on va juste se faire arrêter »
rapporte un participant à une manifestation de nuit. La relative longévité du conflit a
donc mené à une escalade des affrontements et une complexification de ceux-ci. Le
nombre d’arrestations et d’amendes distribuées en reflète l’importance3 (Dupuis-Déri,
2013).
Conclusion
34
Au final, comment caractériser le répertoire d’action mobilisé lors des événements du
« Printemps érable » ? La collecte de données que nous avons réalisée nous permet
d’avancer, de manière préliminaire, ces quelques remarques. D’abord, la transformation
drastique des formes d’action collective est à rejeter. Somme toute, les modes d’action
répertoriés pendant la période à l’étude laissent entendre que le troisième répertoire,
comme cela est décrit par Péchu (2009), est toujours d’actualité. Or, des transformations
sont observables sur le plan de l’organisation des événements et des formes prises par les
regroupements sur le territoire. À l’image du texte de Juris (2012) sur le mouvement
Occupy, certaines actions, par exemple les manifestations de casseroles, ressemblent
davantage à un regroupement d’individus qu’à un regroupement de groupes. Le
« mécanisme » à l’œuvre ici, pour reprendre les termes de Tarrow et Tilly (2008), est celui
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Mouvement étudiant du printemps 2012 au Québec : exploration du répertoire d’...
d’une transformation du « processus » de mobilisation et la création de réseaux. En effet,
l’utilisation des médias sociaux, contrairement aux listes de diffusion par courriel, vient
changer la logique d’agrégation du mouvement et lui donne une nouvelle forme. Sur le
plan des revendications, deux échelles s’articulent, celle des revendications générales sur
le système capitaliste, l’environnement et la gestion des affaires publiques et celle du
droit de manifester et d’occuper l’espace urbain montréalais dans un processus de
montée en généralité.
35
Quelle est la place du territoire urbain dans tout ça ? L’exercice de recherche que nous
avons fait permet de mettre en évidence l’importance du territoire urbain comme
ressource stratégique des mouvements sociaux. En créant des routines spatiales dans les
quartiers centraux et péricentraux de la ville, les manifestants ont apporté une pression
supplémentaire sur les autorités en détournant les usages fonctionnels des lieux. À
l’image de leurs représentations territoriales, les espaces centraux de Montréal associés
au commerce international et à la finance ont fait l’objet de revendications« dans »laville.
Tandis que les quartiers péricentraux, à vocation résidentielle, sont devenus le théâtre de
manifestations qui revendiquaient de manière générale le droit d’être dans l’espace
public. En ce sens, les prestations publiques qui ont suivi l’adoption du projet de loi 78 ont
mis en évidence l’importance du territoire urbain comme enjeu des luttes sociales.
36
Avant de terminer, il est important de mentionner quelques limites de notre recherche et
de discuter de la validité de l’analyse événementielle. D’abord, des informations
provenant de travaux que nous effectuons dans le cadre d’une recherche au Laboratoire
Ville et espaces politiques de l’INRS nous laissent croire que les médias traditionnels
n’auraient fait qu’une couverture partielle des événements de protestation réalisés. Cette
observation a également été soulevée par Sauvageau et Thibault (2013). Nous posons alors
l’hypothèse que certains événements, organisés par des groupes plus marginaux ou moins
connus du public, n’ont pas profité de la même couverture que d’autres groupes, par
exemple les principales organisations étudiantes. Pour pallier cette lacune, l’analyse de
médias alternatifs, par exemple les radios et les journaux étudiants et des médias sociaux
comme Twitter ou Facebook, nous apparaît une solution, d’autant plus que les logiciels de
codage comme Nvivo permettent leur traitement. Les fils Twitter des services de police,
par exemple celui du Service de police de la Ville de Montréal, s’avèrent également une
source riche en informations et sont utilisés par certains journalistes dans la couverture
des événements.
37
En conclusion, cet exercice de recherche démontre la pertinence et la validité de l’analyse
événementielle à travers les articles de presse en tant que méthode de collecte de
données pour la recherche sur les mouvements sociaux. Même si les quotidiens « grand
public » présentent certaines lacunes du point de vue de la couverture des événements, la
presse écrite demeure une source importante d’information. Cet article met également en
lumière les différents rôles du territoire dans les campagnes de protestation. Il s’agit
d’abord d’un cadre et d’une ressource, les manifestants ayant déployé des stratégies sur le
territoire urbain afin de perturber temporairement la fonctionnalité de certains lieux.
Ces stratégies, concrétisées par la réalisation d’actions collectives, ont mené à une
intensification de la présence policière et à l’adoption du projet de loi 78. À partir de ce
moment, le territoire urbain se présente également comme un enjeu de la lutte. Il est
intéressant de mentionner que, si l’objectif du gouvernement était de désamorcer la
tension entre les manifestants et les autorités et mettre fin au conflit, tel que cela a été
suggéré dans les médias, l’adoption du projet de loi 78 semble avoir eu l’effet contraire.
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Mouvement étudiant du printemps 2012 au Québec : exploration du répertoire d’...
En effet, le droit d’occuper l’espace public est venu s’ajouter aux autres revendications
des manifestants et a motivé davantage de citoyens à descendre dans la rue. La montée en
généralité qui a accompagné ces événements a illustré la capacité de certains
mouvements sociaux urbains à s’engager dans des enjeux dépassant les limites de la ville
et l’importance stratégique du territoire urbain comme espace de revendication.
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Mouvement étudiant du printemps 2012 au Québec : exploration du répertoire d’...
NOTES
1. http://content.time.com/time/specials/packages/article/0,28804,2101745_2102132,00.html
2. Le projet de loi 78 (devenu la loi 12) déposé par le Parti Libéral le 17 mai 2012 visait
notamment à encadrer le droit de manifester en limitant la taille des rassemblements et en
forçant les organisateurs de manifestation à fournir un itinéraire de leur trajet à la police. Elle
prévoyait également des amendes pour les organisations et les individus qui ne se plieraient pas
à ces conditions.
3. Dans l’ouvrage collectif À qui la rue ? Répression policière et mouvements sociaux (2013), DupuisDéri dénombre 3504 arrestations en lien avec la grève étudiante pour la période comprise entre
le 16 février et le 3 septembre 2012. Selon ces chiffres, le nombre d’arrestations pour la période
du 17 au 24 mai 2012 inclusivement est de 922 et de 1045 si nous ajoutons les arrestations de la
nuit du 16 au 17 mai.
ABSTRACTS
In spring 2012, the city of Montreal and all of Quebec province were swept by the massive
mobilization of post-secondary students, in order to oppose the increase in tuition fees
announced by the Liberal provincial government of Jean Charest. What has become the longest
and largest student strike in Quebec history has turned into an unprecedented "social crisis". The
general objective of this paper is to characterize the repertoire of collective action put forward
by this movement with particular attention to the relationship between collective action and
urban territory of the city of Montreal. On a methodological standpoint, we want to participate
in the debate surrounding the use of print media and event analysis as a research strategy.
Au printemps 2012, la ville de Montréal et l’ensemble du Québec ont été balayés par la
mobilisation massive des étudiants de niveau postsecondaire, et même secondaire, qui
s’opposaient à la hausse des frais de scolarité annoncée par le gouvernement provincial libéral de
Jean Charest. Ce qui est devenu la plus longue et importante grève étudiante de l’histoire du
Québec s’est transformé en véritable « crise sociale » sans précédent. Cet article poursuit
l’objectif général de caractériser le répertoire d’action collective mis en avant par ce mouvement
en s’intéressant particulièrement à la relation entre ces actions collectives et le territoire urbain
de la ville de Montréal. Sur le plan méthodologique, nous voulons participer au débat entourant
l’utilisation de la presse écrite et de l’analyse événementielle en tant que stratégie de recherche.
INDEX
Mots-clés: analyse événementielle, Montréal, mouvement étudiant, mouvement social urbain,
territoire urbain
Keywords: protest event analysis, student movement, urban social movement, urban territory
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Mouvement étudiant du printemps 2012 au Québec : exploration du répertoire d’...
AUTHOR
MATHIEU LABRIE
Doctorant en études urbaines
Laboratoire Vespa
Institut national de la recherche scientifique UCS
[email protected]
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